- Home
- Volume 11 (2007)
- numéro 3
- Rentabilité économique de l’élevage laitier en Tunisie : cas des Gouvernorats de l’Ariana et de Mahdia
View(s): 43705 (568 ULiège)
Download(s): 1278 (47 ULiège)
Rentabilité économique de l’élevage laitier en Tunisie : cas des Gouvernorats de l’Ariana et de Mahdia
Editor's Notes
Reçu le 2 mai 2006, accepté le 28 février 2007.
Résumé
En Tunisie, l’élevage laitier est rentable dans les conditions de prix des produits et des facteurs de l’année 2002. Cette activité assure une marge brute et un profit moyens égaux respectivement à 641 DT et 127 DT par vache, une production moyenne de 4690 litres par vache pour un coût de production moyen égal à 0,339 DT/litre. Les analyses de simulation ont montré qu’une augmentation de 20 % du prix du concentré aboutit à réduire de 19 % la marge brute moyenne et à augmenter de 8 % le coût de production moyen, ce qui rend non rentable la production du lait en Tunisie. Une subvention de 50 % sur le prix de l’eau d’irrigation permet d’améliorer sensiblement la rentabilité économique de l’élevage intégré et semi-intégré même en cas d’augmentation parallèle de 20 % du prix du concentré. La comparaison du prix de revient du lait à son prix de référence à l’importation, montre, qu’en présence de protection douanière, la production laitière ne serait rentable qu’avec des subventions sur l’eau d’irrigation. En l’absence de droits de douane sur le lait en poudre importé, cette production ne peut pas se justifier même sous les scénarios les plus favorables des prix de l’eau et du concentré.
Abstract
Economic profitability of the dairy production in Tunisia: case of Gouvernorats of Ariana and Mahdia. Dairy production profitability was confirmed in Tunisia under the input and output prices of 2002. This activity ensures a mean dairy production equal to 4690 l, a gross-margin and a profit per cow respectively equal to 641 TND and 127 TND per year. The production cost is equal to 0,339 TND/l. Analyses simulation show that an increase of concentrate price by 20% can reduce the gross-margin and increase milk production cost by 20% and 8% respectively. Within that situation, dairy production is not profitable in Tunisia. Also, simulation analyses showed that a reduction of irrigation water price by 50% had a positive effect on a profitability particularly of the integrated and semi-integrated systems even with a parallel increase of concentrate price by 20%. A comparison of milk production cost to its economic price of importation, indicates that dairy production is profitable only with present custom protection and with an irrigation water price subsidy. Without border protection, dairy production is not profitable in Tunisia even under the best favorable hypothesis about water and concentrate prices.
Table of content
1. Introduction et problématique
1En Tunisie, le secteur lait est un secteur stratégique, il occupe une place importante dans le domaine agricole, économique, social et dans la santé humaine. En effet, il a contribué en 1998 à hauteur de 22,5 % de la valeur de la production animale (1166,8 millions de dinars tunisien, DT) et de 8 % de la valeur totale de la production agricole estimée à 3270,106 DT. Le secteur lait occupe prés de 151000 éleveurs, représentant 32 % de l’ensemble des agriculteurs, et emploie 68 % des ouvriers salariés permanents dans le secteur agricole (Ministère de l’Agriculture, 1995a).
2Vu son importance, le secteur laitier a bénéficié depuis le milieu des années 1980, d’un volume important d’investissement passant de 76 millions de dinars durant le VIIIe Plan à 173 millions pour le IXe plan soit une augmentation de 13 % (Ministère de l’Industrie, de l’énergie et des PME, 2004), d’une série de réformes qui ont touché les prix des produits et ceux des facteurs de production et des mesures d’incitation visant le développement du secteur de la production à la transformation. Ces mesures ont concerné essentiellement la révision périodique du prix plancher à la production, la constitution d’une infrastructure de collecte et de transformation, l’instauration et l’augmentation de la prime de collecte, l’importation de génisses de race pure et l’octroi de crédits et subventions pour leur acquisition. Le secteur laitier a favorablement réagi à cette stratégie par l’accroissement spectaculaire de la production dépassant ces dernières années les seuils des prévisions des services du Ministère de l’Agriculture et le développement du tissu industriel (Khamassi El Efrit et al., 2001). Par conséquent, le secteur laitier est passé au cours de la période 1997–2001 d’une situation déficitaire à une situation d’autosuffisance en lait de boisson en 1999 puis à un stade d’excédent structurel à partir de 2000 engendrant, ainsi, un problème de gestion des excédents de la production laitière (Najlaoui, 2000 ; Bachta, Laajimi, 2000).
3Cependant, quoique ces mesures aient fortement stimulé la production et la collecte du lait (Tableau 1), participant ainsi à l’augmentation du taux de couverture de la demande par la production nationale (86 % en 1996 et 100 % en 2000) et un allégement du déficit de la balance alimentaire, elles souffrent de certaines insuffisances du fait qu’elles n’ont pas été suivies par d’autres mesures concernant la conduite et surtout l’alimentation du troupeau laitier. En effet, la Tunisie qui était auparavant importatrice de lait en poudre pour la fabrication du lait régénéré, se trouve actuellement importatrice de reproducteurs, de matériels d’élevage et surtout d’aliments pour bétail (maïs, tourteaux de soja, certaines farines, orge, etc.). L’encouragement à la production laitière était basé principalement sur une subvention de l’ordre de 50 % du prix de revient des aliments concentrés importés (Elloumi, Essamet, 1997).
4L’augmentation de la production laitière s’est donc faite sans une parfaite intégration de l’élevage laitier dans le système de production. Les superficies fourragères ne semblent pas évoluer au rythme de l’effectif des animaux (Tableau 2).
5Malgré la suppression en 1992 des subventions à l’importation des aliments rentrant dans la fabrication du concentré (Ministère de l’Agriculture, 1997), on observe toujours un accroissement des importations de ces aliments. Ceci s’explique par le développement continu du système d’élevage hors sol basé sur l’utilisation massive du concentré acheté. Même pour les systèmes relativement intégrés, on observe un taux élevé d’utilisation de concentré par litre de lait produit et parfois même, on observe que le concentré et non le foin est l’aliment de base de la ration (Ministère de l’Agriculture, 1995b). La part importante du concentré dans l’alimentation du cheptel laitier en Tunisie a entraîné une sensibilité plus forte de l’offre laitière au coût de la ration qu’au prix du lait (Fezzani, Thabet, 1995). D’après cet auteur, le concentré représente à peu près 40 à 48 % de l’ensemble du coût d’alimentation. Ce dernier varie en fonction du niveau d’intégration de l’élevage au système de production de l’exploitation.
6Le rapport des prix entre le foin et le concentré ainsi que leurs valeurs nutritives jouent en faveur de l’utilisation du concentré (Tableau 3).
7En raison de l’inadéquation ou du manque de matières premières locales, les concentrés dépendent lourdement d’ingrédients importés (maïs et tourteaux de soja). Ces derniers sont entièrement importés ce qui pose le problème de la sortie fort importante de devises pour leurs achats. En conséquence, la production du lait en Tunisie est largement dépendante de la disponibilité de ces produits sur le marché international et des fluctuations de leurs cours mondiaux (Tableau 4). Quant à l’orge, les importations varient considérablement en fonction des conditions climatiques. Lors des sécheres-ses, elles augmentent et le pays importe aussi du foin et de la luzerne.
8Bien que la stratégie mise en place en vue de couvrir les besoins nationaux en lait soit sur la voie de la concrétisation (Ministère de l’Agriculture, 2001), certaines analyses économiques sont cependant incontournables afin de mieux cerner la rentabilité des différents systèmes d’élevage laitier et de prévoir les retombées possibles de certaines mesures de politique agricole sur l’évolution de cette rentabilité.
9Cette recherche se propose, donc, de déterminer la rentabilité économique des différents systèmes d’élevage en Tunisie à travers le calcul de certains indicateurs d’analyse économique (coût de production, marge brute, profit) pour chaque système et l’analyse des sources de variabilité.
2. Méthodologie
2.1. Collecte des données
10Une enquête auprès de 162 éleveurs a été faite en 1998 par l’INRAT et a été actualisée en 2002. Elle a porté sur les systèmes d’élevage bovin laitier dans deux bassins laitiers, Ariana et Mahdia, représentatifs de la situation en Tunisie. Le choix des gouvernorats de l’Ariana et de Mahdia est dicté par l’importance de leur effectif et de leur contribution à la production nationale en lait. Ils représentent comme moyenne de la période 2000–2002, 18,4 % de l’effectif total de race pure et 14,7 % de la production nationale en lait. Le choix de ces deux Gouvernorats découle, également, du fait que la production laitière dans ces deux gouvernorats possède les mêmes caractéristiques que celles au niveau national. En effet, l’augmentation de la production laitière semble être surtout liée à une augmentation de l’effectif de race pure sans augmentation similaire de la superficie fourragère (Ministère de l’Agriculture, 2002).
11Faute d’informations sur les besoins en intrants de certaines cultures fourragères, on a eu recours au document intitulé « calcul des marges brutes (par ha) et prix de revient de l’UF des principales productions fourragères dans les Gouvernorats de l’Ariana et de Ben Arous » réalisé par l’Office de l’élevage et des Pâturages (OEP) et le projet AVAPEL (OEP, AVAPEL, 1999). Le travail consiste à calculer les charges fixes et variables à l’hectare des différentes productions fourragères entrant dans la ration du troupeau laitier.
2.2. Les indicateurs d’analyse économique utilisés
12Le coût de production (CP) : cet indicateur est défini par l’ensemble des charges engagées pour la production d’une unité d’un produit donné. Dans le présent travail il s’agit de calculer le coût de production d’un litre de lait.
13NB : l’élevage laitier est une activité qui donne plusieurs produits, par convention le lait est considéré comme production principale et les autres (veau et fumier) sont considérés comme des sous-produits. D’après Chombart de Lauwe et al. (1969) et Cordonnier et al. (1970) et pour des raisons de simplification, la valeur des sous-produits (VSP) doit être soustraite des charges totales (CT) afin d’obtenir le coût de production du produit principal (CP).
14CP = (CT - VSP)/NP
15NP : niveau de production
16Dans la détermination de ce coût on s’est servi des concepts suivants définis comme suit :
17– Les charges fixes (CF) : sont liées à des décisions à long terme. Elles sont très peu réversibles et sont appelées aussi coûts fixes ou coûts de structures (Lassègue, 1975). Elles regroupent le fermage, l’entretien des bâtiments, l’entretien du matériel, la main-d’œuvre permanente, les frais vétérinaires, l’assurance, l’eau, l’électricité et l’amortissement. Pour déterminer le montant de l’amortissement annuel d’un bien, on a disposé de 3 éléments :
18– la durée de vie
19– le montant à amortir qui correspond à la différence entre la valeur d’origine et la valeur en fin d’existence
20– le rythme de l’amortissement.
21L’amortissement du matériel de traite a été calculé sur 10 ans. L’amortissement du bâtiment a été calculé sur 20 ans, quant à celui des reproducteurs il a été calculé sur 7 ans. Par manque d’information sur le prix, la durée de l’amortissement du matériel agricole destiné à la production du fourrage, on a considéré que toutes les exploitations produisant du fourrage à la ferme font recours à la location.
22– Les charges variables (CV) : sont liées à des décisions à court terme et sont donc réversibles. Elles correspondent à l’utilisation de la capacité existante, c’est pourquoi elles sont parfois qualifiées de coûts opérationnels (Lassègue, 1975). Elles sont constituées par les approvisionnements en intrants destinés à la production du fourrage (mécanisation, main-d’œuvre occasionnelle, eau, semences, engrais, produits de traitement, transport, etc.), les aliments pour l’alimentation du bétail (concentré, son, céréales, paille, foin, bouchon de luzerne, pain, etc.).
23CT = CF + CV
24CT : charges totales
25– La marge brute par vache et par an (MB) : cet indicateur est défini par la différence entre deux grandeurs qui sont liées, le produit brut (PB) et les charges variables (CV). Selon Lassègue (1975), elle est aussi appelée marge sur coût variable ou bénéfice brut. En terme unitaire, ce dernier est égal au prix de vente - coût variable.
26MB = PB - CV
27Si le produit brut augmente plus vite que les charges variables, l’éleveur a intérêt à augmenter ses charges variables jusqu’au point où la marge brute est maximale. Ceci correspond au produit brut optimum et à une utilisation optimale des facteurs fixes.
28– Le profit : appelé aussi bénéfice d’exploitation ou bénéfice net, est égal au bénéfice brute (marge brute) moins les charges fixes (Lassègue, 1975).
29Profit = (PB - CV) - CF
30– Le coefficient d’efficacité économique (CEE) : cet indicateur est défini par le rapport entre le produit brut en valeur et l’ensemble des charges. Il renseigne sur le taux de couverture des charges globales par la valeur du produit. Cet indicateur doit être supérieur à 1 pour que l’exploitant réalise un profit. Plus cet indicateur est élevé plus l’exploitation est économiquement efficiente.
31CEE = PB / (CV + CF)
2.3. Les scénarios utilisés
32Le premier scénario (S0) consiste à analyser la rentabilité économique des différents systèmes d’élevage en utilisant les prix observés des produits et des intrants de l’année 1998. Ce scénario définit la situation de base.
33Les scénarios suivants consistent à évaluer l’impact prévisionnel de certaines mesures de politique agricole sur la rentabilité économique des différents systèmes bovins laitiers en Tunisie. Trois mesures ont été introduites dans l’analyse.
34Le deuxième scénario (S1) est l’augmentation prévisionnelle du prix du concentré industriel : vu l’importance de la part du concentré industriel dans la ration des animaux dans les différents systèmes d’élevage, on a supposé une augmentation de 20 % du prix du concentré pour voir le degré de sensibilité de chaque système à cette variation.
35Le troisième scénario (S2) est la réduction du prix de l’eau dans les périmètres publics irrigués : une réduction de 0,055 DT.m-3 du prix de l’eau destinée à l’irrigation des cultures fourragères et aux céréales a été décidée en août 1998 (0,055 DT le m3 au lieu de 0,130 DT à la date de l’enquête) a certes des effets qui varient d’un système d’élevage à un autre. Il s’agit de déterminer l’impact de la réduction du prix de l’eau sur l’évolution de la rentabilité économique des différents systèmes d’élevage.
36Le quatrième scénario (S3) est l’augmentation prévisionnelle du prix du concentré et réduction du prix de l’eau dans les périmètres publics irrigués : le but est de prévoir l’impact des deux mesures simultanées sur l’évolution de la rentabilité économique des différents systèmes d’élevage.
2.4. Outil de traitement des données
37Le traitement des données a été réalisé par le progiciel « quatre vents », qui est un outil d’aide à la décision pour l’orientation stratégique et l’évaluation des risques de l’entreprise agricole et rurale.
3. Les caractéristiques de l’élevage laitier en Tunisie
38D’après l’enquête réalisée par l’INRAT en 1998 et actualisée en 2002, on peut avancer les constatations suivante :
3.1. Occupation du sol
39Le mode de faire-valoir. Parmi les 162 exploitants, 62 % sont des propriétaires, 10 % locataires dont 4 sociétés de mise en valeur, 5 % sont des exploitants et utilisent aussi des terres en association et 23 % exploitants sans terre.
40L’assolement. Plusieurs assolements sont pratiqués : l’assolement biennal fourrages/cultures maraîchères ou bien fourrages/céréales et l’assolement triennal fourrages/cultures maraîchères/céréales. Certains exploitants éleveurs font presque exclusivement du maraîchage ou des cultures fourragères à cause de la superficie très réduite de leur terre.
3.2. La mécanisation
41Elle est limitée aux exploitants pratiquant l’élevage et qui ont des terres. Les exploitations ayant une charge inférieure ou égale à 3 vaches par hectare de fourrages caractérisent le système d’élevage intégré (SI) et sont dotées généralement de matériel de travail du sol, de matériel d’irrigation et de matériel de récolte (moissonneuse-batteuse, ramasseuse-presse, etc.). Dans les exploitations dont la charge à l’hectare de fourrage est supérieure à 3 vaches, on trouve généralement le matériel de travail du sol et le matériel d’irrigation. Ces exploitations ont recours à la location du matériel de récolte. Ces dernières exploitations caractérisent le système d’élevage semi-intégré (SSI). Quant aux éleveurs sans terre et qui caractérisent le système d’élevage pratiqué en hors sol (SHS), la mécanisation se limite à l’achat de petit matériel d’élevage et de transport lorsque l’effectif est assez important pour la livraison du lait.
3.3. La main-d’œuvre
42La nature de la main-d’œuvre et la durée de travail dépendent essentiellement du type de l’élevage pratiqué et de sa conduite. Dans les systèmes d’élevage intégré et semi-intégré on trouve deux types de main-d’œuvre, la main-d’œuvre permanente et la main-d’œuvre occasionnelle. La main-d’œuvre permanente est généralement destinée aux travaux de conduite tels que l’alimentation, le nettoyage et la traite. Quant à la main-d’œuvre occasionnelle, elle est destinée essentiellement à l’activité de production fourragère. Certaines exploitations pratiquant l’élevage intégré (SMVDA, OTD et des exploitations privées ayant un grand effectif de vaches laitières) ont des techniciens spécialisés (maître vacher, zootechnicien, vétérinaire). Dans le système d’élevage pratiqué en hors sol, il n’y a que de la main-d’œuvre permanente. Celle-ci est principalement familiale.
3.4. La conduite du troupeau laitier
43L’alimentation. Dans le système intégré, l’alimentation est basée sur des fourrages produits au niveau de l’exploitation et une complémentation en concentré. Les fourrages produits sont le foin, l’ensilage et la verdure. Ce système regroupe les fermes étatiques, les sociétés de mise en valeur et certaines exploitations privées généralement de taille moyenne à grande. D’après l’enquête, le niveau de production moyen est de 4885 litres par vache présente et par an. Certaines exploitations de ce système font l’engraissement des veaux et l’élevage des génisses de remplacement. Pour le système d’élevage semi-intégré on retrouve les mêmes types d’aliments rencontrés dans le système d’élevage précédent à la différence que l’ensilage n’existe plus dans la ration et que les exploitations concernées ont recours parfois à l’achat des bouchons de luzerne et l’utilisation de concentré fermier composé d’un mélange de son, d’orge et de C.M.V. (Complément Minéral et Vitaminique). Ce système est représenté par des exploitations familiales dont la dimension moyenne du troupeau est de cinq à dix vaches. Le niveau de production moyen est de 4923 litres par vache présente et par an. Ces exploitations se situent généralement près des villes où la demande de lait frais est importante. Dans le système hors sol (éleveurs sans terre) l’alimentation de l’élevage laitier est basée exclusivement sur le foin, la paille et le concentré sont achetés. Plusieurs exploitations de ce système utilisent les restes de pain, le son, les sous-produits industriels tels que les pulpes de tomates et les drêches de brasserie. Le niveau de production moyen est de 4264 litres par vache présente et par an. Ce type d’élevage se trouve dans les banlieues des grandes villes.
44L’insémination. Les 3 systèmes d’élevage pratiquent les deux types d’insémination naturelle et artificielle.
45Les paramètres de reproduction.
46L’intervalle vêlage 1ère chaleur : varie entre 18 et 120 jours. Il est le plus souvent compris entre 30 et 60 jours.
47L’intervalle vêlage 1ère insémination : varie entre 40 et 120 jours, mais dans la plupart des exploitations cet intervalle est compris entre 45 et 60 jours.
48L’intervalle vêlage - vêlage : varie entre 11 et 18 mois, mais généralement il est de 13 mois.
49L’hygiène et la santé : tous les éleveurs reconnaissent être au courant de l’existence d’un programme de vaccination. La fréquence des visites vétérinaires dépend de l’effectif de l’élevage laitier. Plus l’effectif est important, plus les visites sont régulières et intenses. Les 2/3 des éleveurs mentionnent que les visites ne se font pas d’une manière automatique mais se font uniquement en cas de besoin.
50Le vêlage : le vêlage a lieu dans une salle de vêlage pour 5 exploitations (4 SMVDA, 1 agrocombinat), pour toutes les autres exploitations, le vêlage se fait généralement dans un coin de l’étable et sur une litière de paille. Exceptés l’agrocombinat et les SMVDA qui disposent d’un maître vacher ou un technicien pour intervenir au vêlage, l’intervention au vêlage dans les autres exploitations est assurée généralement par l’éleveur et/ou sa femme et l’un de ses enfants. Parfois lorsque le vêlage est difficile, l’exploitant fait appel à l’un de ses voisins ou à l’ouvrier. D’après l’enquête, 54 % des exploitations ont mentionné des cas de vêlage difficile. La cause est principalement liée à l’alimentation (gros veau), à une position anormale du veau et aux causes diverses telles que l’héritage génétique paternel (taureau performant) et le nombre élevé de veaux par portée.
51Les maladies rencontrées : les maladies rencontrées sont liées à l’alimentation, et surtout au logement. Parmi ces maladies, les plus répandues sont les mammites. Plusieurs exploitations (36) ont déclaré avoir des mammites dans leur troupeau. Les maladies liées à une alimentation déséquilibrée (hypocalcémie, diarrhée, acidose, fièvre vitulaire, boiterie) sont plus fréquentes dans le système d’élevage en hors sol, alors que dans les systèmes intégré et semi-intégré ce sont les maladies liées au manque d’hygiène (mammites, pieds gonflés, grippe) qui sont plus répandues.
52La mortalité des jeunes et des adultes : sur toutes les exploitations enquêtées, 26 ont mentionné des mortalités des jeunes veaux, toutes avant le sevrage. Quant à la mortalité des adultes elle se rencontre surtout dans certaines exploitations pratiquant l’élevage hors sol.
53La traite : la traite est mécanique dans 34 % des exploitations dont 2 seulement pratiquant l’élevage hors sol. Dans les autres exploitations, la traite est manuelle. Dans tous les systèmes d’élevage, la traite se fait deux fois par jour.
54Le choix des génisses de remplacement : les critères de choix des génisses de remplacement sont surtout le phénotype et la production de la mère. Parmi les 162 exploitations, 5 seulement pratiquant l’élevage en intégré (OTD et SMVDA) choisissent les génisses de remplacement en se basant sur la valeur génétique à côté des deux autres critères précités.
55L’écoulement du lait : l’enquête révèle que 72 % des éleveurs font l’écoulement de leur lait directement aux colporteurs, 25 % des éleveurs écoulent leur lait aux centres de collecte, un éleveur vend à Inesfood, un éleveur possède son propre centre de collecte et un éleveur vend tout seul son lait aux consommateurs.
56La qualité du lait et le prix de vente : pour l’ensemble des éleveurs enquêtés, le lait ne se paye pas à la qualité. Ils ont déclaré qu’il n’y a pas d’analyse de la qualité du lait et par conséquent le rejet du lait n’a jamais eu lieu. Le prix du lait est rémunérateur pour 62 % des éleveurs et pour les autres il ne l’est pas.
57Selon les enquêtés, ce sont les services du CRDA de l’Ariana qui sont les plus présents (Tableau 5).
58– Problèmes rencontrés : pour la commercialisation du lait, il n’y a pas de problème pour 62 % des éleveurs, 34 % des éleveurs ont mentionné le prix bas du lait comparé à ceux des aliments pour bétail, et pour les autres le problème réside dans les difficultés d’acheminement en raison d’une voierie défectueuse.
59– Les contraintes : elles sont hiérarchisées par ordre d’importance :
60– Insuffisance de terres surtout pour le système pratiqué en hors sol.
61– Prix de vente des produits peu élevés.
62– Prix élevés de l’eau d’irrigation, du concentré et du son.
63– Difficultés d’accès aux crédits.
64– Manque d’infrastructure.
4. Résultats et discussion
4.1. Situation observée
65Dans les conditions de prix des produits et des intrants de l’année 2002 (scénario S0), l’élevage laitier assure dans la région étudiée, une marge brute moyenne égale à 641,4 DT et un profit moyen égal à 127,08 DT par vache présente (Tableau 6). L’analyse comparée des différents systèmes d’élevage (situation de base) montre que le système d’élevage semi-intégré présente la marge brute et le profit les plus élevés.
66Structure des charges : l’examen du tableau 6 montre que cette différence provient surtout de celle de la charge imputée à l’alimentation. Cette dernière, dite aussi charges variables, est plus faible chez le système d’élevage semi-intégré. La charge de l’alimentation est, pour les trois systèmes d’élevage, supérieure à 70 % de la charge totale. Elle atteint 71 % dans le système semi-intégré, 72 % dans le système intégré et 79 % dans le système hors sol (Tableau 6).
67Structure des charges imputées à l’alimentation : la décomposition de la charge de l’alimentation montre une utilisation de concentré par vache et par an plus importante dans le système d’élevage pratiqué en hors sol (725 DT/vache/an) suivie par celle du système semi-intégré avec une valeur de 580 DT/vache/an. La valeur de la quantité de concentré utilisée par vache et par an dans le système intégré est la plus faible et atteint 522 DT. Par ailleurs, en comparant la part relative de la valeur du concentré par rapport à la valeur de l’alimentation pour chaque système, on remarque une part plus importante du concentré dans le système d’élevage pratiqué en hors sol avec un taux de 48 % de la charge imputée à l’alimentation. Ce taux est de 42 % dans le système d’élevage semi-intégré et de 36 % dans le système d’élevage intégré. Le rapport de prix entre le concentré et le son joue en faveur de l’utilisation du son surtout dans les systèmes semi-intégrés où certains éleveurs substituent une partie du concentré acheté par du son. Ce système utilise également, à côté du concentré et du son, des bouchons de luzerne. La part relative de ces aliments compléments par rapport aux charges alimentaires totales est de 25 %. Dans le système d’élevage hors sol, on trouve comme aliments de complément le son, le pain, l’orge et les sous-produits industriels où la part de l’ensemble de ces aliments compléments représente presque 10 % de la charge alimentaire totale. Quant au système d’élevage intégré, on trouve, comme aliments de complément, du concentré fermier produit à partir du son acheté, du maïs et de l’orge produits sur ferme. Dans ce système, ces aliments de complément représentent la part relative la plus faible (6 %) de l’ensemble de l’alimentation comparativement aux deux autres systèmes.
68Il ressort de ce qui précède, que la charge liée à l’alimentation est plus élevée dans le système d’élevage hors sol suivie par celles des systèmes intégré et semi-intégré (Tableaux 6 et 7). La décomposition de cette charge montre une utilisation importante du concentré et du foin par litre de lait dans le système d’élevage pratiqué en hors sol, alors que pour le système d’élevage pratiqué en intégré la charge relative au fourrage grossier (foin, verdure et ensilage) est la plus importante. L’utilisation des aliments compléments tels que le son, les bouchons de luzerne, l’orge concassé à côté du concentré dans le système d’élevage semi-intégré, a contribué sensiblement à la réduction des charges liées à l’alimentation dans ce type d’élevage.
69à l’encontre des charges variables assimilées, dans le présent travail, à la charge attribuée à l’alimentation, les charges fixes sont plus importantes dans les systèmes d’élevage intégré et semi-intégré : 572 DT/vache (Tableau 6). Ces charges sont de 399 DT/vache dans le système pratiqué en hors sol. Pour les niveaux de production atteints, le système d’élevage semi-intégré montre l’efficacité d’utilisation la plus élevée des facteurs fixes et des facteurs variables.
70Structure des charges fixes : le renouvellement du cheptel constitue une composante importante rentrant à presque 45 % dans les charges fixes des systèmes intégré et semi-intégré et à 67 % dans celles du système hors sol. La part plus importante de cette composante dans ce dernier système d’élevage, s’explique principalement par le taux élevé de réforme et de mortalité qui sont des conséquences directes du déséquilibre alimentaire.
71La valeur de l’amortissement est plus importante dans le système de production intégré. Ceci est dû principalement à l’amortissement du bâtiment et du matériel de traite. Ce tableau montre également l’importance de la composante main-d’œuvre perma-nente dans le système de d’élevage semi-intégré. Celle-ci représente plus de 1/3 des charges fixes.
72Dans le système pratiqué en hors sol, la main-d’oeuvre permanente est exclusivement familiale. Lorsque l’effectif ne dépasse pas les 4 vaches, le fermier exerce une autre activité en parallèle. En son absence, il confie cette tâche à sa femme où à l’un de ses enfants. La main-d’œuvre saisonnière, rencontrée dans les systèmes d’élevage intégré et semi-intégré, est utilisée principalement dans les cultures fourragères. Sa valeur est introduite dans les prix de revient des fourrages.
73L’élevage laitier est une activité qui donne plusieurs produits, le lait est considéré comme production principale et les autres (veau et fumier) sont considérés comme des sous-produits. D’après Chombart de Lauwe et al. (1969) et Cordonnier et al. (1970) et pour des raisons de simplification, la valeur des sous-produits doit être soustraite des charges totales afin d’obtenir le coût de production du produit principal (CP).
74Le coût de production moyen le plus faible se rencontre dans les exploitations pratiquant l’élevage semi-intégré (0,321 DT/litre) suivi par celui des exploitations pratiquant l’élevage intégré. Le coût de production le plus élevé est celui du système d’élevage pratiqué en hors sol. Ce dernier se caractérise par une marge brute et un profit par vache et par an plus faibles que ceux des deux systèmes cités précédemment (Tableau 6).
75Quoique le coefficient d’efficacité économique, rapport entre le produit brut et la charge totale, des trois systèmes d’élevage soit supérieur à l’unité, ce coefficient connaît une certaine variation d’un système d’élevage à un autre impliquant par conséquent une variation de leur rentabilité. Le système d’élevage semi-intégré est économiquement le plus rentable. Cette rentabilité provient d’une utilisation plus efficace des facteurs variables permettant de mieux valoriser les facteurs de production fixes.
4.2. Impact d’une augmentation de 20 % du prix de concentré sur la rentabilité économique des différents systèmes d’élevage
76Vu l’importance de la valeur de l’alimentation dans la structure des coûts de production du litre de lait et en vue d’étudier la variabilité de la rentabilité économique des trois systèmes d’élevage, nous avons simulé des variations du coût de production, de la marge brute et du profit à travers une augmentation du prix de concentré. L’analyse du tableau 7 montre qu’avec une augmentation de 20 % du prix du concentré industriel (scénario S1) la charge liée à l’alimentation augmentera par rapport à la situation de référence (scénario S0) de 9,6 % dans le système hors sol, de 8,4 % dans les systèmes d’élevage semi-intégré et de 7,1 % dans le système intégré. Ceci a pour conséquence une augmentation plus sensible de la fraction de la charge liée à l’alimentation par rapport à la charge totale dans le système d’élevage pratiqué en hors sol (Tableau 8).
77Le coût de production d’un litre de lait a été calculé sous une augmentation de 20 % du prix du concentré. Sous ce scénario, ce coût connaît une augmentation de 21 millimes pour le système intégré, 24 millimes pour le système semi-intégré et 34 millimes pour le système hors sol (Tableau 9). Ceci confirme l’idée générale d’attribuer l’utilisation massive du concentré industriel au système hors sol. En effet, le concentré représente 53 % des charges imputées à l’alimentation et 42 % des charges totales. Ces pourcentages montrent une dépendance étroite de l’alimentation de ce système d’élevage au concentré industriel et renseignent sur sa forte sensibilité à toute variation de prix et de quantité de cet aliment sur le marché. Seulement du fait que les trois systèmes utilisent en même temps des concentrés de différentes origines (fermier, industriel), les différences d’augmentation du coût du lait entre les trois systèmes sont relatives uniquement à l’augmentation du prix du concentré industriel. Par rapport à la situation de référence, les valeurs de la marge brute et du profit ont connu une réduction dans les 3 systèmes d’élevage. Cette réduction est plus importante dans l’élevage pratiqué en hors sol. Par ailleurs, le coefficient d’efficacité économique a connu lui aussi une réduction importante soulignant, une disparition du profit dans ce dernier type d’élevage (Tableau 9).
4.3. Impact d’une subvention de 50 % du prix de l’eau d’irrigation sur la rentabilité économique des différents systèmes d’élevage
78Une mesure gouvernementale prise en août 1998 a consisté en une baisse de 50 % du prix de l’eau d’irrigation utilisée sur les cultures fourragères et les céréales dans les périmètres publics irrigués (scénario S2). L’analyse comparée du coût de l’alimentation des différents systèmes d’élevage montre que les fourrages grossiers produits sur ferme entrent en grande partie dans l’alimentation des systèmes intégré et semi-intégré comme l’a révélé l’enquête. La réduction de 50 % du prix de l’eau destinée aux cultures fourragères et aux céréales permet de ce fait de réduire les coûts de production des fourrages grossiers produits sur ferme notamment dans ces deux systèmes. Le système hors sol n’est pas, du moins, directement concerné par cette mesure (Tableau 8).
79La réduction des coûts des différents types de fourrages utilisés a été calculée en se basant sur le document effectué par la direction de l’élevage (OEP) et la coopération Tuniso-Belge l’AVAPEL (OEP, AVAPEL, 1999). Compte tenu des quantités de fourrages utilisées et des baisses des coûts de production relatives à ces fourrages, l’élevage intégré connaît la baisse la plus importante des coûts imputés à l’alimentation. Cette baisse est de 158 DT/vache/an, engendrant une baisse du coût de production du litre de lait de 32 millimes soit (9,48 %). Pour le système semi-intégré cette baisse est uniquement de cinq millimes soit (1,52 %). Le système hors sol garde le coût de production le plus élevé soit 0,353 DT/litre et le coefficient d’efficacité économique le plus faible (1,01) (Tableau 9).
80Dans cette situation, l’élevage intégré présente le coût de production le plus faible du litre de lait (0,309 DT) et la marge brute par vache la plus élevée (846 DT). Ceci s’explique par le fait que cet élevage utilise davantage de verdure produite sur ferme. Quoiqu’il ait réagi favorablement à la réduction du prix de l’eau, le système d’élevage semi-intégré garde une marge brute et un coefficient d’efficacité économique plus faibles que ceux du système intégré (Tableau 9). Quant au système d’élevage hors sol, théoriquement ce système n’est pas concerné par les subventions sur l’eau d’irrigation étant donné qu’il ne dispose pas de superficie fourragère. Mais pratiquement on ne sait pas quel serait l’effet de cette mesure sur les prix de vente du fourrage grossier (foin et paille) utilisé par l’élevage pratiqué en hors sol.
4.4. Impact d’une augmentation de 20 % du prix du concentré et d’une subvention de 50 % du prix de l’eau d’irrigation sur la rentabilité économique des différents systèmes d’élevage
81Dans le cas où les deux mesures se produisent simultanément (scénario S3), quel serait leur impact sur la rentabilité économique de l’élevage laitier en Tunisie ? Quel type d’élevage serait le plus sensible à ces variations simultanées ?
82L’analyse comparée des charges imputées à l’alimentation des différents systèmes d’élevage montre que, sous ce scénario, l’élevage pratiqué en hors sol témoigne des charges les plus élevées (Tableau 8). En effet, dans ce type d’élevage, le concentré représente à lui seul 53 % du coût de l’alimentation. Celui-ci représente plus de 80 % des coûts totaux. Ainsi, l’augmentation de 20 % du prix du concentré, quel que soit le scénario utilisé concernant l’eau d’irrigation, rend non rentable le système d’élevage pratiqué en hors sol.
83L’analyse du coût de production, de la marge brute, du profit et du coefficient d’efficacité économique montre que les systèmes d’élevage hors sol et semi-intégré sont plus sensibles à une variation de prix du concentré alors que le système intégré est plus sensible à une variation de prix de l’eau d’irrigation. Toutefois, la variation simultanée des prix de l’eau et du concentré industriel n’a d’effet conjugué que sur les systèmes d’élevage intégré et semi-intégré. Certes, l’effet positif des subventions sur l’eau d’irrigation permet d’atténuer l’effet négatif de l’augmentation du prix du concentré industriel dans ces deux systèmes. La résultante de ces deux mesures engendre, par rapport à la situation de référence (Scénario S0), un effet positif sur le système intégré par une amélioration de la marge brute et du profit et une réduction de 11 millimes du coût de production du litre de lait. Quant aux systèmes d’élevage semi-intégré et hors sol, on assiste, toujours par rapport à la situation de base (Scénario S0), à une réduction de la marge brute et du profit. Cette réduction est plus importante dans l’élevage hors sol. Le coût de production a augmenté de 34 millimes et de 19 millimes respectivement dans les systèmes hors sol et semi-intégré (Tableau 9).
84Malgré une utilisation importante de verdure, la réduction du prix de l’eau d’irrigation n’arrive pas à compenser l’augmentation du prix du concentré industriel utilisé dans le système semi-intégré. Excepté le système intégré dont le coefficient d’efficacité économique a connu une légère augmentation, le coefficient d’efficacité économique des deux autres systèmes d’élevage s’est réduit par rapport à la situation de base (S0). Cette réduction est plus marquée dans le système hors sol affichant une valeur inférieure à l’unité de ce coefficient et traduisant, ainsi, une perte significative du profit (Tableau 9).
4.5. Rentabilité économique de l’élevage laitier en Tunisie
85L’élevage laitier est-il rentable en Tunisie ? Sous quelles conditions ?
86Pour répondre à ces questions on s’est intéressé au calcul du prix économique (de référence) du litre de lait au niveau de l’exploitation qui a été comparé par la suite aux prix de revient du litre de lait dans les différents systèmes d’élevage. Le prix de référence du lait a été calculé au niveau de l’exploitation sur la base du prix de la poudre importée avec deux variantes (avec ou sans droits de douane en Tunisie). Le prix de référence s’établit entre 0,240 et 0,320 DT, niveau exploitation (Tableau 10).
87L’analyse comparée du prix producteur du lait des différents systèmes d’élevage et de son prix économique, montre que :
88– en l’absence des droits de douane sur la poudre importée, la production laitière est une activité non rentable en Tunisie aussi bien dans les conditions de prix des produits et des intrants de l’année 2002 que sous les scénarios les plus favorables sur les prix des facteurs concentré et eau d’irrigation (Tableau 11).
89– en présence des droits de douane, le prix économique est comparable à celui du système semi-intégré calculé dans les conditions observées de prix des produits et des intrants de l’année 2002 (S0). Toutefois, une réduction de 50 % du prix de l’eau d’irrigation dans les périmètres irrigués, rend économique la production du lait aussi bien dans les systèmes d’élevage intégré que semi-intégré (Tableau 11).
90L’augmentation prévisionnelle de 20 % du prix du concentré industriel a une influence négative directe sur l’intérêt économique de la production laitière en Tunisie. En effet, sous ce scénario, l’élevage laitier, aussi bien dans le système pratiqué en hors sol que dans les systèmes d’élevage intégré et semi-intégré, se révèle une activité non rentable, même en présence des subventions sur l’eau d’irrigation.
5. Conclusion
91Aux prix des produits, des services et des intrants de l’année 2002, l’activité production laitière est rentable pour les trois systèmes d’élevage. Selon l’analyse, cette rentabilité diffère d’un système d’élevage à un autre. En effet, en se basant sur certains indicateurs d’analyse économique tels que les charges liées à l’alimentation, le coût de production, la marge brute, le coefficient d’efficacité économique, l’analyse a révélé que l’élevage semi-intégré est économiquement le plus rentable suivi respectivement par le système intégré et le système hors sol. Cette rentabilité provient d’une utilisation rationnelle des facteurs fixes et variables. Le coût de production d’un litre de lait est égal à 0,321 DT, et le coefficient d’efficacité économique est de 1,11. Le système d’élevage hors sol présente une faible rentabilité. Dans ce système, le coefficient d’efficacité économique atteint 1,01 et le coût de production d’un litre de lait est de 0,353 DT. L’existence de ce système se justifie par la valorisation d’une main-d’œuvre familiale abondante, par un faible investissement en matériel agricole et en matériel d’élevage, par l’absence de frais de fermage et par l’utilisation d’aliments de complément variés tels que le son, l’orge concassé, le pain, les sous-produits de l’agro-industrie. Toutefois, ce système présente des points faibles liés principalement à une alimentation déséquilibrée entraînant des maladies (diarrhée, hypocalcémie) et un taux de mortalité plus important chez les adultes.
92Une augmentation de 20 % du prix du concentré industriel entraîne une augmentation plus importante du coût de production du litre de lait dans le système d’élevage hors sol, suivie par celle du système semi-intégré et du système intégré. Ces augmentations sont respectivement de 9,4, 7,5 et 6,5 %. La réduction de la marge brute et celle du coefficient d’efficacité économique sont plus marquées dans le système d’élevage hors sol lui conférant ainsi une réduction voire même une perte de sa rentabilité économique. Ceci provient du fait que ce système utilise plus de concentré industriel. Les 3 systèmes gardent, en outre, le même classement pour la rentabilité économique que dans la situation de base.
93Une réduction du prix de l’eau dans les périmètres publics irrigués, suite aux subventions du prix de l’eau destinée aux cultures fourragères et aux céréales, entraîne une réduction de 10,8 % et de 1,7 % des charges imputées à l’alimentation respectivement dans les systèmes d’élevage intégré et semi-intégré. Le coût de production du litre de lait connaît également une diminution respective de 9,38 % et de 1,25 %. Le coefficient d’efficacité économique s’améliore dans ces deux systèmes passant respectivement de 1,06 à 1,15 et de 1,11 à 1,12. Dans cette situation, la renta-bilité économique dépend du niveau d’intégration de l’élevage à l’exploitation. Plus l’élevage est intégré, plus la rentabilité s’améliore. étant, théoriquement, insensible à la variation du prix de l’eau d’irrigation, le système hors sol est le moins rentable avec les valeurs les plus faibles de la marge brute et du coefficient d’efficacité économique. Le coût de production du litre de lait demeure invarié par rapport à la situation de référence, soit 0,353 DT.
94Sous l’hypothèse d’une variation simultanée du prix de l’eau et de celui du concentré industriel, le système d’élevage intégré présente la rentabilité économique la plus élevée par rapport à la situation de base. Dans ce système, la marge brute augmente d’un montant de 53,6 DT/vache/an, provenant d’une réduction des charges attribuées à l’alimentation. Une telle réduction, entraîne une réduction du coût de production du litre de lait de 11 millimes et une augmentation du coefficient d’efficacité économique qui passe de 1,06 à 1,09. Quoique le système d’élevage semi-intégré reste encore rentable, le coût de production connaît, par rapport à la situation de base, une augmentation de 19 millimes par litre. Cette augmentation est plus importante dans le système hors sol soit 34 millimes par litre. Le coefficient d’efficacité économique ainsi que la valeur de la marge brute restent les plus faibles dans ce dernier système, soit respectivement 0,94 et 275 DT/vache/an, lui conférant ainsi l’absence de rentabilité économique.
95La comparaison du prix de revient du litre de lait des trois systèmes d’élevage à son prix économique de l’année 2002 (en l’absence des droits de douane) montre un écart significatif entre les deux prix variant entre 0,069 et 0,154 DT.l-1. Cet écart rend non économique la production laitière. En tenant compte des droits de douane dans le prix économique, la production laitière n’est rentable pour la société que dans le système d’élevage semi-intégré. Sous le scénario d’une subvention de 50 % sur le prix de l’eau d’irrigation dans les périmètres irrigués, toute chose restant égale par ailleurs, la production laitière est rentable dans les systèmes d’élevage intégré et semi-intégré. Toutefois, cette rentabilité s’amenuise en cas d’augmentation de 20 % du prix du concentré industriel.
Bibliographie
Bachta MS., Laajimi A. (2003). Adéquation de l’offre et de la demande des produits laitiers en Tunisie : une analyse micro-économique. In Symposium International sur les filières lait en Méditerranée : enjeux pour un futur durable. Hammamet, 26-28 octobre 2000. Tunisie. Eu. Assoc. Anim. Prod. 99, p. 392–400.
Chombart de Lauwe J., Poitevin J., Tirel JC. (1969). Nouvelle gestion des exploitations agricoles. 2e éd. Paris : Dunod, 507 p.
Cordonnier P., Carles R., Marsal P. (1970). économie de l’entreprise agricole. Préparation des décisions. Paris : Cujas, 541 p.
Elloumi M., Essamet M. (1997). Modèles et acteurs de la modernisation du secteur lait en Tunisie. In Jouves AM. (ed.). La modernisation des agricultures méditerranéennes. Actes du séminaire CIHEAM/UE-DG.I, Montpellier, France, 28-29 septembre 1995 Montpellier, France : CIHEAM, . Options Méditerranéennes. Série A, n°29, p. 167–176.
Fezzani A., Thabet B. (1995). Le secteur laitier en Tunisie et ses perspectives de relance. In Allaya M. (ed.). Les agricultures maghrébines à l’aube de l’an 2000. Montpellier, France. CIHEAM, Options Méditerranéennes, série B, n°14, p. 219–228.
Kayouli C. (2000). Profil fourrager. Tunisie. Document non publié.
Khamassi El Efrit F., Hassainya J. (2001). La filière lait en Tunisie : une dynamique de croissance. In Padila M., Ben Saïd T., Hassainka J., Le Grusse Ph. (eds.). Les filières et marchés du lait et dérivés en Méditerranée. Montpellier, France : CIHEAM. Options Méditerranéennes. Série B, n°32, p. 63–73.
Lassègue P. (1975). Gestion de l’entreprise et comptabilité. 7e éd. Paris : Dalloz, 680 p.
Ministère de l’Agriculture (1995a). L’enquête sur les structures des exploitations agricoles. Tunis : Direction Générale de la Planification, du Développement et des Investissements Agricoles.
Ministère de l’Agriculture (1995b). Stratégie de développement de la filière lait. Tunis : Direction Générale de la Planification, du Développement et des Investissements Agricoles.
Ministère de l’Agriculture (1995c). étude d’impact de la politique agricole sur le secteur bovin laitier. Tunis. Rapport de mission. 83 p.
Ministère de l’Agriculture (1997). Rapport d’activité. Tunis : Direction de l’Approvisionnement de l’Office des Céréales.
Ministère de l’Agriculture (1998, 1999, 2003). Annuaires des statistiques agricoles. Tunis : Direction Générale de la Planification, du Développement et des Investissements Agricoles.
Ministère de l’Agriculture (2001). Les résultats du secteur laitier en Tunisie en l’an 2000. Bilan et Perspectives. Bulletin de l’ONAGRI (Tunisie) 47.
Ministère de l’Agriculture (2002). Rapport d’activité. Commissariat Régional du Développement Agricole du Gouvernorat de l’Ariana. Tunisie.
Ministère de l’Industrie, de l’énergie et des PME (2004). étude de positionnement stratégique de la branche « lait et dérivés ». Cahier du CEPI (Tunisie) 18, p. 1–122.
Najlaoui H. (2000). Les possibilités technico-économiques de la gestion de la surproduction laitière en Tunisie. Mémoire de fin d’études du cycle ingénieur. école Supérieure d’Agriculture de Mograne. Tunisie. 66 p.
OEP, AVAPEL (1999). Production Fourragère. Calcul des marges brutes par ha et prix de revient de l’UF des principales productions fourragères dans les Gouvernorats de l’Ariana et de Ben Arous. Mission de Formation. Coopération Tuniso-Belge. 150 p.
To cite this article
About: Faten Rejeb Gharbi
Laboratoire d’économie rurale. Institut national de la Recherche agronomique de Tunisie (INRAT). Rue Hedi Karray. 2080 Ariana (Tunisie). E-mail : gharbi.faten@iresa.agrinet.tn
About: Ridha Lahsoumi
Office de l’élevage et des Pâturages (OEP). Ministère de l’Agriculture et des Ressources hydrauliques. 30, rue Alain Savary. Le Belvédère (Tunisie).
About: Fathi Gouhis
Office de l’élevage et des Pâturages (OEP). Ministère de l’Agriculture et des Ressources hydrauliques. 30, rue Alain Savary. Le Belvédère (Tunisie).
About: Zouhair Rached
Laboratoire d’économie rurale. Institut national de la Recherche agronomique de Tunisie (INRAT). Rue Hedi Karray. 2080 Ariana (Tunisie).