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- Volume 19 (2015)
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Caractérisation des miels produits dans la région steppique de Djelfa en Algérie
Editor's Notes
Reçu le 24 octobre 2014, accepté le 4 mai 2015
Résumé
Description du sujet. Cet article traite de la qualité des miels des zones steppiques d’Algérie en vue de leur valorisation.
Objectifs. L’objectif est de caractériser la qualité physico-chimique des miels et leur composition pollinique en fonction de leur origine géographique dans trois zones de la région semi-aride de Djelfa en Algérie.
Méthodes. Trente-huit échantillons de miels produits dans 11 localités situées au Nord, au Centre et au Sud de la région steppique semi-aride de Djelfa ont été récoltés en juillet durant deux années consécutives. Les analyses polliniques ont été réalisées ainsi que la détermination des teneurs en eau, le pH, la conductivité électrique, la couleur, la teneur en hydroxyméthylfurfural, l’indice saccharase, l'indice diastasique et le profil glucidique.
Résultats. L'analyse pollinique a permis d’identifier 34 taxons. La plante la plus représentée est Ziziphus lotus présente dans 92,12 % des miels. Son pollen est dominant dans 27 miels, avec des pourcentages polliniques supérieurs à 45 %. Plus de 55 % des fréquences polliniques sont constituées par des plantes appartenant aux Asteracae, Brassicaceae, Cistaceae, ainsi qu’à Euphorbia bupleuroides, Peganum harmala, Thapsia garganica, Scolymus hispanicus, Echium sp. et Retama retam.
Conclusions. Les paramètres physico-chimiques des miels étudiés sont conformes aux normes européennes et internationales, ce qui ouvre des perspectives pour leur valorisation future.
Abstract
Characterization of honeys produced in the region of Djelfa steppe land in Algeria
Description of the subject. This paper deals with the quality of honeys produced in the steppe areas of Algeria and discusses the possibility of their valorization.
Objectives. The objective was to characterize and compare the physical and chemical quality of honeys and to determine their pollen composition according to their geographical origin in three areas of the Djelfa semi-arid region of Algeria.
Method. Thirty-eight samples of honey produced in 11 localities in the north, centre and south of the Djelfa semi-arid steppe region were harvested in July for two consecutive years. Pollen analyses were performed and the following properties of the honey samples were determined: water content, pH level, electrical conductivity, color, hydroxymethylfurfural content, saccharase index, diastase index and carbohydrate profile.
Results. The results of the pollen analyses identified 34 taxa of pollen. The most abundant pollens were from the Ziziphus lotus, which were present in 97.12% of the samples. The pollens from this shrub were dominant in 27 of the honey samples tested, with a pollen percentage of greater than 45%. Over 55% of the pollen frequencies found came from plants belonging to Asteracae, Brassicaceae, Cistaceae and more particularly to Euphorbia bupleuroides, Peganum harmala, Thapsia garganica, Echium sp. and Retama retam.
Conclusions. The physicochemical parameters of the honey samples studied comply with European and international quality standards, which opens up perspectives for their valorization.
Table of content
1. Introduction
1L’Algérie dispose de vastes étendues steppiques qui subissent une importante pression anthropique et des sécheresses récurrentes, facteurs de désertification (Nedjraoui et al., 2008). La végétation des steppes est particulièrement adaptée à ce type de milieu et constitue un premier rempart par rapport à la désertification. Elle offre ainsi un service éco-systémique important auquel s’ajoute la production de miel par les abeilles qui participent au maintien de la biodiversité, et cela par la pollinisation des espèces sauvages et cultivées. La biodiversité fournit en effet l’essentiel des services indispensables à la survie de l’Humanité (Hance, 2011). En France, la valeur des services rendus par la pollinisation de l’abeille domestique sont évalués à deux milliards d’euros (Gallai et al., 2009).
2L’exploitation des ressources mellifères steppiques ne cesse de susciter l’intérêt des apiculteurs qui y transhument leurs ruchers, notamment vers la région de Djelfa afin de profiter des miellées disponibles durant les mois de juin et juillet. Le secteur apicole dans les régions steppiques n’a pas fait l’objet d’études mettant en valeur les potentialités mellifères et la qualité des miels produits. Un programme national de développement agricole (PNDA) a visé l’implantation de 600 000 ruches à l'échelle nationale, y compris les régions steppiques. Ce programme a été élargi en 2005 par les attributions de ruches confiées par le Gouvernement au Ministère de l’Agriculture et du Développement rural. Dans ce contexte, une attention particulière a été donnée à l'abeille et aux productions apicoles et à leur qualité.
3Dans le cadre du développement régional, notre étude vise à valoriser les miels produits à Djelfa. La détermination des paramètres physico-chimiques permet de vérifier leur origine botanique et leur qualité selon les normes internationales du Codex Alimentarius (2001) et celles de la Directive de la Commission européenne du miel 2001/110/CE (Conseil de l’Union européenne, 2001), modifiée par la Directive 2014/63/UE (Conseil de l’Union européenne et Parlement européen, 2014). L'étude du profil pollinique des miels permet de connaitre les pollens de certaines espèces butinées par l'abeille et vérifier leur origine géographique. La valorisation des plantes steppiques par la production de miel de qualité peut être une voie intéressante pour mettre en évidence l’importance de la biodiversité florale de cette région. Leur exploitation permet la promotion de la filière apicole dans cette zone pastorale d’un grand intérêt écologique régional.
2. Matériel et méthodes
2.1. Échantillons de miels
4Trente-huit échantillons de miels produits dans 11 localités situées au Nord, au Centre et au Sud de la région steppique semi-aride de Djelfa (Figure 1) ont été récoltés durant deux campagnes 2012 et 2013 au mois de juillet :
5– dix échantillons proviennent de trois localités au Nord de Djelfa : Ain Oussara, Had Shari et Benhar ;
6– treize échantillons proviennent de quatre localités se trouvant au Centre de Djelfa : Idrissia, Hassi Bahbah, Ain Bel et Ain Chouhada ;
7– quinze échantillons proviennent du Sud de Djelfa : Messad, Selmana, Oum Laadham et Guettara.
8Les échantillons sont récoltés par les apiculteurs. Ils sont conservés dans des flacons en verre à 4 °C pour les analyses.
2.2. Analyse pollinique qualitative
9L’analyse pollinique qualitative a pour but d’identifier et de dénombrer tous les types de pollens présents dans les échantillons de miels. Cette analyse est utilisée pour déterminer les spectres polliniques des miels d’une région donnée. L’identification des types polliniques présents dans les miels a été réalisée par la méthode d'acétolyse d'Erdtman reconnue par la Commission internationale de botanique et décrite par Gadbin (1979). Cette technique permet une observation fine et rigoureuse de la structure de la paroi pollinique. La détermination des types de pollen est effectuée sur base de la banque de données des pollens de référence du laboratoire du CARI (Centre Apicole de Recherche et d'Information, Belgique) et sur base du référentiel des pollens établi par Ricciardelli d'Albore (1998). Le dénombrement s’est basé sur le calcul de la fréquence de distribution d’un taxon par rapport à l’ensemble des échantillons et sur les spectres polliniques établis par les fréquences relatives des pollens des taxons rencontrés par rapport à la totalité des grains de pollens comptés dans chaque miel.
10La fréquence de distribution d’un taxon a été notée par la présence ou l’absence d’un taxon dans la totalité des échantillons étudiés. Elle reflète la composition floristique de la végétation du milieu. La fréquence de distribution des taxons est calculée suivant le nombre d’échantillons de miels dans lesquels ils sont retrouvés, tel qu’expliqué par Feller-Demasly et al. (1989). Ils sont classés en :
11– taxons très fréquents (+50 %) ;
12– taxons fréquents (20-50 %) ;
13– taxons peu fréquents (10-20 %) ;
14– taxons rares (-10 %).
15L'analyse des spectres polliniques a été réalisée par la méthode établie par la Commission internationale de Botanique apicole, décrite par Louveaux et al. (1978) et Von Der Ohe et al. (2004). Cette méthode permet de différencier les variétés de pollens présents en déterminant leurs fréquences polliniques exprimées en pourcentage relatif par rapport au nombre total de grains de pollen comptés. Dans notre cas, la détermination des classes de fréquences polliniques s'est faite sur le comptage de 500 pollens. Les pollens sont répartis en quatre classes de fréquences polliniques :
16– pollens dominants ou prédominants (+45 %) ;
17– pollens d'accompagnement ou secondaires (15-45 %) ;
18– pollens isolés ou tertiaires (3-15 %) ;
19– pollens rares (-3 %).
2.3. Analyses physico-chimiques
20Les analyses physico-chimiques des échantillons de miels sont réalisées selon les techniques d’analyses recommandées par la commission internationale du miel (IHC) publiées par Bogdanov et al. (1997) et mises à jour par Bogdanov (2009). Ces analyses portent sur les critères suivants :
21– la détermination de la teneur en eau est réalisée par la mesure des indices de réfraction des miels au moyen d’un réfractomètre de type ATAGO RX – 5000i. Les indices de réfraction sont convertis en teneur en eau selon la table de Chataway citée par Bogdanov et al. (1997) ;
22– la conductivité électrique est mesurée par un conductimètre WTW Inolablevel. C’est la mesure à 20 °C de la conductivité électrique d’une solution de miel, qui se traduit par la quantité de particules chargées présentes dans le miel et leurs mobilités. L’unité de mesure est le milli Siemens par cm (mS·cm-1) ;
23– la détermination du pH et le dosage de l'acidité libre des échantillons de miels sont réalisés par la méthode de titrage au point d'équivalence. Nous avons utilisé un titrateur KYOTO AT 500. L'acidité libre est exprimée en milliéquivalent par kg de miel (meq·kg-1) ;
24– la couleur du miel est une caractéristique physique et organoleptique. Sa mesure est faite en utilisant un comparateur de couleur Lovibond 2000 équipé de deux disques A et B, l'un pour les miels clairs, l'autre pour les miels foncés. Chaque pastille est référencée selon la norme internationale de couleur pour les miels, l'unité de mesure est le millimètre Pfund (mm Pfund) (Aubert et al., 1983) ;
25– la teneur en hydroxyméthylfurfural (HMF) est mesurée par la méthode de Winkler citée par Bogdanov et al. (1997). Cette méthode permet de déterminer la quantité d’HMF par le dosage des constituants du miel capables de réagir avec la paratoluidine et l’acide barbiturique dans les conditions du test. Un complexe de couleur rouge se forme entre les trois réactifs dont l’intensité est mesurée par photométrie après 3 min à 550 nm, cette intensité est ramenée à la concentration d’HMF par une droite d’étalonnage. Le résultat est exprimé en mg par kg de miel (mg·kg-1) ;
26– la mesure de l’indice saccharase (IS) est réalisée par la méthode de Siegenthaler décrite par Bogdanov et al. (1997). L'absorbance est mesurée par un spectrophotomètre à 400 nm, l’IS est exprimée en unité enzymatique par kg (U·kg-1) ;
27– l'indice diastasique (ID) est déterminé par la méthode de Phadebas, harmonisée par la Commission internationale du Miel. La solution de miel est mise en contact avec un polymère insoluble d'amidon sur lequel est couplé un chromophore bleu. L'activité de l'enzyme est proportionnelle à la densité optique déterminée par photométrie à 620 nm de la solution filtrée. L'ID du miel est exprimée en unités de Schade ;
28– la détermination du profil glucidique est réalisée par le dosage par chromatographie en phase gazeuse (C.P.G). La proportion de chaque sucre est définie comme étant celle calculée selon le principe de Pierce-Pourtallier cité par Bogdanov et al. (1997). Les sucres sont silylés et les dérivés séparés sont quantifiés en utilisant le mannitol en tant que standard interne.
2.4. L'étude statistique
29Dans le but de connaitre les interrelations entre les paramètres physico-chimiques et polliniques des 38 échantillons de miel, une analyse en composantes principales (ACP) est réalisée avec le programme R 3.0.2 (R Core Team, 2013) et le package FactoMineR version 1.26 (Husson et al., 2014). L’ACP permet de représenter les échantillons en tenant compte des variables étudiées.
3. Résultats
3.1. Analyses polliniques
30Trente-quatre taxons ont été identifiés dans les 38 miels. La fréquence de distribution des taxons est représentée dans le tableau 1. Ainsi, 11 taxons sont très fréquents, 7 sont fréquents, 4 sont peu fréquents et 12 taxons sont rares.
31La présence de pollens des taxons identifiés dans l'ensemble des échantillons de miel représentant les quatre classes de fréquence pollinique est illustrée dans la figure 2. L'analyse des spectres polliniques met en évidence la dominance du jujubier Ziziphus lotus (Z) dans 27 échantillons de miels. Le pollen de Z. lotus est prédominant avec une fréquence pollinique de plus de 45 % (entre 45,75 % à 97,12 %), le reste des échantillons (11) sont des miels toutes fleurs (T) sans dominance pollinique apparente, constitués de pollens secondaires de 1 à 3 taxons maximum avec des fréquences polliniques entre 16 et 45 %. Pour le reste des taxons, leurs pollens se répartissent dans les deux classes de fréquences polliniques à pollens tertiaires entre 3 et 15 % et rares à moins de 3 %.
3.2. Les paramètres physico-chimiques
32Les résultats des analyses physico-chimiques des miels sont résumés dans le tableau 2. Ils sont présentés en fonction des résultats de l’analyse pollinique. Nous distinguons deux groupes, les miels dont le spectre pollinique comporte un pollen dominant de Z. lotus (Z) et les miels dont le spectre pollinique ne comporte aucun pollen dominant (T).
33La teneur en eau de tous les miels analysés varie entre 13,07 % et 15,56 % avec une moyenne de 13,93 % pour les miels à dominance Z. lotus et de 14,06 % pour les miels sans dominance pollinique. Les valeurs des conductivités électriques sont comprises entre 0,27 et 0,58 mS·cm-1. Le pH initial varie de 4,14 à 6,01, tandis que l'acidité libre oscille entre 2,61 et 14,40 meq·kg-1. Les miels de Z. lotus dominant présentent une moyenne de pH plus élevée à 5,17 et une acidité moyenne plus faible (5,18 meq·kg-1) que ceux des miels sans dominance, qui ont un pH moyen de 4,52 et une acidité libre moyenne de 9,21 meq·kg-1. L'indice de couleur des miels à dominance de jujubier varie de 61 à 99 mm Pfund, ce qui correspond à une couleur allant de jaune ambré à marron clair. Les miels sans dominance pollinique ont une couleur allant de jaune or à roux avec un intervalle de couleurs entre 55 et 83 mm Pfund.
34Au niveau des paramètres caractérisant la qualité des miels, la teneur en HMF est comprise entre 0 à 14,15 mg·kg-1 de miel. L'activité diastasique des miels analysés varie de 9,89 et 32,79 unités Schade. Les valeurs de l'indice saccharase varient de 5,87 à 34,12 unités enzymatiques par kg de miel (U·kg-1).
35Le tableau 3 illustre le profil glucidique des miels analysés. Le fructose et le glucose sont les monosaccharides majoritaires avec des concentrations moyennes respectives variant de 35,56 à 42,54 % et de 25,47 à 36,76 %. Les miels à dominance de jujubier ont des valeurs moyennes de 38,68 % de fructose et 28,57 % de glucose. Les miels (T) ont des moyennes plus élevées de 40,43 % de fructose et 32,62 % de glucose.
36Les disaccharides présents dans les miels sont le saccharose, le maltose, le gentiobiose et le turanose. Les miels (Z) présentent des moyennes plus élevées à 1,03 % de saccharose, 1,54 % de turanose, 4,65 % de maltose et 0,34 % de gentiobiose. Les miels (T) ont 0,62 % de saccharose, 1,41 % de turanose, 4,40 % de maltose et 0,2 % de gentiobiose.
37Les trisaccharides sont présents en faibles quantités dans tous les miels analysés, mais il est constaté que les miels à dominance de jujubier présentent des moyennes plus élevées en erlose (1,48 %), suivi du mélézitose (0,21 %), du maltotriose (0,14 %)et du raffinose (0,1 %), par rapport aux miels sans dominance qui ont 0,95 % d'erlose, 0,12 % de mélézitose, 0,12 % de maltotriose et 0,06 % de raffinose.
3.3. Analyses en composantes principales
38Par rapport à la répartition géographique des échantillons. La figure 3 illustre la répartition géographique des échantillons selon les deux premières composantes qui représentent 61,50 % de la variabilité ; les miels des localités du Centre (C), en noir sur la figure, sont bien séparés des autres localités du Sud (S), en vert et du Nord (N), en rouge, même si quelques échantillons se trouvent à l’extérieur de ces groupes. L’axe horizontal du graphique, Dim 1, montre via les ellipses que les stations à gauche sont caractérisées par des miels avec un pH initial et une teneur en saccharose élevée, alors que les stations sur la droite caractérisent les miels qui ont une acidité libre et un taux de glucose élevés. L’axe vertical du graphique, Dim 2, montre que les stations situées dans le haut regroupent les miels qui ont un IS globalement plus important, alors que plus on va vers le bas, plus l’humidité est importante.
39Par conséquent, le groupe N contient des échantillons avec des taux d’humidité plus élevés, moins de maltose et des IS plus faibles que ceux des autres lieux. Le groupe C est caractérisé par des échantillons avec plus de glucose et de fructose, plus d’acidité libre, des IS plutôt importants, des pH initiaux et des taux d’humidité plus faibles que ceux des échantillons du Nord. Enfin, le groupe S comprend des échantillons avec un fort pH initial et un taux de saccharose assez élevé, une faible acidité libre et une plus faible concentration en glucose. En réalisant une classification hiérarchique, les échantillons sont regroupés en fonction de leur similarité dans les paramètres physico-chimiques (Figure 4).
40Par rapport à la composition pollinique. Un cluster effectué sur la composition pollinique des différents échantillons permet de regrouper les taxons en fonction de leurs distributions et de leurs pourcentages polliniques (Figure 5) : un groupe (A) avec Z. lotus qui est clairement séparé de l’ensemble, deux groupes (B, C) à composante florale distincte. Cette étude devrait cependant être affinée en relation avec une description plus précise de la végétation entourant chaque rucher. À l’heure actuelle, il est difficile de faire la relation entre le pourcentage pollinique, la répartition géographique des échantillons et la composition de la végétation.
41Sur la base des données polliniques et de l’ensemble des variables physico-chimiques, la figure 6 présente le cercle des corrélations existant entre les différentes variables. Si les flèches se superposent ou sont opposées, les deux variables sont très corrélées ou inversement corrélées ; si les deux flèches forment un angle droit, les deux variables sont indépendantes l'une de l'autre. On peut se servir de ces corrélations pour caractériser les groupes d'échantillons à dominance de Z. lotus (Z) et sans dominance pollinique (T). La figure 7 donne une représentation des échantillons sur les deux premières composantes de l’ACP qui représentent respectivement 39,51 et 16,96 % de la variabilité totale. On observe que les échantillons à dominance de Z. lotus (Z) figurent sur la droite de l’axe 1, alors que les échantillons de toutes fleurs (T) sont essentiellement à gauche (même si quelques échantillons se placent différemment). Parmi les variables, le pH, la conductivité électrique, l'indice de diastase, le mélézitose, l'erlose, le saccharose, le gentiobiose et le turanose sont plus élevés pour les miels de type Z, alors que les miels de type T se caractérisent par de plus hautes valeurs d’humidité (teneur en eau), d'HMF, d’acidité libre, de glucose et de fructose.
4. Discussion
4.1. Analyse pollinique
42Le Ziziphus lotus (jujubier sauvage) est l’espèce qui présente la plus grande distribution dans l'ensemble des miels analysés, quelles que soient leurs localités de production. Il donne au miel les caractéristiques physico-chimiques particulières comme le pH plus élevé et l’abondance plus importante de certains sucres mineurs. Battesti (1990) signale que les pollens présents dans les miels sont des marqueurs du milieu floristique et que les taxons qui sont les plus représentatifs d'une région, sont ceux qui ont à la fois une distribution de présence maximale et une fréquence pollinique importante. Dans notre étude, le Z. lotus est le plus représentatif, car il est dominant dans 71,03 % des miels analysés. Sa fréquence pollinique relative atteint par exemple 97,12 % pour l'échantillon (13) de la localité Guettara, située au Sud de Djelfa. Cette espèce constitue une importante source de nectar dans cette région steppique. Les miels sans dominance pollinique se caractérisent par la présence de pollens secondaires et tertiaires de plusieurs taxons, dont les plus fréquents sont les pollens d’Asteraceae, de Brassicaceae, de Cistaceae, d'Euphorbia bupleuroides, de Peganum harmala, de Thapsia garganic, d’Echium sp. et de Retama retam. Les espèces des familles des Poaceae, des Chenopodiaceae, des Pinaceae, des Cistaceae, des Plantaginaceae et des Oleacaeae ne sont pas nectarifères mais constituent de très bonnes sources de pollen pour les abeilles. Von Der Ohe et al. (2004) signalent qu'un miel est considéré comme unifloral si la fréquence relative du pollen de ce taxon est supérieure à 45 %. Selon les mêmes auteurs, il existe des variations au niveau des types de pollens qui peuvent être sous- ou sur-représentés en fonction de l’espèce.
43Les spectres polliniques retrouvés dans notre étude sur les miels de la région steppique de Djelfa sont différents de ceux rapportés dans certains travaux réalisés sur les miels des plaines et des montagnes du Nord de l'Algérie. Ils sont caractérisés par des spectres polliniques dominés par les pollens des genres Citrus, Eucalyptus, Hedysarum, Rubus et Rosmarinus (Louveaux et al., 1984 ; Ouchemoukh et al., 2007 ; Benaziza-Bouchema et al., 2010 ; Makhloufi et al., 2010 ; Nair et al., 2013).
4.2. Analyses physico-chimiques
44Von Der Ohe et al. (2004) signalent que pour une détermination correcte de l'origine botanique du miel, les analyses polliniques doivent être complétées par les paramètres physico-chimiques et organoleptiques, ce qui ressort bien des présentes analyses.
45Les miels de la région de Djelfa sont secs, leur teneur en eau moyenne est de 14 %. Le Codex Alimentarius (2001) et la Directive européenne 2001/110/CE (Conseil de l’Union europénne, 2001), modifiée par la Directive 2014/63/UE (Conseil de l’Union europénne et Parlement européen, 2014), prescrivent une teneur en eau maximale de 20 %. Le seuil conseillé par le CARI en Belgique est inférieur à 18 % (Bruneau, 2008). Les travaux de Terrab et al. (2003) sur 29 échantillons de miels marocains d'Eucalyptus, indiquent des valeurs entre 14 et 19,9 %. Ouchemoukh et al. (2007) trouvent des valeurs entre 14 et 19 % pour les miels de toutes fleurs de Bejaia. Azzedine et al. (2007) signalent des teneurs en eau élevées (16 à 20,4 %) pour 13 échantillons de miel de toutes fleurs récoltés dans les régions nord est d'Algérie. Ces résultats sont presque similaires à ceux trouvés par Jilani et al. (2008) sur les miels de toutes fleurs du Sud Ouest tunisien. Les travaux de Benaziza-Bouchema et al. (2010) sur les miels de la Mitidja à dominance Citrus donnent une valeur moyenne de 18,4 %. Les teneurs en eau varient assez largement en fonction de leur origine florale, de la saison de production et du climat de la région (Bogdanov et al., 2004).
46La conductivité électrique représente un bon critère pour la détermination de l'origine botanique du miel (Piazza et al., 1991). Ce paramètre est très utilisé pour la classification des miels monofloraux (Persano Oddo et al., 2004). Les Directives européennes 2001/110/CE (Conseil de l’Union européenne, 2001) et 2014/63/UE (Conseil de l’Union européenne et Parlement européen, 2014) indiquent que la conductivité électrique présente des valeurs extrêmement variables suivant le type de miel. En général, les miels de nectar présentent des valeurs inférieures à 0,6 mS·cm-1. Les valeurs plus élevées sont généralement associées aux miels de miellat ou aux mélanges de nectar et de miellat. La totalité des miels analysés ont des conductivités qui ne dépassent pas 0,58 mS·cm-1, permettant ainsi de les classer comme miels issus du nectar des fleurs. Leurs pH varient de 4,14 à 6,01 et leurs taux d'acidité libre sont faibles (2,61 à 14,40 meq·kg-1). Le Codex Alimentarius (2001) et les Directives européennes 2001/110/CE (Conseil de l’Union européenne, 2001) et 2014/63/UE (Conseil de l’Union européenne et Parlement européen, 2014) ne citent aucune valeur de référence pour le pH, alors que pour l’acidité libre, ils prescrivent une limite maximale de 50 meq·kg-1 pour les miels de qualité. L'acidité des miels est due à la présence de l'acide gluconique issu de la transformation du glucose qui est favorisée par des teneurs élevées en eau (Bogdanov et al., 2004). Dans notre étude, les échantillons à faibles teneurs en eau présentent de faibles teneurs en acidité libre, particulièrement chez les miels à dominance de Z. lotus.
47L'HMF (hydroxyméthylfurfural) est un composé chimique issu de la dégradation du fructose. En milieu acide, celui-ci se décompose et perd trois molécules d'eau (Gonnet, 1990). La norme du Codex Alimentarius (2001) et celle des Directives européennes 2001/110/CE (Conseil de l’Union européenne, 2001) et 2014/63/UE (Conseil de l’Union européenne et Parlement européen, 2014) sont fixées à une teneur maximale de 40 mg·kg-1. La teneur en HMF des miels analysés est faible, ce qui confirme leur bonne qualité.
48Les miels à dominance Z. lotus et les miels sans dominance présentent de faibles variations de couleurs (55 à 99 mm Pfund). Des travaux rapportent que l'intervalle de couleur des miels algériens ont des indices allant de 18 à 119 mm Pfund, correspondant à un intervalle de couleur compris entre très clair pour les miels à dominance des espèces des genres Citrus et Hedysarum et marron foncé pour les miels à dominance des espèces des genres Eucalyptus, Daucus et Rubus (Ouchemoukh et al., 2007 ; Makhloufi et al., 2010).
49Le profil glucidique des miels analysés montre que la somme moyenne du fructose et du glucose atteint 69 %. Le Codex Alimentarius (2001) et les Directives européennes 2001/110/CE (Conseil de l’Union européenne, 2001) et 2014/63/UE (Conseil de l’Union européenne et Parlement européen, 2014) placent une limite supérieure à 60 % pour le total de ces deux monosaccharides majoritairement présents dans les miels. La valeur du saccharose contenue dans les miels de Djelfa est conforme aux normes de qualité de la Directive européenne, qui indiquent une valeur maximale de 5 %, à l'exception de certains types de miels tels que les miels de lavande, d'oranger et d'eucalyptus qui peuvent avoir jusqu'à 10 % de saccharose. Le tréhalose est un disaccharide absent dans les 38 échantillons de miels de Djelfa. Ouchemoukh et al. (2007) et Makhloufi et al. (2010) le détectent dans les miels d'Eucalyptus sp.
50Les trisaccharides sont présents à de faibles teneurs dans tous les miels analysés. Les législations internationale et européenne ne donnent aucune norme pour ces glucides. Les résultats obtenus montrent que l'erlose est plus présent dans les miels à dominance de Z. lotus.
51Les enzymes sont ajoutées au miel principalement par les abeilles, il existe des variations considérables selon les types de miel (Persano Oddo et al., 1990). Pour l'indice de diastase, la valeur minimale requise par la législation européenne est de 8 unités de Schade. Tous les miels analysés ont des valeurs supérieures à 8 unités de Schade et 92,10 % des échantillons ont même des valeurs supérieures à 20 unités de Schade. Pour l’indice de saccharase, la législation européenne ne donne aucune valeur de référence. La plupart des miels de qualité ont un indice saccharase entre 5 à 20 U·kg-1 (Persano Oddo et al., 1999). Cet intervalle regroupe largement les résultats obtenus sur les miels analysés de Djelfa. L’activité des enzymes est influencée par la vitesse de la miellée et par le stade physiologique des glandes des abeilles pendant la période de production. Ils signalent que la saccharase est plus sensible à la chaleur que la diastase (Persano Oddo et al., 2004).
4.3. Analyses statistiques
52Les analyses statistiques montrent bien les interrelations entre les paramètres physico-chimiques et polliniques. Une différence géographique apparait clairement lorsque l’on considère les trois régions de récolte (Nord, Centre, Sud). Selon la composition pollinique, deux groupes apparaissent : le groupe des miels à dominance Z. lotus (Z) et le groupe des miels sans dominance (T). Quelques échantillons font exception et se trouvent hors de leurs groupes. Ainsi, la plupart des miels (Z) qui se trouvent dans le groupe des miels (T) ont une fréquence pollinique de Z. lotus inférieure à 70 %.
5. Conclusions
53Cette étude décrit les caractéristiques physico-chimiques et polliniques de 38 miels provenant de 11 localités situées au Nord, au Centre et au Sud de Djelfa. Les résultats obtenus montrent la présence de deux types de miels : les miels à dominance de Z. lotus (Z) et les miels de toutes fleurs sans dominance pollinique (T). Tous les miels sont conformes aux normes de qualité exigées par le Codex Alimentarius et la Directive européenne. La plupart des miels (Z) se caractérisent surtout par un taux d'humidité faible, une conductivité électrique, un indice de diastase et un pH initial élevés. Ils sont aussi caractérisés par la présence plus élevée en sucres mineurs (saccharose, maltose, turanose, gentiobiose, mélézitose, erlose). Les miels (T) se caractérisent par des taux d’humidité plus élevés et les plus hautes valeurs d'acidité libre, d'HMF, de fructose et de glucose.
54Les résultats de l'analyse pollinique font apparaitre la dominance des pollens de Z. lotus, ils confirment l'importance de ce taxon comme source mellifère principale dans cette région.
55La caractérisation du miel est basée à la fois sur des analyses physico-chimiques, polliniques et organoleptiques. L'analyse pollinique est plus difficile à interpréter car les pollens présents dépendent beaucoup de la flore avec des particularités liées à la sur- ou sous-représentation de certains pollens. Elle est cependant importante pour établir la base d’un référentiel pollinique permettant de caractériser l’origine géographique des miels. Les résultats obtenus sont très importants pour les programmes de valorisation des miels et leur protection par un signe de qualité et/ou une appellation géographique. Cette démarche présente une réelle opportunité pour l’amélioration de la qualité et la conservation des miels de terroir. Les caractéristiques déterminées participent à la mise en place d'une banque de données référentielles pour les miels de la steppe algérienne, notamment ceux de la région de Djelfa. Cette région semi-aride constitue une zone de grande transhumance des abeilles pour la production du miel de Z. lotus (jujubier), espèce d'une grande importance pour l'apiculture.
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