Bulletin d'Analyse Phénoménologique https://popups.uliege.be/1782-2041 fr Recensions (avril 2023) https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1446 Grégory Cormann, Sartre. Une anthropologie politique 1920-1980, Peter Lang, Bruxelles, 2021, 384 pages. Prix : 55,64€. ISBN : 9782807615892. Un Sartre éclaté Je fréquente les textes phénoménologiques de Grégory Cormann depuis une petite dizaine d’années. Cette fréquentation a rendu possible une compréhension, certes limitée, de l’ouvrage complexe Sartre, une anthropologie politique paru chez Peter Lang en 2021. Complexe, l’ouvrage l’est dans le propos autant que dans la structure. Une première résistance réside dans la juxtaposition de plusieurs textes au statut divers (tantôt qualifiés de « chapitres », tantôt d’« articles »), ce qui met à l’épreuve les habitudes d’une lecture fluide et systématique, agencée autour d’une logique argumentative rigoureuse — l’auteur explicite bien entendu cette singularité. Alors que l’introduction annonce une analyse au plus près des mots de Jean-Paul Sartre, la première partie commence par un long détour par Martin Heidegger et par les passeurs de sa pensée sur le territoire français (Jean Wahl, Alexandre Koyré, Henry Corbin, Emmanuel Levinas et l’importante revue Recherches philosophiques publiée de 1931 à 1937). Mais ce détour est capital pour cerner le progressif déploiement de plusieurs notions ou thématiques constitutives de l’œuvre du Sartre des décennies 1930-1940 : angoisse, facticité, existence, situation, ustensilité et, partant, émotion (entre autres). L’une des idées centrales de l’ouvrage est de délimiter la manière dont le phi Tue, 11 Apr 2023 00:00:00 +0200 https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1446 Signe et évidence dans la phénoménologie de Paul Ricœur https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1349 La découverte husserlienne de l’intentionnalité, qui accorde à la conscience le pouvoir exceptionnel dans sa manière de viser le monde, n’a pas été sans conséquences majeures sur le mouvement phénoménologique contemporain et sur le rapport du sujet avec l’objet. Non seulement elle a permis à ses successeurs de déployer des hérésies, en tant que réinterprétations nouvelles par rapport à l’orthodoxie de la pensée du maître, mais aussi et surtout lesdites réinterprétations ont mis à l’épreuve la conception husserlienne de l’évidence. Celle-ci n’est pas simplement la propriété de l’intuition du cogito méditant sur le monde ; elle relève aussi des signes dans lesquels transite toute connaissance certaine. C’est l’approche que j’adopte dans cette étude où j’entreprends de faire le lien entre signe et évidence à partir de la phénoménologie de Paul Ricœur. L’enjeu phénoménologique étant la conception du sujet capable de reprendre autrement son expérience d’appartenance au monde. Même si l’œuvre de Ricœur paraît muette à propos de l’évidence, sa reprise attentive augure la signification de ce concept dans l’expérience de médiation. C’est ainsi que la notion de greffe de l’herméneutique sur la phénoménologie sera un gage important pour cette réflexion. L’hypothèse de travail émise ici est celle qui fait de « l’environnement incarné » le lieu d’expérience concrète dans lequel le sujet et le signe trouvent leur évidence. Plutôt que d’opposer radicalement la phénoménologie et l’herméneutique, Ricœur propose de les recomposer dans une dialectique qui permet de cerner le sens de l’évidence à partir de la reprise par le sujet des configurations déjà-là, dans le monde commun des hommes. Aussi, cette capacité de reprise est une ouverture au problème de traduction qui met en exergue la dialectique de l’identité et de l’altérité, du propre et de l’étranger dans l’œuvre de Ricœur. Fri, 17 Feb 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1349 Introduction : Questionner l’évidence intuitive https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1359 Du 2 au 6 mai 2022, s’est tenue à Liège la seizième édition du séminaire annuel de recherche du Centre de recherches phénoménologiques (Creph), édition consacrée au thème de l’intuition et de l’évidence et à la problématique de leur supposée immédiateté. Pendant toute une semaine, vingt-cinq chercheuses et chercheurs, provenant de huit pays différents, ont travaillé ensemble cette question pour tout à la fois souligner la singularité d’un mode de connaissance qui prétend ne pas être inféré — et justifié par — d’autres connaissances et mettre en lumière les dispositifs de médiation généralement nécessaires à le rendre possible. En reprenant dix des interventions qui avaient été présentées et collectivement discutées cette semaine-là, le présent volume fournit un bon aperçu des analyses formulées et des arguments échangés alors. Gageons que leur lecture éclairera les phénoménologues et plus généralement les épistémologues sur ces notions pleines de promesses – et, pour cette raison aussi, hautement suspectes — d’« intuition » et d’« évidence ». 1. L’immédiateté de l’intuition La prétention à un certain privilège de l’intuition à titre de mode de connaissance immédiat constitue assurément un motif épistémologique bien antérieur à l’avènement de la phénoménologie contemporaine. Dans les Règles pour la direction de l’esprit (Regulae ad directionem ingenii), Descartes avait déjà très explicitement opposé deux actes de l’entendement par lesquels « nous pouvons parvenir à la connais Fri, 17 Feb 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1359 Des médiations du jugement et de la perception chez Montaigne https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1361 Les Essais décrivent inlassablement et diversement notre rapport médié à « ce qui est ». Le jugement et la perception, tels que Montaigne les analyse et les critique philosophiquement en vue de les purifier et de les pratiquer le plus sainement qu’il peut, se déploient ordinairement dans un état de corruption et d’altération. Au travers du brouillard et des nuages que constituent les trois principales médiations que nous étudions ici, à savoir l’empire de la coutume, la puissance des passions, et la force de l’imagination, ce qui apparaît est biaisé. Car ce sont autant de « travers » qui déforment ce qui est, et que nous tâchons d’expliciter par quelques cas phénoménologiques. L’examen de ce qui altère et corrompt le jugement, pour le dénoncer dans l’espoir d’accéder à l’immédiateté véritable, entraîne un curieux renversement, car l’on découvre que ce qui produit l’évidence, du moins dans les objets sensibles et quotidiens dont traite Montaigne, se révèle paradoxalement comme ce qui détourne de la chose même, et surtout qu’au contact de ce qui est, le jugement et la perception se trouvent étrangement bouleversés. Fri, 17 Feb 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1361 Ce qui va de soi : sur la naturalité de l’attitude naturelle (de Bourdieu à Husserl) https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1372 Cet article se propose de discuter la conception de l’expérience doxique proposée par Pierre Bourdieu dans l’Esquisse d’une théorie de la pratique, Le sens pratique ou encore les Méditations pascaliennes. Ce faisant, nous cherchons à montrer que cette théorie de l’expérience doxique est une analyse que Bourdieu conçoit lui-même comme une entreprise phénoménologique, même si celle-ci relève nécessairement, à ses yeux, d’une phénoménologie « sociologiquement fondée ». Nous confrontons ensuite cette conception de l’expérience doxique à la théorie husserlienne de l’évidence comprise comme «  ce qui va de soi » (Selbstverständlichkeit), afin de faire apparaître les effets en retour de cette conception bourdieusienne, en particulier pour repenser la naturalité de l’attitude naturelle. Fri, 17 Feb 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1372 Dans quelle mesure l’intuition herméneutique est-elle immédiate ? Sur la réceptivité propre au comprendre chez le jeune Heidegger https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1379 Cette contribution part de l’hypothèse selon laquelle (1) la problématisation heideggérienne de la donation interprétative de la vie à elle-même est menée dès 1919 dans une perspective de facto ontologique selon laquelle la donation (« es gibt ») est envisagée comme un événement élémentaire de l’historicité de la vie et que (2) c’est grâce à cette perspective que Heidegger parvient à penser le caractère à la fois médié et immédiat de l’intuition herméneutique. Après la reconstruction de la conception moniste de l’expérience impliquée par la réélaboration herméneutique de l’intentionnalité, nous essayons de montrer que le moment réceptif du comprendre est à trouver dans la reconfiguration de la situation d’expression antéprédicative comme actualisation de l’horizon d’anticipations catégoriales de la vie. Dans ce sens, l’appropriation contextuelle du langage légué par l’histoire s’accomplit comme possibilisation de la praxis concrète et — finalement — du projet existentiel du Dasein. Nous concluons notre contribution en suggérant que cette pensée de la réceptivité du comprendre est inséparable d’une conception essentiellement phronétique du langage et que l’immédiateté de l’intuition herméneutique s’avère avoir un sens proprement existentiel. Fri, 17 Feb 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1379 Le formel entre intuition et médiation symbolique. Husserl et Frege https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1385 Cet article veut clarifier la façon dont la phénoménologie husserlienne a relevé les défis épistémologiques posés par la dimension formelle qui caractérise les mathématiques depuis la modernité. Après avoir montré comment cette question nait des problèmes sémiotiques rencontrés par Husserl dans sa première œuvre, je vais dévoiler pourquoi les difficultés d’une conceptualisation adéquate du formel sont essentiellement liées aux ambiguïtés qui accompagnent les langues symboliques. D’un côté, les dispositifs symboliques permettent une extension de la connaissance exacte grâce à l’élargissement du concept d’intuition, qui englobe ainsi même des formes médiées d’évidence. De l’autre, ils sont par leur nature particulièrement exposés au risque de l’équivoque logique et du malentendu. Ma stratégie sera d’aborder cet enjeu à travers la comparaison avec la conception du langage symbolique de Frege, en montrant pourquoi elle exemplifie, selon la perspective husserlienne, ce type d’équivoques. Fri, 17 Feb 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1385 Non-sens, contresens et intuition grammaticale : Wittgenstein, Husserl et quelques autres sur la constitution des objets impossibles https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1391 Ici nous proposons une défense nuancée du caractère donateur d’évidence des intuitions d’un point de vue husserlien, mais à travers une démonstration de la capacité de la seule intuition à différencier divers niveaux de non-sens. Notre point de départ sera la description des fonctions de visée intentionnelle et de remplissement intuitif dans la première Recherche logique et celle de la stratification de différents niveaux de combinaisons grammaticales de signes selon leur possibilité de remplissement dans les Recherches III et IV, que nous comparerons aux descriptions wittgensteiniennes, schlickéens et meinongiennes de ces mêmes possibilités de combiner des signes selon des règles grammaticales en objets absurdes (widersinnig), dépourvus de sens (sinnlos) ou au contraire susceptibles d’un remplissement intuitif. Nous verrons que les critères husserliens sont les seuls à même de distinguer entre des objets qui sont dicibles du point de vue d’une grammaire (et donc constituable au niveau de l’intention signitive) des énoncés mais inconstituables du point de vue intuitif (widersinnige Gegenstände) et ceux qui ne sont même pas constituables signitivement (et qui sont donc unsinnig), et que les intuitions donatrices d’évidence sont les seules capables de fonder cette distinction. Fri, 17 Feb 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1391 Intuition is not (always) immediate, and this is good news! https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1402 In this paper, we aim to propose a taxonomy of the notion of intuition. In particular, we will develop a distinction that is only sketched in the contemporary debate: that between phenomenological and epistemic intuitions. After that, we will argue that both kinds of intuitions further split into immediate and non-immediate. Once the taxonomy is built, we will investigate the relations between these different kinds of intuitions. Finally, we will focus on non-immediate phenomenological intuitions wondering whether they have a justificatory role. Fri, 17 Feb 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1402 L’historicité des mathématiques comme forme de médiatisation de l’intuition chez J. Cavaillès https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1408 À partir d’une mise en rapport de la phénoménologie husserlienne avec la pensée de Jean Cavaillès, cet article vise à examiner l’historicité comme l’un des traits qui caractérisent les objets mathématiques comme tels et essaie d’interroger la forme de l’intuition qui permet l’accès à ces objets. En nous appuyant sur la pensée de Cavaillès, nous interprétons son article Transfini et continu comme affirmant une historicisation de l’intuition dont la forme est imposée par le domaine d’objets auquel elle permet l’accès. Cela permet de considérer des domaines d’objets plus abstraits comme offrant des bases intuitives pour des nouvelles opérations d’ordre supérieur. La construction des nombres réels selon Dedekind offre un exemple de cette idée. Fri, 17 Feb 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=1408