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Ce qui va de soi : sur la naturalité de l’attitude naturelle (de Bourdieu à Husserl)
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Résumé
Cet article se propose de discuter la conception de l’expérience doxique proposée par Pierre Bourdieu dans l’Esquisse d’une théorie de la pratique, Le sens pratique ou encore les Méditations pascaliennes. Ce faisant, nous cherchons à montrer que cette théorie de l’expérience doxique est une analyse que Bourdieu conçoit lui-même comme une entreprise phénoménologique, même si celle-ci relève nécessairement, à ses yeux, d’une phénoménologie « sociologiquement fondée ». Nous confrontons ensuite cette conception de l’expérience doxique à la théorie husserlienne de l’évidence comprise comme « ce qui va de soi » (Selbstverständlichkeit), afin de faire apparaître les effets en retour de cette conception bourdieusienne, en particulier pour repenser la naturalité de l’attitude naturelle.
Inhoudstafel
1Sous une perspective qui reste celle d’une théorie de la connaissance ou encore, plus précisément, celle d’une « critique de la connaissance »1, la phénoménologie husserlienne s’est prioritairement interrogée sur la nature de l’évidence comprise au sens de l’Evidenz, soit de « l’acte de cette synthèse de remplissement la plus parfaite, acte qui confère à l’intention, par exemple à l’intention judicative, la plénitude absolue du contenu, celle de l’objet lui-même »2. Lorsqu’un tel cas se produit, l’objet intentionnel n’est plus seulement visé, mais il est donné à la conscience : son être s’avère dans toute sa plénitude, en vertu de ce que Husserl tient pour la « synthèse de coïncidence la plus parfaite »3. C’est là, pour le Husserl des Recherches logiques, le sens « prégnant » du terme « évidence », qui correspond à l’idéal d’une « perception adéquate de la vérité »4.
2C’est avec raison que Fink a pu voir dans la question de l’évidence le thème central de la philosophie de Husserl : selon ses termes, « [l]e problème de l’évidence prend la forme d’une explication presque infinie de l’univers de la conscience dans toutes ses implications cachées et imprévisibles dans les ultimes profondeurs de cette force de la conscience qui légitime l’étant »5. La question de l’évidence n’est donc pas un thème phénoménologique parmi d’autres puisque son véritable enjeu est celui de la fondation en droit de l’ensemble de la connaissance. C’est la raison pour laquelle la conception de l’évidence en tant que « perception adéquate de la réalité » est encore celle qui détermine l’idéal d’une philosophie comprise comme science rigoureuse – idéal auquel Husserl souscrit tout en inscrivant ses pas dans ceux de Descartes :
[l]’exigence, prétendument excessive, d’une philosophie orientée vers l’éradication la plus absolue qu’on puisse imaginer de tout préjugé, d’une philosophie qui s’élabore dans une autonomie effective à partir d’évidences dernières produites d’elles-mêmes, et qui, donc, répond absolument d’elle-même, cette exigence ne devrait-elle pas bien plutôt constituer le sens fondamental d’une philosophie ?6
3Si cette exigence détermine bien la question directrice de la phénoménologie husserlienne, l’évidence peut être érigée en norme de la « critique de la connaissance » que l’entreprise de la phénoménologie transcendantale entend mener à son terme.
4Mais le fait est que, chemin faisant, le fondateur de la phénoménologie a également développé ce qu’il faut bien considérer comme une « autre » phénoménologie de l’évidence. Celle-ci se joue sous la rubrique de la Selbstverständlichkeit, soit de l’évidence comprise au sens de ce qui est « de soi-même compris ou compréhensible », de qui va de soi, de ce qui est immédiatement admis ou encore de ce qui ne souffre pas d’interrogation ou ne fait pas problème (fraglos gegeben). L’évidence est alors conçue comme une forme de connaissance immédiatement disponible. Ce n’est plus tant sa valeur de vérité ou sa teneur ontologique qui mérite considération : l’évidence entendue au sens de la Selbstverständlichkeit vaut d’emblée, très largement, comme une ressource pratique relativement fiable. Dans Expérience et jugement Husserl soutient ainsi que le « sol universel de la croyance au monde est ce que présuppose toute pratique, aussi bien la pratique de la vie (die Praxis des Lebens) que la pratique théorique du connaître (die theoretische Praxis des Erkennens). L’être du monde dans sa totalité est ce qui va de soi, ce qui n’est jamais mis en doute »7. Les évidences qui sont de l’ordre de « l’allant de soi » composent la trame d’une expérience doxique qui scelle l’unité et le style du rapport du sujet au monde qui l’entoure.
5Dans ce qui suit, nous voudrions montrer qu’il est possible de repartir de l’investigation phénoménologique de « l’allant de soi » pour reconsidérer la question de la naturalité de l’attitude naturelle et le rôle que l’on fait jouer à cette dernière au sein de la recherche phénoménologique. Pour mener à bien cette entreprise, nous nous proposons d’effectuer un détour par la théorie bourdieusienne de la pratique. En effet, celle-ci accorde une place particulière à l’expérience doxique et l’analyse que Bourdieu en livre discute largement certains acquis de la tradition phénoménologique. Nous pourrons alors revenir à Husserl pour identifier, dans l’œuvre du fondateur de la phénoménologie, des ressources permettant de penser différemment la naturalité de l’attitude naturelle, tout en soumettant alors à la discussion, en retour, la conception bourdieusienne de l’expérience doxique.
1. Un détour bourdieusien : la phénoménologie « sociologiquement fondée » de l’expérience doxique
6Par un singulier détour, on doit à Bourdieu d’avoir attiré notre attention sur l’importance de cette phénoménologie de l’« allant de soi ». En effet, une certaine phénoménologie des évidences familières et plus largement de l’expérience ordinaire est en réalité directement reprise et intégrée au sein de sa propre théorie du sens pratique, comme en atteste le chapitre IV du Sens pratique intitulé « La croyance et le corps »8. Le « sens pratique » ne cesse de miser sur ces ressources gnoséologiques qui opèrent le plus souvent de manière implicite, comme Bourdieu le relève dans cet extrait d’Invitation à la sociologie réflexive :
La méconnaissance [de la violence symbolique] réside dans le fait d’accepter cet ensemble de présupposés fondamentaux, préréflexifs, que les agents sociaux engagent dans le simple fait de prendre le monde comme allant de soi, c’est-à-dire comme il est, et de le trouver naturel parce qu’ils lui appliquent des structures cognitives qui sont issues des structures mêmes de ce monde.
7Bourdieu nomme plus précisément doxa ou expérience doxique l’ensemble des évidences sur lesquelles mise le sens pratique. L’expérience doxique se caractérise tout d’abord comme un ensemble de « connaissances » qui se rapportent au monde social en général ou à des situations déterminées. Ces connaissances sont diverses puisqu’il peut s’agir d’appréciations, de jugements, d’évaluations, d’expectations ou encore de manières de penser. Mais ces connaissances ont pour trait commun d’aller de soi. Elles ne se définissent donc pas tant par leurs objets ou par des contenus qui seraient explicitement thématisés que par le type de certitude qu’elles procurent : elles sont immédiates et implicites. À ce titre, elles constituent un arrière-plan d’évidences qui est omniprésent tout en demeurant le plus souvent inaperçu. Ces évidences composent une trame complexe qui décide de notre rapport au monde. Elles représentent des conditions de possibilité de la mise en ordre pratique du sens, mais il faut insister sur le fait que ces conditions de possibilité se caractérisent essentiellement par leur dimension gnoséologique : elles consistent en une forme de pensée ou plus précisément une forme de connaissance irréfléchie sur laquelle le sens pratique peut miser pour s’accomplir, déployer l’ordre du sens et régir les pratiques.
8Les évidences de l’expérience doxique rendent ainsi possible une adhésion immédiate aux tâches ou aux actions qui s’imposent. Dans certains textes, Bourdieu fait également de l’expérience doxique une forme de croyance fondamentale qui n’est pas sans évoquer l’Urdoxa husserlienne. Mais si cette dernière décide avant tout de la réalité du monde qui nous entoure, la doxa bourdieusienne porte bien plus sur ce qui est « à faire », c’est-à-dire sur les obligations pratiques Ainsi Bourdieu précise-t-il le statut de cette croyance dans Raisons pratiques :
La croyance dont je parle n’est pas une croyance explicite, posée explicitement comme telle par rapport à la possibilité d’une non-croyance, mais une adhésion immédiate, une soumission doxique aux injonctions du monde qui est obtenue lorsque les structures mentales de celui à qui s’adresse l’injonction sont en accord avec les structures engagées dans l’injonction qui lui est adressée. En ce cas, on dit que ça allait de soi, qu’il n’y avait pas autre chose à faire.9
9Dans certains textes, l’expérience doxique devient, en particulier dans Le sens pratique où elle trouve sa définition spécifique, une « adhésion aux présupposés […] du jeu » : si le sens pratique peut opérer sur le mode de l’implicite et du tacite, c’est parce que la doxa est effective et que l’agent adhère aux « présupposés » du sens du jeu, à ce que l’on tient pour admis pour que le jeu puisse se jouer et vaille la peine d’être joué. Ce qui signifie également que c’est au cœur même de la subjectivité que se décide l’ordre des choses :
[…] l’homogénéité (relative) des habitus qui en résulte est au principe d’une harmonisation objective des pratiques et des œuvres […] qui leur valent d’être vécues comme évidentes ou allant de soi, c’est-à-dire comme immédiatement intelligibles et prévisibles […].10
10L’évidence de « ce qui va de soi » vaut donc accord : elle détermine le sujet à agir sur un mode qui ne souffre pas la discussion et qui n’est pas même soumis à l’examen. C’est à ce titre qu’elle constitue, selon les termes de l’Esquisse pour une théorie de la pratique de 1972, un « état implicite et indiscuté »11. Les logiques de l’expérience doxique ne s’exposent pas, ni ne se disent explicitement : on fait ce qui est à faire, si bien que tout reste « en ordre ».
11L’ordre des choses s’impose ainsi à nous en vertu de la puissance réaliste de l’allant de soi : la croyance fondamentale sur laquelle repose le sens pratique est un « sens de la réalité » où la pratique apparaît non seulement comme possible mais aussi comme ce qui doit être fait pour que l’ordre social soit préservé. Dès lors, selon Bourdieu, les processus sociaux et historiques apparaissent comme des faits naturels, ils s’imposent comme des arbitraires naturalisés. Il existe un ordre pratico-social du sens, qui a pour présupposés un ensemble de thèses, de croyances, qui structurent par avance notre rapport à l’environnement pratique et au monde social qui nous entoure. Ces présupposés sont au principe d’un maintien de l’ordre social. Si la doxa joue son rôle à plein, nos manières de percevoir, d’évaluer et d’agir nous semblent aller de soi et notre propre « sens du jeu » s’ajuste à un ordre du sens préexistant12. Dans l’Invitation à une sociologie réflexive, Bourdieu présente encore en ces termes cet « ordre des choses » qui n’est que la dimension objectivée de l’expérience doxique : « De toutes les formes de “persuasion clandestine”, la plus implacable est celle qui est exercée, tout simplement, par l’ordre des choses »13. Cette « persuasion clandestine » mentionnée par Bourdieu doit bien sûr être rapprochée de la « persuasion silencieuse du sensible » évoquée par Merleau-Ponty dans l’une des notes de travail du Visible et l’invisible14 : de même que « l’Être » se manifeste à nous, par l’intermédiaire de la sensibilité, sur le mode de l’évidence silencieuse (chez Merleau-Ponty), l’agent se rapporte aux « choses » et aux pratiques selon des évidences qui ne sont pas questionnées pour elles-mêmes (chez Bourdieu).
12Mais cette dimension objective de l’expérience doxique qui trouve sa réalité dans l’ordre des choses a son envers subjectif, qui est sa condition de possibilité. En effet, l’expérience doxique est le produit d’une socialisation et d’une incorporation de « structures externes » ou « objectives » qui rendent possible l’ajustement « spontané » des structures internes, subjectives, avec les régularités du monde social.
Et quand les structures incorporées et les structures objectives sont en accord, quand la perception est construite selon les structures de ce qui est perçu, tout paraît évident, tout va de soi. C’est l’expérience doxique dans laquelle on accorde au monde une croyance plus profonde que toutes les croyances (au sens ordinaire) puisqu’elle ne se pense pas en tant que croyance.15
13De ce point de vue, l’identification de la nature exacte de l’expérience doxique est d’une grande importance pour comprendre, ultérieurement, quelles peuvent être les capacités réflexives de l’agent et en quoi cette « réflexivité » peut bien consister : si l’on veut avoir une chance d’identifier les conditions sociales de possibilité de la connaissance, il faut pouvoir se déprendre de l’empire de la doxa.
14Ces différentes caractérisations de l’expérience doxique apparaissent clairement comme une réinterprétation d’une théorisation phénoménologique de l’attitude naturelle, dont Bourdieu avait une connaissance assez précise, puisqu’il avait un temps choisi de consacrer sa thèse de philosophie à la « phénoménologie de la vie affective, ou plus exactement sur les structures temporelles de l’expérience affective » chez Husserl16. Lorsqu’il part en Algérie, Bourdieu lit encore de très près Husserl et Heidegger et il s’inspire parfois directement des analyses de Merleau-Ponty17. Dans un texte de 2001 donné en réponse à l’article de C. Jason Throop et Kevin Miles Murphy intitulé « Bourdieu and phenomenology: a critical assessment »18, Bourdieu reconnaissait cette dette en expliquant qu’il s’était donné pour but :
d’intégrer l’analyse phénoménologique dans une approche globale dont elle est l’une des phases (la première, subjective), la seconde étant l’analyse objectiviste.19
15Dans le cas présent et pour ce qui concerne l’expérience doxique, Bourdieu se fonde sur sa lecture des textes d’Alfred Schütz, qu’il a appris à connaître par l’intermédiaire de Raymond Aron comme il le rappellera dans L’Esquisse pour une auto-analyse :
Je venais de découvrir, grâce à Raymond Aron, qui l’avait connu, l’œuvre de Schütz, et il me paraissait intéressant d’interroger, comme le phénoménologue, le rapport familier au monde social, mais de manière quasi-expérimentale, en prenant pour objet d’une analyse objective, voire objectiviste, un monde qui m’était familier, où tous les agents étaient des prénoms, où les manières de parler, de penser et d’agir allaient pour moi tout à fait de soi, et d’objectiver, du même coup mon rapport de familiarité avec cet objet […].20
16En effet, Schütz, tout en s’inscrivant dans les pas du dernier Husserl, a pu prôner une réorientation de l’analyse phénoménologique en direction de l’attitude naturelle, en s’épargnant tout recours à l’attitude transcendantale. L’attitude naturelle demeure le référent permanent de l’attitude « réflexive » qui doit être celle du phénoménologue qui cherche à décrire les structures du « monde de la vie ». L’analyse réflexive de l’attitude naturelle montre précisément que celle-ci fait que nous accordons au « monde de la vie » le bénéfice de la Selbstverständlichkeit, c’est-à-dire une auto-compréhensibilité qui aveugle sur ce qu’il est véritablement. Dans l’attitude naturelle, le monde de la vie est cette réalité dont la compréhension s’impose d’elle-même (selbstverständliche Wirklichkeit)21 et qui constitue la toile de fond de l’ensemble de mes activités.
17Si ces ressources phénoménologiques sont mobilisées par Bourdieu, c’est sans doute parce qu’elles constituent une alternative théorique crédible aux différentes conceptions de l’« idéologie » qui pouvaient avoir cours dans les années 60 et 70, sous la double inspiration du marxisme et du structuralisme triomphant. En effet, le concept d’« idéologie » risque d’induire une conception intellectualiste du sens pratique, alors qu’il importe de faire droit à une expérience familière qui se joue dans les corps et ce, de manière irréfléchie. Dans les Méditations pascaliennes, Bourdieu précise en ces termes ses réticences à l’égard de ce concept :
Si j’en suis venu peu à peu à bannir l’usage du mot « idéologie », ce n’est pas seulement en raison de sa polysémie, et des équivoques qui en résultent. C’est surtout parce que, en évoquant l’ordre des idées, et de l’action par les idées et sur les idées, il incline à oublier un des mécanismes les plus puissants du maintien de l’ordre symbolique, à savoir la double naturalisation qui résulte de l’inscription du social dans les choses et dans les corps […] avec les effets de violence symbolique qui en résultent.22
18Cependant il convient de souligner le fait que la réinterprétation sociologique de l’expérience doxique s’affranchit de la phénoménologie dès lors qu’il s’agit de rendre compte des raisons de la naturalisation de celle-ci. En effet, on ne peut en rester à ces « quelques constats anthropologiques généraux et anhistoriques », comme Bourdieu y insiste dans les Méditations pascaliennes :
Ce qui se présente aujourd’hui comme évident, acquis, établi une fois pour toutes, hors de discussion, ne l’a pas toujours été et ne s’est imposé comme tel que peu à peu : c’est l’évolution historique qui tend à abolir l’histoire, notamment en renvoyant au passé, c’est-à-dire à l’inconscient, les possibles latéraux qui se sont trouvés écartés, faisant ainsi oublier que l’« attitude naturelle » dont parlent les phénoménologues, c’est-à-dire l’expérience première du monde comme allant de soi, est un rapport socialement construit, comme les schèmes perceptifs qui la rendent possible.23
19En un sens, il faut sur ce point rester fidèle à l’inspiration durkheimienne qui préconise d’aborder les faits sociaux comme des choses, en restituant leur extériorité et leur normativité. L’expérience doxique est précisément ce qui nous oblige, en vertu d’une histoire qui est à la fois celle du sujet social et celle des structures objectives du monde social. Pour rompre avec la naturalité de l’expérience doxique, il faudra restituer l’histoire de ce qui passe désormais pour naturel, ou pour anhistorique, c’est-à-dire en remettant en question ce qu’elle tend à faire passer pour non questionnable. Car la doxa a la ressource d’exclure par avance la question de sa propre genèse et plus précisément « la question que l’expérience doxique du monde social exclut par définition, celle des conditions (particulières) qui rendent possible cette expérience »24. C’est bien parce que les structures internes de l’habitus reproduisent ou répliquent avec succès les structures externes ou objectives du monde social que les agents peuvent méconnaître la réalité de ces structures objectives pour considérer les structures internes de leur façon de percevoir, d’évaluer et d’agir comme « naturelles ». La naturalité de l’expérience doxique procède de l’ignorance de la réalité du rapport dialectique entre les structures internes de l’habitus et les structures objectives du champ et du monde social.
20Bourdieu pousse si loin la reprise de certains philosophèmes phénoménologiques qu’il en vient à suggérer l’idée que, pour suspendre l’empire de l’expérience doxique, il faudra se déprendre de cet ensemble de présupposés tacites qui sont au principe du sens pratique et opérer ce qu’il appelle une « époché pratique, [une] mise en suspens de l’adhésion première à l’ordre établi »25. Celle-ci peut d’ailleurs advenir fortuitement à l’occasion de discordances relevant du registre de l’impair, de la maladresse ou de l’échec : dans telles circonstances, le « sens du jeu » n’opère plus. Ce qui allait de soi ne va plus de soi, parce que l’expérience doxique est remise en cause par de nouveaux discours ou de nouvelles pratiques ou encore par une évolution des structures objectives. Il y a loin, pourtant, de l’échec pratique à la constitution d’un regard théorique objectivant porté sur les réalités pratiques et sociales. La constitution de celui-ci suppose l’élaboration d’un regard distancié et, aux yeux de Bourdieu, la pratique de la sociologie. Mais il n’en reste pas moins que l’« époché pratique » peut aussi, à ses yeux, devenir un geste méthodique, certes non plus au sens de la réduction phénoménologique, mais pour inaugurer un régime d’objectivation du sujet, en commençant par l’objectivation de son expérience doxique.
21Dès lors, la conception bourdieusienne de la doxa ouvre la voie d’une politique de l’expérience doxique. En effet, l’expérience doxique est le produit de rapports de force complexes qui font d’elle un véritable rapport politique, où se décident des rapports de perception, des façons de juger, des manières de penser et d’agir :
Cela dit, il ne faut pas oublier que cette croyance politique primordiale, cette doxa, est une orthodoxie, une vision droite, dominante, qui ne s’est imposée qu’au terme de luttes contre des visions concurrentes ; et que l’« attitude naturelle » dont parlent les phénoménologues, c’est-à-dire l’expérience première du monde du sens commun, est un rapport politiquement construit, comme les catégories de perception qui la rendent possible. Ce qui se présente aujourd’hui sur le mode de l’évidence, en deçà de la conscience et du choix, a été, bien souvent, l’enjeu de luttes et ne s’est institué qu’au terme d’affrontements entre dominants et dominés.26
22L’expérience doxique est une soumission à « l’ordre des choses » qui méconnaît ses conditions sociales de possibilité. En cultivant les « automatismes », la doxa permet d’entretenir « un arbitraire culturel et [un] ordre politique qui s’imposent sur le mode de l’évidence aveuglante et inaperçue »27. Elle est ainsi au principe de l’exercice de la domination symbolique, ou plus précisément de sa perpétuation par le biais d’une persuasion intime. Ce qui « va de soi » entretient et dissimule l’arbitraire de la domination. Les membres jouissant d’une position dominante auront un intérêt à la défense de l’intégrité de la doxa, ils travailleront à son extension et continueront de faire passer pour allant de soi, puisque leur propre point de vue s’impose aux autres : « La doxa est un point de vue particulier, le point de vue des dominants, qui se présente et s’impose comme point de vue universel »28.
2. Retours sur la naturalité de l’attitude naturelle
23Parce qu’elle est mise au service d’une praxéologie qui cherche à penser et décrire les logiques de la pratique, cette théorie de l’expérience doxique apparaît comme une relecture très sélective de la phénoménologie de l’attitude naturelle et elle mérite à ce titre discussion. Comme Bourdieu le reconnaissait encore dans les « Réponses » qu’il donnait à Loïc Wacquant en 1987 : « La science sociale […] doit faire une place à une phénoménologie sociologiquement fondée de l’expérience primaire du champ, ou, pour être plus précis, des invariants et des variations des relations entre différents types de champs et différents types d’habitus »29. L’intérêt phénoménologique, si l’on admet qu’il y a bien une forme de phénoménologie « sociologiquement fondée » chez Bourdieu, se détermine autour d’une relecture de la phénoménologie de l’attitude naturelle, en tant qu’elle constitue un ensemble cohérent d’évidences déjà établies et immédiatement disponibles. Cette reprise bourdieusienne de la question de l’expérience doxique est loin d’être sans effet sur la conception que l’on peut se faire de celle-ci au sein même de la tradition phénoménologique et au premier chef chez Husserl.
241. Le premier effet identifiable de la lecture bourdieusienne se joue dans la promotion de la thématique de « l’allant de soi », de la Selbstverständlichkeit, à tel point que celle-ci en vient à concurrencer la thématique, pourtant originelle et centrale, de l’évidence comprise au sens de l’Evidenz, c’est-à-dire comme perception adéquate de l’objet visé. On peut ainsi considérer que Bourdieu a pris acte de la promotion de l’« allant de soi » que Husserl met en réalité lui-même déjà en scène dans sa dernière philosophie, dans La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale30 ou encore dans Expérience et jugement. Dans les premiers paragraphes de ce dernier texte, Husserl cherchait en effet à rendre « acceptable » une « extension du concept d’évidence (Evidenz) »31 opérée en direction d’une certaine évidence de l’expérience anté-prédicative. Husserl faisait ainsi droit à une « régression » qui reconduisait l’activité de connaissance à une sphère passive, affective, prédonnée : avant que la connaissance de l’objet visé ne puisse se produire, nous visons celui-ci sur le mode de la croyance, d’une évidence comprise sur le mode doxique de la certitude vague : « Avant que s’instaure une activité de connaissance, des objets sont toujours déjà là pour nous, donnés dans une certitude simple. À son début, l’activité de connaissance les présuppose »32. En somme, c’est alors toute la théorie de l’évidence, qui valait jusqu’alors comme une norme qui orientait téléologiquement le processus de la connaissance, qui se trouvait ramenée à ses présupposés.
25Mais Husserl caractérisait alors, plus généralement, le site de l’expérience doxique comme étant celui d’un « sol de croyance passive universelle en l’être, qui est présupposé par toute opération singulière de connaissance »33. Et cette croyance passive est elle-même dépendante d’une « attitude » générale de la subjectivité à l’égard du monde, qui n’est autre que l’attitude naturelle. Notons d’emblée, à cet égard, une différence irréductible entre Husserl et Bourdieu : l’attitude naturelle a chez Husserl une extension que Bourdieu ne peut lui reconnaître puisqu’il en va de l’évidence même du monde qui nous entoure, dans toute sa généralité. L’attitude naturelle, telle que la comprend Husserl, est ce qui pose le monde comme existant, non pas à la manière d’une thèse philosophique ou d’un jugement articulé mais plutôt en fonction d’une sorte de croyance primaire ou fondamentale, sous-jacente et informulée. L’attitude naturelle suppose qu’il « va de soi » que le monde existe comme un ensemble infini de choses, d’êtres existant dans le temps et l’espace ou encore, pour reprendre les termes du premier tome des Idées directrices…, comme « l’unique effectivité spatio-temporelle, à laquelle j’appartiens moi-même »34. Et alors que Bourdieu entendait restituer les conditions sociales de possibilité d’une expérience doxique particulière, relative à un contexte social déterminé, la phénoménologie husserlienne s’attachait bien plutôt à décrire le fonctionnement de l’attitude naturelle et les différentes structures du monde de la vie quotidienne. La sociologie bourdieusienne de l’expérience doxique part du principe qu’il faut penser cette dernière depuis son enracinement social et historique, c’est-à-dire selon sa relativité, sa contingence et son arbitraire, tandis que la phénoménologie de l’attitude naturelle peut prétendre à une certaine universalité, l’attitude naturelle étant une dimension essentielle du rapport que tout sujet entretient à l’égard du monde qui l’entoure, quelles que soient les variations sociales et culturelles qui puissent se présenter en outre. Bourdieu cherche à penser les rapports invariants entre les différents types de champs et les différents types d’habitus, alors que Husserl s’efforce de décrire l’essence même de l’attitude naturelle.
262. Un deuxième effet de la relecture bourdieusienne de la phénoménologie de l’expérience doxique concerne le statut de la « naturalité » qui est reconnu à l’attitude naturelle. En effet, si l’on suit Bourdieu dans son approche « non intellectualiste » du sens pratique et de l’expérience doxique, il apparaît clairement que sa phénoménologie « sociologiquement fondée » cherche à les décrire sans supposer plus qu’il ne semble nécessaire et en les pensant pour eux-mêmes. En un sens, ce geste est en cohérence avec l’idée que l’on peut opérer une réflexion sur l’attitude naturelle depuis elle-même et que la phénoménologie s’inaugure, déjà, de la considération de l’attitude naturelle. Dès lors, il ne s’agit plus de dramatiser la rupture avec l’attitude naturelle, comme la voie cartésienne d’accès à la réduction pouvait le laisser entendre, mais bien d’exercer une forme de réflexivité sur l’essence même, les logiques et les dynamiques de l’attitude naturelle. Pour le dire autrement, c’est la question même de la naturalité qui doit retenir ici l’attention, puisqu’il faut rendre celle-ci problématique alors qu’elle se donne sans cesse, précisément, pour ce qui ne fait pas problème.
27Sous la perspective qui était encore celle de la « critique de la connaissance », l’expérience doxique qui se joue sous le régime de l’attitude naturelle pouvait bien sûr apparaître comme éminemment problématique, mais seulement après coup, après la rupture rendue possible par l’épokhé. L’expérience doxique de « l’allant de soi » refuse de se questionner et fait tout de manière automatique. Ce que Husserl reproche le plus à l’attitude naturelle, c’est qu’elle n’a aucun souci d’une critique de la connaissance puisqu’elle se déploie comme une certitude qui ne se remet pas en cause ; elle est donc une évidence naïve et irréfléchie. Et la naïveté de l’attitude naturelle n’est pas une erreur. Elle n’est pas non plus un état originaire d’innocence qui précéderait la contamination par le savoir : il s’agit au contraire d’un état tardif de conviction constitué d’évidences obvies qui sont le fruit d’une constitution passive de l’expérience. Mais précisément, parce qu’elle est « naïve » aux yeux de la critique de la connaissance, l’attitude naturelle est nécessairement ce dont on doit s’affranchir pour rendre possible ladite critique de la connaissance que la phénoménologie entend mener à son terme.
28A contrario, sous la perspective d’une redécouverte de l’expérience « antéprédicative », l’attitude naturelle peut redevenir le thème central de l’investigation phénoménologique. Sa « naïveté » supposée se présente alors différemment puisqu’elle apparaît aussi comme une forme de réalisme spontané de la conscience intentionnelle. Elle donne toujours l’existence du monde pour « déjà-là », parce que celle-ci est à la fois éprouvée et fiable. Elle apparaît elle-même comme une forme de rapport pratique fondamental et confiant à l’égard du monde : elle est attitude, au sens où elle constitue une manière particulière de se tenir à l’égard du monde. Cette attitude engage bien la subjectivité dans un rapport au monde qui est prioritairement pratique : la tâche de connaissance est d’abord une tâche, soit ce qui reste à accomplir.
293. Mais il faut aussi rendre compte des raisons de la naturalité reconnue à l’attitude naturelle. Comme nous l’avons vu, Bourdieu découvre son principe dans une coïncidence entre les structures d’un champ social déterminé et celles de l’habitus — coïncidence qui est aussi un certain état d’un rapport de forces sociales en présence. Le fondement des pratiques (culturelles, scolaires, scientifiques, ou artistiques par exemple) n’est ni tout à fait hors du sujet, ni tout à fait en lui, mais dans une relation entre l’extériorité et l’intériorité que Bourdieu précise notamment à travers les concepts d’habitus, de champ et de capital. Le concept d’habitus renvoie au sujet social lui-même qui acquiert par la socialisation des dispositions durables qui sont aussi bien des manières d’agir, de se comporter, que de sentir et de réfléchir. Le champ est un espace social déterminé, caractérisé par un certain type d’enjeu, qui impose en même temps ses normes spécifiques (liées à un type particulier de pratique sociale) et organise une concurrence entre divers agents. Enfin le « capital » décliné en différentes versions (économique, social, culturel…), constitue le type de ressources matérielles ou symboliques que mobilisent les agents en fonction de leur habitus pour évoluer efficacement dans un ou plusieurs champs. C’est dans la relation entre ces trois éléments de l’univers social que se trouverait finalement la matrice des pratiques (objectives) et des représentations (subjectives) humaines, en fournissant du même coup la clé de compréhension de la reproduction de l’ordre social.
30Sur ce point, il est bien certain que ce qui est ici en jeu, du point de vue même de la phénoménologie « sociologiquement fondée » que Bourdieu entend développer, c’est une démarche génétique qui s’attache à désigner les processus complexes en vertu desquels le « naturel » ou « l’allant de soi » apparaît comme tel. C’est ici le concept d’habitus qui doit particulièrement retenir l’attention. L’habitus est un « système de schèmes de perception, de pensée, d’appréciation et d’action »35 produits par un lent et continu processus d’apprentissage implicite ou explicite de goûts, de manières d’agir et de réfléchir, de dispositions à l’égard du temps, etc. Ce système s’incarne dans le corps et l’esprit du sujet social selon une unification de relations tout à fait particulière, relative à sa trajectoire individuelle, ses rencontres et ses expériences. Selon la célèbre définition qu’en donne l’Esquisse d’une théorie de la pratique, l’habitus est un ensemble de « structures structurées prédisposées à fonctionner comme structures structurantes »36. « Structure structurée » depuis la prime enfance (où s’acquièrent les traits les plus durables, ceux de la classe d’origine), et sans cesse renégocié dans les diverses situations sociales, l’habitus fonctionne immédiatement comme « structure structurante », c’est-à-dire comme ensemble de cadres a priori d’appréhension des phénomènes sociaux. Rappelons à cet égard que si l’habitus fonctionne la plupart du temps sur un mode « automatique », en exprimant dans la pratique les dispositions inconscientes et héritées de l’individu, il ne se réduit pas à l’effet d’une ou de plusieurs causes. Il peut au contraire, certaines conditions étant réunies, être une source d’improvisation et de nouveauté.
31C’est en définitive sur ce point que s’avère la divergence la plus nette entre la phénoménologie « sociologiquement fondée » de l’expérience doxique telle que Bourdieu peut la concevoir et la phénoménologie de l’attitude naturelle initiée par Husserl. Car, en un sens, au-delà de la caractérisation générale qu’en donnent les Idées directices ou les Méditations cartésiennes pour en faire le point de départ méthodologique de la démarche de la réduction transcendantale, il est aussi possible de concevoir l’attitude naturelle comme étant le produit d’une habitualisation du sujet, soit de la constitution d’un habitus, au sens où Husserl a pu, pour sa part, le définir. En effet, selon Husserl, le moi personnel peut être défini comme le « substrat des habitus » ou encore comme le « substrat identique des propriétés permanentes du Je » :
En se constituant par une genèse active propre comme le substrat identique des propriétés permanentes du Je, le Je se constitue aussi ultérieurement comme moi personnel qui se tient et se maintient […]. Même si, en général, les convictions ne sont que relativement durables, elles ont leurs modes de changement (par modalisation des positions actives, parmi lesquelles : suppression ou négation, annulation de leur validité), le je confirme, malgré de tels changements, qu’il a un style permanent où règne une unique identité, qu’il possède un caractère personnel.37
32L’habitualité, ainsi considérée sous la perspective d’une phénoménologie génétique, est cette disposition a priori en vertu de laquelle les expériences passées sont dans un premier temps retenues, sédimentées, puis, dans un second temps, réactivées, revivifiées et restituées. Par la grâce de l’habitus, se forme une propriété acquise et durable de l’ego.
33Or l’attitude naturelle s’apparente bien, à cet égard, à un habitus passivement constitué, à une propriété durable du sujet qui détermine son intérêt pour le monde. Et cet habitus qui est au principe de l’attitude naturelle persiste pour autant que se maintiennent les motivations passives qui valident continûment son contenu thétique. L’attitude naturelle procède ainsi constamment à une forme de reconduction de l’évidence fondamentale de l’existence du monde, sur laquelle se fondent une multitudes d’évidences, générales ou spécifiques, qui tissent la trame générale de l’« allant de soi ». Husserl s’attache ainsi à penser un fonctionnement universel de la subjectivité, que Bourdieu rejette au motif d’une nécessaire « historicisation ».
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Voetnoten
1 Au sens où Husserl comprend celle-ci, que ce soit dans les Recherches logiques (E. Husserl, Recherches logiques. Tome III. Éléments d’une élucidation phénoménologique de la connaissance, tr. fr. par A. L. Kelkel et R. Schérer, Paris, PUF, 1963, § 38, p. 150 [Hua XIX, p. 651]) ou encore, de manière très explicite, à la fin des Méditations cartésiennes (E. Husserl, Méditations cartésiennes et Les Conférences de Paris, Paris, PUF, 1991, § 63, p. 203, [Hua I, p. 177]). Nos références aux textes de Husserl renvoient aux traductions les plus courantes, ainsi qu’aux Husserliana (abrégé Hua), édition en cours des œuvres complètes de Husserl chez M. Nijhoff depuis 1950, chez Kluwer depuis 1980 et chez Springer enfin, depuis 2000.
2 E. Husserl, Recherches logiques. Tome III. Éléments d’une élucidation phénoménologique de la connaissance, op. cit., p. 150 [Hua XIX, p. 651].
3 Ibid.
4 E. Husserl, Recherches logiques. Tome III. Éléments d’une élucidation phénoménologique de la connaissance, op. cit., § 39, p. 151 [Hua XIX, p. 652].
5 E. Fink, De la phénoménologie, Paris, Les Éditions de Minuit, 1976, p. 240.
6 E. Husserl, Méditations cartésiennes et Les Conférences de Paris, op. cit., « Introduction », p. 48 [Hua I, p. 47].
7 E. Husserl, Expérience et jugement. Recherches sur la généalogie de la logique, Paris, PUF, § 7, p. 34 [Erfahrung und Urteil. Untersuchung zur Genealogie der Logik, Hamburg, Glaasen & Goverts, Dordrecht/Boston/London, Kluwer, 1948, p. 25].
8 P. Bourdieu, Le sens pratique, Paris, Les Éditions de Minuit, 1980, p. 111-134. La considération de la doxa est bien moins développée dans l’Esquisse d’une théorie de la pratique, même si Bourdieu fait déjà bien droit à l’expérience de la naturalité comme expérience de l’« allant de soi » (P. Bourdieu, Esquisse d’une théorie de la pratique précédé de Trois études d’ethnologie [1972], Paris, Seuil, 2000, p. 285 sq.).
9 P. Bourdieu, Raisons pratiques : sur la théorie de l’action, Paris, Seuil, 1994, p. 188.
10 P. Bourdieu, Esquisse d’une théorie de la pratique précédé de Trois études d’ethnologie [1972], op. cit., p. 264.
11 P. Bourdieu, Esquisse d’une théorie de la pratique précédé de Trois études d’ethnologie [1972], op. cit., p. 411.
12 Bourdieu considère que l’empire de la doxa s’étend aussi aux intellectuels qui « laissent à l’état impensé (doxa) les présupposés de leur pensée », situation qui est celle de la « doxa épistémique » (cf. : P. Bourdieu, Raisons pratiques : sur la théorie de l’action, op. cit., p. 217).
13 P. Bourdieu et L. Wacquant, Invitation à la sociologie réflexive, op. cit., p. 222.
14 M. Merleau-Ponty, Le visible et l’invisible, Paris, Gallimard, 1964, p. 263.
15 P. Bourdieu, Raisons pratiques : sur la théorie de l’action, op. cit., p. 156.
16 P. Bourdieu, Choses dites, Paris, Les Éditions de Minuit, 1987, p. 16.
17 F. Héran, « La seconde nature de l’habitus. Tradition phénoménologique et sens commun dans le langage sociologique », Revue française de sociologie, XXVIII-3, 1987, p. 385-416.
18 Throop C.J. et Murphy K., "Bourdieu and phenomenology : a critical assessment", Anthropological Theory, 2002, 2, 2, p. 185‑207.
19 Pierre Bourdieu, « Response to Throop and Murphy », Anthropological Theory, 2002, 2, 2, p. 209. Nous donnons une traduction de ce texte en annexe de Bourdieu et la phénoménologie. Théorie du sujet social, Paris, CNRS-éditions, 2019, p. 279-280.
20 P. Bourdieu, Esquisse pour une auto-analyse, Paris, Raisons d’Agir, 2004, p. 80.
21 Sur l’ensemble de cette analyse, voir A. Schütz, T. Luckmann, Strukturen der Lebenswelt, Konstanz, UVK, 2003, p. 3 sq.
22 P. Bourdieu, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, 1997, p. 261.
23 P. Bourdieu, Méditations pascaliennes, op. cit., p. 251.
24 P. Bourdieu, Esquisse d’une théorie de la pratique précédé de Trois études d’ethnologie [1972], op. cit., p. 234.
25 P. Bourdieu, Langage et pouvoir symbolique, Paris, Seuil, 2001, p. 188.
26 P. Bourdieu, Raisons pratiques : sur la théorie de l’action, op. cit., p. 128-129.
27 P. Bourdieu, Esquisse d’une théorie de la pratique précédé de Trois études d’ethnologie [1972], op. cit., p. 300.
28 P. Bourdieu, Raisons pratiques : sur la théorie de l’action, op. cit., p. 129. Voir aussi, dans ce même ouvrage, p. 107 : « Si l’État est en mesure d’exercer une violence symbolique, c’est qu’il s’incarne à la fois dans l’objectivité sous forme de structures et de mécanismes spécifiques et aussi dans la “subjectivité” ou, si l’on veut, dans les cerveaux, sous forme de structures mentales, de schèmes de perception et de pensée. Du fait qu’elle est l’aboutissement d’un processus qui l’institue à la fois dans des structures sociales et dans des structures mentales adaptées à ces structures, l’institution instituée fait oublier qu’elle est issue d’une longue série d’actes d’institution et se présente avec toutes les apparences du naturel. ».
29 P. Bourdieu et L. Wacquant, Invitation à la sociologie réflexive, op. cit., p. 176.
30 E. Husserl, La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, Paris, Gallimard, 1976 [Hua VI].
31 E. Husserl, Expérience et jugement. Recherches sur la généalogie de la logique, op. cit., § 6, p. 31 [Erfahrung und Urteil. Untersuchung zur Genealogie der Logik, op. cit., p. 22].
32 E. Husserl, Expérience et jugement. Recherches sur la généalogie de la logique, op. cit., § 7, p. 33 [Erfahrung und Urteil. Untersuchung zur Genealogie der Logik, op. cit., p. 23].
33 E. Husserl, Expérience et jugement. Recherches sur la généalogie de la logique, op. cit., § 7, p. 34 [Erfahrung und Urteil. Untersuchung zur Genealogie der Logik, op. cit., p. 25].
34 E. Husserl, Idées directrices pour une phénoménologie pure et une philosophie phénoménologique, Paris, Gallimard, 2018, p. 86 [Hua III-1, p. 61].
35 Bourdieu P. et Passeron J.-Cl., La reproduction : Éléments d’une théorie du système d’enseignement, Les Éditions de Minuit, 1970, p. 50.
36 P. Bourdieu, Esquisse d’une théorie de la pratique, op. cit., p. 256.
37 E. Husserl, Méditations cartésiennes, op. cit., § 32, p. 114-115, [Hua I, p. 101].