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Analyse de la diversité des systèmes de pratiques en cacaoculture. Cas du Centre Cameroun
Editor's Notes
Reçu le 15 novembre 2006, accepté le 12 février 2008
Résumé
Les pratiques culturales des exploitants du Centre Cameroun en cacaoculture demeurent mal connues. Pour combler cette lacune, 1.428 exploitations agricoles ont été enquêtées dans quatre départements de la province du Centre, différenciables par le type de cacaoculture qui y prévaut. Des typologies d'exploitants, basées sur les itinéraires techniques en cacaoculture, ont été construites. Trois échelles d'analyse ont été considérées : la province, le département et le village. Cette étude a confirmé la diversité des systèmes de cacaoculture qui existent au Centre Cameroun. L'analyse exploratoire multidimensionnelle a montré que les liaisons entre les variables considérées varient fortement d'un département à l'autre, les niveaux d'intensification en intrants et en travail étant toutefois les déterminants majeurs du rendement des cacaoyères. Quatre à cinq classes d'exploitants, se distinguant entre elles en fonction des variables étudiées, ont été mises en évidence à chaque échelle d'analyse. Sur le plan méthodologique, la méthode de classification adoptée pour construire les typologies a confirmé son intérêt. Elle a montré que l'analyse des données à l'échelle des villages relativise les résultats observés au niveau des départements en permettant d'identifier le système de cacaoculture dominant d'un village donné. Cette approche a donc permis une meilleure appréciation des similitudes entre les différentes zones de production, similitudes que le découpage administratif ou géographique tend à occulter. Elle a confirmé qu'il est indispensable d'accompagner les producteurs de cacao en tenant compte de la diversité des situations.
Abstract
Analysis of the diversity of cocoa cropping systems. Case of the Central Cameroon. Little is known about the cultural practices adopted by cocoa farmers in Central Cameroon. In order to bridge that knowledge gap, 1,428 farms were surveyed in four divisions of Centre province, which differed through the prevailing type of cocoa cultivation. Farmer typologies were established, based on their cultural practices for cocoa growing. Three scales of investigation were considered: province, division and village. This study confirmed the diversity of cocoa growing systems existing in Central Cameroon. A multidimensional exploratory analysis revealed that the links between the variables considered varied substantially from one division to another, though the degree of intensification in inputs and labour were the main determinants of cocoa yields. Four to five categories of farmers, which differed from each other depending on the variables studied, were found for each scale of investigation. In methodological terms, the classification method adopted to establish the typologies confirmed its efficiency. It showed that data analysis on a village scale relativized the results observed on a division scale, by making it possible to identify the cocoa growing system dominating a given village. This approach therefore enabled a better appreciation of similarities between the study zones, similarities which administrative or geographical zoning tended to hide. It suggested that it is necessary to assist farmers taking into account the diversity of situations.
Table of content
1. Introduction
1Le Centre Cameroun est le principal bassin de production de cacao du pays. Sa part dans la production nationale ne cesse toutefois de régresser depuis le début des années 1970 (Losch et al., 1991). Les deux facteurs régulièrement évoqués pour justifier ce déclin sont le vieillissement du verger de cacaoyers, non compensé par une dynamique de réhabilitation, cause déjà citée dans les années 1960 (Champaud, 1966), et les pratiques culturales extensives adoptées par la majorité des exploitants (Janin, 1999 ; Alary, 2000 ; Kengne et al., 2002). En conséquence, le rendement moyen du verger de cacaoyers du Centre Cameroun est peu élevé et demeure inférieur à 300 kg de cacao marchand par hectare (Jagoret et al., 2006).
2Les pratiques culturales des exploitants du Centre Cameroun en cacaoculture demeurent cependant mal connues. Le dernier recensement agricole date de 1984 et si de nombreuses études économiques ont été réalisées sur la cacaoculture camerounaise, rares sont celles qui, sur le plan agronomique, ont eu pour objet les systèmes de cacaoculture et les itinéraires techniques mis en œuvre dans les cacaoyères. Par conséquent, en l'absence de données précises, les pratiques culturales des exploitants sont généralement décrites par un travail d'entretien minimum des vergers et un faible recours aux produits phytosanitaires pour lutter contre les deux principaux fléaux que sont les miridés et la pourriture brune des cabosses.
3Emettant l'hypothèse que le système de cacaoculture du Centre Cameroun est moins uniforme qu'il n'y paraît, l'Institut de Recherche Agricole pour le Développement (IRAD) et le Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) ont conduit, de 2003 à 2005, une opération de recherche afin d'analyser la diversité régionale des pratiques culturales en cacaoculture dans ce bassin de production. A partir des concepts d'itinéraire technique et de système de culture (Sebillotte, 1978 ; Sebillotte et al., 1990), cette étude avait également pour objectif l'identification des principaux déterminants du rendement des cacaoyères. Sur le plan méthodologique, il s'agissait d'identifier, d'une part, l'échelle d'analyse adéquate pour appréhender les différentes pratiques en cacaoculture et leur représentativité à travers la construction de typologies d'exploitants, et d'autre part, des classes d'exploitations-cible pour des interventions ultérieures plus spécifiques (Capillon et al., 1980 ; Capillon et al., 1984).
4L'objet de cet article est de présenter les résultats des investigations concernant la caractérisation des pratiques culturales des producteurs de cacao du Centre Cameroun réalisées dans le cadre du projet de coopération scientifique régionale « Mise au point de systèmes de cacaoculture compétitifs et durables en Afrique ».
2. Matériel et méthodes
5La méthodologie retenue pour caractériser les pratiques culturales en cacaoculture au Centre Cameroun a été inspirée de travaux similaires réalisés en France (Capillon, 1985).
6Dans un premier temps, les données sur les systèmes de production de cacao et sur les itinéraires techniques en cacaoculture ont été collectées à l'aide d'une enquête conduite dans la province du Centre où coexistent des zones d'extension du verger de cacaoyers, des zones de cacaoculture stabilisée et des zones de cacaoculture sénescente. Ceci a permis de couvrir l'ensemble du continuum des situations.
7Quatre zones de production ont été identifiées en fonction du type de cacaoculture dominant et du découpage administratif :
8– Talba (département du Mbam et Kim), zone de développement de la cacaoculture sur défriche forestière depuis une vingtaine d'années,
9– Bokito (département du Mbam et Inoubou), zone de développement de la cacaoculture caractérisée par l'installation d'une partie du verger sur savane,
10– Zima (département de la Lékié), zone de cacaoculture post-pionnière où la production est stabilisée,
11– Ngomedzap (département du Nyong et So'o), zone de cacaoculture ancienne caractérisée par des vergers sénescents.
12Dans chaque zone de production (département), quatre villages ont été identifiés pour leur représentativité, en partenariat avec les organisations de producteurs de cacao impliquées dans le projet de recherche (Unions de groupements d'initiative commune). Les critères utilisés pour le choix de ces villages ont été les conditions agro-climatiques (type de sol, niveau de précipitation et végétation naturelle), la dynamique de mise en place des cacaoyères et le type d'exploitation de celles-ci.
13En l'absence de recensement agricole récent, susceptible de fournir des fichiers d'exploitants actualisés par village, l'échantillonnage des exploitations qui ont été enquêtées a été réalisé de manière aléatoire à partir des listes d'exploitants disponibles auprès des organisations de producteurs de cacao partenaires du projet de recherche. Ces listes d'exploitants ont constitué la base de sondage (Ardilly, 1994 ; Grais, 2000).
14Au total, 1.428 exploitations produisant du cacao ont été enquêtées dans seize villages (Tableau 1).
15Le questionnaire d'enquête a permis de préciser les caractéristiques de la cacaoyère des exploitants interrogés (superficie, âge, production, etc.), son mode de conduite par type d'activité (entretien, taille, lutte anti-miridés, traitements fongicides contre la pourriture brune des cabosses) et les moyens mis en œuvre pour appliquer celui-ci (type de main-d'œuvre, quantité et coût des intrants, nombre de passages par activité, nombre d'heures de travail).
16Dans un deuxième temps, des typologies basées sur les pratiques culturales des exploitants en cacaoculture ont été construites aux trois échelles d'analyse considérées : province, zone de production (département) et village.
17Les variables prises en compte pour construire les typologies ont été choisies de manière raisonnée sur la base des connaissances acquises au cours de l'enquête. Elles ont été les suivantes :
18– le rendement moyen de la cacaoyère, exprimé en kg de cacao marchand par hectare, calculé à partir des données de production déclarées par l'exploitant pour les trois campagnes de récolte précédant l'enquête et ramenées à la superficie de la cacaoyère ;
19– l'âge de la cacaoyère, exprimé en années ;
20– l'âge de l'exploitant, exprimé en années ;
21– le nombre total d'heures de travail que l'exploitant consacre à sa cacaoyère par hectare et par an ;
22– le nombre total d'interventions culturales réalisées annuellement par l'exploitant dans sa cacaoyère ;
23– le coût total des produits phytosanitaires, déclaré et supporté par l'exploitant pour réaliser les traitements insecticides et les traitements fongicides dans sa cacaoyère, exprimé en FCFA par hectare et par an.
24Le nombre d'heures de travail et le nombre d'interventions culturales sont deux indicateurs du niveau d'intensification en travail de l'itinéraire technique. Le coût total des produits phytosanitaires est un indicateur du niveau d'intensification en intrants de l'itinéraire technique.
25La superficie de la cacaoyère n'est pas intervenue dans la construction des typologies dans la mesure où certaines variables sont estimées par hectare (rendement de la cacaoyère, nombre d'heures de travail et coût des produits phytosanitaires). Elle a cependant été considérée comme une variable illustrative, utilisée pour caractériser les classes d'exploitants.
26Il en est de même pour la valeur ajoutée brute par hectare et la valeur ajoutée brute par heure de travail. Ces deux variables ont permis d'estimer ce qui reste à l'exploitant après déduction de sa recette du coût des intrants utilisés au cours de l'année d'exploitation, et d'évaluer la marge par hectare et la marge par heure de travail de celui-ci.
27Statistiquement, la méthode utilisée pour construire les typologies a été l'analyse multidimensionnelle qui permet de mobiliser plusieurs variables n'ayant pas les mêmes unités de mesure (Baccini et al., 1999).
28Les analyses en composantes principales et les matrices de corrélation ont permis d'explorer les liaisons entre les variables prises en considération pour construire les typologies et de préciser les principales caractéristiques des classes d'exploitants. Les arbres de classification hiérarchique ont servi à créer automatiquement des classes d'exploitants selon l'importance des variables considérées. Ces classes regroupent des individus qui présentent presque les mêmes caractéristiques à partir du critère d'homogénéité des éléments d'une classe (Volle, 1981).
29La comparaison entre les classes d'exploitants a été faite à partir de l'analyse de variance.
3. Résultats
3.1. A l'échelle de la province
30La matrice de corrélation (Tableau 2) et l'analyse en composantes principales (Figure 1) montrent que le rendement des cacaoyères est fortement corrélé au niveau d'intensification en travail et au niveau d'intensification en intrants de l'itinéraire technique des exploitants. L'âge de la cacaoyère et l'âge de l'exploitant, qui apparaissent comme des variables très corrélées entre elles, n'influencent pas le rendement des cacaoyères.
31La figure 1 montre cependant que les zones de production de cacao se différencient entre elles en fonction des variables considérées. Talba et Bokito se distinguent de Zima et de Ngomedzap par le rendement de la cacaoyère, l'âge de l'exploitant et l'âge de la cacaoyère. Bokito se différencie de Talba par l'âge de la cacaoyère alors que Ngomedzap se différencie de Zima par le rendement de la cacaoyère et par le niveau d'intensification en travail et le niveau d'intensification en intrants de l'itinéraire technique.
32Des différences significatives sont mises en évidence pour les variables étudiées entre les quatre zones de production de cacao (Tableau 3).
33La classification hiérarchique avec coupure de l'arbre binaire, qui a accompagné l'analyse en composantes principales, permet d'identifier de façon automatique cinq classes d'exploitants (Tableau 4).
34La classe 1/5 est principalement constituée d'exploitants dont les cacaoyères, jeunes pour la plupart, entrent progressivement en production. Cette classe d'exploitants se différencie des autres classes par l'âge de la cacaoyère et l'âge de l'exploitant.
35La classe 2/5 se distingue des autres classes d'exploitants par le rendement et l'âge de la cacaoyère, et l'âge de l'exploitant. Elle concerne des exploitants âgés dont les cacaoyères sénescentes sont caractérisées par de faibles rendements en cacao marchand.
36La classe 3/5 se différencie des autres classes d'exploitants par le niveau élevé d'intensification en intrants et en travail de l'itinéraire technique et par le rendement élevé des cacaoyères.
37Les classes 4/5 et 5/5 apparaissent comme deux classes intermédiaires qui se distinguent des autres classes d'exploitants par l'âge de la cacaoyère et l'âge de l'exploitant ainsi que par les niveaux d'intensification en travail et en intrants de l'itinéraire technique.
3.2. A l'échelle des départements
38Les différences significatives soulignées au niveau provincial entre les quatre zones de production de cacao confirment l'intérêt de construire des typologies d'exploitants au niveau départemental.
39A Talba (département du Mbam et Kim), la matrice de corrélation (Tableau 5) et l'analyse en composantes principales montrent que le rendement de la cacaoyère est fortement corrélé au coût des produits phytosanitaires, à l'âge de la cacaoyère et au nombre d'interventions de l'exploitant dans celle-ci. L'analyse factorielle et la classification hiérarchique permettent d'identifier cinq classes d'exploitants (Tableau 6).
40A Bokito (département du Mbam et Inoubou), la matrice de corrélation (Tableau 5) et l'analyse factorielle révèlent que le rendement de la cacaoyère est fortement corrélé au nombre d'heures de travail et au coût des produits phytosanitaires. Dans une moindre mesure, le rendement de la cacaoyère est corrélé à son âge et à celui de l'exploitant. L'analyse en composantes principales et l'arbre de classification mettent en évidence cinq classes d'exploitants (Tableau 6).
41A Zima (département de la Lékié) et à Ngomedzap (département du Nyong et So'o), la matrice de corrélation (Tableau 5) et l'analyse en composantes principales montrent que le rendement de la cacaoyère est fortement corrélé au niveau d'intensification en intrants et au niveau d'intensification en travail de l'itinéraire technique. L'analyse factorielle et la classification hiérarchique permettent d'identifier quatre classes d'exploitants (Tableau 6).
42Quelle que soit la zone de production, les caractéristiques des classes d'exploitants confirment la typologie établie. Des différences significatives entre classes sont mises en évidence pour les variables étudiées.
3.3. A l'échelle des villages
43Au niveau départemental, l'existence d'analogies entre les classes d'exploitants et, par conséquent, entre les différents itinéraires techniques en cacaoculture, invite à s'interroger sur l'existence de similitudes entre les villages considérés.
44L'analyse factorielle (Figure 2) et la classification hiérarchique (Figure 3) réalisées au niveau provincial permettent d'identifier cinq classes de villages dont les individus présentent presque les mêmes caractéristiques en fonction des variables retenues.
45Les classes 1/5 et 2/5 sont constituées respectivement de villages des départements du Mbam et Inoubou (Bokito) et du Mbam et Kim (Talba). Elles se différencient des autres classes de villages par l'âge de la cacaoyère et l'âge de l'exploitant. Elles regroupent principalement des exploitants dont les cacaoyères jeunes et matures sont caractérisées par un rendement en cacao marchand moyennement élevé en raison de leur entrée en production progressive.
46La classe 3/5 est constituée essentiellement de villages des départements de la Lékié (Zima) et du Nyong et So'o (Ngomedzap). Elle se distingue des autres classes de villages par le rendement et l'âge de la cacaoyère, et l'âge de l'exploitant. Elle rassemble surtout des exploitants âgés dont les cacaoyères sont sénescentes et caractérisées par de faibles rendements en cacao marchand.
47Les classes 4/5 et 5/5 correspondent respectivement à deux villages des départements de la Lékié (Zima) et du Mbam et Inoubou (Bokito). Elles se différencient des autres classes de villages par le rendement de la cacaoyère et les niveaux d'intensification en travail et en intrants de l'itinéraire technique. Elles regroupent des exploitants aux pratiques culturales intensives qui obtiennent des rendements en cacao marchand élevés.
48Les caractéristiques de ces classes de villages confirment la typologie établie. Des différences significatives entre classes sont mises en évidence pour les variables étudiées (Tableau 7).
4. Discussion
49La construction de typologies à partir des données de l'enquête conduite en 2003 dans 1.428 exploitations du Centre Cameroun a permis de regrouper des exploitants ayant des itinéraires techniques en cacaoculture similaires.
50Ces typologies, construites à trois échelles d'analyse différentes (province, département et village) confirment la diversité des pratiques culturales en cacaoculture qui existe au Centre Cameroun. Elles permettent de relativiser le constat global selon lequel cette région est un bassin de production de cacao où les itinéraires techniques en cacaoculture sont globalement extensifs.
51Quelle que soit l'échelle d'analyse, cette diversité des pratiques culturales en cacaoculture se traduit par la mise en évidence de classes d'exploitants qui se distinguent entre elles en fonction des variables prises en compte pour les caractériser.
52Ces classes d'exploitants, caractérisées à travers le rendement en cacao marchand des cacaoyères, les niveaux d'intensification en intrants et en travail des itinéraires techniques, et la valeur ajoutée brute par hectare et par heure de travail, mettent en exergue les différences qui existent, d'une part, entre les systèmes de cacaoculture au sein d'une même zone de production et, d'autre part, entre les zones de production pour un même système de cacaoculture.
53Ces différences entre les classes d'exploitants montrent ainsi que les producteurs de cacao du Centre Cameroun n'ont pas la même façon de produire et qu'il est indispensable de les accompagner en prenant en compte la diversité des situations.
54Les typologies construites à partir des pratiques des exploitants suggèrent que trois principaux systèmes de cacaoculture, dont la représentativité varie selon l'échelle d'analyse, sont mis en œuvre au Centre Cameroun :
55– un système extensif qui concerne une majorité d'exploitants (78 % à l'échelle de la province et 63 % à l'échelle des villages). Il est caractérisé principalement par un faible niveau d'intensification en travail et en intrants. Les rendements en cacao marchand de ce système de cacaoculture sont en général les plus bas,
56– un système intensif adopté par une minorité d'exploitants (1 % à l'échelle de la province et 12 % à l'échelle des villages). Ces derniers assurent une protection phytosanitaire renforcée de leur verger de cacaoyers qu'ils entretiennent aussi de façon soutenue. Les rendements en cacao marchand de ce système de cacaoculture sont parmi les plus élevés,
57– un système semi-intensif intermédiaire entre les deux systèmes de cacaoculture précédemment décrits. Il concerne 21 % des exploitants à l'échelle de la province et 25 % à l'échelle des villages.
58L'examen des variables synthétiques que sont les valeurs ajoutées brute par hectare et par heure de travail permet par ailleurs d'évaluer économiquement chaque système de cacaoculture.
59Quelle que soit l'échelle d'analyse, ces deux variables montrent que si l'intensification en intrants et en travail de l'itinéraire technique en cacaoculture offre en général à l'exploitant du Centre Cameroun une meilleure valorisation de sa terre, elle ne lui offre pas obligatoirement une valorisation du travail significativement différente de celle obtenue en optant pour un itinéraire technique extensif (Tableaux 4, 6 et 7).
60En mettant en exergue l'intérêt économique du système de cacaoculture extensif et dans une moindre mesure, celui du système de cacaoculture semi-intensif, cette étude confirme que les producteurs de cacao du Centre Cameroun optent pour des logiques d'exploitation qui leur offrent la plus grande flexibilité et la plus importante capacité de résistance face à une éventuelle baisse des prix d'achat du cacao marchand.
61Sur le plan méthodologique, l'analyse des données à l'échelle des villages permet de nuancer le constat fait à l'échelle provinciale et à celle des zones de production de cacao (départements) en identifiant le système de cacaoculture dominant d'un village donné.
62La contribution de chaque village dans les performances de la zone de production où il est situé est ainsi mieux estimée, à l'exemple des villages de Bégni ou d'Eton Bidzoe, dont le système de cacaoculture est significativement différent de celui des autres villages de la même zone (Figure 2).
63Cette approche permet une meilleure appréciation des similitudes qui peuvent exister entre différentes zones de production que l'analyse à l'échelle de la province et des départements tend à occulter. Les villages du département du Mbam et Inoubou apparaissent ainsi davantage caractérisés par un système de cacaoculture extensif, proche de celui des villages de la Lékié et du Nyong et So'o, zones anciennes de cacaoculture dont les ressemblances sont renforcées.
5. Conclusion
64Les travaux de recherche conduits de 2003 à 2005 par l'IRAD et le CIRAD au Centre Cameroun ont permis de caractériser les pratiques culturales en cacaoculture. Aujourd'hui, les différents intervenants dans ce bassin de production de cacao (services de vulgarisation agricole, organisations de producteurs, etc.) disposent ainsi de données actualisées sur les systèmes de production et sur les itinéraires techniques en cacaoculture.
65La diversité régionale des pratiques culturales en cacaoculture, mise en évidence par l'analyse des données collectées, a confirmé que le système de cacaoculture du Centre Cameroun est moins uniforme qu'il n'y paraît. L'étude révèle en effet que celui-ci connaît plusieurs variantes selon le niveau d'intensification adopté par l'exploitant.
66Si l'analyse exploratoire multidimensionnelle a montré que les liaisons entre les variables retenues varient fortement d'une zone de production de cacao à l'autre, le niveau d'intensification en intrants et le niveau d'intensification en travail de l'itinéraire technique apparaissent cependant comme les deux principaux déterminants du rendement des cacaoyères du Centre Cameroun.
67Sur le plan méthodologique, la méthode de classification adoptée pour construire les typologies et son application à l'échelle des villages a confirmé son intérêt. Cette approche permet une meilleure appréciation des similitudes entre différentes zones de production que le découpage administratif ou géographique réalisé lors de la collecte des données tend souvent à occulter.
68Pour un bassin de production donné, constituer des classes d'exploitants aux caractéristiques assez semblables à l'échelle des villages permet de dresser un inventaire des références techniques locales. Les besoins en actions de développement sont mieux ciblés, ce qui facilite l'adaptation du message technique, généralement uniforme, en fonction des caractéristiques des différents groupes d'exploitants afin de mieux répondre à leurs attentes et à leurs besoins.
69Ceci suggère que l'orientation des messages techniques en fonction du système de cacaoculture dominant d'un village donné renforcerait l'efficacité des services de vulgarisation par une meilleure mobilisation des moyens humains et financiers disponibles.
To cite this article
About: Patrick Jagoret
Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD). Unité Propre de Recherche (UPR) Performance des systèmes de culture des plantes pérennes. F-34000 Montpellier (France) ; Institut de Recherche Agricole pour le Développement (IRAD). CAM-Yaoundé (Cameroun). E-mail : patrick.jagoret@cirad.fr
About: Emmanuel Bouambi
Institut de Recherche Agricole pour le Développement (IRAD). Programme plantes stimulantes. BP 2067. Station de Nkolbisson. CAM-Yaoundé (Cameroun).
About: Tonka Menimo
Institut de Recherche Agricole pour le Développement (IRAD). Programme plantes stimulantes. BP 2067. Station de Nkolbisson. CAM-Yaoundé (Cameroun).
About: Irénée Domkam
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About: Francis Batomen
Institut National de la Statistique. BP 134. CAM-Yaoundé (Cameroun).