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Commentaire
Normes, déviances et pouvoir : entre dire et non-dits
Inhoudstafel
1Dans ce numéro de la revue MethIS, le groupe « Intersections » a choisi d’interroger, à travers la perspective pluridisciplinaire qui le caractérise, les rapports entre les normes sociales et toutes les formes de transgression qu’elles connaissent et qui sont appréhendées ici sous la catégorie de « déviances ».
2Transgression, déviance, marginalité, hétérodoxie, insurrection… les termes ne manquent pas pour désigner des comportements ou des idées qui vont à l’encontre de ce qui est socialement construit comme normal ou acceptable. Chacun de ces termes présente, au-delà de leurs traits sémantiques communs, des connotations particulières liées à ses emplois habituels et aux réseaux lexicaux auxquels il appartient – soit les mots auxquels il est associé ou auxquels il s’oppose. Ainsi, en français du moins, le terme « déviance » renvoie-t-il sans doute en priorité, dans les usages courants, à des formes de transgression progressives, non planifiées, qui s’éloignent petit à petit des comportements majoritaires et attendus, sans nécessairement se construire en opposition frontale aux normes en vigueur. Ceci étant, l’acception du terme « déviances » retenue dans ce numéro est plus large et le point de vue proposé, volontairement englobant : les articles qui le composent traitent de différences, d’écarts par rapport aux normes de façon générale, sans se focaliser sur les formes de transgression qui constituent les objets prototypiques de la sociologie de la déviance (addictions, comportements délictueux, etc.).
Penser les déviances pour interroger les normes
3Cette tradition sociologique inspire cependant les contributions de ce volume qui reprennent à l’interactionnisme symbolique de Howard Becker l’idée selon laquelle les comportements ne sont pas en soi déviants ou non, mais qu’ils peuvent le devenir en fonction de la manière dont s’établissent les normes et dont sont étiquetées et sanctionnées les pratiques qui s’en éloignent1. Observant les manières d’interagir des élèves dans certains dispositifs participatifs au sein de leur établissement scolaire, Vincent La Paglia met ainsi en évidence que tous les écarts par rapport aux règles de fonctionnement du groupe ne sont pas traités comme des déviances, mais qu’ils peuvent aussi être considérés comme des « innovations ». Sans être toujours interactionniste au sens le plus étroit2, la perspective retenue dans les articles présentés est bien fondamentalement relationnelle et interactionnelle plutôt que substantialiste et essentialiste : il s’agit en effet de penser les processus qui conduisent à la construction et à l’étiquetage de certains comportements et individus comme déviants et non de considérer que la « déviance » est liée intrinsèquement à certaines propriétés de ces comportements et individus.
4Pour qu’il y ait « déviance », il faut donc des acteurs qui adoptent des comportements non conformes aux normes dominantes, mais aussi d’autres acteurs qui les considèrent et les sanctionnent comme tels. C’est en particulier ce second groupe qui est l’objet des réflexions des auteurs et autrice de ce volume : le principal fil rouge qui relie leurs textes, ce sont les normes par rapport auxquelles se définit la « déviance », les instances qui les établissent – « les entrepreneurs de morale » dans la terminologie de Becker – et plus encore les processus par lesquels ces normes se construisent et s’imposent. Plutôt que d’être appréhendée comme un problème à résoudre, la déviance apparaît alors comme un objet qui permet de penser la manière dont les normes sont établies et qui permet de les révéler, dès lors qu’on se sert de la déviance pour penser et rendre visibles les normes qui l’instituent. Autrement dit, penser les contours de la déviance permet de penser les contours de la norme, et inversement. En ce sens, l’analyse proposée par Aurélien Bourgaux illustre bien le fait que la condamnation de certains hérétiques par les Réformés au xvie siècle leur permet de consolider leur doctrine comme une nouvelle orthodoxie, tandis que le texte de Bastien Bomans souligne combien la redéfinition des normes en matière de sexualité, qui permet aujourd’hui de légitimer certaines pratiques affectives et sexuelles autrefois jugées déviantes, s’accompagne nécessairement d’une redéfinition des contours de la déviance.
5Ce faisant, les contributions rassemblées par Bruno Dupont, Jérôme Flas, Laura Gerday, Elise Schürgers et Rahel Teicher prennent leurs distances par rapport à une approche normative de la déviance : comme le souligne l’introduction au volume, il s’agit de se méfier de notre propension à percevoir le « déviant » à l’aune de nos cadres moraux ou de nos systèmes de valeurs particuliers, et de questionner de façon critique la hiérarchisation entre les comportements « normaux » et « déviants ». Bien qu’elle ne soit pas systématiquement abordée de front, cette prise de distance critique fait affleurer inévitablement la question du pouvoir : pouvoir de fixer, pour un temps au moins, la frontière entre le normal et le déviant, de faire reconnaître socialement, y compris par les déviants eux-mêmes, la distinction et la hiérarchisation entre les pratiques déviantes et les autres, et partant entre les groupes qui les adoptent ; et dès lors rapports de pouvoir entre les groupes sociaux qui luttent pour redéfinir cette frontière de manière à légitimer leurs propres pratiques – parfois en délégitimant celles des autres. En ce sens, aborder le couple normes-déviances de manière relationnelle et critique, c’est remettre au cœur de l’analyse le conflit social qui structure nos sociétés, c’est repolitiser cette question de la norme et de la déviance, dans un contexte contemporain où la dépolitisation apparaît comme une tendance de fond3.
Discours sur la norme/déviance et pouvoir symbolique
6Si l’institution de la frontière entre les normes et les déviances se fonde sur un pouvoir, il s’agit bien d’un pouvoir « symbolique », c’est-à-dire un pouvoir qui, tout en s’inscrivant bien sûr dans la matérialité du réel, repose sur un travail sur la signification de ce réel. On ne s’étonnera pas dès lors de voir que plusieurs articles de ce numéro portent une attention particulière au discours : c’est par le langage verbal, et plus largement à travers l’ensemble des pratiques sémiotiques, que nous pouvons construire les pratiques sociales en tant que normales ou déviantes. Plusieurs contributions s’intéressent ainsi à des discours qui disent la déviance et/ou la norme, en nommant certaines pratiques ou certains individus/groupes, ou en les qualifiant de différentes manières, dans des formes qui se veulent neutres mais aussi par exemple dans des insultes. Le discours peut alors être utilisé pour identifier, marquer la frontière entre le normal et le déviant, d’une manière explicite et affirmative, en s’opposant notamment à d’autres discours et d’autres conceptions de cette frontière – comme on le voit par exemple dans le texte d’Aurélien Bourgaux ou dans celui de Fabio Fortes sur le traitement de certaines variations linguistiques par les grammairiens latins.
7À travers l’analyse qu’en propose Marie Viérin, le discours littéraire apparaît quant à lui comme un lieu particulier de (dé)construction du normal et du déviant, comme un « espace de négociation » ou de « perturbation des frontières entre norme et marge ». Par l’intermédiaire des personnages qu’elles mettent en scène dans leurs textes, les autrices étudiées par Marie Viérin font en effet s’affronter plusieurs voix, plusieurs points de vue sur la normalité ou l’anormalité du désir homosexuel féminin. Elles ouvrent ainsi progressivement à des visions alternatives de la déviance en matière de sexualité et dès lors à une redéfinition des normes, tantôt en réinterrogeant prudemment les modèles dominants par le simple fait d’envisager, malgré tout, d’autres possibles – lorsque le personnage vit sa déviance comme une transgression coupable, de sorte que cette déviance conduit à réaffirmer le poids incompressible de la norme –, tantôt en donnant à voir une véritable subversion de la norme hétérosexuelle – quand l’héroïne du récit procède à un retournement complet de la hiérarchie entre le normal et l’anormal et vit son désir homosexuel comme le seul qui soit normal et considère les autres comme étranges, incompréhensibles et anormaux. Les exemples retenus par Marie Viérin montrent bien que la possibilité pour les personnages d’assumer leur désir « déviant » dépend des rapports de force entre les différentes conceptions de la norme qui s’affrontent au sein de leur environnement, tout comme du reste les stratégies littéraires des autrices elles-mêmes et la force de leur transgression des normes sociales de leur époque dépendent de la manière dont elles se situent au sein d’un champ social, et d’un champ littéraire en particulier, marqué par des rapports de pouvoir entre différents groupes et entre leurs imaginaires normatifs.
8L’espace discursif est donc un espace de lutte entre discours, et un espace clé où se joue le conflit autour de la définition légitime des normes, puisqu’elle ne s’impose pas à travers l’affirmation d’un point de vue particulier qui se ferait accepter par la force, mais bien à travers un travail sur les significations, sur les représentations, notamment par l’argumentation et la discussion, mais aussi par les ressorts de l’imaginaire et de l’identification, qui doit conduire à la reconnaissance de la supériorité intrinsèque d’une définition de la norme censée s’appliquer à tous.
9Ceci étant, l’importance des discours dans l’institution des normes et des déviances réside sans doute moins dans tout ce que les discours affirment à ce propos que dans tout ce qu’ils suggèrent ou présupposent. Le pouvoir de ces discours, au sens de leur capacité à faire reconnaître la vision du monde qu’ils véhiculent, repose en ce sens avant tout sur le fait de s’appuyer sur des catégories et sur un imaginaire global, qui peuvent être posés en discours comme allant de soi parce qu’ils ont déjà réussi à s’imposer socialement, parce qu’ils font déjà partie de la doxa, du sens commun. Que ce soit à travers des « formules4 », des métaphores, des dénominations, ou d’autres procédés discursifs impliquant la coopération de l’interlocuteur, l’énonciation elle-même indique, rappelle, institue l’horizon normatif à l’intérieur duquel on peut discuter de certaines normes, cet ensemble de principes ou de « méta-valeurs » qui constitue le cadre de référence indiscuté délimitant le champ de ce qui peut être questionné dans une société donnée. En usant de l’ironie, le discours du réformateur Théodore de Bèze analysé par Aurélien Bourgaux indique à ses lecteurs qu’il existe un cadre de référence posé comme évident et comme partagé qui doit être accepté pour saisir cette ironie et donner du sens aux propos de l’auteur. L’implicite du discours, le non-dit, renvoie en ce sens à des normes en tant que déjà-là incontestable, les reproduit, plus qu’il ne les affirme ou ne les construit, et il profite ainsi aux forces qui soutiennent l’existant, l’ordre social, par opposition à celles qui s’efforcent de redéfinir les normes et doivent rompre pour cela au moins en partie avec les évidences du sens commun et donc avec les conventions instituées en discours.
10Dans le même sens, on peut constater, à la lecture du texte de Fabio Fortes, que la discussion par Priscien des contours de la norme linguistique ne se fait pas sans poser comme indiscutable un méta-cadre normatif : tout en affirmant la légitimité de certaines formes latines qui, bien que non conformes à la « logique » de la langue, relèvent de « l’usage », le grammairien Priscien pose comme évidente et comme indiscutable l’idée selon laquelle certaines formes seraient incorrectes parce « qu’on ne les dit pas » (« non dicimus »). Or, aujourd’hui encore, la formule « on ne dit pas x en français/anglais/etc. » pose l’existence d’un groupe bien délimité (le « on »), dont les usages sont homogènes et servent de référence incontestable, alors même que, par définition, cette formule n’a de sens que si certains locuteurs utilisent la forme « x », ce qui implique bien que « quelques-uns disent x en français/anglais/etc. » – mais qu’ils sont de facto exclus du « on ». En d’autres termes, en disant « on (ne) dit (pas) x » le discours charrie certes une observation et en dérive une proposition normative explicite (il faut/ne faut pas considérer la forme x comme légitime), mais il entérine aussi, sans le dire, un imaginaire relatif au groupe dont le locuteur fait partie et auquel il s’adresse. En matière de norme linguistique comme en ce qui concerne l’ensemble des comportements sociaux, la discussion sur la norme, sur ce qui est correct, juste, ordonné ou bien formé – sur ce qui serait droit (straight) en somme – présuppose en général qu’il est possible d’identifier objectivement des critères pour définir ce qui serait en soi correct, juste et ordonné, présuppose que ces catégories elles-mêmes vont de soi, là où, comme le montre Bastien Bomans, la pensée queer va précisément s’employer à questionner l’existence de ces catégories, à s’éloigner du cadre qu’elles instituent dès lors qu’on les mobilise.
11Le langage est donc un terrain de luttes discursives qui peuvent contribuer à rendre visible le conflit entre différentes visions du monde et différentes conceptions de la norme, mais aussi voire surtout un medium qui participe à oblitérer le caractère arbitraire et socio-historique des normes. On comprend dès lors pourquoi Pierre Bourdieu appréhende les phénomènes de domination comme des phénomènes de « domination symbolique5 » : les rapports de domination doivent s’appuyer sur la dimension symbolique pour se légitimer, et plus précisément pour arriver à masquer le caractère arbitraire des normes que le pouvoir impose et la violence qu’il exerce ce faisant, et parvenir à ce que ces normes, par le travail du langage et les catégories qu’il véhicule et entérine, apparaissent comme évidentes voire naturelles – et ne soient dès lors pas remises en question. Selon Pierre Bourdieu, le pouvoir (ou la violence) symbolique est un pouvoir d’imposer un univers de sens – des « catégories », des « principes de vision et de division du monde social », des « schèmes de perception » – de manière à se faire oublier en tant que pouvoir, à ce que le processus d’imposition d’une vision du monde particulière n’apparaisse plus que comme une description du réel lui-même. Ainsi, la vision homogénéisante des langues, par exemple, peut s’appuyer sur toute une série d’expressions métaphoriques, qui sont disponibles parce qu’elles circulent déjà dans l’espace discursif et dans l’imaginaire collectif, et qui posent comme évidente l’image de la langue comme une réalité ayant une intégrité physique, à l’instar d’une personne (on parle ainsi d’usages qui « mutilent » ou « défigurent » le français, de formes qui « l’appauvrissent » ou « l’enrichissent », etc.).
Normativité, condition anarchique et geste critique
12Sachant que la définition des normes est forcément un acte de pouvoir, sachant qu’elle suppose nécessairement la définition de comportements hors normes, déviants, et partant l’exclusion de ceux-ci et des individus qui les adoptent du champ de la (pleine) légitimité, faut-il en appeler à rejeter toute normativité au profit d’une injonction (paradoxale) à la déviance, au nom de l’émancipation individuelle et collective ? Si elles permettent de montrer que toute norme peut par définition être excluante et violente pour ceux qui s’en écartent, les contributions de ce volume évitent cet écueil qui consisterait à procéder à une célébration un peu naïve de la déviance et à perdre de vue le poids et le rôle des normes dans nos sociétés.
13Comme on l’a déjà souligné plus haut en évoquant l’article de Bastien Bomans, la requalification d’une déviance en tant que comportement légitime et la redéfinition de la norme qui s’ensuit, conduisent à déplacer plutôt qu’à atténuer ou à supprimer les frontières entre le normal et le déviant. Il est rare en ce sens que la remise en question de certaines normes ne laisse pas d’autres normes dans l’antichambre du questionnement critique, comme autant de points aveugles qui se dérobent à toute discussion. Ainsi, tout comme le grammairien Priscien institue une définition normative de l’usage en discutant la norme du « bon usage » latin (Latinitas ; voir le texte de Fabio Fortes), le personnage le plus subversif de ceux étudiés par Marie Viérin, qui assume le plus clairement le renversement de la norme hétérosexuelle, épouse et reproduit néanmoins les normes dominantes qui définissent la « féminité » et la « masculinité » comme des catégories opposées et étanches.
14Par ailleurs, il serait réducteur d’envisager les normes uniquement comme des instruments qui servent à diviser et à exclure. À cet égard, l’article de Vincent La Paglia vient rappeler fort à propos que les normes servent aussi à inclure : par exemple à instituer des principes de fonctionnement dans les interactions en classe qui visent à permettre à chacun de prendre la parole. Une norme peut en ce sens condamner et décourager certains comportements pour que d’autres puissent exister, limiter la liberté des uns pour augmenter celles des autres.
15Sur un plan plus théorique, on peut considérer avec Frédéric Lordon qu’il n’est pas possible de se maintenir dans ce qu’il appelle la « condition anarchique6 » : certes nos systèmes de valeurs et nos principes normatifs n’ont pas de fondement en soi et n’ont aucun ancrage substantiel et objectif, ils ne sont en ce sens que le produit des processus sociaux par lesquels nous construisons la valeur que nous attribuons à certains objets ou comportements (ce que Frédéric Lordon appelle nos « investissements passionnels »), mais il nous faut nécessairement investir certaines réalités de sens et de valeur, les considérer comme désirables, et éventuellement comme plus désirables que d’autres. Il y aura en ce sens toujours de la normativité et a minima de la normativité permettant de définir le cadre dans lequel on peut discuter de la manière de gérer les conflits de valeurs ou les conflits pour ce qui a de la valeur.
16Sur un plan politique, la question n’est donc pas d’être pour ou contre les normes, mais plutôt de se demander comment on définit collectivement les normes qui vont régir la vie en société – et en particulier les normes fondamentales qui vont définir la participation à la discussion sur les normes – selon quels rapports de pouvoir, et avec quelles conséquences pour quels groupes ou individus. À cet égard, l’analyse de Vincent La Paglia montre bien que la norme n’est pas une simple violence arbitraire si son fondement peut être explicité et discuté, si elle constitue une contrainte au service de toutes et tous plutôt qu’une entrave arbitraire à la liberté de certains, et qu’elle peut alors donner lieu à des écarts formels qui ne sont pas des déviances parce qu’ils respectent le principe qui sous-tend la norme, ou son esprit, à défaut d’en respecter la lettre. En d’autres termes, l’enjeu politique consiste à pouvoir interroger, questionner, discuter le processus même de définition des normes et de leurs transgressions, ce qui suppose de le rendre visible.
17En refusant de se positionner du côté de la norme ou de la déviance, en assumant le caractère dialectique de cette opposition, les autrice et auteurs de ce numéro donnent ainsi toute sa pertinence au geste critique qui occupe une place importante dans certaines définitions (elles aussi empreintes de normativité) de ce qu’est la recherche, en particulier en sciences humaines et sociales. Ils nous invitent constamment à conserver ce regard critique sur les normes, y compris celles qui nous semblent les plus familières et les plus évidentes, y compris celles qui gouvernent nos pratiques scientifiques et qui nous servent à définir ce qui peut relever du domaine du savoir, non pour les annuler, mais pour pouvoir critiquer sans relâche les processus sociaux et les rapports de pouvoir qui les fondent. Si la perspective queer consiste en une « chasse aux points aveugles » et constitue un « outil de déconstruction » comme le rappellent respectivement Bastien Bomans et Marie Viérin, on peut dire qu’en matière de normes et de déviances, tout chercheur en sciences humaines et sociales gagne à adopter ce regard oblique qui favorise le point de vue critique. C’est en tout cas à l’adoption de cette posture critique et réflexive que nous invitent, avec conviction, les contributions de ce numéro.
Voetnoten
1 Becker, H.S., Outsiders : Studies in the Sociology of Deviance, New York, The Free Press, (1963).
2 Au sens où elle chercherait alors à rendre compte de la constitution de la norme principalement voire uniquement à partir de ce que les acteurs sociaux (se) font dans la séquentialité de l’interaction et non à partir de la manière dont ces acteurs et cette interaction sont construits socialement et prennent sens en fonction de mécanismes sociaux qui échappent au strict cadre interactionnel.
3 Cussó, R., Dufresne, A., Gobin, C., Matagne, G., et Siroux, J.-L. (dir.), Le Conflit social éludé, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, (2008).
4 Krieg-Planque, A., La Notion de « formule » en analyse du discours. Cadre théorique et méthodologique, Paris, Presses universitaires de Franche-Comté, (2009).
5 Bourdieu, P., Raisons pratiques. Sur la théorie de l’action, Paris, Seuil, (1994) ; Bourdieu, P., Langage et pouvoir symbolique, Paris, Seuil, (2001).
6 Lordon, F., La Condition anarchique, Paris, Seuil, (2018).