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- Volume 6 (2019) : Crises
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La Célestine au Mexique : de la crise identitaire à la crise historique
Résumé
Le roman Areúsa en los conciertos (2002) d’Angelina Muñiz-Huberman se construit sur un véritable réseau de clins d’œil à La Célestine, œuvre classique du panthéon littéraire espagnol. Cette étude examine la portée et les fonctions de ces jeux intertextuels dans ce texte mexicain. D’une part, les références célestinesques provoquent une crise existentielle du personnage éponyme qui, confronté à sa source littéraire, en vient à questionner son identité et son cadre spatio-temporel. Nous verrons que ce questionnement peut être interprété au regard de la poétique de l’exil d’Angelina Muñiz-Huberman. D’autre part, afin de dépasser cet état de crise, l’Areúsa mexicaine cherche à se redéfinir en récupérant des composantes de l’Areúsa mediévale, prostituée de La Célestine définie par son érotisme assumé et sa non-conformité sociale.
Table des matières
1La Célestine de Fernando de Rojas, œuvre canonique de la littérature espagnole de la toute fin du xve siècle, a été recréée, de façon parfois très libre, par la fiction espagnole et hispano-américaine des xxe et xxie siècles. Parmi ce corpus, une série de textes mobilisent leur hypotexte classique pour questionner leur temps1. C’est notamment le cas du roman Areúsa en los conciertos de la Mexicaine Angelina Muñiz-Huberman, dans lequel le recours à l’intertextualité déclenche une crise ontologique chez le personnage-narrateur, via le morcellement identitaire que provoque la prise de conscience de son nom intertextuel. Parallèlement, cette problématique identitaire va engendrer une réflexion sur les contextes de crise historique du xxe siècle : la Shoah, la guerre civile espagnole et les exils en résultant. C’est ce processus que nous nous proposons d’aborder dans cet article afin de mieux comprendre la dynamique intertextuelle sous-jacente au roman de Muñiz-Huberman et sa fonction dans la problématisation de la notion de crise, tant existentielle qu’historique.
1. Contours de l’Areúsa originelle
2Pour les hispanophones, La Célestine constitue, au même titre que Don Quichotte ou Don Juan, un classique de la littérature espagnole. Le monde francophone, quant à lui, n’est en général pas aussi connaisseur des aventures de cette mère maquerelle que des péripéties vécues par le chevalier à la triste figure ou par le fameux burlador. Tentons d’y remédier dans la mesure de nos modestes moyens : La Célestine, également connue, dans sa dernière version2, comme Tragicomédie de Caliste et Mélibée, est une longue fiction dialoguée qui serait née de la plume de Fernando de Rojas à la croisée des xve et xvie siècle3. Cette œuvre raconte comment une mère maquerelle nommée Célestine orchestre une relation amoureuse entre deux jeunes nobles, Caliste et Melibée. Areúsa est quant à elle une prostituée du récit qui travaille globalement en autonomie mais qui est parfois sollicitée par Célestine, notamment pour l’aider à s’attirer la complicité de Pármeno, serviteur de Caliste.
3Dans la version tragicomique, Areúsa passe, au fil des 21 actes, du statut de personnage secondaire à la position de véritable protagoniste, puisque c’est sa volonté de vengeance qui va provoquer l’accident mortel de Caliste et, à la suite de celui-ci, le suicide de Mélibée. À l’acte XV, Areúsa planifie en effet avec Elicia, prostituée au service de Célestine, de se venger du couple que les deux courtisanes jugent coupable du décès de leurs amants, Sempronio et Pármeno (tous deux serviteurs de Caliste), et de la mort de Célestine elle-même. Si la figure d’Areúsa a intéressé la critique4, c’est avant tout parce que cette prostituée étonne, dans La Célestine, de par ses discours enflammés sur l’odieux traitement que les dames font subir à leurs servantes et sur l’injustice des disparités sociales. Elle en arrive même à rejeter virulemment le critère généalogique de l’aristocratie puisque, comme elle l’expose à l’acte IX, selon elle la noblesse doit être celle des actes et non celle de la lignée : « On ne naît pas noble, on le devient ; en fin de compte, nous sommes tous fils d’Adam et Ève. Que chacun fasse ses bonnes œuvres et n’aille pas chercher sa vertu dans la noblesse de ses aïeux5. » Le personnage d’Areúsa tel que créé par Rojas représente ainsi une prostituée rebelle qui affirme son individualisme et revendique son indépendance ainsi que son droit à user de son corps comme bon lui semble. Plusieurs chercheurs ont d’ailleurs souligné la dimension féministe avant la lettre de ce personnage6. Areúsa est en effet la seule courtisane de La Célestine qui travaille seule, et échappe donc, à quelques exceptions près, à la mainmise de la mère maquerelle ou d’un souteneur.
2. Une Areúsa mexicaine du xxe siècle : intertextualité et crise identitaire
4Paru en 2002, Areúsa en los conciertos est un roman d’Angelina Muñiz-Huberman. Comme le signalent Walde Moheno et Reinoso Ingliso (2014 : 4), cette écrivaine d’origine espagnole et de nationalité mexicaine, professeure à l’Universidad Nacional Autónoma de México, occupe une place de choix dans les lettres hispano-américaines de la fin du xxe siècle et du début du xxie. Véritable polygraphe, Muñiz-Huberman s’est illustrée tant à travers sa carrière d’enseignante et de chercheuse — elle a notamment consacré divers cours et travaux à la relation entre judaïsme et littérature hispanique — qu’à travers la publication de nombreux romans, recueils de contes et de poésie qui lui ont valu le Premio Xavier Villaurrutia ainsi que le Premio Internacional de Novela Sor Juana Inés de la Cruz. Parmi ses œuvres littéraires, on peut notamment mentionner Morada interior (1972), réécriture des Moradas del Castillo Interior (577) de sainte Thérèse d’Avila, Dulcinea encantada (2000), qui offre une nouvelle vie à la dame de Don Quichotte en la repositionnant au xxe siècle, ou encore La Burladora de Toledo (2008), un roman qui, comme son titre l’indique, dialogue avec la fameuse comédie donjuanesque El Burlador de Sevilla y convidado de piedra de Tirso de Molina. Notons par ailleurs que ce texte fictionnalise également l’histoire d’un personnage historique bel et bien surnommé « la burladora de Toledo ». Il s’agit d’Elena (alias Eleno) de Céspedes, condamnée par l’Inquisition pour s’être déguisée en homme et avoir exercé la chirurgie. L’œuvre de Muñiz-Huberman fait ainsi la part belle à l’intertextualité et aux personnages de femmes indépendantes et rebelles. À travers ses diverses allusions à La Célestine de Rojas, Areúsa en los conciertos fait montre de ce même dialogue constant que l’auteure établit avec des œuvres espagnoles des Siècles d’Or et leurs personnages féminins. Ce texte raconte l’histoire d’une jeune femme qui, après le décès de ses parents adoptifs, se met en quête de sa mère biologique et tente de se définir une identité en parcourant les endroits du globe qui ont marqué différentes étapes dans son existence. Toutefois, ce qui déclenche ce questionnement identitaire n’est pas à proprement parler la perte de la famille adoptive, mais plutôt la nécessité que ressent le personnage de « réviser son histoire pour comprendre avant de mourir »7. Or, pour la jeune femme, le début de son histoire correspond avant tout au choix de son prénom :
Son nom, qui y a pensé ? Ses parents : elle ne sait pas si c’est par originalité, ignorance ou prophétie. Dans toute l’histoire nominative, on n’en connaît qu’un antécédent : celui de Fernando de Rojas lorsqu’il a baptisé une prostituée qui travaillait pour Célestine. Il est clair que si on ne sait pas ça, cela pourrait même paraître un nom beau et bien sonnant8.
5La Areúsa de la fin du xxe siècle se plonge dès lors dans la lecture de La Célestine pour interroger le sens de ce prénom qu’elle partage avec une courtisane littéraire de la fin du xve siècle. Le lecteur de Muñiz-Huberman qui connaît un tant soit peu l’œuvre de Rojas perçoit immédiatement d’autres points communs entre ces héroïnes, toutes deux éprises de liberté et d’érotisme, comme l’explique Cándano Fierro (2011). En effet, si l’Areúsa de Rojas multiplie les amants et préfère vivre seule afin de ne dépendre que d’elle-même9, celle de Muñiz-Huberman apparaît également comme une femme à la fois indépendante et sensuelle qui sillonne le globe sans aucune attache et est toujours en quête d’expériences charnelles. Dès le premier chapitre du roman, cette Areúsa n’hésite par exemple pas à rejoindre, lors de l’entracte d’un concert, un chef d’orchestre qui lui est parfaitement inconnu afin de satisfaire la pulsion sexuelle que la musique a éveillé en elle.
6Pourtant cette problématisation du prénom littéraire, du prénom hérité, engendre une crise identitaire de la part du personnage de Muñiz qui décide dès lors de s’auto-analyser. Le personnage choisit de mener cette introspection à travers une rétrospection. L’Areúsa du xxe siècle va, en effet, rechercher son identité par le biais d’une remémoration de son passé. Ainsi, les trajets qui conduisent Areúsa d’un continent à l’autre représentent-ils avant tout des voyages dans le temps au cours desquels la jeune femme remonte le fil de son existence : depuis Mexico, capitale dans laquelle elle vit au début du texte, Areúsa gagne Philadelphie, ville de ses études universitaires et de ses premières amours, pour ensuite rejoindre Paris, où elle a passé son enfance et où elle rencontrera sa mère biologique. La recherche de soi, déclenchée par la prise de conscience de l’intertextualité de son prénom, est donc orientée vers le passé : le but d’Areúsa, à travers ses voyages, est de « revisiter le passé, retrouver les personnes et les différents lieux de sa vie (son premier amour, sa mère, ses amis) pour récupérer la mémoire et ainsi consolider ses racines dans le présent et son identité »10. Le passe-temps favori d’Areúsa consiste d’ailleurs à dessiner d’impossibles arbres généalogiques.
7Cette exploration du passé finit par conduire l’Areúsa contemporaine à une obsession pour le temps qui, comme l’identité, se dérobe à mesure qu’on le poursuit : la jeune femme constate que « le temps [est] une invention de plus, comme les autres choix arbitraires érotico-humains »11. Cette difficulté de saisir le temps se reflète rapidement dans la narration : le temps du récit est sans cesse entrecoupé d’analepses et cette fragmentation est aussi celle du personnage principal dont l’identité se découpe en différentes strates temporelles. À chaque nouvelle étape de sa vie, Areúsa est autre et c’est pourquoi la protagoniste est harcelée par la multiplicité de son être, tiraillée entre ces différentes versions d’elle-même et son modèle littéraire. La temporalité du personnage de Muñiz-Huberman se confond, par ailleurs, rapidement avec celle de son homonyme célestinesque :
Areúsa ne peut aller contre son siècle. Le siècle du désenchantement. De l’énorme poids accumulé de deuils et de détresses, de cauchemars et de formes de sorcellerie. Le siècle de son ancienne devancière ou le siècle actuel qu’elle vit. Laquelle des Areúsas est Areúsa ? Areúsa brisée, voilà celle que je suis12.
8À partir de cette problématisation de l’identité d’Areúsa, qui se fragmente en différentes temporalités, le temps lui-même perd progressivement, dans le récit, sa tripartition passé-présent-futur. Areúsa confond les différentes étapes de sa vie, étant donné que « à force de tant d’exil, [elle] ne [sait] plus à quelle époque [elle vit] »13, et la protagoniste finit même par se dire que « se rappeler, c’est revenir au présent »14. Il est ainsi intéressant de constater, dans la narration d’événements se déroulant simultanément, une alternance constante des temps du passé et des temps du présent. À partir de cet effacement des jalons temporels, le temps se fait cyclique, « Cyclique cyclisme. Recyclisme »15. C’est ce caractère cyclique qui, d’une certaine façon, est la seule réponse au nom d’Areúsa : chaque identité est la répétition d’une identité antérieure et les personnages, « même s’ils paraissent modernes, sont réutilisés. Réutilisables aussi »16. Or, ce principe de reprise s’applique également à la littérature, condamnée à la répétition : « La fiction n’est que la stérilité et l’unicité, parce que les livres sont toujours reproduits à l’identique. Dès lors le modèle à suivre est celui de la reproduction littéraire et en avant17. » Le personnage fait ici sien l’un des grands principes post-modernes : la fin de la valeur artistique de l’originalité et la nécessité de la répétition.
9Cette crise générale de l’identité et de la temporalité, le personnage l’attribue à son siècle, époque de guerres, d’exils et donc d’autant de cassures : « Dans cette époque qu’il incombait à Areúsa de vivre, après tant de guerre et de bombe, la seule chose reconnaissable était les fragments. Elle était habituée aux synecdoques : c’est-à-dire que chaque petite part la renvoyait immédiatement au grand, grand objet18. » L’identité fragmentée conduit dès lors Areúsa à une réflexion sur la difficulté de saisir l’histoire du xxe siècle, qu’elle aborde comme une succession de crises faisant écho à son désarroi identitaire.
3. Judaïté et crise historique
10Après avoir initié son questionnement identitaire à partir du nom intertextuel que lui a donné sa mère, l’Areúsa de Muñiz-Huberman va poursuivre sa quête existentielle à travers cette interrogation des crises du xxe siècle. Ce second versant de sa recherche se développe, pour sa part, à partir de l’autre composante que lui a léguée sa mère avant de l’abandonner : son ascendance juive. Cette ascendance est double puisqu’elle est due à Simone — la mère biologique d’Areúsa, qui lui a d’ailleurs donné naissance dans un camp de concentration nazi — mais aussi aux parents adoptifs de la jeune fille, juifs également, décédés dans un accident de la route. Les origines sémitiques de la protagoniste sont ainsi d’entrée de jeu associées à la tragédie. Areúsa vit dès lors dans un déracinement complet. Selon Salomé, amie de la jeune fille, et elle-même victime de son nom intertextuel de femme fatale associée à la judaïté, la vie d’Areúsa « a été un constant va-et-vient. Elle est un produit de notre siècle et un produit des constants exils. […] son exil a commencé avec l’histoire de Simone, sa mère, persécutée et internée dans un camp de concentration nazi »19.
11Angelina Muñiz-Huberman a fait de la thématique juive une constante de son œuvre20. Dans ce roman, elle se centre surtout sur le motif de l’éternel exil du peuple juif qu’elle évoque à partir des grandes crises historiques du xxe siècle qui sont justement celles qui ont engendré d’importants exodes. D’un côté, elle évoque la seconde guerre mondiale, qui incarne l’un des traumas historiques les plus profonds de la communauté juive. De l’autre, Areúsa, lors de ses projections imaginaires dans le passé, imagine avoir vécu la guerre civile espagnole :
Les portes de la mort sont quelque chose qu’elle connaît de près et elles ne lui font plus peur. Elles ne lui semblent plus être des portes qui ferment ou qui ouvrent : ce sont simplement des portes. Le passage n’existe pas. La ligne de division s’est effacée. Après tout, être survivant de la guerre civile espagnole n’est pas méprisable. Bien que tant d’années se soient écoulées, les visions sont toujours là. Ou c’est elle qui veut qu’elles soient toujours là21.
12Dans une entrevue, l’auteure a expliqué qu’elle tente dans plusieurs de ses textes d’établir une connexion entre l’exil républicain de 1936-1939 et l’exil juif de 1492, année durant laquelle les Rois Catholiques expulsèrent la communauté séfarade hors d’Espagne afin de fortifier le nouvel État qui se constituait autour d’une foi unique. Pour Muñiz-Huberman, judaïsme et exil sont des thématiques sœurs22.
13La récurrence du motif de l’exil dans le roman de Muñiz-Huberman constitue une caractéristique de cette écrivaine en tant que membre de la génération hispano-mexicaine. Ce groupe comprend des auteurs d’origine espagnole (notamment Roberto Ruiz, José de la Colina, Francisca Perujo ou encore Tomás Segovia) nés peu avant la guerre civile et qui très jeunes, voire nouveaux-nés, se sont exilés avec leurs familles au Mexique en raison de l’éclatement du conflit. Si les pratiques artistiques de ces écrivains sont fort diverses, ceux-ci partagent toutefois leur traitement constant du thème de l’exil. Ils proposent dans leurs textes une réflexion sur la récupération des racines culturelles et la difficulté de se construire une identité que rencontrent ceux qui ont reçu l’exil en héritage sans l’avoir vécu de façon consciente23. Ainsi, de nombreux écrivains de cette génération questionnent dans leurs œuvres leur sentiment de déracinement et leur droit de se sentir exilés. Leur poétique de l’exil24 est celle de textes fragmentés, tant sur le plan formel qu’en ce qui concerne leur temporalité narrative, et mettant en scène des personnages en quête d’eux-mêmes, de leurs racines géographiques et historiques ainsi que de leur ancrage dans leur présent25. Comme l’explique Sanz Villanueva (1983 : 142), le problème de l’identité de l’exilé est capital pour les narrateurs de la génération hispano-mexicaine. Toutefois, bien des auteurs de cette génération dépassent ce questionnement d’ordre individuel et établissent des correspondances entre exils particuliers et exils collectifs. La thématisation de l’exil dans Areúsa en los conciertos semble faire un pas de plus en ce sens : en associant le motif du juif errant à l’auto-exil d’Areúsa et à la thématique de l’exil en temps de guerre civile ou de guerre mondiale, l’auteure hispano-mexicaine universalise la notion d’exil et s’octroie le droit de la thématiser. De plus, le motif du juif errant permet à l’écrivaine de connecter le thème de l’exil, leitmotiv de sa génération littéraire, à son obsession personnelle pour son origine juive qu’elle a découverte à l’adolescence et qu’elle n’a cessé d’interroger à travers son œuvre littéraire26. En plus de s’être convertie au judaïsme, Muñiz-Huberman a de plus consacré sa carrière d’universitaire à l’étude de la culture et de la littérature séfarades.
14Dans Areúsa en los conciertos, l’universalisation du motif du juif errant culmine lorsque le personnage éponyme, durant une balade le long de la Rambla barcelonaise, à la fin du roman, se réconcilie avec son histoire tragique et fait même l’éloge de l’exil qui lui est inhérent : « C’est cela qui serait ma patrie, pense Areúsa, si je pouvais choisir. Une patrie enfermée en moi, dessinée par moi, étendue par moi. Parce qu’une patrie-patrie, je n’en ai pas eue. De pays en pays, j’ai aimé l’exil27. » Cette déclaration d’amour pour l’exil présente de curieuses similitudes avec ce qu’expose l’auteure dans son essai El canto del peregrino. Hacia una poética del exilio28. Dans l’épilogue « La puerta del exilio », elle définit précisément l’exil comme son vrai foyer. Notons également les nombreuses contributions à l’étude de l’exil littéraire de 1939 qu’a offertes Muñiz-Huberman au fil de sa carrière d’hispaniste29.
15Ce développement d’une poétique de l’exil à travers la fragmentation identitaire et temporelle ainsi qu’à travers le questionnement d’exils historiques menés par Areúsa permet par ailleurs à l’écrivaine de resémantiser le personnage crée par Rojas. Dans La Célestina, Areúsa ne revendique pas une vie d’itinérance ; au contraire, elle reste attachée à sa « maison » (casa), symbole de son indépendance économique. Muñiz-Huberman modifie donc considérablement son modèle en rendant la prostituée de Rojas nomade. De plus, la thématique judaïque n’est pas non plus associée de façon explicite à Areúsa dans la Tragicomedia originelle. Notons toutefois que La Célestine a été lue par une part importante de la critique contemporaine comme une œuvre judaïsante. Cette lecture se fonde sur des révélations biographiques concernant Fernando de Rojas qui ont marqué les études célestinesques du xxe siècle. En 1902, Serrano y Sanz publie en effet un article dévoilant de nouvelles données concernant la vie de l’auteur supposé de La Célestine. Concrètement, ce chercheur a mis au jour les origines conversas de Rojas et ce à travers son étude du procès inquisitorial fait au beau-père de l’écrivain entre 1525 et 1526. À partir de cette donnée, plusieurs critiques de grande envergure, de Ramiro de Maeztu à Stephen Gilman en passant par Américo Castro, ont interprété La Célestine en fonction du statut de juif converti ou de descendant de juifs convertis de son auteur. Force est de constater que cette interprétation n’a guère de fondement textuel : comme l’a démontré Salvador Miguel en 1989, aucune allusion à la problématique conversa n’apparaît dans La Célestine, où l’on ne compte qu’une brève mention d’un procès inquisitorial, et encore pour sorcellerie30. Les travaux de Francisco Márquez Villanueva (1993) ont toutefois insisté sur le substrat hispano-sémitique du texte de Rojas.
16Cette lecture judaïsante a la vie dure et émerge bien souvent face à l’impossibilité pour la critique de définir clairement l’intention de La Célestine. Bien que le prologue de la tragicomédie clame haut et fort son but didactique et moralisant, cette déclaration d’intention est rendue quelque peu ambigüe par le fait que le texte lui-même se complaise bien souvent dans des scènes érotiques à rallonge et que les mentions religieuses de La Célestine apparaissent sans cesse dans des contextes obscènes et à des fins purement utilitaristes. Selon un courant de la recherche célestinesque, la thèse judaïsante permet de résoudre ces incohérences apparentes en faisant de La Célestine un texte volontairement ambigu, car destiné à miner de façon détournée les fondements et les valeurs de la société catholique ou du moins à refléter l’angoisse sociale des convertis dans l’Espagne d’après l’expulsion de 1492. À travers sa thématisation du juif errant qu’il associe au personnage d’Areúsa, le roman de Muñiz-Huberman semble donc faire écho à l’une des grandes interprétations de La Célestine qui s’est développée à l’époque contemporaine.
17Dans la dernière partie de ses pérégrinations, l’Areúsa de l’auteure hispano-mexicaine rencontre sa mère biologique et l’interroge sur le choix de son prénom, dont le référent littéraire constitue ainsi à la fois le point de départ et le terme de sa quête identitaire. La révélation maternelle déconcerte Areúsa. Son prénom représente en fait l’antithèse de la perfection que la mère voulait voir s’incarner dans sa fille :
Je t’ai marquée avec le nom : le nom serait l’opposé de ce que j’attendais de toi. Tu n’aurais ni un nom symbolique, ni un nom hérité, ni un beau nom. Tu aurais le nom d’un personnage oublié, perdu dans les bas-fonds, exploité et victime, sans principes, sans espérance, condamné, sans rédemption. C’est ainsi que je t’ai donné celui d’Areúsa ; une des prostituées qui accompagnent la Célestine dans son bas monde de machinations et de déloyautés31.
18C’est alors qu’Areúsa prend conscience que son identité s’est construite, à l’inverse de ce qu’attendait sa mère, en adéquation avec son nom célestinesque. Face à la perte totale de ses repères familiaux, spatiaux et temporels, il reste à la protagoniste la possibilité de reprendre à son compte et d’assumer le rôle de son antécédent littéraire, dont elle partage l’érotisme : face à la question du « que faire ? Tomber de corps en corps ? Répéter son ancienne histoire et son ancien nom ? Incarner le rôle littéraire ? »32, la protagoniste constate que, depuis le début de sa quête, « les pas de l’Areúsa d’aujourd’hui tentent de se placer dans les pas de l’Areúsa d’hier »33. Comme l’explique Samblancat Miranda (2014 : 121), cette acceptation du nom littéraire et de ses implications présente la littérature comme « un lieu de reconnaissance intime [permettant de] revivre et de réinterpréter le passé »34. Cette paix retrouvée par le personnage à travers l’interprétation de son nom semble par ailleurs se refléter dans une narration où les temps verbaux du présent prennent finalement le dessus sur ceux du passé. La récupération du passé et la découverte de l’identité passent ainsi par une réappropriation de l’origine littéraire du nom, par l’acceptation de l’héritage littéraire et par la revendication d’une généalogie féministe : le personnage de Muñiz-Huberman affirme sa liberté à user de son corps en prenant pour modèle un personnage féminin « oublié » et « victime », issu de la littérature classique espagnole.
Conclusion
19Cette réécriture d’un personnage de La Célestine propose ainsi une réflexion quant au rapport entre héritage et auto-construction. Les interrogations existentielles de la protagoniste et la problématisation de son être et de son époque à partir d’un nom célestinesque configurent une quête de soi et de son contexte marquée par les crises. Les crises personnelles d’Areúsa, exilée d’elle-même au début du roman, se font le reflet des traumatismes du xxe siècle : transposée à une époque historique qui n’est pas la sienne, l’Areúsa de Rojas doit se refaire une place et une identité. La crise de l’Areúsa réécrite par Muñiz-Huberman part donc du plan psychologique – la remise en question de son identité et de ses aspirations relève de ce que les psychologues appellent une crise existentielle (Blondeau, Vonarx et Roy 2013) — pour rejoindre le plan historique — le xxe siècle ne serait qu’une époque d’exils et donc de crises socio-politiques. Dans cette perspective, la double crise de l’Areúsa de Muñiz-Huberman correspond à l’un des usages du concept de crise sur lequel s’est fondé, dès la fin du xviie siècle, toute une philosophie de l’Histoire. Comme le rappellent Koselleck et Richter, la crise a été définie, dans ce cadre, comme « an exceptionnally rare, if not unique transition period. […] In line with the theological promise of a future Last Day, “crisis” may be defined as a unique and final point after which the quality of history will change forever » (2006 : 371). Or, la crise personnelle puis historique d’Areúsa constitue bel et bien, dans le roman de Muñiz-Huberman, une transition vers une acceptation de l’exil et de la fragmentation de l’individu qui en résulte. Grâce à la réappropriation de son passé et, surtout, de son nom intertextuel, Areúsa fait de la crise non pas une rupture mais une transition vers une nouvelle étape de sa vie : ce nom de prostituée littéraire qui a généré sa crise identitaire devient à présent le fondement de sa nouvelle identité, celle d’une femme sensuelle et sans attache, tandis que l’exil qui reflètait jusque-là les carences du xxe siècle devient, paradoxalement, source de liberté — de pensée et de mouvement — pour l’héroïne.
Bibliographie
Sources primaires
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Notes
1 Mentionnons, à titre d’exemples, Las conversiones (1981) de José Martín Recuerda, Tragedia fantástica de la gitana Celestina (1978) d’Alfonso Sastre, ou encore Terra Nostra (1975) du Mexicain Carlos Fuentes.
2 Le texte de Rojas a en effet d’abord connu une version en 16 actes, intitulée Comedia de Calisto y Melibea — dont l’édition la plus ancienne conservée date de 1499 — avant d’être réécrit dans une version tragicomique de 21 actes. Notons que le titre La Célestine sous lequel nous connaissons aujourd’hui cette œuvre est une création postérieure de ses lecteurs et éditeurs.
3 Tant l’auctorialité de La Célestine que la datation précise de sa toute première version sont toujours sujettes à polémique au sein des études célestinesques. Le prologue présente en effet le texte comme le fruit de la création d’un ancien auteur inconnu — mais qui pourrait être, nous dit ce même prologue, Rodrigo Cota ou Juan de Mena — et d’un autre auteur, Fernando de Rojas, dont l’identité est révélée dans des vers acrostiches apparaissant dans un autre texte liminaire. La majorité des éditions contemporaines attribuent La Célestine à Rojas et nous suivrons donc cette tendance générale dans le présent article. En ce qui concerne la datation du texte, celle-ci se voit compliquée par la genèse particulière de La Célestine, qui, si l’on en croit toujours le prologue, aurait d’abord circulé sous la forme d’un premier acte unique avant de se voir continué sous forme de comédie puis de tragicomédie. L’édition la plus ancienne conservée de l’œuvre est celle de la Comedia de Calisto y Melibea publiée à Burgos en 1499. Toutefois, il semblerait qu’il ne s’agisse pas de la toute première édition du texte. De même, la première édition espagnole conservée de la Tragicomedia de Calisto y Melibea est celle de Saragosse publiée en 1507. Or, il s’avère qu’une version en 21 actes du texte circulait déjà en Italie, en traduction italienne, dès 1506. L’identité du ou des auteur(s) de La Célestine ainsi que les détails de son histoire textuelle n’ont donc pas fini de faire couler l’encre des hispanistes. Voir à ce propos l’état de la question établi par Serés (2011).
4 Voir notamment les travaux de Lacarra 2005, Morros Mestres 2010 ou encore Ramírez Santacruz 2004.
5 « Las obras hacen linaje, que al fin todos somos hijos de Adam y Eva. Procure de ser cada uno bueno por sí, y no vaya a buscar en la nobleza de sus pasados la virtud » (Rojas 2011 : 208). La traduction française est celle d’Aline Schulman (2006 : 209).
6 C’est le cas de Díaz Tena (2012 : 87), de Fernández (1991 : 52) et de Ramírez Santacruz (2004).
7 « Areúsa sabe que tiene que repasar su historia para comprender antes de morirse » (Muñiz-Huberman 2002 : 17). Toutes les traductions du texte de Muñiz-Huberman sont les nôtres.
8 « Su nombre, ¿a quién se le ocurrió ? A sus padres : no se sabe si por originalidad, ignorancia o profecía. En toda la historia nominativa, se conoce un solo antecedente : el de Fernando de Rojas al bautizar a una prostituta que trabajaba para la Celestina. Claro que si esto no se sabe, hasta puede parecer un nombre bello y bien sonante » (Muñiz-Huberman 2002 : 21-22).
9 Elle affirme ainsi à la maquerelle : « Tu comprends pourquoi, Célestine, j’ai préféré vivre libre et sans contrainte dans ma petite maison, plutôt qu’esclave et captive dans leurs riches palais » (Schulman 2006 : 215). Dans la version espagnole : « Por eso, madre, he querido más vivir en mi pequeña casa, esenta y señora, que no en sus ricos palacios, sojuzgada y cativa » (Rojas 2011 : 213).
10 « […] revisitar el pasado, reencontrarse con las personas y los lugares diferentes de su vida (su primer amor, su madre, sus amigos) para recuperar la memoria y así afianzar sus raíces en el presente y su identidad » (Pardes, dans Walde 2014 : 161). Nous traduisons.
11 « […] descubrió que el tiempo era un invento más como las otras arbitrariedades erótico-humanas » (Muñiz-Huberman 2002 : 22).
12 « Areúsa no puede ir contra su siglo. El siglo del desencanto. Del enorme peso acumulado de duelos y quebrantos, pesadillas y formas de hechicería. El siglo de su antigua antecesora o el actual que vive. ¿Cuál de las Areúsas es Areúsa ? Areúsa quebrantada : esa soy yo » (Muñiz-Huberman 2002 : 201-202).
13 « A fuerza de tanto exilio, Areúsa y Salomé ya no saben la época en que viven » (Muñiz-Huberman 2002 : 174).
14 « […] recordar es volver al presente » (Muñiz-Huberman 2002 : 76).
15 « Cíclico ciclismo. Reciclismo » (Muñiz-Huberman 2002 : 189).
16 « […] aunque modernos parecen, retornados son. Retornables también » (Muñiz-Huberman 2002 : 189).
17 « La ficción no es sino la esterilidad y la unicidad, porque los libros se reproducen siempre igualitos. Así que el modelo a seguir es la reproducción literaria y adelante » (Muñiz-Huberman 2002 : 177).
18 « […] en esta época que le había tocado vivir a Areúsa, luego de tanta guerra y bomba, lo único reconocible eran los fragmentos. Estaba acostumbrada a las sinécdoques : es decir, cada partecita de inmediato la remitía al gran, gran objeto » (Muñiz-Huberman 2002 : 149).
19 « […] ha sido un constante ir y venir. Es un producto de nuestro siglo y un producto de los constantes exilios. […] su exilio empezó con la historia de Simone, su madre, perseguida e internada en un campo de concentración nazi » (Muñiz-Huberman 2002 : 128).
20 En guise d’exemple, on peut mentionner Morada interior (1972), Tierra adentro (1977) o El sefardí romántico (2005).
21 « Las puertas de la muerte son algo que conoce de cerca y ya no le asustan. Ya no le parecen puertas que cierren o que abran : simplemente no son puertas. El tránsito no existe. La línea divisoria se ha borrado. Después de todo, ser sobreviviente de la guerra civil española no es despreciable. Aunque hayan pasado tantos años, las visiones siguen allí. O ella quiere que sigan allí » (Muñiz-Huberman 2002 : 56-57).
22 Payne 1977.
23 Sanz Villanueva 1983.
24 Angelina Muñiz-Huberman désigne elle-même le travail littéraire de sa génération comme relevant d’une « poética del exilio » (Muñiz-Huberman 1998 et 1999).
25 Pour plus de précisions concernant cette poétique de l’exil propre à la génération hispano-mexicaine, voir Pérez Aparicio 2013, Sanz Villanueva 1983 ainsi que Walde Moheno et Reinoso Ingliso 2014.
26 Bernárdez 2013.
27 « […] ésta sería mi patria, piensa Areúsa, de poder elegir. Una patria encerrada en mí, por mí dibujada, por mí extendida. Porque patria-patria, no he tenido. De país en país, he amado el exilio » (Muñiz-Huberman 2002 : 167).
28 Muñiz-Huberman 1999.
29 Parmi ces travaux, on peut mentionner Muñiz-Huberman 1998, 2006 et 2015.
30 Pour un relevé des différents arguments avancés par les partisans de la thèse judaïsante, voir Salvador Miguel 1989.
31 « […] te marqué con el nombre : el nombre sería el opuesto de lo que esperaba de ti. No tendrías ni un nombre simbólico, ni un nombre heredado, ni un bello nombre. Tendrías el nombre de un personaje olvidado, perdido en los bajos fondos, explotado y víctima, sin principios, sin esperanza, condenado, irredento. Fue así como te di el de Areúsa ; una de las prostitutas que acompañan a la Celestina en su bajo mundo de maquinaciones y deslealtades » (Muñiz-Huberman 2002 : 144).
32 « ¿Qué hacer ? ¿Caer de cuerpo en cuerpo ? ¿Repetir su antigua historia y su antiguo nombre ? ¿Encarnar el papel literario ? » (Muñiz-Huberman 2002 : 125).
33 « Las pisadas de la Areúsa de hoy intentan colocarse en las pisadas de la Areúsa de ayer » (Muñiz-Huberman 2002 : 78).
34 « La literatura vuelve a aparecer como un sitio de reconocimiento íntimo para revivir y reinterpretar el pasado que continúa reciclándose y conservándose vigente » (Samblancat Miranda 2014 : 121).