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Édith FAGNONI

Introduction - Tourisme et patrimoine dans l’espace urbain : repenser les cohabitations

(76 (2021/1) - Tourisme et patrimoine dans l'espace urbain : repenser les cohabitations)
Editorial
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1Ce numéro thématique du Bulletin de la Société Géographique de Liège (BSGLg) consacré au tourisme et au patrimoine se propose d’examiner les relations ambivalentes entre ces deux objets d’étude en milieu urbain. Le tourisme et le patrimoine sont deux objets qui se coconstruisent et qui appartiennent au référentiel de la coproduction territoriale avec pour conséquence concrète un impact sur l’image, l’attractivité, la compétitivité, le vécu des lieux. À tel point que, depuis les années 2000, pour s’inscrire dans les flux mondiaux tout en exprimant son identité locale, les initiatives de City-Branding s’imposent de plus en plus dans les stratégies de gouvernance urbaine, prioritairement métropolitaine. Évoluant dans un univers urbain mondialisé et s’inscrivant dans une pratique de mise en scène, cette gestion de marque - au cœur d’un contexte multi-échelles - soulève la question du dualisme entre « être » et « paraître », support du rapport entre identité et image.

2Les processus de patrimonialisation et de touristification s’associent explicitement, si bien qu’à toutes les échelles, la ville est devenue une destination touristique à part entière produisant une grille de lecture multiforme agrégeant tourisme d’agrément, mobilités d’affaires, court séjour, vacances, tourisme de passage, excursionnisme, …. Au-delà de leur différence de situation, d’histoire, de taille démographique et économique, toutes les villes sont en train d’amplifier, d’inventer ou réinventer, de découvrir (voire redécouvrir) leur potentiel touristique et les opportunités de développement qu’il offre. Le tourisme urbain est un segment en croissance, qui continue d’être l’un des moteurs de l’économie touristique mondiale ; il s’arrime surtout à des arguments culturels lato sensu, intégrant des pratiques multiples : visites de monuments, musées, expositions, gastronomie, spectacles, festivals, sports, shopping, etc. et s’adresse de fait à des clientèles aux motivations diversifiées. Il s’est construit et diversifié, se présentant désormais comme un tourisme pluriel annualisé : la ventilation annuelle des flux entre le tourisme ou les mobilités d’affaires et le tourisme d’agrément n’est plus à démontrer. Cette articulation entre midweek et weekend est à l’origine de la croissance du tourisme urbain. Les escapades urbaines s’appuient sur la popularité du city-break, révélateur d’une nouvelle demande du « format court », qui tente à devenir une norme universelle.

3Ce jeu incessant entre le local et le global conduit au fait que toutes les villes essaient d’afficher leur valeur locale aux échelles nationales et internationales, et en même temps leur valeur nationale et internationale à l’échelle locale. Le global est dans le local et vice et versa produisant une « glocalisation » (Robertson, 1992)1, qui s’entend comme un niveau hybride entre le local et le global, et illustre une tendance affirmée de la mondialisation du tourisme. La glocalisation patrimoniale et touristique incarne-t-elle toutes les composantes de ce nouveau paysage urbain ?

4Le patrimoine est plus que jamais mis au rang des atouts touristiques corroborant prioritairement et traditionnellement le dialogue entre hyper-centre historique et hyper-centre touristique, questionnant de fait la production d’une ville souvent compacte, et confirmant - en écho au modèle urbain américain concentrant des activités à très forte valeur ajoutée financière et les services de proximité qui leur sont attachés, à savoir le Central Business District (CBD) - le rôle du tourisme dans le Central Tourist District (CTD) (Burtenshaw et al., 1991 ; Duhamel et Knafou, 2007)2 et du Tourist Business District (Getz, 1993)3.

5Aussi, l’attractivité patrimoniale s’inscrit de plus en plus dans une offre multiple, entre matériel et immatériel, et dans une géographie à géométrie variable, entre centre et périphérie, de même que l’est l’attractivité touristique de ces territoires. La continuité entre l’intra- et l’extra-muros est explicite : de nouveaux patrimoines et de nouveaux territoires urbains s’ouvrent au tourisme, néanmoins le tourisme continue à investir majoritairement les « espaces vitrines » en centre-ville. Que visitent les touristes ? Sur quelles modalités reposent leurs pratiques de visite ? Selon quels rythmes, quels itinéraires, quels choix ? De quelle manière construisent-ils et s’approprient-ils les parcours effectués ? Dans tous les cas, le lieu est investi et diverti par le tourisme.

6Ce double processus de patrimonialisation et de touristification se généralise, se globalise voire s’uniformise, entrainant souvent un bouleversement de l’ordre établi dans le fonctionnement des espaces concernés. Développer le tourisme et conserver le patrimoine : si le tourisme est souvent considéré comme un facteur clé du développement économique des territoires, il devient aussi synonyme de menace pour les héritages patrimoniaux. Entre recherche d’une fréquentation toujours plus importante et contingentement du nombre des visiteurs au profit des retombées locales, cette mise en économie n’est pas sans conséquences sur les modalités de gestion des biens culturels, du territoire et des modes d’habiter. La notion de coproduction et de cofréquentation de l’espace, support du partage des lieux, montre de plus en plus que l’équilibre entre les fonctions résidentielles, commerciales et touristiques peut s’avérer fragile. Les exemples de contestations se sont multipliés très rapidement avant la pandémie du Covid-19 ; ils renvoient à quelques interrogations essentielles : comment concilier développement touristique et protection du patrimoine ? En certains lieux symboliques, comment gérer une forte pression touristique ? Comment articuler la ville active et la ville touristique ? Comment intégrer, voire mieux intégrer, le tourisme dans la politique de la ville ?

7Les villes se positionnent dans le circuit du tourisme mondialisé : partout s’implantent les mêmes enseignes et s’ouvrent les mêmes boutiques, les villes ont tendance à s’aseptiser tout en se folklorisant. Des villes européennes se sentent submergées par les touristes : cantonné prioritairement aux destinations emblématiques comme Venise et Barcelone (Baron, 2017), le phénomène se diffuse rapidement, à l’exemple de Milan, Amsterdam, Dubrovnik, Prague, Budapest ou Lisbonne … le rapport au territoire devient explicite : trop de tourisme tue-t-il le tourisme ? Ce trop de tourisme est-il devenu facteur de consolidation de la gentrification de certains territoires centraux ? Le discours est violent : « tourist go home ». Face à une hostilité affichée, le procès est clair : le tourisme se trouve accusé d’anéantir les sociétés locales, de détruire le vivre en ville, de défigurer les paysages.

8Les mouvements anti-touristes portés par des résidents exaspérés se multiplient, ils marquent les limites d’une industrialisation du secteur. Au moment où la pandémie a « déboussolé » l’activité touristique dans la quasi totalité des pays du monde, produisant « un arrêt sur image » (Marcotte et al., 2020)4, cette dénonciation du surtourisme ou overtourism prenait de l’ampleur. Ce concept n’est pas réellement stabilisé scientifiquement mais il recouvre une réalité croissante du phénomène tourisme-loisirs, la tourismophobie s’affirme, dénonçant de nouvelles tensions urbaines identifiables autour du « vivre ensemble » (Ballester, 2018)5. Ces mobilités touristiques impactent les territoires de destinations et la vie de leurs résidents : des conflits d’usage se multiplient, il n’est pas toujours facile de vivre avec ces touristes qu’on a pourtant souvent désirés.

9À l’origine de l’amplification de cette situation, Internet, qui, en proposant des sites de location de logements entre particuliers à l’échelle de la planète, a modifié en quelques années la pratique touristique. Solidement ancrée dans cette économie de partage (ou économie collaborative), la plus connue des plates-formes de locations saisonnières de logements est désormais la plate-forme américaine Airbnb, qui a rapidement bouleversé depuis sa création en 20086, tant la pratique touristique que le marché immobilier, incarnant, d’une part, un nouvel esprit des destinations en proposant au touriste de se fondre dans la vie de l’habitant, et provoquant, d’autre part, la colère à la fois des habitants et du secteur hôtelier qui subit de plein fouet cette concurrence.

10Faut-il privilégier les visiteurs ou les habitants ? Cette situation soulève une double interrogation capitale, celle de l’habitat, certes inscrite de manière pérenne au cœur de l’agenda politique urbain, mais désormais renouvelée par cette nouvelle pratique de location saisonnière illustrant la recherche d’un nouveau modèle de tourisme plus convivial, plus authentique, corroborant une des formes d’un tourisme qui se veut alternatif7, et interrogeant la problématique de l’habiter, chère au géographe, distinguant trois champs d’analyse : l’espace habité, l’habitant, la cohabitation (Lazzarotti, 2006)8. Face à cette situation, nombreuses sont les villes qui se trouvent dans la nécessité de mesurer cet effet de la « Airbnbsation », dans l’urgence de réagir et de réguler ce processus. En 2017, Paris était devenue la première ville Airbnb au monde avec 8 millions d’utilisateurs, et la France la deuxième destination mondiale Airbnb

Cette évolution des pratiques touristiques dévoile une double réalité de la géographie du tourisme, celle articulée autour des lieux dits « classiques », emblématiques, connus, que l’on affiche comme incontournables et qui se présentent comme les lieux les plus « instagramés » - les 100 ou 1000 lieux qu’il « faut » avoir vus, renvoyant à une sorte de fondamentaux ou d’ADN de la géographie du Monde « à voir » - et une géographie du tourisme sans limites, ou hors limites, à la fois au sens de hors normes, celle des nouveaux lieux oscillant de l’extrême à la féérie en passant par ceux qui créent l’événement (du plus sombre - des twin towers en 2001 aux attentats de Barcelone en 2017 - aux plus insensés, improbables, voire glamour (de l’artificialisation des îles de Dubaï à l’inauguration du Louvre à Abu Dhabi en novembre 2017)), alimentés par l’actualité médiatique, et hors limites, au sens de hors norme de l’ « iconographie » touristique urbaine traditionnelle, inventant une géographie du tourisme de proximité, support d’un tourisme urbain hors des sentiers battus explorant les marges urbaines/métropolitaines et prenant appui sur des ressources urbaines atypiques et un patrimoine « de » banlieue, une association pourtant pendant longtemps impensable9.

Le tourisme contemporain, ses espaces et ses pratiques sont souvent décrits à partir d’une dichotomie entre « lieux extraordinaires » et « lieux ordinaires ». Serait-on sur le point d’opposer un « touriste ordinaire », celui qui consomme, visite, piétine, … et un « touriste extraordinaire » celui qui sélectionne avec circonspection les lieux pour y être avant tout le monde ? Il en ressort que le tourisme apparaît désormais davantage comme multiforme, se déclinant en différents types de lieux, impliquant des mobilités de portée variable, et non motivées uniquement par la figure patrimoniale du « haut-lieu » (Cominelli et al., 2018)10.

11Cette situation permet de dépasser la lecture souvent simpliste présentée dans les médias. Elle invite à examiner des principes forts dans la fabrique des territoires, à savoir poser les jalons d’une réflexion sur les modes et les usages de cohabitations du tourisme et du patrimoine dans l’espace urbain, comprendre cette relation de l’hyper-présence du tourisme aux lieux selon une variation de gammes à mobiliser, et réfléchir à une gouvernance touristique opérante.

12Le débat général lié à la réinvention du tourisme post crise sanitaire brutale du coronavirus ne peut faire l’économie d’un questionnement sur de nouvelles cohabitations entre tourisme et patrimoine dans l’espace urbain.  Depuis le 16 mars 2020 (date de l’annonce du premier confinement en France), la situation du confinement liée à cette crise sanitaire inédite a impacté sérieusement la question du développement : la crise a mis en évidence la fragilité d’une économie dépendante de l’hypermobilité. Le Covid-19 a paralysé le tourisme mondial. Mais parallèlement, il a aussi suscité un moment d’introspection favorable aux acteurs des villes et des territoires, donnant lieu ainsi à un temps de transition, en d’autres termes tenter de profiter de l’opportunité de ce temps « suspendu » afin de retrouver ses résidents et réfléchir à de nouvelles stratégies pour maîtriser les flux de visites. De la dénonciation d’un « sur-tourisme » à la réalité d’un « sous-tourisme », comment le tourisme va-t-il se réinventer ? La ville au prisme de la fièvre touristique et patrimoniale saura-t-elle se saisir de ce choc extrême provoquant une reproblématisation généralisée pour recadrer ses pratiques et apporter une meilleure régulation voire un changement soutenable ?

13Au regard des textes rassemblés dans ce numéro, le triptyque patrimoine - identité - territoires urbains se complexifie dès lors que le tourisme apparaît comme catalyseur et accélérateur de patrimonialisation.

14Paul Claval rappelle que le tourisme - forme de mobilité consubstantielle à l’Occident moderne - est né de la curiosité pour des ailleurs terrestres jugés indispensables à la formation du goût, à la construction des identités ou à la découverte de l’altérité, et que cette gamme des curiosités, tout comme l’extension des aires qui concernent le tourisme, n’ont cessé de s’élargir. Aussi, de manière globale, le tourisme touche à la fois des centres urbains (villes d’art et d’histoire et stations touristiques), des aires de peuplement rural et des solitudes. Les remises en cause qu’il connaît naissent à la fois des sur-fréquentations qu’il engendre et de la critique, en Occident ou ailleurs, de ses fondements.

15Tous les textes rassemblés dans ce numéro visent à penser et repenser les cohabitations entre tourisme et patrimoine dans l’espace urbain. Ils sont structurés autour de quatre axes, lesquels alimentent le paradigme de la destination urbaine. Le choix d’exemples volontairement le plus souvent inhabituels dans la hiérarchie touristique urbaine, à savoir hors des grandes vitrines touristiques citadines, permet de discuter selon des angles différents, complémentaires et originaux de ces cohabitations.

16L’axe 1 porte sur les pratiques des touristes en milieu urbain. Il permet de rappeler les interrogations essentielles et sans cesse requestionnées portant tant sur les espaces concernés que les lieux visités, les rythmes, voire les itinéraires de visites, afin de revisiter la question clé : comment les touristes construisent-ils et s’approprient-ils les parcours effectués ?

17À côté de destinations urbaines qui bénéficient d’une attractivité internationale, des villes de taille plus modeste voire des villes hors du champ des grandes destinations, avec un patrimoine moins reconnu voire parfois méconnu, élaborent, avec des succès variables, des stratégies de développement touristique. Les exemples traités sont variés.

18À partir de l’exemple de la ville de Liège en Belgique, la contribution de Symi Nyns, Émilie Crespin-Noël et Serge Schmitz permet d’appréhender de nouveaux modèles spatiaux à partir des pratiques des touristes et excursionnistes qui tissent un réseau de lieux dont la géographie est rarement connue par les gestionnaires urbains.

19La contribution de Sourou Augustin Amadoudji permet, quant à elle, d’identifier « l’infusion » des visites et pratiques du vodun dans les lieux de patrimoine et mémoire douloureuse de l’esclavage à Ouidah, pôle spirituel majeur en Afrique de l’Ouest au Bénin. Les rituels, la musique, les danses et les objets contribuent à articuler la fabrique des Dieux et progressivement la fabrique du tourisme.

20La contribution de Weldy Saint-Fleur et Laís Stefany De Carvalho Falca Lima éclaire les enjeux qui empêchent le tourisme patrimonial urbain à Haïti de se développer en se concentrant sur deux villes, Cap-Haïtien et Milot, région urbaine comprenant la plus forte densité de patrimoine culturel national et mondial, support de la touristicité culturelle haïtienne.

21L’axe 2 porte sur la question des politiques de marketing urbain : quelles actions et quelles modalités de communication ? Qui les met en œuvre ? Quel est le rôle du patrimoine dans ces actions et leur poids sur le développement du tourisme ?

22Solène Gaudin et Benoît Montabone abordent, à partir de la reconquête du centre ancien de Rennes, les questions portées par le double processus de patrimonialisation et/ou gentrification. Cette contribution discute l’articulation entre un dispositif de réhabilitation d’un centre ancien dégradé et un processus de mise en tourisme guidé par l’attractivité métropolitaine.

23Sandra Biondo mobilise l’exemple atypique de la maison de mode Jacquemus au regard de la gouvernance du tourisme urbain marseillais, permettant - plus globalement - de considérer le rôle joué par les industries créatives dans le(s) processus de marketing territorial.

24Alexia Gignon et Marie Delaplace abordent la préparation de Paris 2024 en croisant tourisme et image des quartiers populaires en Seine-Saint-Denis, l’un des principaux territoires hôtes de ce méga-événement. Ce territoire populaire, souvent associé à des images négatives, peut se saisir de cet événement - dès la phase de préparation des Jeux - pour valoriser son patrimoine et son tourisme.

25L’axe 3 porte sur les impacts du tourisme urbain et notamment sur la question des excès de la touristification : conflits d’usage dans le secteur résidentiel (à l’exemple des locations airbnb), dégradations (patrimoine, paysage...) provoquant contestations, voire mouvements anti-tourisme.

Hugo Périlleux, Mathilde Retout et Jean-Michel Decroly abordent, à partir du cas de Bruxelles, la gentrification touristique par la conversion de logements en meublés loués sur les plateformes Airbnb et HomeAway. À rebours des conceptions de l’économie collaborative ou du partage, cet article soutient que le développement des hébergements touristiques sur les plateformes, résulte plutôt de l’existence d’un différentiel de rente (rent-gap) et qu’il est indispensable d’en analyser les effets sur le marché résidentiel.

26Ana Rita Albuquerque et Dominique Crozat traitent du cas de Porto au Portugal à partir de l’utilisation généralisée de la photographie mobile et des réseaux sociaux. Cette analyse propose de questionner le potentiel du numérique et du mobile turn dans la création et la circulation des images sur le patrimoine urbain. Les résultats de cette enquête révèlent à travers la photographie mobile et les réseaux sociaux, les engagements, les mémoires, les émotions et les valeurs qui cohabitent entre tourisme et patrimoine. Ils permettent d’obtenir des informations importantes sur les représentations des enquêtés envers leur patrimoine, ainsi que sur les contributions des résidents et des visiteurs aux mouvements de repatrimonialisation des quartiers centraux de la ville de Porto.

27Sara Ouaaziz, après avoir rappelé que la médina de Marrakech est devenue un haut-lieu du tourisme mondial, montre qu’elle évolue en permanence pour satisfaire les touristes, le plus souvent aux dépens des populations locales. À partir de la multiplication récente de micro-musées au cœur de la médina marrakchie, cette contribution se propose d’analyser cette relation ambivalente habitants-touristes.

28Enfin, l’axe 4 porte sur des tentatives de régulation en vue de concilier développement touristique et protection du patrimoine : qui ? où ? comment ? Quel équilibre possible entre les fonctions résidentielles, commerciales et touristiques ? En certains lieux symboliques, comment gérer une forte pression touristique ? Comment articuler la ville active et la ville touristique ? Comment intégrer le tourisme dans la politique de la ville ? La crise coronavirusienne est-elle en passe de repenser et mieux réguler cette cohabitation ? Quelles reconfigurations touristiques pourra-t-elle engendrer ?

29Patrick Eveno et Philippe Bachimon abordent le contexte de l’actuelle pandémie à partir de la société phare du secteur touristique, leader dans son domaine, Airbnb, venant d’effectuer son entrée en bourse, et ayant vu - paradoxalement avec la crise - sa valorisation théorique tripler pour atteindre symboliquement les 100 milliards de dollars. On peut s’en étonner. Cette société, startup de l’économie dite collaborative, repose sur un concept d’intermédiation dans le secteur de l’hébergement touristique et particulièrement dans l’hébergement chez le particulier. Ce phénomène devenu sociétal, a bouleversé la territorialité touristique et les relations de voisinage. L’analyse du cas de Paris apporte un éclairage sur ce phénomène. Les auteurs montrent qu’avec Airbnb, tout Paris intra-muros est en passe de devenir touristique.

30L’article de Marie-Alix Molinié, à partir de l’objet musée et plus particulièrement du musée du Louvre, pose la question des musées face au Covid-19 : quelle(s) cohabitation(s) possible(s) ? Cette contribution questionne la manière dont ces institutions peuvent s’adapter aux politiques restrictives et à une baisse de la circulation des individus à un niveau international tout en imaginant de nouvelles formes de cohabitations pour perdurer. Le parti pris de cette contribution n’est pas de présenter un résultat de recherche effectué avant la crise, mais de constater à partir des enquêtes menées par le Conseil International des Musées (ICOM) et le Network of European Museum Organisations (NE-MO), les actions mises en place par les musées en Europe et à l’international pour pallier à la crise en cours. Cette analyse est complétée par le rapport de l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) pour tenter de mettre en perspective les réalités d’expérience des musées sans ou avec peu de touristes dans un changement de paradigme profond.

31Stéphanie Bost, travaillant sur les projets de valorisation touristique participative, notamment au travers des balades urbaines dans le contexte de Lille, propose une mise en récit - par les habitants - des quartiers populaires. L’objectif de cet article est de mettre en valeur la dimension collective dans la construction d’un récit touristique. Il souligne l’intérêt de mobiliser les différents modes de vivre un territoire en s’appuyant sur des dispositifs participatifs, dits de co-design, que sont les cartes et balades urbaines, invitant à envisager de nouvelles formes de tourisme de proximité.

32Edith Fagnoni, éditrice scientifique de ce numéro, remercie Bernadette Mérenne-Schoumaker, éditrice scientifique du Bulletin de la Société Géographique de Liège pour cette invitation à diriger ce numéro du BSGLg.

331Glocalisation : traduction du néologisme anglais formé par l’association de la « globalisation » et la « localisation ». Roberson, R. (1992). Globalization: Social Theory and Global Culture, Londres: Sage Publications.

342Central District Tourist: Burtenshaw, David, Michael Bateman et Greg Ashworth, (1991). The European City, Londres: David Fulton Publishers; Duhamel Ph. et Knafou R., (2007). « Le rôle du tourisme dans la construction et le fonctionnement de la centralité parisienne », In Legoix R. & Saint-Julien Th., La métropole parisienne. Inégalités, centralités, proximités. Paris, Belin, coll. Mappemonde.

353Getz David, (1993). « Planning for Tourism in Business Districts », Annals of Tourism Research, vol. 20, no 4, p. 583-600. DOI : 10.1016/0160-7383(93)90011-Q

364Pascale Marcotte, Mohamed Reda Khomsi, Isabelle Falardeau, Romain Roult and Dominic Lapointe, (2020). « Tourisme et Covid-19 », Téoros. Online since 04 November 2020. URL : http://journals.openedition.org/teoros/7976

375Patrice Ballester, (2018). « Barcelone face au tourisme de masse : « tourismophobie » et vivre ensemble », Téoros [En ligne], 37, 2, mis en ligne le 28 mai 2018. URL : http://journals.openedition.org/teoros/3367

386La plateforme d’hébergement touristique entre particuliers a vu le jour en 2008, elle a atteint – 10 ans plus tard – 4 millions d’annonces.

397Ralph Buckely définit le tourisme alternatif comme “a term used in the official tourist litterature to denominate an alternative to mass tourism or main tourism. Indeed, it is well to distinguish any form of tourism centered on a small market or any product that may not be distributed or relayed by traditional travel agencies”.

408L’habiter comme concept central de la géographie renvoie à une géographie profondément humaniste croisant l’ancrage territorial (l’espace habité) et les modes d’habiter (et de cohabiter) incluant les rapports aux lieux, les pratiques, les représentations, renvoyant à la dimension de l’expérience humaine du monde. Olivier Lazzarotti, (2006a). « Habiter, aperçus d’une science géographique », Cahier de géographie du Québec, Vol. 50, n°136, https://doi.org/10.7202/012936ar ; Olivier Lazzarotti, (2006b). Habiter la condition géographique, Paris : Belin, coll. Mappemonde.

419Maria Gravari-Barbas et Marie Delaplace (2015). « Le tourisme urbain « hors des sentiers battus » », Téoros, 34, 1-2 | 2015, mis en ligne le 14 juin 2016. URL : http://journals.openedition.org/teoros/2790

4210Francesca Cominelli, Edith Fagnoni, Sébastien Jacquot (2018). Les espaces du tourisme et des loisirs : entre ordinaire et extraordinaire. Bulletin de l’Association de Géographes Français (BAGF), 95 (4), 431-441.

Pour citer cet article

Édith FAGNONI, «Introduction - Tourisme et patrimoine dans l’espace urbain : repenser les cohabitations», Bulletin de la Société Géographique de Liège [En ligne], 76 (2021/1) - Tourisme et patrimoine dans l'espace urbain : repenser les cohabitations, 5-10 URL : https://popups.uliege.be/0770-7576/index.php?id=6200.

A propos de : Édith FAGNONI

Professeure en Géographie, Présidente de l’AGF (Association des Géographes Français), Membre du Laboratoire Médiations, Sciences des lieux – Sciences des liens, Sorbonne Université, Membre associé du Laboratoire EIREST (Équipe interdisciplinaire de Recherche sur le Tourisme), Université Paris1 – Panthéon-Sorbonne, e.fagnoni@wanadoo.fr

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