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Construction d’une clé d’identification des semences de 55 adventices de La Réunion
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Description du sujet. L’identification et la caractérisation des semences d’adventices est un travail indispensable pour de futures recherches sur la compréhension de leur nuisibilité secondaire (capacité des adventices à se disperser dans l'espace et dans le temps). Bien que les adventices soient des bio-agresseurs majeurs en agriculture tropicale, l’identification des semences d’adventices d’espèces tropicales est encore peu étudiée.
Objectifs. L’objectif de cette étude est d’élaborer une méthodologie pour identifier les semences d’adventices tropicales à partir de leurs caractéristiques morphologiques.
Méthode. Les semences de 55 espèces d’adventices ont été récoltées sur l’île de La Réunion et caractérisées. Une clé d’identification polytomique et d’accès simple a été construite permettant d’aboutir à une identification de l’espèce à partir de la semence.
Résultats. La clé d’identification débute par la discrimination des semences par leur forme, puis leur taille et ensuite leur couleur, texture, pilosité ou marques particulières. La clé est publiée au format PDF et inclut des liens hypertextes permettant à l’utilisateur de naviguer dans le document et d’accéder à la fiche descriptive de la semence. La clé est disponible sur le site AGRITROP (archives ouvertes du CIRAD) et sur le portail WIKTROP.
Conclusions. Cette clé d’identification constitue la première de son genre pour des adventices tropicales. Elle est destinée à être enrichie au fur et à mesure de nouvelles caractérisations de semences d’adventices tropicales de La Réunion et d’autres régions.
Abstract
Construction of a seed identification key for 55 weeds of La Réunion Island
Description of the subject. The identification and characterization of weed seeds is essential for future research on understanding their secondary harmfulness (weeds' ability to disperse in space and time). Although they are major bio-aggressors in tropical agriculture, the identification of weed seeds of tropical species is still little studied.
Objectives. The aim of this study was to develop a methodology for identifying tropical weed seeds based on their morphological characteristics.
Method. Seeds of 55 weed species were collected in La Réunion Island and characterized. A polytomous, single-access identification key was constructed, enabling species identification from seed.
Results. The identification key begins by discriminating seeds by shape, then size, followed by color, texture, hairiness or particular markings. The key is published in PDF format and includes hypertext links enabling the user to navigate through the document and access the seed description sheet. The key is available on the AGRITROP site (CIRAD open archives) and on the WIKTROP portal.
Conclusions. This identification key is the first of its kind for tropical weeds. It is intended to be enhanced as new tropical weed seeds are characterized in Réunion Island and elsewhere.
Table of content
Reçu le 14 novembre 2023, accepté le 24 octobre 2024, mis en ligne le 24 octobre 2024.
Cet article est distribué suivant les termes et les conditions de la licence CC-BY (http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.fr
1. Introduction
1Dans la majeure partie des régions tropicales, les adventices bénéficient de conditions de températures et de précipitations favorables à leur développement toute l’année (Marnotte & Le Bourgeois, 2018). Elles sont ainsi présentes tout au long des cycles de culture et peuvent engendrer dans certains cas de fortes pertes de rendements (Zimdahl, 2007). Leur gestion est ainsi une préoccupation majeure pour les agriculteurs. Dans certaines îles tropicales européennes, comme La Réunion, cette gestion est d’autant plus problématique dans le contexte actuel de suppression de molécules herbicides et de réduction des doses des produits phytosanitaires (Martin et al., 2016).
2La nuisibilité est définie comme l'ensemble des phénomènes qui affectent négativement la culture, ce qui se traduit par une perte plus ou moins importante de qualité ou de quantité de la récolte (Caussanel, 1989). Lorsque les adventices affectent la culture en cours, la nuisibilité est dite primaire. La nuisibilité secondaire est, quant à elle, liée à la capacité des adventices à se disperser dans l'espace et dans le temps, en constituant des stocks de semences dont la persistance de la capacité germinative s'étale sur plusieurs années (Harper, 1977). Une semence, chez les plantes phanérogames, est une graine (issue d’un ovule fécondé et renfermant l’embryon) ou un fruit/partie de fruit (organe végétal contenant une ou plusieurs graines qui résulte de la transformation de l'ovaire après fécondation) qui contribuent à la dispersion de la plante (Marouf & Reynaud, 2007).
3L’amélioration de l'efficacité des pratiques de désherbage, et plus généralement de la gestion des adventices, passe par une meilleure connaissance de la biologie de ces espèces, particulièrement par l’étude de leurs semences (production, germination, dormance, viabilité, etc.). Swanton & Booth (2004) ont identifié quatre stratégies de gestion des adventices qui ciblent quatre stades importants de leur cycle biologique :
4– augmenter la mortalité des semences ;
5– contrôler la germination des semences et la levée ;
6– réduire la production de semences ;
7– détruire la biomasse aérienne des adventices.
8Ainsi, trois de ces quatre stratégies impliquent une bonne connaissance des semences d’adventices et de leur nuisibilité secondaire. Or, les principales techniques de gestion de la flore adventice mises en place par les agriculteurs, le désherbage chimique, mécanique ou manuel (Antoir et al., 2016 ; Agreste, 2020) se concentrent sur la quatrième stratégie pour limiter la compétition directe des adventices vis-à-vis de la culture, ce qui a une conséquence directe sur la troisième stratégie. Le paillage, utilisé dans certaines cultures comme la canne à sucre ou le maraichage, a pour objectif de limiter la germination des semences et la levée (deuxième stratégie, Teasdale & Mohler, 2000). La biologie des adventices, étant encore peu étudiée dans les régions tropicales (Marnotte & Le Bourgeois, 2018), les effets des différentes techniques de désherbage sur les trois premières stratégies restent encore mal connus ou mal compris dans ce contexte.
9L’identification des semences est nécessaire pour répondre à deux enjeux majeurs. Le premier concerne l’évaluation du degré de pureté d’un lot de semences pour éviter l’introduction d’adventices exotiques (ex. Ambrosia spp.) dans un pays ou d’adventices considérées comme problématiques (ex. Avena fatua L., Cuscuta spp.) dans une parcelle agricole, dans le cadre du respect des normes européennes et nationales. Dans ce cas, il convient de repérer, dénombrer (analyse de dénombrement) et identifier (analyse de pureté) toute semence différente de celle de l’espèce constituant le lot de semences (Mannino et al., 2008). Le second enjeu concerne l’identification précise d’une espèce à partir de sa semence, notamment dans le cadre de l’évaluation du stock semencier du sol. Ainsi, l’identification et la caractérisation des semences d’adventices est indispensable pour la mise en place de futures recherches sur la compréhension de la nuisibilité secondaire.
10Il existe différentes méthodes de distinction ou d’identification des semences, décrites dans Maninno et al. (2008). La première est l’identification visuelle par expertise humaine et par comparaison avec une collection de semences de référence. La Station Nationale d’Essais de Semences (SNES-France) possède à ce titre une collection de référence de 17 000 espèces (Mannino et al., 2008) et le GEVES (Groupe d’Étude et de contrôle des Variétés Et des Semence) a publié un document de référence (Dragos, 2011) portant sur les semences de 275 espèces adventices. Certaines techniques spécifiques ont été élaborées pour distinguer des semences morphologiquement très semblables, comme le test au phénol pour distinguer Triticum aestivum L. de Triticum durum Desf. ou encore la cytométrie en flux pour mesurer la quantité d’ADN des semences. Pour être moins dépendant de la perception humaine et de l’expertise des analystes, différents systèmes basés sur la vision artificielle ont été développés, comme par exemple l’analyse automatique par des algorithmes de reconnaissance d’images de semences photographiées au fur et à mesure de l’écoulement en chute libre des semences une à une (Mannino et al., 2008). Par ailleurs, des clés informatiques multicritères ont été développées permettant d’identifier les espèces par combinaison de caractères morphologiques et de couleurs gérés en base de données. Les caractères systématiquement pris en compte dans ces bases de données sont la forme, la taille, l’ornementation du tégument, la présence d’appendices, la pilosité et la couleur.
11Des clés d’identification et des bases de données d’images et de caractéristiques de semences d’adventices existent déjà, comme les clés de Davis (1993), Allen & Mogenson (2020) et les bases Seed for free (http://seed.for.free.fr) ; I.D.SEED® du GEVES ; Seed Identification Guide de l’International Seed Morphology Association - ISMA (https://www.idseed.org/seedidguide/keys.html) ou encore Seed of South Australia (https://spapps.environment.sa.gov.au/seedsofsa/). Cependant, tous ces outils portent essentiellement sur des semences d’espèces des régions tempérées. Ainsi, à l’heure actuelle, aucun outil n’est disponible pour identifier les semences des adventices tropicales.
12Un premier travail de description des semences a été réalisé pour les fiches descriptives des espèces du portail WIKTROP, espace collaboratif de partage de connaissances sur les adventices tropicales et méditerranéennes (Le Bourgeois et al., 2018 - https://portal.wiktrop.org/fr). Néanmoins, ces fiches descriptives ne constituent pas un système d’identification permettant de déterminer l’espèce adventice à partir d’une semence récoltée sur une plante ou ramassée dans le sol d’une parcelle. Une clé d’identification (ou de détermination) est constituée d’une série d’étapes que l’utilisateur doit suivre pour aboutir à l’identification de son spécimen et être en mesure de le distinguer des autres. Elle suit une méthode analytique qui permet d’identifier un spécimen à partir de caractères (Griffing, 2011). Un caractère, pour un organisme vivant, est un de ses aspects anatomiques, physiologiques, moléculaires ou comportementaux (Ruse, 1969).
13L’objectif de ce travail a été d’élaborer un processus d’identification des semences et de construire un outil dédié aux espèces rencontrées dans les cultures tropicales, sur la base d’espèces observées sur l’île de La Réunion. Parmi les 55 espèces étudiées, 41 ont une distribution pantropicale, 6 sont afro-asiatiques, 3 sont asiatiques, 2 sont américano-asiatiques, 2 sont américano-africaines et 1 est africaine.
2. Matériel et méthodes
2.1. Récolte des semences
14Les semences ont été récoltées d’octobre 2021 à août 2022 à La Réunion (France), sur des parcelles en jachère des sites expérimentaux du CIRAD, sur les stations de La Mare (-20.902, 55.532 ; 70 m d’altitude) et de la Bretagne (-20.902, 55.532 ; 80 m d’altitude). Les semences ont été récoltées manuellement sur des adventices au stade de maturité des semences (échelle BBCH de Zadoks et al., 1974). Ces dernières ont été nettoyées pour enlever les impuretés et, si besoin, les extraire de leur fruit si celui-ci est déhiscent. Elles ont ensuite été séchées à l’air libre avant d’être stockées et étiquetées, dans le but de créer une séminothèque pour aider aux futures identifications et travaux de recherche.
15Le portail WIKTROP de partage de connaissances sur les adventices tropicales a permis d’obtenir une description des fruits (capsules, gousses, etc.) et des semences des différentes espèces, de façon à inventorier les caractéristiques des différentes espèces étudiées. Par exemple, Commelina benghalensis L. peut produire des fruits aériens et des fruits souterrains et, dans chaque fruit, produire deux types de semences. Certaines espèces de la famille des Asteraceae ont une inflorescence en capitule constituée de fleurons de formes différentes produisant des semences de formes différentes. C’est le cas par exemple d’espèces comme Bidens pilosa L. et Synedrella nodiflora (L.) Gaertn. (Figure 1).
Figure 1. Akènes des fleurons centraux (à gauche) et des fleurons périphériques (à droite) de Synedrella nodiflora — Achenes of Synedrella nodiflora central floret (left) and peripheral floret (right).
2.2. Construction de la clé de détermination
16Dans le cadre de la présente clé d’identification de semences d’adventices tropicales, nous avons choisi de réaliser une clé polytomique, utilisable facilement soit à partir d’un document PDF numérique, soit à partir d’un document papier facile à emporter sur le terrain. Ce travail a été réalisé en quatre étapes.
17Description visuelle des semences. Comme dans les bases de données de Seeds of South Australia, Seed Identification Guide de l’ISMA ou encore I.D.SEED® du GEVES, les semences de chaque espèce ont été décrites par :
18– leur forme ;
19– leur taille (longueur et largeur, diamètre en cas de semences rondes) ;
20– leur couleur ;
21– la texture du tégument ;
22– leur pilosité ;
23– d’autres caractéristiques notables (présence d’un pappus, forme du hile, appendices particuliers, etc.).
24Les organes de dissémination sont également décrits si ceux-ci sont encore présents quand la semence est tombée au sol (pappus, capsule ou méricarpe, par exemple) en se basant sur les mêmes caractéristiques que mentionnées ci-dessus. Les dimensions des semences (longueur, largeur et diamètre) ont été mesurées grâce au logiciel DinoCapture 2.0 (version 1.5.44.D) intégré à la loupe binoculaire Dino-Lite AM4515ZT (R9) sur 10 semences de chaque espèce, puis moyennées. Tous ces caractères sont gérés dans une base de données (voir 2.3.).
25Les semences ont été photographiées avec une loupe binoculaire (Digital Microscope Keyence VHX-7100) permettant de réaliser automatiquement des photographies multiplans pour obtenir une netteté optimale quelle que soit l’épaisseur de la semence. Nous disposons ainsi pour chaque espèce d’illustrations de semences isolées, de groupes de semences pour montrer leur variabilité et d’organes de disséminations lorsqu’ils sont présents lors de la récolte. L'échelle, en micromètre ou millimètre, propre à chaque image, a été définie automatiquement en fonction du grossissement auquel l'image a été prise.
26Choix du système de clé d’identification. La méthode de détermination a été choisie pour son efficacité et sa simplicité d’utilisation au laboratoire comme sur le terrain. Elle s'intéresse successivement à chaque caractère, l'ordre des caractères est fixe et déterminé par l’auteur de la clé. On parle alors de clé à accès simple (Hagedorn et al., 2010). Les éléments associés à la semence qui peuvent ne pas être présents au moment de la récolte (comme la capsule ou le pappus, par exemple) ne sont pas intégrés à la clé mais uniquement décrits comme compléments d’information. Cette méthode s’oppose aux clés d’identification multicritères à accès libre qui ne suivent pas un cheminement imposé, l’utilisateur choisissant alors lui-même les critères qu’il va utiliser pour la description de son spécimen et l’ordre dans lequel il les utilise (Edwards & Morse, 1995 ; Delaunay, 2019). Cependant, l’abondance de critères de détermination proposés dans ce type de clé et la liberté de choix de l’utilisateur rend parfois son utilisation plus difficile et plus longue.
27Organisation des caractéristiques et séparation des taxons. L’ordre des caractères de la clé a été choisi en fonction de leur stabilité au sein de l’espèce, de leur facilité d’observation et de catégorisation par l’utilisateur. Le premier caractère de distinction est la forme générale. Cinq formes principales de semences ont été identifiées :
28– trigone ;
29– réniforme ;
30– ronde-globuleuse ;
31– ovale-oblongue-ovoïde ;
32– allongée-fusiforme.
33D’autres formes, plus anecdotiques, ont été également observées (pavé droit, piriforme, etc.) et ont été regroupées sous le nom de « formes diverses ». Le deuxième caractère est la taille (longueur ou diamètre). Ces mesures ont été regroupées en classes pour prendre en compte la variabilité intraspécifique. À partir de cette étape de la clé, les sous-groupes constitués sont divisés en fonction de caractères secondaires tels que la pubescence, les appendices particuliers, l’ornementation et la couleur. En fonction des sous-groupes, certains de ces caractères secondaires peuvent ne pas être utilisés ou sont utilisés dans un ordre différent en fonction de leur pertinence par rapport au sous-groupe.
34Il a été choisi de construire une clé polytomique qui propose à chaque étape de l’identification une ou plusieurs alternatives, en fonction de la variabilité interspécifique du trait considéré.
35Mise en forme de la clé d’identification. La clé est publiée sous forme de fichier numérique au format PDF intégrant des liens hypertextes pour naviguer facilement dans le document et permettre à l’utilisateur d’accéder directement à la page correspondant à la prochaine étape de discrimination une fois qu’il a sélectionné la modalité de caractère. Pour les utilisateurs souhaitant utiliser cet outil en format papier, chaque lien hypertexte mentionne le numéro de page correspondant au renvoi.
2.3. Disponibilité des données et de la clé d’identification
36Les caractères des semences ont été répertoriés dans une base de données (Schwartz et al., 2023, https://doi.org/10.18167/DVN1/A0LT82) en français et en anglais. Elle a été publiée sur le dataverse AMATROP du CIRAD (https://dataverse.cirad.fr/dataverse/amatrop) qui centralise les jeux de données sur les adventices tropicales (Le Bourgeois et al., 2020 ; Le Bourgeois et al., 2022). La clé est disponible sur AGRITROP, les archives ouvertes du CIRAD (https://agritrop.cirad.fr/604174/) et comme document librement téléchargeable sur le portail collaboratif WIKTROP dédié aux adventices tropicales et méditerranéennes (https://portal.wiktrop.org/fr/document/show/368762). La clé et la base de données sont destinées à être mises à jour au fur et à mesure de nouvelles caractérisations de semences d’adventices tropicales. Elles seront donc actualisées régulièrement.
3. Résultats
3.1. Description de l’outil d’identification
37La clé permet d’identifier les semences de 55 espèces d’adventices tropicales présentes à La Réunion.
38L’outil d’identification s’organise en deux parties:
39– une clé d’identification des semences (Figures 2 et 3)
40– des fiches descriptives des semences de chaque espèce (Figures 4a et 4b).
41Ainsi, une fois la semence identifiée, l’utilisateur accède à la fiche descriptive de la semence de l’espèce correspondante et peut vérifier son identification grâce à la description et aux photos de celle-ci. Un index des noms scientifiques et un glossaire sont présents au début de l’ouvrage.
Figure 2. Page permettant de caractériser la forme de la semence. En cliquant sur une des cases, l’utilisateur est redirigé vers la suite de la clé d’identification correspondant aux semences de la forme choisie. Le numéro de page mentionné permet également de circuler dans l’ouvrage en format papier — Page for characterizing seed shape. By clicking on one of the boxes, the user is redirected to the rest of the identification key corresponding to seeds of the chosen shape. The page number also enables the user to move around the book in paper format.
Figure 3. Page permettant de déterminer l’espèce correspondant à une semence ronde. Lorsque l’espèce est déterminée, l’utilisateur peut cliquer sur le nom de l’espèce pour être redirigé vers la fiche descriptive de la semence de l’espèce. Le numéro de page mentionné sous le nom de l’espèce permet également de circuler dans l’ouvrage en format papier — Page for determining the species corresponding to a round seed. Once the species has been determined, the user can click on the species name to be redirected to the species’ seed description sheet. The page number under the species name also enables the user to navigate through the book in paper format.
Figure 4. Exemple de la fiche descriptive de la semence d’Argemone mexicana L. (a. première page, b. deuxième page) — Example of the Argemone mexicana L. seed description sheet (a. first page, b. second page).
3.2. Fonctionnement de l’outil
42Dans la version numérique, la navigation dans le document est facilitée grâce à des liens hypertextes sur du texte, des images et des icônes. Ces liens permettent à l’utilisateur :
43– d’accéder à la fiche descriptive des semences avec les photos d’illustration ;
– de revenir aux pages précédentes en cliquant sur le symbole ;
44– d’accéder au glossaire en cliquant sur le symbole ;
45– dans le sommaire, d’accéder aux pages correspondant aux titres des différentes parties ;
46– dans l’index des noms scientifiques, d’aller directement sur les fiches descriptives des semences de chaque espèce ;
47– de naviguer dans la clé d’identification en cliquant directement sur la case de la caractéristique de la semence à identifier (notamment pour la forme et la taille) ;
48– d’accéder à la fiche descriptive des semences une fois l’espèce déterminée en cliquant sur le nom de l’adventice en fin de clé d’identification.
4. Discussion
49Deux principales méthodes existent pour étudier la composition et la dynamique du stock semencier dans les systèmes de cultures. Dans certaines études (Burnside et al., 1986 ; Vanasse & Leroux, 2000 ; Mahé et al., 2019), les échantillons de sol sont prélevés dans les parcelles étudiées et sont placés en conditions optimales de germination. Les espèces d’adventices qui lèvent sont alors identifiées au stade plantule et dénombrées. Cette méthode est la plus utilisée dans les études du stock semencier (Padonou et al., 2022). D’autres études procèdent par séparation de la terre et des semences, suivie de l’identification des semences (Schweizer & Zimdahl, 1984 ; Dessaint et al., 1991 ; Douglas et al., 2001). Ces deux méthodes sont complémentaires et ont chacune leurs avantages, inconvénients et limites (détaillés dans Reinhardt & Leon, 2018).
50La clé d’identification élaborée dans cette étude constitue, à notre connaissance, la première clé portant sur des adventices tropicales. Elle se base sur des traits morphologiques observables visuellement.
51La clé commence par discriminer les semences par leur forme, puis leur taille, ensuite leur couleur dans la plupart des cas. Dans une étude sur les critères les plus décrits spontanément par les utilisateurs d’une clé d’identification à accès libre sur l’entomofaune de France, Delaunay (2019) a montré que la forme, la taille ou les couleurs (des parties du corps des insectes) étaient les critères d’identification les plus choisis pour l’identification des spécimens. Ces notions sont en effet intuitives pour les utilisateurs.
52Pour les semences la forme et la longueur sont respectivement les critères principaux suivies de la couleur, variable de semence à semence. Les autres critères pouvant être utilisés ou non et dans un ordre variable en fonction des sous-groupes constitués. Il est désormais aisé d’intégrer de nouvelles espèces dans cette clé, au fur et à mesure de leur caractérisation, en utilisant les modalités de caractères existantes ou en ajoutant de nouvelles modalités de caractères si nécessaire.
53Cette clé d’identification va faciliter les études sur le stock semencier pour les adventives tropicales par la méthode d’identification directe des semences. Différents essais antérieurs d’évaluation du stock semencier et de la flore adventice par identification indirecte à partir de mise en germination d’échantillons de sols se sont révélés très décevants du fait de la méconnaissance des conditions de germination de certaines adventices tropicales et d’une très forte irrégularité de cette germination (Marnotte & Le Bourgeois, com. pers. ; Marnotte et al., 2020). Ce nouvel outil pourrait permettre d’étudier, par exemple, la dynamique temporelle et spatiale des semences d’une ou plusieurs espèces et leur germination (Wilson et al., 1985) dans le contexte agricole réunionnais et d’autres régions tropicales à flore similaire.
54À l’heure actuelle, la clé porte sur un échantillon de 55 espèces adventices majeures de l’île de La Réunion parmi les 220 espèces recensées dans cette région (Le Bourgeois & Jeuffrault, 2002). Une perspective à court terme est d’augmenter régulièrement le nombre de semences décrites et identifiables par la clé, en ajoutant si nécessaire de nouvelles modalités pour les différents critères d’identification. À plus long terme, un système d’identification multicritère à accès libre utilisant un procédé de reconnaissance par portrait-robot pourrait être développé sur le même modèle que l’outil WIKWIO IDAO développé pour les adventices tropicales (Le Bourgeois et al., 2015) ou Pollen, pour l’identification des pollens des arbres des Western Ghats en Inde (Vasanthy & Grard, 2006).
55De plus, le procédé d’identification proposé pourra être standardisé et généralisable en intégrant l’ensemble des modalités de formes, de texture et de pilosité telles que définies dans Botanical Latin (Stearn, 1983) pour intégrer plus facilement d’autres types de semences.
5. Conclusions
56L’objectif de ce travail a été d’élaborer un processus d’identification de semences d’adventices tropicales sur la base d’un lot de 55 espèces présentes à La Réunion.
57Les semences de 55 espèces d’adventices ont été récoltées sur l’île de La Réunion et ont permis de constituer les bases d’une séminothèque d’adventices tropicales. Une caractérisation précise des semences a été faite pour différents caractères : forme, taille, couleur, texture et pilosité, de façon à élaborer une clé d’identification. La méthode de détermination choisie est à accès simple, c’est-à-dire qu’elle s'intéresse successivement à chaque caractère et l'ordre des caractères est fixe et déterminé par les auteurs de la clé. Pour faciliter son usage, nous avons créé une clé numérique, utilisable au format PDF, avec des liens cliquables permettant à l’utilisateur d’accéder aisément aux différentes étapes de l’identification. La clé a également été conçue pour être utilisée en format papier. Afin de favoriser le partage et la diffusion de connaissances sur les semences d’espèces d’adventices auprès d’un large panel d’utilisateurs, la clé est disponible librement sur différents sites web (AGRITROP, WIKTROP). La base de données de description des semences a également été publiée dans le Dataverse AMATROP du CIRAD, en français et en anglais. Portant actuellement sur 55 espèces, la clé sera actualisée régulièrement sur les différents sites de diffusion en fonction des nouvelles caractérisations de graines réalisées et en ajoutant de nouvelles modalités de caractères si nécessaire. Il est également envisagé de créer, à terme, un système d’identification de semences par portrait-robot.
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