BASE BASE -  Volume 11 (2007)  numéro 2 

Perspectives de production des semences de pomme de terre à partir de vitropropagation en Tunisie

Faten Rejeb Gharbi

Institut national de la Recherche agronomique de Tunisie (INRAT). Laboratoire d’Economie rurale. Rue Hédi Karray. 2080 Ariana (Tunisie). E-mail : gharbi.faten@iresa.agrinet.tn

Mohamed El Fahem

Groupement interprofessionnel des Légumes (GIL). Rue Mouaouia Ibn Abi Soufiane, 25. 1002 Tunis. Le Belvédère, BP178 (Tunisie).

Editor's Notes :

Reçu le 28 septembre 2005, accepté le 1er décembre 2006.

Résumé

La rentabilité de la production de semences de base certifiées de pomme de terre à partir de vitropropagation est évaluée en cinq étapes. La première étape consiste en la production au laboratoire de vitro-plants dont le coût de revient unitaire est de 0,253 DT. La deuxième étape se limite à la production sous serre « insect proof », de minitubercules dont le coût de revient unitaire est de 0,182 DT. Quant aux trois autres étapes, elles se font au champ par multiplications successives à partir de mini-tubercules pour obtenir des semences de classe super-élite « SE », de classe élite « E » et de classe « A ». La rentabilité économique de chacune de ces trois dernières étapes dépend du taux de multiplication des semences en question, du risque dû au déclassement, du coût de revient et du prix de cession vente. L’analyse de la situation réelle montre que sans l’intervention du Groupement Interprofessionnel des Légumes (GIL), les trois phases de production de semences de classe super-élite, élite et « A » ne sont pas rentables. L’intervention du GIL, par la fourniture gratuite de mini-tubercules rend très rentable la multiplication des super-élite. La rentabilité de la production des semences de classe élite et de classe « A » n’est garantie qu’en réalisant un taux de multiplication supérieur ou égal à six. Comparées aux semences de classe élite et de classe « A » importées, les semences locales ne sont pas compétitives. En outre, l’intervention du GIL durant les différentes phases de multiplication rend compétitives les élites locales pour tous les producteurs, alors que pour les semences de classe « A » c'est la cas uniquement chez les producteurs qui réalisent un taux de multiplication des élites supérieur ou égal à quatre.

Mots-clés : Rentabilité économique, semences de base, pomme de terre

Abstract

Prospects of the potato seed production from vitropropagation in Tunisia. The profitability of seed potato production in Tunisia has been evaluated at five different stages, as following: stage 1: in-vitro-propagation of plants. Stage 2: minitubers production under insect-proof greenhouse. The three other steps, are done in the field by successive muni-tubers in creases to obtain super-elite « SE », class elite « E » and « A » class tubers. Stage 3: first field multiplication to get class « SE » seeds. Stage 4: second field multiplication to get class « E » seeds. Stage 5: third field multiplication to get class « A » seeds. The production cost for stages 1 and 2 was, respectively, 0,253 TND and 0,182 TND. For stages 3, 4 and 5 the profitability depended on the multiplication rate in the field; downgrading rate; production cost; selling price. On the other hand, it would appear that the intervention of Groupement Interprofessionnel des Légumes (GIL) was crucial to the production process of class « SE », « E » and « A » seeds. The free of charge supply of minitubers, by GIL, to seed producers would make the production of class « SE » seeds profitable. While for classe « E » and « A », however, the profitability was guaranteed only when the rate of multiplication was equal to or higher than six. Compared to imported class « E » or « A » seeds, local seeds was less competitive. Further more, the intervention of GIL made local « E » seed competitive for all producers while the local class « A » seeds was competitive in the case of producers who got a rate of multiplication higher than four.

Keywords : vitropropagation, Economic profitability, basic seed, potato, vitropropagation

1. Introduction et problématique

1Les besoins de la Tunisie en semences de pomme de terre sont évalués à 45000 tonnes par an dont environ 23000 tonnes importées. La production nationale assure la couverture des besoins en semences de la culture d’arrière saison et d’une partie des cultures de primeur et d’extra-primeur. Pour la culture de saison, l’approvisionnement se fait essentiellement à partir des importations. En 2004, la valeur des importations a atteint 13 millions de dinars tunisiens (DT) alors qu’elle n’était que de 2 et 6 millions de dinars respectivement en 1980 et 1990 contribuant ainsi, d’une manière significative au déficit de la balance commerciale du secteur agricole.

2L’évolution des cours des semences de pomme de terre et la variation du taux de change de l’euro entraînent l’instabilité du prix des semences de pomme de terre, ce qui rend imprévisible la rentabilité économique de la production de pomme de terre en Tunisie.

3Dans ce cadre, un programme de recherche a été mis en place pour la simulation d’un schéma de production de 100 tonnes de semences locales de classe élite « E » à partir des vitro-plants produits au laboratoire. Ce programme consiste à produire annuellement par la station d’appui de Mannouba (S.A.M.) 30000 vitro-plants et 90000 mini-tubercules ou semences de classe « S » et dans le cadre du projet national 20 tonnes de semences de classe super-élite « SE » et 100 tonnes de semences de classe élite « E ».

4Le présent travail a pour objectif d’étudier la rentabilité économique des quatre étapes de multiplication citées ci-dessus et de simuler la rentabilité économique de la multiplication de semences de pomme de terre de classe « A » à partir des semences de classe « E » locales. La démarche à suivre dans ce travail est comme suit : dans une première étape des vitro-plants produits au laboratoire sont multipliés sous serres « insect proof » d’une capacité de 20000 plants chacune pour donner des mini-tubercules appelés semences de classe « SE ». Actuellement, la production de ces deux produits est assurée par la station d’appui Mannouba (S.A.M.) du Groupement Interprofessionnel des Légumes (GIL).

5Dans une deuxième étape, les mini-tubercules certifiés sont multipliés par des producteurs contractants avec le GIL, pour la production successive de semences certifiées de classe super-élite « SE », de classe élite « E » et de classe « A ».

6Pour chaque étape de production, on a :

7– calculé le coût de production et le coût de revient de chaque classe de semences produites ; dans cette composante on s’est servi presque des mêmes hypothèses de travail que celles de Derouich (1998) ;

8– étudié les conditions de rentabilité de chaque classe de semences ;

9– analysé la compétitivité des semences de classe « E » et « A » produites par rapport à celles importées ;

10– identifié, par classe de semence produite, les contraintes et les opportunités de production ;

11– discuté les possibilités de développement du secteur des semences de pomme de terre en Tunisie.

2. Méthodologie

2.1. Les concepts utilisés

12Les coûts. Le classement des coûts tient compte de leur comportement quand la quantité produite varie. On les classe en coûts fixes et coûts variables en fonction de la quantité produite.

13Les coûts variables, ou opérationnels (CV) sont liés à des décisions à court terme et sont donc réversibles. Ils augmentent automatiquement avec la production (Lassègue, 1975). Dans les coûts variables, on trouve le coût d’achat des matières premières (semences, terreau, engrais, pesticides, eau d’irrigation, serre « insect-proof », verrerie, petit outillage), les frais de main-d’œuvre occasionnelle, de location de matériel agricole, de transport, de conservation et de contrôle sanitaire. Les composantes des coûts variables varient avec le produit considéré. Par exemple, la production de mini-tubercules exige certaines charges (terreau, serre « insect-proof », etc.) qui ne sont pas nécessaires dans d’autres cas.

14Les coûts fixes ou coûts de structure (CF) sont insensibles à la variation de la quantité produite. Ils sont souvent qualifiés de coûts de structure ou de période. On trouve dans cette rubrique les traitements des cadres supérieurs, l’assurance, la valeur locative du terrain, l’amortissement et l’entretien des investissements. Comme pour les coûts variables, la structure des coûts fixes varie avec le produit à obtenir. Par exemple, la production de vitro-plants exige un laboratoire, alors que la production de mini-tubercules nécessite seulement une serre « insect-proof ».

15Les amortissements. L’amortissement varie selon les équipements utilisés, leur taux d’utilisation et de l’investissement consenti.

16Pour la production de vitro-plants, on a besoin d’un laboratoire. L’installation et l’équipement du laboratoire sont amortissables sur 20 ans. En tenant compte du taux d’occupation du laboratoire par les vitro-plants qui est de 50 %, l’annuité sera par conséquent divisée par deux. Le petit matériel est amortissable sur cinq ans. étant donné que ce matériel est également utilisé à 50 % par l’activité, l’annuité sera divisée par deux.

17Pour la production de mini-tubercules, on a besoin de serres et d’un réseau d’irrigation amortissables sur dix ans. Quant au petit matériel, il est amortissable sur cinq ans. Les investissements destinés à la production de mini-tubercules sont totalement réservés à cette activité.

18Les charges supplétives (CS) ont un caractère fictif car elles ne correspondent pas à une dépense. Il faut cependant les faire entrer dans le coût de revient. Comme exemple de charges supplétives, on peut citer la rémunération conventionnelle des capitaux propres et la rémunération du travail de l’exploitant (Lassègue, 1975).

19Les coûts totaux (CT) : c’est la somme de tous les coûts, à savoir les coûts fixes, les coûts variables et les charges supplétives : CT = CV +  CF + CS.

20Quand il s’agit de production successive de différents types de produits (vitro-plants, mini-tubercules, semences « SE », « E » et certifiées « A ») il faut calculer séparément le coût de chacun d’entre eux. C’est ce que Lassègue (1975) appelle coût spécifique, ou coût par commande.

21Le coût de revient (CR) d’un produit comprend le coût de production, plus la partie des charges de vente imputée à ce produit (Cordonnier et al., 1970). Dans le présent travail, on a fait une imputation des charges de vente proportionnelle à la marge sur coût de production (marge bénéficiaire) pour chaque produit. CR = CT + MB avec MB = marge bénéficiaire.

2.2. Collecte des données

22La collecte de données nécessaires s’est faite auprès des organismes suivants : le Ministère tunisien de l’Agriculture : statistiques, contrôle officiel, etc. ; la profession (importateurs, commerçants et producteurs de semences) ; le Groupement Interprofessionnel des Légumes (GIL) : données concernant la production de semences des classes « SE », « E » et de classe « A » et celles relatives à l’importation des souches mères et à la production de vitro-plants et des semences de classe « S ».

3. Résultats et discussion

3.1. Les vitro-plants

23La production de vitro-plants s’est faite au laboratoire, dans des conditions d’isolement total, à partir de souches mères importées, de variété Spunta.

24Hypothèses de travail :

25– Les investissements au niveau du laboratoire sont mobilisés à 50 % pour la production des vitro-plants.

26– Le taux d’utilisation des équipements du laboratoire est de 50 %.

27– Le taux d’intérêt sur le prêt du capital investi est de 9 %.

28– Le taux d’intérêt accordé au prêt de fonctionnement est de 8 %.

29– La capacité de production du laboratoire est de 200000 plants par an.

30Le coût de production d’un vitro-plant est de 0,253 DT. Le rapport des charges variables aux charges fixes montre une légère prédominance des charges variables. L’eau, l’électricité, le gaz, les produits chimiques, le contrôle phytosanitaire et la main-d’œuvre saisonnière, représentent les principales rubriques des charges variables (Tableau 1) ; alors que l’amortissement des investissements et l’encadrement technique représentent les composantes essentielles des charges fixes.

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3.2. Les mini-tubercules

31Les mini-tubercules sont produits à partir de vitro-plants. Ces derniers, certifiés indemnes de toute maladie ou parasite, sont transférés du laboratoire à la serre sous contrôle phytosanitaire strict pour être multipliés et donner des mini-tubercules, appelés également semences de classe « S ».

32Hypothèses de travail :

33– Les investissements au niveau du laboratoire sont mobilisés à 100 % pour la production de semences de classe « S ».

34– Le taux d’intérêt sur le prêt du capital investi est de 9 %.

35– Le taux d’intérêt accordé au prêt de fonctionnement est de 8 %.

36– La capacité d’une serre est de 20000 vitro-plants avec un taux de manquants de 7,5 %.

37– Le taux de multiplication est de 6 mini-tubercules par vitro-plant.

38Le coût de revient d’un mini-tubercule est de 0,182 DT. Les charges variables représentent la part la plus importante de ce prix, soit 85 %. En effet, la production de semences de classe « S » se fait dans des serres et nécessite par conséquent, moins d’investissements que celle de vitro-plants. Les semences représentent à elles seules 38 % des charges variables. Le contrôle phytosanitaire est aussi une composante importante dans la production des semences de classe « S », car il contribue à hauteur de 21 % aux charges variables (Tableau 2). Actuellement la station d’appui à la Mannouba produit les semences de classe « S » et les vend au GIL au prix de 8000 DT la tonne.

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3.3. Les semences super-élite « SE »

39Les semences super-élite sont produites sur champ à partir des semences de prébase (de classe S) ayant subi un contrôle de la qualité phytosanitaire et une conservation sous froid (Anonyme, 1997).

40Dans le présent travail, nous avons actualisé les données de l’enquête réalisée en 2000 par le GIL. Le tableau 3 représente une moyenne des coûts de 35 multiplicateurs de semences de pomme de terre, soit 50 % de l’effectif global des multiplicateurs contractants avec le GIL durant cette campagne.

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41En absence de l’intervention du GIL, le coût de revient d’une tonne de semences « SE » est de 1989 DT. Or, en réalité le GIL intervient dans la phase de production des semences « SE ». Cette intervention consiste en l’achat par le GIL des semences de prébase (classe « S » ou minitubercule) à raison de 8000 DT la tonne auprès du SAM qu’il donne gratuitement aux multiplicateurs. La conséquence de cette intervention du GIL est la réduction du coût de revient des semences de classe  « SE » de 1338 dinars par tonne produite.

42Avec un taux de multiplication de 10 et un risque de déclassement nul, la production de semences « SE » est rentable uniquement lorsqu’il y a intervention du GIL. Le coût de revient d’une tonne de semences « SE » produite par les multiplicateurs est de 290 DT alors que le prix de cession est fixé par le GIL à 400 DT.t-1. On enregistre un profit pour le multiplicateur égal à la différence entre le coût de revient et le prix de cession, soit 400-290 = 110 DT.t-1, en plus de sa marge bénéficiaire.

43Le GIL achète la super-élite auprès des multiplicateurs au prix de 400 DT.t-1. Après stockage, conditionnement et emballage, le prix de revient d’une tonne de « SE » atteint 770 DT. Ce dernier est supérieur au prix de cession vente fixé par le GIL à 750 DT.t-1, ce qui entraîne une perte pour le GIL égale à la différence soit, 770-750 = 20 DT.t-1. En outre, le GIL participe d’une manière indirecte à la production des « SE » par l’achat de mini-tubercules à 8000 DT la tonne et la donne gratuitement aux multiplicateurs. Sachant que les mini-tubercules ont un taux de multiplication supérieur ou égal à dix, le GIL contribue par 800 DT dans le coût de production d’une tonne de « SE » en plus des 20 DT.t-1 lors de l’opération de conservation des super-élite.

3.4. Les semences élite « E »

44Le coût de revient de semences « E » varie selon le taux de multiplication des semences « SE » et le taux de déclassement des semences « E ». Dans la production de semences « E », le taux de multiplication varie de 5 à 7 et celui du déclassement de 10 à 20 %. Si on ne tient pas compte de l’intervention du GIL aussi bien au niveau de la production des semences « SE » que dans la production des semences « E », le prix de revient des semences « E », pour un promoteur privé en situation (S0), varie de 896,0 à 1211,8 DT.t-1. Il est de 1158,5 et 1211,8 DT.t-1 pour un taux de multiplication de 5 et des taux de déclassement respectifs de 10 et 20 %. Si le taux de multiplication passe à 7 avec les mêmes taux de déclassement, le prix de revient prend des valeurs inférieures, soit 896,0 et 925,4 DT.t-1.

45L’intervention du GIL sur le prix des semences « SE » destinées à la production des semences « E », a un effet bénéfique pour les multiplicateurs producteurs des semences « E ». Il y a deux types d’intervention. La première consiste à fournir gratuitement les mini-tubercules et la deuxième est relative à la fixation du prix de cession de la tonne de semences « SE » à 750 DT. Ces deux interventions ont un effet remarquable sur le coût de production des semences « E » et sont d’autant plus bénéfiques aux multiplicateurs que le taux de multiplication est élevé (Tableau 4). Le taux de déclassement, dans ce cas, est sans effet sur les multiplicateurs de semences « E », car c’est le GIL qui subit la perte due au déclassement. Etant donné que le prix d’écoulement du produit est fixé par le GIL à 365 DT.t-1, cette phase n’est rentable que si le taux de multiplication est supérieur ou égal à 6.

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46En l’absence d’intervention du GIL, la production de semences élite n’est pas rentable, même pour ceux qui réalisent un taux de multiplication égal à 7. Par conséquent, la multiplication des semences de pomme de terre de classe « E » ne peut être une spéculation rentable aux promoteurs privés en situation de (S0) que si le GIL fixe son prix d’achat à 552 ; 664 et 773 DT.t-1 au lieu de 365 DT.t-1 pour des taux de multiplication respectifs de 7, 6 et 5. Dans le cas d’un promoteur en situation de (S1), c’est-à-dire qui achète les mini-tubercules à un prix de 8000 DT.t-1, le prix d’achat du GIL doit être fixé à 482 ; 563 et 676 pour les même taux respectifs de multiplication.

47Concernant l’opération de conservation et de stockage des semences « E », celle-ci est rentable pour le GIL. En effet, le GIL achète auprès des multiplicateurs les semences « E » à un prix de cession de 365 DT.t-1, il subit la perte due au déclassement, stockage et conditionnement. Le coût de revient d’une tonne de semences « E » est égal, pour le GIL, à 673,4 et 682,6 DT pour des taux de déclassement respectifs de 10 et 20 %.  Il bénéficie de l’écart entre le prix de vente qui est égal à 750 DT.t-1 et le coût de revient. Cet écart est de 67,4 et 76,6 DT.t-1 pour des taux de déclassement de 20 et 10 %.

48Il est à noter que le taux de multiplication affecte d’une manière significative le coût de production des semences « E ». Par conséquent, une bonne maîtrise des techniques de production permet de réduire le coût de production au niveau multiplicateur d’en moyenne 147 DT.t-1, alors qu’une bonne gestion du risque de déclassement est sans effet sur ce coût.

3.5. Coût de revient moyen d’une tonne de semences élite importées

49On va procéder à une analyse comparative entre le prix C.A.F. (coût-assurance-fret) à l’importation des semences de pomme de terre importées et le coût de revient moyen des semences locales. Le prix à l’importation de référence est le prix moyen d’importation de semences de pomme de terre de classe « E » de la campagne 2004–2005. A ce prix s’ajoutent les frais de dédouanement, la marge bénéficiaire de l’importateur, les frais de transport et la marge bénéficiaire du distributeur (Tableau 5).

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50Analyse comparative du coût de revient des semences élite locales et des semences élite importées. La production de semences « E » locales n’est plus compétitive que celle des semences « E » importées qu’en présence de l’intervention du GIL dans la production des « SE » (fourniture gratuite des mini-tubercules) et/ou dans la production des « E » (prix de cession des « SE » égal à 750 DT.t-1). En effet, le coût de revient d’une tonne de semences de pomme de terre importées est égal à 855 DT. Comparé au coût de revient de semences « E » locales, le coût des semences « E » importées est de loin plus élevé, quels que soient les taux de multiplication et de déclassement au champ (Tableaux 4 et 5). Au niveau du multiplicateur, la production de semences « E » n’est rentable que pour un taux de multiplication des « SE » supérieur ou égal à 6.

51Pour un promoteur privé, dans les conditions réelles de production (S0), les semences « E » locales ne sont pas compétitives par rapport à celles importées même dans les meilleures conditions de production (taux de multiplication égal à 7 et risque de déclassement égal à 10 %) (Tableaux 4 et 5). Seulement, pour un promoteur privé en situation de (S1), la production de l’élite locale est plus compétitive que celle importée, s’il réalise un taux de multiplication de « SE » supérieur ou égal à 7.

3.6. Coût de revient moyen d’une tonne de semences de pomme de terre de classe « A » importées

52Le coût de revient moyen d’une tonne de semences importées de pomme de terre de classe « A » est défini de la même manière que celui de semences « E » importées. Seulement, les frais de dédouanement sont fixés à 50 DT.t-1 au lieu de 40 DT.t-1 et la marge bénéficiaire importateur est égale à 6 % au lieu de 4 %. Le prix de revient moyen d’une tonne de semences de pomme de terre de classe « A » importées est estimé à 886,5 DT (Tableau 6).

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3.7. Semences locales de classe « A »

53La rentabilité de la multiplication de semences de classe « A » dépend de plusieurs facteurs. On trouve le coût de revient, le taux de multiplication des « SE » et « E » et le taux de déclassement de semences de classe « E » et « A ». Dans la détermination du coût de revient de semences de classe « A »  plusieurs scénarios sont adoptés.

54(S0) : cas où la production de semences (vitro-plant jusqu’au semences certifiées de classe « A ») est réalisée par un promoteur privé sans intervention du GIL.

55(S1) : cas où la production de semences (vitro-plant et mini-tubercules) est réalisée par le SAM et le promoteur achète les mini-tubercules à raison de 8000 DT.t-1.

56(S2) : cas où le GIL intervient uniquement par la fourniture gratuite des mini-tubercules au promoteur privé qui se charge par la suite des différentes étapes pour la production des semences certifiées de classe « A ».

57(S3) : cas actuel où le GIL intervient par la prise en charge des frais de stockage et la fixation du prix de cession dans les trois phases de production de semences super-élite « SE », élite « E » et certifiées de classe « A ».

58Cas d’un promoteur privé sans intervention du GIL scénarios (S0) et (S1). Le coût de revient d’une tonne de semences de classe « A » varie de 815,1 à 1407,7 DT.t-1 et de 787,5 à 1332,4 DT.t-1 respectivement pour les scénarios (S0) et (S1). Cette variation est due à la variation du taux de multiplication des semences « SE » et du taux de déclassement des semences « E », d’une part, et du taux de multiplication de semences « E » et du taux de déclassement des semences de classe « A », d’autre part. En effet, pour un taux de multiplication des semences « SE » de 7 et un taux de déclassement des semences « E » de 10 %, le coût de revient des semences « E » est égal à PE41 = 896,0 DT.t-1 (scénario S0), lequel coût va agir avec le taux de multiplication des semences « E » et le taux de déclassement de semences de classe « A »  sur le coût de revient de ces dernières. D’après le tableau 8a, le taux de multiplication a un effet plus significatif que le taux de déclassement sur le coût de revient des semences de classe « A ». En effet, pour le même coût des semences élite PE41 = 896,0 DT.t-1, le coût de revient des semences de classe « A » est égal à 815,1 et 1178,4 DT.t-1 pour un taux de déclassement des semences de classe « A » de 20 % et pour des taux de multiplication respectifs des semences « E » de 5 et 3.

59Comparées aux semences de classe « A » locales produites à partir de l’élite importée, les semences de classe « A » produites à partir de l’élite locale (scénario S0) sont moins compétitives quels que soient les taux de multiplication et de déclassements des semences « E » et « A » (Tableau 7a).

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60Pour le scénario (S1), les semences de classe « A » produites à partir de l’élite locale sont plus compétitives que celles produites à partir de l’élite importée si le taux de multiplication de l’élite locale et du Super Elite sont respectivement de 5 et 7 (Tableaux 4 et 7b). Les semences « A » produites à partir de l’élite importée sont, par contre, moins compétitives que les semences « A » importées pour un taux de multiplication de semences « E » strictement inférieur à 5.

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61Dans le scénario (S0), les semences « A » produites à partir de l’élite locales sont plus compétitives que les semences « A » importées si les conditions suivantes sont remplies.

62Pour les semences destinées à la culture d’arrière-saison, le taux de multiplication des semences « E » doit être supérieur ou égal à 5 ou bien supérieur ou égal à 4 avec un risque de déclassement de 20 % et un taux multiplication des « SE » supérieur ou égal à sept.

63Pour les semences destinées à la culture de primeur, le taux de multiplication des semences « E » doit être supérieur ou égal à cinq.

64Pour les semences destinées à la culture de saison, le taux de multiplication des semences « E » doit être supérieur ou égal à 5 et celui des « SE » supérieur ou égal à 6 (Tableaux 4 et 8a).

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65Dans le scénario (S1), les semences « A » produites à partir de l’élite locale sont plus compétitives que les semences « A » importées si pour les semences destinées à la culture d’arrière-saison, le taux de multiplication des semences « E » est supérieur ou égal à 5 ou bien égal à 4 avec un taux de multiplication des « SE » égal à 7 ou bien égal à 4 avec un risque de déclassement de 20 % et un taux multiplication des « SE » égal à 6.

66Pour les semences destinées à la culture de primeur, le taux de multiplication des semences « E » est supérieur ou égal à 5. Au cas où le taux de multiplication des « E » est égal à 4, le taux de multiplication des « SE » doit être au moins égal à 7.

67Pour les semences destinées à la culture de saison, le taux de multiplication des semences « E » est supérieur ou égal à cinq et celui des « SE » est supérieur ou égal à 6. Au cas où le taux de multiplication des « SE » est égal à 5, le taux des « E » doit être supérieur ou égal à 5 avec un risque de déclassement de 20 % (Tableau 8b).

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68Cas d’un promoteur privé qui bénéficie de l’intervention du GIL sur les mini-tubercules. L’intervention du GIL par la fourniture gratuite de mini-tubercules fait diminuer sensiblement le coût de revient de semences des classes « SE » ; « E » et « A » locales. L’analyse du tableau 9, montre qu’en présence de l’intervention du GIL :

69– les semences produites à partir de l’élite locale deviennent plus compétitive que celles produites à partir de l’élite importée, quels que soient les taux de multiplication et de déclassement des semences « E » et « A » ;

70– les semences « A » produites à partir de l’élite importée gardent leur compétitivité par rapport à celles importées, toujours, pour un taux de multiplication de semences « E » supérieur ou égal à cinq ;

71– les semences de classe « A » produites à partir de l’élite locale deviennent plus compétitives que celles de classe « A » importées pour :

72– un taux de multiplication des « E » supérieur ou égal à quatre et un taux de déclassement de « A » inférieur ou égal à 20 % ;

73– un taux de multiplication des « SE » strictement supérieur à 5 et un taux de multiplication des « E » supérieur ou égal à 4 avec un taux de déclassement de « A » égal à 30 % ;

74– un taux de multiplication des élites supérieur ou égal à cinq, quels que soient le taux de multiplication des « SE » et les taux de déclassement des « E » et de « A ».

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75Cas actuel du GIL. L’analyse précédente fait abstraction de l’intervention du GIL dans la fixation du prix des semences « E » nécessaire à la production des semences de classe « A ». Or, en réalité le GIL intervient dans le processus de production de semences de classe « A »  par la fixation d’un prix de cession des semences « E » égal à PEG = 750 DT.t-1. Par conséquent, le prix de revient des semences de classe « A » ne dépend plus du prix de revient réel des semences « E » mais du prix de cession du GIL. L’impact de cette intervention sur le coût de revient des semences de classe « A » est observé dans le tableau 10.

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76L’intervention du GIL par la fixation du prix de cession des semences « E » a un effet bénéfique pour tous les producteurs de semences de classe « A » quels que soient le taux de multiplication des semences « E » et le risque de déclassement de semences de classe « A ». En effet, l’intervention du GIL entraîne, par rapport à la situation réelle d’un promoteur privé (scénarios S0 et S1), une réduction du coût de revient des semences de classe « A ». Cette réduction est d’autant plus marquée que le taux de multiplication de ces semences est faible et le taux de déclassement élevé. En outre, l’écart le plus important est observé dans la situation où le prix de cession (PE = 750 DT.t-1) a remplacé le coût de revient réel des semences « E », soient : PE = 1211,8 DT.t-1 pour le scénario (S0) et PE = 1085,5 DT.t-1 pour le scénario (S1).

77Le coût de revient de semences de classe « A » varie avec la durée de stockage. Celle-ci est de 4 à 5 mois pour les semences destinées à la culture d’arrière saison, 5 à 6 mois pour la culture de primeur et plus de 7 mois pour la culture de saison. Sachant que le prix de cession achat du GIL est fixé à 365 DT.t-1, et son prix de cession vente à 530 et 580 DT.t-1 respectivement pour les semences destinées aux cultures d’arrière saison, de primeur et de saison, cette phase de multiplication n’est pas rentable aux multiplicateurs des semences de classe « A », quels que soient les taux de multiplication de semences « E » et de déclassement de semences de classe « A ».

78Concernant le GIL, l’achat de semences « E », leur stockage et leur conditionnement ne sont pas rentables. En effet, le GIL supporte une perte égale à l’écart entre le coût de revient réel et le prix de cession vente (Tableau 10).

79Sur le plan national, la fixation d’un prix de cession des semences « E » locales rend plus compétitive la production de « A » locales par rapport aux semences « A » importées chez les multiplicateurs qui réalisent un taux de multiplication de semences « E » supérieur ou égal à quatre.

4. Conclusion

80Le prix de revient d’un vitro-plant produit en Tunisie est égal à 0,253 DT, celui des semences de prébase appelées encore semences de classe « S » est égal à 0,182 DT/mini-tubercule. La production des vitro-plants et des mini-tubercules est assurée actuellement par la station d’appui à la Mannouba (SAM). Quant à la production des semences « SE », elle est assurée par des multiplicateurs privés. Le coût de revient réel est égal à 1989 DT.t-1, pour un taux de multiplication de ces semences supérieur ou égal à 10 et un risque de déclassement nul.

81Pour la réalisation de cette phase de multiplication, le GIL achète les mini-tubercules auprès du SAM à 8000 DT.t-1 et les fourni gratuitement aux multiplicateurs. Cette intervention fait diminuer de 1338 dinars le coût de revient d’une tonne des semences « SE ». Le coût de production réel d’une tonne de semences « E » et « A »  varie respectivement de 552,4 à 773,3 DT et de 504,7 à 1053,4 DT selon le taux de multiplication et le pourcentage de déclassement. Etant donné le prix de cession achat du GIL fixé à 400 ; 365 et 365 DT.t-1 respectivement pour les trois types de semences « SE », « E » et « A »,  ces phases de multiplication ne sont pas rentables pour les multiplicateurs privés. En plus, comparé aux prix des semences « E » et « A » importées, les coûts de revient des « E » et « A » locales ne sont pas compétitifs. Ce résultat a été confirmé par Rejeb Gharbi et El Fahem (2004).

82L’intervention du GIL par la fourniture gratuite des minitubercules et/ou par la fixation d’un prix de cession égal à 750 DT.t-1 des semences « SE » produites localement et stockées par le GIL, fait diminuer sensiblement les coûts de revient des semences « SE » et « E » locales.

83Sur le plan national, l’intervention du GIL dans le processus de production rend la production de semences « E » locales plus compétitive que les semences « E » importées, quelque soit le scénario envisagé sur les taux de multiplication et le pourcentage de déclassement de semences.

84Par conséquent, les semences de classe « A » locales deviennent plus compétitives que celles produites à partir de l’élite importée.

85Dans les conditions réelles, les semences de classe « A » importées sont plus compétitives que celles produites localement quelque soit le scénario envisagé sur l’origine de semences « E » (locales ou importées ) le taux de multiplication, le risque de déclassement et la destination de semences. L’intervention du GIL, rend la production de classe « A » locale plus compétitive pour les producteurs qui réalisent un taux de multiplication supérieur ou égal à 4.

86Remerciements

87Nous tenons à exprimer toute notre reconnaissance et notre gratitude pour Monsieur Ismaïl Ghézal et Monsieur Lotfi Chebchoub de la Station d’appui à la Mannouba, pour les efforts qu’ils ont déployés pour que nous puissions accéder aux informations et aux données relatives à la culture de la pomme de terre in vitro et à la production des mini-tubercules. Nous tenons aussi à remercier le Docteur Mohamed Souibgui pour la correction de la présente publication.

88Abréviation

89DT : dinar tunisien = 0,57 euro

Bibliographie

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Rejeb Gharbi F., El Fahem M. (2004). Conditions de compétitivité des semences de pomme de terre produites en Tunisie. Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 8 (3), p. 187–198.

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Ministère du Commerce (1997). Les prix de vente aux agriculteurs des semences de pomme de terre d’importation. Tunis : Loi N° 91-64 du 29 Juillet 1991.

To cite this article

Faten Rejeb Gharbi & Mohamed El Fahem, «Perspectives de production des semences de pomme de terre à partir de vitropropagation en Tunisie», BASE [En ligne], Volume 11 (2007), numéro 2, 109-119 URL : https://popups.ulg.ac.be/1780-4507/index.php?id=745.