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Biotechnologie, Agronomie, Société et Environnement/Biotechnology, Agronomy, Society and Environment

1370-6233 1780-4507

 

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Wind-Tinbnoma Théodore Kaboré, Edmond Hien, Prosper Zombré, Aboubacar Coulibaly, Sabine Houot & Dominique Masse

Valorisation de substrats organiques divers dans l'agriculture péri-urbaine de Ouagadougou (Burkina Faso) pour l'amendement et la fertilisation des sols : acteurs et pratiques

(Volume 15 (2011) — numéro 2)
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Annexes

Editor's Notes

Reçu le 12 janvier 2010, accepté le 16 novembre 2010

Résumé

Cette étude avait pour objectif d'établir un état des lieux des acteurs de l'agriculture péri-urbaine de Ouagadougou, leurs pratiques et leurs attentes, et de caractériser les substrats organiques (SO) utilisés. Des enquêtes ont été menées auprès de 64 personnes (céréaliers, maraichers et pépiniéristes) aléatoirement choisies sur les sites les plus représentatifs de chaque activité dans la ville. Un échantillonnage des SO utilisés par les acteurs a été réalisé. Ainsi, 27 substrats ont été prélevés et caractérisés par des analyses chimiques. Le niveau de stabilité de chaque substrat a été déterminé par des incubations en conditions contrôlées. Les résultats ont montré que 35 % des céréaliers, 69 % des maraichers et 95 % des pépiniéristes ont un âge compris entre 20 et 40 ans, qu'une large proportion des céréaliers et des maraichers sont non scolarisés, tandis que plus de deux tiers des pépiniéristes ont au moins un niveau primaire. Par ailleurs, près de trois quart des céréaliers et des pépiniéristes recourent aux déchets municipaux comme source de matière organique contre seulement 17 % des maraichers, la grande majorité de ces derniers faisant appel aux fumiers d'élevage. Le principal critère de choix d'utilisation des SO est leur disponibilité. Même si une très large majorité des acteurs déclare croire les composts de SO meilleurs aux SO bruts, une minorité de ces derniers en utilise. La difficulté d'accès aux composts en distance et en temps et la promotion des composts par la publicité dans les médias sont les principaux aspects à considérer pour une large adoption et utilisation des composts. Les analyses des substrats prélevés ont révélé une variabilité des propriétés chimiques et niveaux de stabilité au sein du même groupe et entre groupes d'acteurs. Toutefois, de grandes tendances existent pour les teneurs en carbone organique, azote et phosphore totaux, comme suit : Teneurmaraichers > Teneurcéréaliers > Teneurpépiniéristes. Les teneurs en éléments majeurs totaux (EMT) s'organisent comme suit : EMTmaraichers ≈ EMTcéréaliers > EMTpépiniéristes. À l'exception de quelques produits atypiques, les substrats des pépiniéristes sont plus stabilisés comparativement à ceux des céréaliers et des maraichers.

Mots-clés : acteurs, adoption, agriculture péri-urbaine, Burkina Faso, composts, déchets urbains solides, propriétés chimiques, stabilité, substrats organiques

Abstract

Organic substrates recycling in the sub-urban agriculture of Ouagadougou (Burkina Faso) for soils fertilization: description of the different actors and their practices. This study aimed to establish an overview of the main actors of the sub-urban agriculture of Ouagadougou, their practices and expectations, and to characterize the used organic substrates (OS). For that, a farm survey was carried out on the most representative sites with 64 persons (cereal farmers, truckers and nurserymen) randomly chosen. OS were sampled with each actor, when available. Thus, 27 samples were taken and characterized through chemical analyses and laboratory incubations to follow organic carbon mineralization. The results highlighted that 35% of cereal farmers, 69% of truckers and 95% of nurserymen were 20 to 40 years old, that a large proportion of cereal farmers and truckers were not sent to school while 70% of nurserymen had at least primary education. Sub-urban agriculture was the only activity for 43% of farmers, 83% of truckers and 91% of nurserymen. Moreover, 71% of cereal farmers and 73% of nurserymen used municipal wastes as source of organic matter against only 17% of truckers, the majority of them using animal manures. The main criterion of choice of OS was their availability without any other consideration. Even if a large majority of the actors think that composts of OS were better than brut OS, a minority of them used currently composts. The best ways for an adoption and utilization of OS composts were to facilitate their accessibility and to promote these composts, composting techniques and their interests through advertising in mass media. Chemical analyses and laboratory incubations showed a great variability of the SUW, both in the same group and actors' groups. However, in case of total organic carbon, total nitrogen and total phosphorous contents, the following tendencies were observed: Contenttruckers > Contentfarmers > Contentnurserymen. For the sum of major elements Ca, K, Mg, Na (SME), it was observed that SMEtruckers ≈ SMEfarmers > SMEnurserymen. In addition, except a few atypical substrates, OS used by nurserymen were largely stabilized compared to those of cereal farmers and truckers.

Keywords : actors, adoption, Burkina Faso, municipal solid waste, organic substrate, stability, sub-urban agriculture, urban composts

1L'année 2008 a marqué une étape charnière dans la croissance et la répartition de la population dans le monde. En effet, pour la première fois, plus de la moitié de l'humanité vit dans des zones urbaines et cette population urbaine continuera à croître rapidement et passera de 3,3 milliards en 2007 à 6,4 milliards en 2050 (United Nations, 2008). Cette forte croissance de la population urbaine aura pour origine essentiellement la forte urbanisation des pays africains et asiatiques (United Nations, 2008). Avec seulement 4 % de la population urbaine mondiale à l'heure actuelle, l'Afrique abritera près de 20 % de cette population en 2050, dépassant largement celle de tous les continents, sauf l'Asie (United Nations, 2008). À l'image des autres villes africaines, la ville de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, connait une forte croissance démographique continue. En effet, sa population a été multipliée par 20 en moins d'un demi-siècle, passant de 60 000 habitants en 1962 à 1 200 000 habitants en 2007. Cette forte urbanisation a entrainé une production de plus en plus grande de déchets urbains solides, mais également une extension de la ville en superficie, s'étalant sur près de 22 000 ha actuellement (www.mairie-ouaga.bf). La production annuelle de DUS était de 300 000 t en 2007 et pourrait atteindre 1 000 000 t en 2025 (estimation selon une production de 0,7 kg par personne par jour). La gestion de ces déchets constitue l'un des problèmes cruciaux de santé publique et d'environnement auquel les gouvernements et les municipalités africains doivent faire face (Achankeng, 2003). À ces déchets urbains solides s'ajoutent divers autres matériaux organiques tels que les fumiers et des résidus divers. Nous désignerons par substrats organiques (SO) tous les produits organiques divers ainsi que la fraction organique des déchets urbains solides (DUS). En effet, les DUS sont constitués des substrats organiques à plus des deux tiers (Sérémé et al., 1998).

2Depuis quelques années, plusieurs travaux ont décrit l'utilisation de ces SO, particulièrement les DUS, pour l'agriculture à Ouagadougou et dans sa périphérie par des acteurs divers que sont les céréaliers, les maraichers, les pépiniéristes, etc. (Eaton, 2003 ; Kaboré, 2004). Dans un contexte de forte dégradation des sols et du cout élevé des engrais chimiques, le recours aux SO en général dans l'agriculture péri-urbaine s'est présenté comme une alternative intéressante pour la fertilisation des sols.

3Toutefois, une utilisation directe des SO est inesthétique, surtout pour les DUS et comporte des risques sanitaires et environnementaux graves. Pour une revalorisation agricole saine de ces SO, le compostage a été présenté ces dernières années comme une des alternatives la plus appropriée (Houot et al., 2009). Cependant, s'il existe différents travaux sur les effets des SO sur les propriétés des sols, sur les productions des différents acteurs (Youl, 2002 ; Kaboré, 2004), nous n'avons pas connaissance de travaux présentant les différents acteurs de l'agriculture péri-urbaine et leurs perceptions de la fertilité de leurs sols ou de leurs supports de production, de la qualité des substrats qu'ils utilisent et de leurs attentes en ce qui concerne les SO. Or, une meilleure intervention et un accompagnement de ces acteurs nécessitent une meilleure connaissance des contraintes et des attentes de ces acteurs. En effet, plusieurs études ont montré l'importance des connaissances indigènes dans les recherches agricoles et leur diffusion (Scoones et al., 1994). Par ailleurs, en ce qui concerne la productivité du sol ou du support de culture, il est devenu évident qu'il faut s'assurer que les agriculteurs comprennent très bien les interdépendances entre les caractéristiques et la fertilité du sol, et leurs connaissances, perceptions et attitudes sont considérées de plus en plus comme une ressource importante dans la compréhension mutuelle et le développement participatif des technologies (Steiner, 1998). Cette compréhension pourrait s'avérer cruciale dans la mesure où toute nouvelle technologie, telle que le compostage des SO, doit s'atteler à satisfaire ces attentes.

4Antérieurement, des enquêtes formelles ou des entretiens semi-structurés ont été utilisés pour accéder à la perception et la gestion de la matière organique du sol par les paysans au Ghana (Quansah et al., 2001), pour faire l'état des lieux de l'utilisation des eaux usées en agriculture péri-urbaine à Dakar (Niang, 1999) ou pour connaitre les techniques de gestion des composts au niveau des ménages au Burkina Faso (Ouédraogo et al., 2001).

5Par ailleurs, la nature et la quantité des SO produits varient selon les périodes de l'année, les revenus des ménages et les quartiers dans la ville (Achankeng, 2003 ; Afon, 2007). Ainsi, dans les villes africaines, l'appellation « déchets urbains solides » désigne souvent une très large gamme de substrats, de propriétés physico-chimiques et de niveau de stabilité très différents. Les études portant sur une caractérisation de cette diversité à l'intérieur des déchets urbains restent très limitées en Afrique de l'Ouest, particulièrement au Burkina Faso (Bilgo, 1992). De même, il existe une large gamme de produits organiques urbains qui ont été peu décrits dans les villes africaines (plumes de volaille, déchets fins de drainage, vidanges de fosses septiques, etc.). Cependant, les différences de propriétés chimiques des substrats organiques pourraient conditionner leur usage selon les acteurs, les systèmes de culture et les conditions environnementales. Différents outils ont souvent été utilisés pour la caractérisation des substrats organiques bruts ou les composts, tels que les analyses chimiques classiques : carbone organique total (COT), azote total, phosphore total, les éléments majeurs totaux (K, Ca, Mg, Na) (Soumare et al., 2003). La mesure en conditions contrôlées de la minéralisation du carbone sous forme de CO2 a été décrite comme un indicateur du niveau de stabilité de la matière organique dudit substrat (Bernal et al., 1998 ; Francou et al., 2008). Ainsi, plus la matière organique d'un substrat est stabilisée, moins le CO2 dégagé cumulé au cours de l'incubation sera important.

6Les objectifs de cette étude étaient donc :

7– de mener des enquêtes afin d'obtenir des informations sur les différents acteurs de l'agriculture péri-urbaine (céréaliers, maraichers et pépiniéristes),

8– d'échantillonner et de caractériser les substrats organiques utilisés par les acteurs,

9– de confronter les critères analytiques sur les substrats organiques avec les attentes des utilisateurs.

10Les travaux que nous avons menés en 2007 dans la zone urbaine et péri-urbaine visent à étudier la diversité des déchets selon leur nature et leurs propriétés en fonction du type d'utilisateur. Pour cela, plusieurs sites ont été ciblés regroupant la majorité des acteurs de l'agriculture péri-urbaine de Ouagadougou. La céréaliculture à Ouagadougou est principalement pratiquée à la périphérie de la ville et dans les espaces libres en ville. Par contre, le maraichage se concentre autour des grands barrages, des canaux centraux d'évacuation des eaux et le long des cours d'eau (Cissé, 1997 ; Kaboré, 2004). Les sites ont donc été choisis en fonction de leur localisation et du type d'activité qui y est mené. Sept sites ont été retenus :

11– les sites de Toudbwéogo, de Tabtenga et de Yaoghin, respectivement dans les périphéries nord, sud et ouest de la ville : les acteurs sont exclusivement des céréaliers. Ils utilisent en majorité des DUS en provenance directe des quartiers de la ville ou récupérés sur les décharges sauvages ;

12– les sites de Paspanga, Zogona, Tanghin et Boulmiougou situés en pleine ville ou en périphérie et organisés autour des points d'eau (barrages, grands canaux) : les acteurs sont exclusivement des maraichers et des pépiniéristes. Ils utilisent pour l'essentiel des SO en provenance des ménages ou récupérés sur les décharges sauvages.

13Une fois les sites déterminés, l'étape préalable aux enquêtes formelles a été la validation des fiches d'enquêtes sur les sites de Toudbwéogo et de Paspanga auprès de céréaliers, de maraichers et de pépiniéristes. Ensuite, deux types de fiches d'enquête ont été élaborés :

14– une fiche pour les céréaliers et les maraichers et une fiche pour les pépiniéristes,

15– fiches céréaliers/maraichers : 39 fiches comportant chacune 52 questions ont été remises aux 15 céréaliers et 24 maraichers aléatoirement choisis sur les différents sites selon leur disponibilité,

16– fiches pépiniéristes : 29 fiches comportant chacune 35 questions ont été remises aux 25 pépiniéristes également aléatoirement choisis.

17Les paramètres relevés ont concerné : l'identification de l'acteur et de son exploitation (âge, niveau d'instruction, main-d'œuvre disponible, nombre de personnes à charge, superficies exploitées, accessibilité au foncier, spéculations produites et leur écoulement), la perception et la gestion de la fertilité par l'acteur (connaissance, évaluation et gestion de la fertilité sur la parcelle), les attentes des acteurs en termes de qualité des substrats organiques et leurs critères d'évaluation de cette qualité, les choix motivés d'utilisation de DUS ou de leurs composts suivant les spéculations produites. Après la réalisation des enquêtes, le questionnaire a été codifié et les données d'enquêtes saisies et traitées à l'aide du logiciel SPSS 11.0.  

18Des échantillons de substrats organiques utilisés et disponibles ont été prélevés auprès des enquêtés. Ainsi, 27 substrats organiques ont été échantillonnés (20-25 kg par échantillon), couvrant une gamme très variée de substrats organiques. Ces échantillons et les coordonnées des points d'échantillonnage sont présentés dans le tableau 1.

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19Les 27 substrats échantillonnés au cours des enquêtes ont été analysés au Laboratoire des Moyens Analytiques (LAMA, certifié ISO 9001:2008) de Dakar. Le carbone organique total (COT) et l'azote total ont été déterminés à l'aide d'un analyseur élémentaire CHN (Thermo Finnigan Flash EA1112 série). Le phosphore total est dosé par colorimétrie automatique avec formation d'un complexe jaune de phosphomolybdate qui est réduit par l'acide ascorbique et prend une couleur (méthode de Murphy et Riley, 1962). Les teneurs en magnésium (Mg), calcium (Ca), potassium (K) et sodium (Na) ont été déterminées à l'aide d'un spectrophotomètre d'absorption atomique flamme (VARIAN 220FS).

20Le sol utilisé dans ces incubations est un lixisol ferrique qui a été prélevé sur l'horizon superficiel (0-10 cm) sur le site expérimental de Gampéla situé à l'Est de Ouagadougou (1°21' O ; 12°24' N) et qui est représentatif des sols de la zone péri-urbaine. C'est un sol pauvre en matière organique et éléments nutritifs, représentatif des types de sols rencontrés dans la zone d'étude. Sa composition texturale était la suivante : sables grossiers : 34 % ; sables fins : 35 % ; limons grossiers : 14 % ; limons fins : 6 % ; argile : 11 %. Ses caractéristiques chimiques étaient : carbone organique total : 3,01 g.kg-1 ; azote total : 0,246 g.kg-1 ; C/N : 12,2 ; phosphore total : 0,195 g.kg-1 ; phosphore disponible < 0,01 g.kg-1 ; capacité d'échange cationique (CEC Metson) < 2 cmol.kg-1 ; pHeau : 5,29 ; pHKCl  : 4,45. Le sol a été séché à l'air et tamisé à 2 mm pour les incubations de laboratoire des 27 substrats échantillonnés au cours des enquêtes.

21Pour les incubations à proprement parler, un mélange de 1,6 g de chaque substrat organique ajouté (SOA) + 100 g de sol (sol + SOA), un témoin sol seul (sol) et des blancs ont été incubés à 28 °C ± 1 °C dans l'obscurité. Trois répétitions ont été réalisées dans chaque cas. Les piluliers contenant les échantillons sont placés dans des bocaux en verre de 1 l. On y adjoint un pilulier de 40 ml contenant 10 ml d'une solution de soude (NaOH) 0,5 mol.l-1 pour le piégeage du C-CO2 provenant de la minéralisation du carbone organique et dégagé au cours de l'incubation. Un pilulier contenant 10 ml d'eau déminéralisée est également placé dans le bocal pour réduire la dessiccation de l'échantillon. L'incubation est lancée en humidifiant l'échantillon avec de l'eau déminéralisée à 80 % de la capacité de rétention en eau (12 ml d'eau pour 100 g de sol, pF 2,5). La teneur en eau de l'échantillon est ajustée périodiquement grâce au suivi des poids de l'échantillon. La solution de soude de chaque répétition incubée de sol + SOA, sol témoin, blanc, est changée à 1, 3, 7, 14, 21, 49, 70 et 91 jours après incubation (JAI). Le C-CO2 dégagé et piégé par la soude est estimé en précipitant les carbonates avec une solution de dichlorure de baryum (BaCl2). Le C-CO2 restant dissout dans la soude est titré à l'aide d'une solution de HCl 0,1 mol.l-1. La respiration du sol seul (témoin) a été soustraite de la respiration totale du mélange sol + SOA en vue de déterminer le dégagement net de C-CO2 associé à la minéralisation de la matière organique du SOA (en faisant l'hypothèse de l'absence d'un « priming effect »).

22Les principales céréales produites dans la zone d'étude sont le sorgho blanc ou rouge (Sorghum bicolor), le mil (Pennisetum glaucum) et le maïs (Zea mays). Ces céréales sont produites seules ou très souvent en association avec des légumineuses (arachides et niébé). Exceptionnellement, dans certains cas, on rencontre des associations avec la culture du gombo. Les maraichers produisent des fruits et légumes très variés d'origine exotique (laitue, choux, aubergine, épinard, tomate, carotte, fraise, melon, etc.) et/ou d'origine locale (« coumba », « boulouboula », « boulvenka », etc.). Les pépiniéristes sont des producteurs de plants de fleurs ou d'arbres fruitiers ou d'embellissement.

23Les différents acteurs enquêtés (céréaliers, maraichers et pépiniéristes) au cours de l'étude sont répartis dans tous les arrondissements de Ouagadougou, sauf Sig-Noghin (Tableau 2). L'arrondissement de Nongr-Masson est celui dans lequel on rencontre la grande majorité des céréaliers et maraichers, probablement du fait de la disponibilité de terres cultivables permettant l'établissement des champs des céréaliers, mais aussi la présence des grands barrages favorisant les activités de maraichage. Les pépiniéristes enquêtés se situaient principalement dans l'arrondissement de Baskuy, au centre de la ville ainsi qu'à Nongr-Masson. L'accessibilité à l'eau et la facilité d'écoulement des plants produits aux abords des grandes voies du centre-ville pourraient justifier cette répartition géographique des acteurs rencontrés.

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24La pyramide des âges des personnes enquêtées révèle que, respectivement pour les pépiniéristes, les maraichers et les céréaliers, 95 %, 69 % et 38 % des personnes enquêtées se situaient dans la tranche d'âge 20-40 ans. Cette jeunesse des différents acteurs montre que ces activités auraient de l'importance et pourraient constituer une source d'emploi importante pour les populations urbaines (Niang, 1999). Cette population jeune (20-30 ans) a été rencontrée préférentiellement chez les pépiniéristes (54 % des enquêtés), suivis par les maraichers (31 %) et enfin les céréaliers (13 %) (Figure 1a). Cette relative jeunesse des pépiniéristes expliquerait que la plus grande majorité de ces derniers ont peu de personnes à leur charge : 91 % de ces derniers ont à charge 0-3 personnes en moyenne, tandis que 23 % des céréaliers ont plus de 6 personnes à charge (Figure 1b). À l'exception des maraichers où l'on a rencontré 18 % de femmes, les acteurs des autres secteurs d'activités étaient tous de sexe masculin (Tableau 2).

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25Concernant leur niveau de formation scolaire, plus de 60 % des céréaliers et des maraichers sont non scolarisés, près de 70 % des pépiniéristes ont un niveau primaire ou secondaire. Certains acteurs avaient un niveau de première année universitaire (Figure 1c). Cette répartition apparait tout à fait logique dans la mesure où la production en pépinière de plants, parfois exotiques, requiert de savoir lire et même quelquefois des connaissances sommaires en botanique, comme l'affirment certains acteurs. Bien que les pépiniéristes aient été les plus nombreux à appartenir à des groupements ou associations professionnelles (Tableau 2), dans l'ensemble, les différents secteurs étaient professionnellement peu organisés.

26Quarante-trois pourcents des céréaliers, 83 % des maraichers et 91 % des pépiniéristes (si on y adjoint l'aménagement qui est la suite de la production des plants) n'ont aucune autre activité secondaire (Tableau 2). Les différents acteurs sont largement propriétaires du foncier qu'ils exploitent (plus de 80 % des enquêtés), tandis qu'une minorité bénéficie de prêts (Tableau 2). Ces terres sont des parcelles marginales situées dans les bas-fonds non constructibles, notamment pour les maraichers bénéficiant ainsi d'une ressource en eau potentielle. Les parcelles, au nombre de deux au maximum pour chaque acteur, sont de taille très réduite pour les maraichers (< 1 ha pour 56 % des enquêtés) et plus grandes pour les céréaliers (50 % ont des parcelles d'une surface > 1 ha) (Figure 1d).

27Une large proportion des céréaliers et maraichers enquêtés (> 80 %) considère la fertilité de leur sol comme étant une « aptitude du sol à bien produire » et ont donc relié la notion de fertilité à une notion de production végétale (Figure 2a). Seuls quelques-uns ont évoqué la fertilité d'un sol comme étant un sol qui présentait une « facilité de travail du sol » ou une « capacité de rétention en eau du sol ». Cette perception de la fertilité par les acteurs est donc similaire à la définition agronomique de la fertilité telle que rencontrée dans la littérature (Pauli, 1967 ; Piéri, 1989). De 95 à 100 % des enquêtés affirment que les matières organiques apportées permettent d'assurer une augmentation de leurs productions et une amélioration des propriétés physiques du sol (Tableau 2). Quansah et al. (2001) ont obtenu des résultats similaires dans des régions agricoles du Ghana où les agriculteurs assimilent le rôle de la MOS à sa capacité à fournir des nutriments aux plantes et à assurer leur bonne croissance (49-63 % des réponses). Dans notre étude, seulement 4 à 21 % des réponses ont concerné une mise en relation entre l'amélioration des propriétés chimiques du sol et les apports de matières organiques. Il semblerait donc que cela soit simplement lié au fait que les améliorations de la production et de l'état physique du sol soient les plus visibles et les plus perceptibles par l'acteur, tandis que tout effet sur la chimie du sol soit difficilement perceptible en dehors de toute analyse chimique préalable. À la question de savoir « comment ils évaluent l'effet de ces pratiques de fertilisation sur leurs cultures », plus de 64 % des céréaliers et 56 % des maraichers utilisent le critère de « l'effet sur l'augmentation de la production » (Tableau 2).

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28Pendant que 77 % des céréaliers font appel aux déchets urbains solides (DUS), les maraichers privilégient l'usage des fumiers (86 %) (Figure 2b). Ce critère rejoint à l'évidence leur perception de la fertilité. Par ailleurs, près de 26 % des maraichers utilisent comme critère « l'effet sur l'aspect végétatif des plants ». Ce dernier critère pourrait être assimilé au précédent dans la mesure où, toute chose étant égale par ailleurs, une bonne croissance végétative est le précurseur d'une bonne production.

29À l'issue d'un cycle de production, les destinées des résidus de culture sont différentes suivant le type d'acteur. Ainsi, 92 % des réponses des céréaliers indiquent une revente des résidus de culture en ville (Tableau 2). Les plus grosses cannes de sorgho, de mil ou de maïs sont revendues auprès des vendeuses de « dolo » (bière locale) pour être utilisées comme source d'énergie, tandis que les petites tiges sont vendues aux éleveurs pour servir de fourrage. Cette revente des résidus constitue probablement la seule source de recette pour 43 % des ménages qui sont dépourvus de toute activité secondaire, pour acheter des déchets urbains pour la saison de culture suivante ou pour s'assurer d'autres biens et services (santé, scolarité des enfants, etc.). De leur côté, les maraichers privilégient un recyclage des résidus sur leurs parcelles (64 % des réponses) en les enfouissant quand cela est possible (Tableau 2). Toutefois, avec la succession rapide des cycles de culture, les résidus de culture sont parfois jetés dans des dépotoirs compte tenu du manque de temps pour s'en occuper (27 % des réponses). Cette situation pourrait aussi découler simplement du fait que la quantité de résidus soit faible dans le cas du maraichage ou que les maraichers bénéficient déjà de rentrées de devises autres, à l'opposé des céréaliers, pour qui la production est essentiellement destinée à l'autoconsommation.

30Les substrats organiques en provenance de la ville occupent une place de choix dans les pratiques de fertilisation des acteurs, utilisés seuls ou en combinaison. En effet, 71 % des céréaliers, 17 % des maraichers et 73 % des pépiniéristes utilisent ce type de substrat dans leurs activités (Figure 2b). Parmi les critères qui déterminent le choix de l'utilisation de ces déchets, la « disponibilité » apparait largement le plus important (91-100 % de toutes les réponses) (Figure 2c). De façon surprenante, ni la couleur, ni la texture, ni l'efficacité, ni le réseau des acteurs n'ont une grande importance dans les choix faits, alors que les agriculteurs de la zone humide du Ghana ont utilisé « la couleur noire » pour désigner la qualité de la matière organique utilisée (Quansah, 2001). Autrement dit, dans cette étude, les différents acteurs utilisent tous les substrats organiques qui « leur tombent sous la main », alors que nous faisions l'hypothèse que les critères suscités seraient utilisés. Toutefois, cela est logique dans un contexte de rareté des ressources organiques. D'une façon générale, au cours de cette utilisation des DUS, l'épandage est le mode d'apport le plus utilisé (83 % et 91 %, respectivement chez les céréaliers et les maraichers) (Tableau 3). Toutefois, quelque 17 % des céréaliers choisissent aussi la localisation en petits tas sur les parcelles. L'apport par épandage ou par localisation est fait préférentiellement quelques jours avant le semis pour 93 % des céréaliers et 83 % des maraichers (Tableau 3). Les périodes d'apport « plusieurs mois avant » ou « pendant le semis » sont très peu utilisées. Quelques maraichers choisissent également de faire cet apport au cours du cycle de culture (13 %). L'apport dans les pots est privilégié chez les pépiniéristes pour faciliter l'enlèvement et le transport des plants produits.

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31Interrogés sur les effets de ces SO sur leurs différentes productions, les différents acteurs se disent satisfaits. Ainsi, 93 %, 78 % et 80 % des céréaliers, des maraichers et des pépiniéristes respectivement trouvent l'effet des SO « bon » (Tableau 3). Cette appréciation se base essentiellement sur la satisfaction au niveau de la production obtenue pour les céréaliers et maraichers, et l'aspect végétatif des plants pour les pépiniéristes.

32Une partie du questionnaire administré avait pour objectif d'identifier les attentes des différents acteurs du point de vue de la qualité de la matière organique que l'on pourrait leur fournir. Les céréaliers attendent de toute matière organique qu’elle augmente la production agricole (57  % des réponses) et qu’elle améliore l’état du sol (21 % des réponses) (Figure  3a), réponses qui diffèrent de leur perception sur le rôle de la matière organique sur leurs cultures. En effet, ces attentes concernent également l’absence de matériaux inorganiques dans ces matières organiques (14,2  % des réponses) et que celles-ci aient une interaction favorable aux cultures (7,1  % des réponses). La même figure montre que les maraichers, quant à eux, souhaitent que cette matière organique augmente leur production (39 % des réponses), mais également qu'elle soit disponible à tout moment et en quantité suffisante (32 % des réponses). Cette figure montre aussi que les pépiniéristes attendent de cette matière organique des déchets urbains qu'elle améliore la qualité de leurs plants surtout d'un point de vue esthétique (couleur renforcée, fleurs bien larges, etc.) (Figure 3a). Les attentes sont donc assez spécifiques pour chaque secteur mais en dehors de la fourniture régulière, elles tournent autour des effets de tout fertilisant organique sur la croissance et le développement des plants, en améliorant les propriétés du sol et en leur fournissant des éléments nutritifs. C'est pourquoi toute action de compostage devrait s'assurer des qualités d'amendement et de fertilisant des composts pour leur acceptation par les acteurs de l'agriculture urbaine. Cependant, seulement 14 % des réponses des céréaliers et 4 % de celles des maraichers attendent de la matière organique des DUS qu'elle soit débarrassée des différents objets inorganiques (plastique, verre, métal, etc.), susceptibles de polluer le milieu. Cela rejoint l’idée évoquée ci-dessus et permet d’affirmer que dans les pays en développement, les ménages défavorisés des villes prennent le risque d’utiliser les DUS nonobstant les dangers, l’essentiel étant d’assurer leur survie.

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33Dans ce contexte, l'utilisation des composts de DUS reste très limitée à l'heure actuelle par les différents acteurs rencontrés : 0 %, 14 % et 27 %, respectivement chez les céréaliers, les maraichers et les pépiniéristes, préférant donc l'usage direct des déchets municipaux et fumiers comme évoqué plus haut (Tableau 3). Ceux qui utilisent les composts les obtiennent essentiellement par fabrication personnelle (67 % des réponses des maraichers) ou par achat (75 % des réponses des pépiniéristes). S'agissant de savoir pourquoi cette utilisation de déchets bruts et pas les composts, les raisons varient selon le type d'acteur : les céréaliers évoquent dans une large majorité « le manque de moyens » (64 %) pour produire du compost (outils, eau, construction de fosses), les maraichers évoquent le manque de temps (43 %) puisque leur activité est continue sans arrêt, tandis que les pépiniéristes évoquent la disponibilité des DUS simplement (Figure 3b). Par ailleurs, ces résultats nous ont montré qu'une proportion assez minime des acteurs assurent ne pas savoir comment fabriquer du compost (7 % des céréaliers, 22 % des maraichers et pépiniéristes). En dépit de cela, cette situation repose la nécessité d'entreprendre des actions pour une large diffusion et utilisation du compostage et des composts car 83 % à 100 % des enquêtés déclarent croire le compost meilleur au SO bruts. Pour ce faire, nous cherchions à savoir comment leur faire adopter et utiliser les composts de DUS. Ainsi, pour les céréaliers, toute démarche dans ce sens doit « faciliter l'accès » (proximité et disponibilité en temps voulu) aux composts (50 % des réponses) et « rendre leurs couts abordables » (36 % des réponses) (Figure 3c). Pour les maraichers et les pépiniéristes, il faut surtout « privilégier la publicité » des composts dans les médias pour mieux présenter leur mode de fabrication et leurs intérêts (55 % et 39 %, respectivement), mais également faciliter l'accessibilité aux composts (faible distance et disponible en temps voulu). Ces résultats sont particulièrement intéressants dans la mesure où ils posent tout l'intérêt pour les villes africaines d'entreprendre des actions d'information sur les composts en vue de contribuer à réduire les couts de gestion des déchets. Ces résultats montrent également que le prix des composts n'apparait pas comme le premier handicap à l'adoption et à l'utilisation des composts (Kessler, 2004). On pourrait en déduire la disponibilité des différents acteurs à payer si les composts sont disponibles et si leurs effets sont démontrés. Ces observations rejoignent celles de Danso (2001), selon lesquelles la majorité des agriculteurs ont une bonne perception des composts de déchets urbains et sont disposés à payer et à les utiliser, parfois sans expérience préalable. Une étude dans deux villages au Sud du Burkina Faso a montré que les paysans ont adopté la technique du compostage à cause du faible niveau de fertilité de leurs sols (Ouédraogo et al., 2001). Nous concluons donc que le compostage pourrait prendre une place importante dans l'agriculture péri-urbaine si son intérêt est prouvé et promu auprès des acteurs. C'est pourquoi, nous concédons avec Kessler (2004) et une grande partie des enquêtés qu'un « marketing » très efficace autour des composts s'avère nécessaire.

34Les teneurs en carbone organique total (COT) des substrats organiques prélevés chez les différents acteurs enquêtés ont montré une grande variabilité (Figure 4). Ainsi, chez les céréaliers, ces teneurs varient entre 80 g.kg-1 (OM) et 396 g.kg-1 (DM4-5), chez les maraichers elles vont de 55 g.kg-1 (FV+SR) à 439 g.kg-1 (PV) et elles sont comprises entre 39 g.kg-1 (TD) et 495 g.kg-1 (SB) chez les pépiniéristes. Cette variabilité est beaucoup plus grande chez les pépiniéristes comparée aux autres acteurs, comme l'indique l'écart-type de la moyenne y atteignant 182 g.kg-1. Ces fortes variabilités seraient liées à l'origine des substrats organiques qui sont à la disposition des paysans. D'une façon générale, les substrats organiques utilisés par les pépiniéristes ont les plus faibles teneurs en COT, car excepté celles de SB et TG, aucune teneur ne dépasse 150 g.kg-1. À l'opposé, les substrats des maraichers ont les plus fortes teneurs en COT, lesquelles sont toutes supérieures à 150 g.kg-1 (excepté FO et FV + SR). Les teneurs en COT des substrats des céréaliers sont intermédiaires. Il semblerait que les pépiniéristes utilisent des substrats ayant évolué ou contenant de fortes proportions de terre, tandis que les maraichers utilisent des substrats peu évolués et constitués essentiellement de résidus organiques d'origine végétale ou animale ou un mélange des deux.

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35Les teneurs en azote total (N) suivent cette même tendance, à savoir que les substrats organiques utilisés par les maraichers sont en moyenne plus riches en N que ceux utilisés par les céréaliers, puis ceux utilisés par les pépiniéristes : celles des deux derniers groupes variant entre 10 et 15 g.kg-1 (excepté DM2 et FBc chez les céréaliers pour leurs faibles teneurs ; et TG chez les pépiniéristes pour sa forte teneur), tandis que celles des maraichers dépassent 15 g.kg-1 à l'exception de FV + SR (Figure 4). Les produits d'origine animale sont souvent riches en azote. La forte demande minérale des cultures maraichères et la capacité des maraichers à payer plus cher pour ce type de substrat expliqueraient probablement leur prédilection pour ce type de produit. Par ailleurs, on retiendra que les substrats PV (118 g.kg-1) et EP (48 g.kg-1) chez les maraichers et DUS4-5 (54 g.kg-1) chez les céréaliers sont particulièrement riches en N. La forte teneur en N des substrats maraichers pourrait contribuer à expliquer leurs faibles rapports C/N (tous inférieurs à 14), tandis que chez les pépiniéristes, le faible rapport C/N pourrait résulter d'un état évolué du substrat (excepté SB et TG). Les rapports C/N des substrats des céréaliers sont relativement élevés, probablement du fait de leur pauvreté en azote.

36Comme pour l'azote, la hiérarchie suivante peut être établie pour les substrats organiques des différents acteurs concernant leurs teneurs en phosphore total (P) : Pmaraichers > Pcéréaliers > Ppépiniéristes (Figure 5). Ces teneurs sont supérieures à 3 g.kg-1 chez les maraichers, atteignent à peine 1,5 g.kg-1 chez les pépiniéristes (excepté TNC, TG et LP) et celles des céréaliers sont intermédiaires. Les substrats DM4-5 (9 g.kg-1) chez les céréaliers, CC (9 g.kg-1) et EP (44 g.kg-1) chez les maraichers et TNC (9 g.kg-1) chez les pépiniéristes sont largement les plus riches en phosphore, comparativement aux autres substrats.

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37Les teneurs en éléments majeurs totaux (EMT) des céréaliers et des maraichers sont du même ordre de grandeur, en dehors des substrats extrêmes : elles varient entre 26-47 g.kg-1 chez les céréaliers excepté OM, entre 20-37 g.kg-1 chez les maraichers excepté FBOP et EP. Les EMT chez les pépiniéristes sont plus faibles dans l'ensemble et sont comprises entre 9 et 23 g.kg-1 (excepté LP, LBW et TG). Ces valeurs élevées en EMT sont souvent liées à une valeur importante d'un des éléments majeurs (K, Ca, Mg et Na). D'une façon générale, pour tous les acteurs et tous les types de substrats, les teneurs en Ca sont les plus élevées (7 - 103 g.kg-1), suivies de celles de K (1 - 25 g.kg-1), de Mg (0,7 - 4,1 g.kg-1) et de Na (0,1 - 5 g.kg-1) (résultats non présentés). Pour les substrats des céréaliers, les fortes teneurs en EMT sont dues en réalité à la teneur en K pour DM4-5 (54 % des EMT), à la teneur en Ca pour DM12 et FBc (78 % et 62 % des EMT, respectivement). Chez les maraichers, les substrats les plus riches en EMT contiennent réellement largement du Ca (90 % et 87 % des EMT, respectivement pour EP et FV + SR). Cette même prédominance de Ca est observée pour les substrats des pépiniéristes les plus riches en EMT (LP et LBW avec Ca représentant respectivement 80 % et 86 % des EMT).

38Comme pour les différentes propriétés chimiques, les niveaux de biodégradabilité des substrats, comme le montre le CO2 minéralisé cumulé après 91 jours d'incubation (Cmin91), sont très variables d'un groupe d'acteur à l'autre mais également chez le même type d'acteur (Figure 5). Chez les céréaliers, à l'exception des substrats DM5 et DM12, tous les autres substrats restent fortement biodégradables (Cmin91 compris entre 53 % pour DM4-5 et 92 % pour OM). Les deux groupes de déchets municipaux DM5 et DM12 ont passé respectivement 5 et 12 mois dans les champs et ont probablement subi des biodégradations naturellement, toutes choses qui expliqueraient leur relative stabilité. La même observation est faite chez les maraichers, où à l'exception de FBP et FBOP, tous les autres substrats restent fortement biodégradables (au minimum 40 % du COT pour FO et au maximum 78 % pour EP). Par contre, chez les pépiniéristes, à l'exception de quelques substrats atypiques, les autres sont faiblement biodégradables du fait de leur état très stabilisé comme TD, VWC et CDV ou du fait de leur nature très lignifiée (SB et SB + TD). Toutefois, les produits comme TG, LBW, TNC et LP + TD minéralisent plus de 60 % de leur carbone après 91 jours d'incubation. TG et LBW sont des tontes de gazon et des litières fraiches, TNC provient de la collecte par les eaux de ruissellement de débris organiques divers. Le lisier de porc est également très biodégradable et expliquerait les valeurs élevées de Cmin91 de LP + TD (compte tenu du fait que le lisier est en forte proportion dans le mélange).

39Finalement, même s'il est peu aisé de faire une classification précise, du fait de la grande variabilité des différents substrats organiques utilisés, il apparait que les maraichers ont une propension à utiliser des substrats d'origine animale plus riches en éléments fertilisants (N, P, EMT), que les céréaliers font plus appel aux déchets urbains solides (déchets municipaux et ordures ménagères) relativement pauvres en azote mais riches en éléments majeurs totaux (phosphore, K, Ca). Les substrats des pépiniéristes sont souvent peu biodégradables et pauvres en éléments fertilisants, même si ces derniers font parfois appel à des substrats atypiques. Ces observations pourraient paraitre en contradiction avec les affirmations des acteurs disant utiliser les substrats organiques selon leur disponibilité. En réalité, il semble que chaque type d'acteur ait une préférence pour un groupe de substrats donné et que c'est la disponibilité d'un substrat à l'intérieur de ce groupe qui déterminera le choix de l'acteur. Autrement dit, par exemple, les maraichers utilisent préférentiellement les substrats d'origine animale, alors la disponibilité des fientes de volaille ou de fumier de bovin va les décider à utiliser l'un ou l'autre des substrats suscités à un temps donné.

40Choisissons des substrats ayant des caractéristiques chimiques moyennes tels que DM12 (déchets municipaux de 12 mois) chez les céréaliers, FC (fumier de chèvre) chez les maraichers et VWC (vidange de lieux d'aisance) chez les pépiniéristes et estimons leurs capacités à assurer le maintien de la fertilité des parcelles ou des supports de production. Chez les céréaliers, un apport annuel de 7 t.ha-1 de DM12, l'équivalent de 2 camions bennes de 8 m3, sur la base de 3,5 t.benne-1 (Lewcock, 1995), correspond à une application de 5,6 t.ha-1 de substrats organiques sur la base de 80 % de fraction organique dans les DM (Kaboré, 2004), soit 1 212 kg C.ha-1, 81 kg N.ha-1, 24 kg.ha-1 de phosphore total et 205 kg.ha-1 d'éléments majeurs totaux (EMT). Chez les maraichers, l'application de 7 t.ha-1 de FC équivaut à un apport de 2 146 kg C.ha-1, 163 kg N.ha-1, 34 kg.ha-1 de phosphore total et 168 kg EMT.ha-1. Le même apport chez les pépiniéristes équivaut à une application 772 kg C.ha-1, 90 kg N.ha-1, 7 kg.ha-1 de phosphore total et 88 kg EMT.ha-1. Au vu de ces résultats (qui sous-estiment sans doute les quantités réelles appliquées sur les parcelles), il apparait que les quantités de fertilisants apportées dans le cadre de cette utilisation des substrats organiques urbains sont largement supérieures aux recommandations de la recherche nationale et pourraient couvrir les besoins des cultures s'ils étaient bio-disponibles, notamment dans la céréaliculture et le maraichage. Des mesures de bio-disponibilité de ces éléments fertilisants majeurs pourraient permettre de mieux raisonner ces questions.

41L'agriculture péri-urbaine est menée par une multitude d'acteurs dont les céréaliers, les maraichers et les pépiniéristes. Les enquêtes ont montré que 35 % des céréaliers, 69 % des maraichers et 95 % des pépiniéristes ont un âge compris entre 20-40 ans, qu'une large proportion des céréaliers et des maraichers sont non scolarisés (60 %), tandis que 70 % des pépiniéristes ont au moins un niveau primaire. Cette agriculture péri-urbaine est l'unique activité et source de revenus de 43 % des céréaliers, 83 % des maraichers et 91 % des pépiniéristes.

42Par ailleurs, comme l'ont montré une large part des enquêtés, notamment les céréaliers et des maraichers, les différents acteurs ont une bonne compréhension de la fertilité des sols ou des supports de culture exploités et affirment l'aptitude des apports organiques à assurer le maintien ou l'amélioration de cette aptitude à produire. Pour l'heure, 71 % des céréaliers, 17 % des maraichers et 73 % des pépiniéristes recourent aux déchets urbains solides comme source de matière organique, probablement du fait des fortes proportions de matière organique observées dans ces substrats. La grande majorité des maraichers (77 %) font appel aux fumiers des élevages urbains comme source de matière organique. En dépit de ces grandes tendances, tous les acteurs affirment utiliser toutes les formes de substrats organiques sur la base de leur disponibilité. Même si tous les différents acteurs se disent satisfaits des effets de ces substrats organiques sur leurs productions, 83 % à 100 % d'entre eux déclarent croire les composts meilleurs aux substrats bruts. Toutefois, 0 %, 14 % et 27 % des céréaliers, des maraichers et des pépiniéristes, respectivement utilisent actuellement des composts de substrats organiques. Finalement, les acteurs attendent de toute matière organique qui leur serait fournie qu'elle augmente la production agricole (57 % et 39 %, respectivement des réponses de céréaliers et des maraichers), qu'elle améliore l'état du sol (21 % des réponses des céréaliers), que sa fourniture soit régulière (32 % des réponses des maraichers) ou qu'elle améliore la qualité (coloration des feuilles ou des fleurs) de leurs plants (87 % des réponses des pépiniéristes). Toute démarche de proposition de composts de déchets, par exemple, doit surtout privilégier leur accessibilité en distance et en temps pour les céréaliers (50 % des réponses) ou rendre leurs couts abordables (36 % des réponses). Pour les autres acteurs (maraichers et pépiniéristes), il faut surtout privilégier la promotion des composts à la publicité dans les médias en rappelant leurs intérêts et leurs méthodes de fabrication (55 % et 39 % des réponses, respectivement pour les maraichers et les pépiniéristes).  

43Les analyses des différents substrats organiques prélevés auprès des différents acteurs ont révélé la grande variabilité de leurs propriétés chimiques et de leurs niveaux de stabilité au sein du même groupe d'acteurs et entre types d'acteurs. Toutefois, de grandes tendances existent entre les trois types d'acteurs pour les teneurs en carbone organique total (COT) en dépit de la présence de substrats atypiques, et on a l'ordre suivant : COTmaraichers > COTcéréaliers > COTpépiniéristes. Les teneurs en azote total et en phosphore total suivent également la même hiérarchie pour les différents acteurs. Les teneurs en éléments majeurs totaux (EMT) s'organisent comme suit : EMTmaraichers ≈ EMTcéréaliers > EMTpépiniéristes.

44Par ailleurs, on retiendra que des substrats spécifiques suivants sont très riches en azote total (PV, plumes de volaille ; EP, écailles de poisson ; TG, tontes de gazon), en phosphore total (EP ; TNC, terre noire des canaux ; CC, crotte de cheval) et en éléments majeurs totaux (EP ; LP, lisier de porc ; TG ; FV + SR, fientes de volailles + son de riz). Ces substrats pourraient être apportés dans les mélanges initiaux des composts de déchets urbains pour améliorer leur valeur fertilisante.

45Enfin, ces travaux nous permettent de conclure sur une bonne compréhension de l'état de fertilité de leurs sols ou support de culture par les différents acteurs de l'agriculture péri-urbaine. Ces acteurs doivent être considérés comme des partenaires de recherche importants, particulièrement dans les projets visant une meilleure gestion des déchets et une meilleure contribution de l'agriculture péri-urbaine dans la sécurisation alimentaire des villes africaines. Des actions de recherche et de sensibilisation demeurent incontournables pour la promotion des composts de déchets urbains solides.

46Remerciements

47La réalisation de ce travail a été possible grâce au soutien financier de l'Institut de Recherche pour le Développement à travers son Département Soutien et Formation, à l'appui du programme CORUS II à travers le projet Valorisation Agricole des Déchets Urbains et Industriels (VALAGRIDUS) et de la International Foundation for Science (IFS). Nous tenons à remercier tous les techniciens du laboratoire de l'UMR ECO&SOLS à Ouagadougou pour leur soutien et les céréaliers, maraichers, pépiniéristes et aménagistes qui ont bien voulu nous consacrer de leur temps pendant les enquêtes. Nous disons également merci à Mme Nacoulma et Mlle Tondé pour leur aide pendant l'encodage et la saisie des données d'enquête.

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To cite this article

Wind-Tinbnoma Théodore Kaboré, Edmond Hien, Prosper Zombré, Aboubacar Coulibaly, Sabine Houot & Dominique Masse, «Valorisation de substrats organiques divers dans l'agriculture péri-urbaine de Ouagadougou (Burkina Faso) pour l'amendement et la fertilisation des sols : acteurs et pratiques», BASE [En ligne], numéro 2, Volume 15 (2011), 271-286 URL : https://popups.ulg.ac.be/1780-4507/index.php?id=7533.

About: Wind-Tinbnoma Théodore Kaboré

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