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- Volume 6 : 2005-2006 - Affiliations, engagements, ...
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Identités, comportements politiques et déterminants sociologiques
Table of content
1S’il n’est pas d’identités plus «authentiques» que d’autres, il en est, par contre, qui interrogent davantage le monde politique et qui le concernent plus directement. C’est notamment le cas des sentiments d’appartenance à la Wallonie, à la Belgique et à l’Europe. De fait, ces trois entités ne sont pas seulement des espaces géographiques issus de déterminants historiques plus ou moins arbitraires ; elles sont aussi, et peut-être avant tout, des espaces institutionnalisés de décision politique ; elles constituent ainsi une interface entre vie sociale et vie civique. «wallon», «belge» et «européen» ne sont pas que des identités abstraites dont on est libre de se saisir et de se dessaisir au gré des contextes sociaux et des émois collectifs ; ce sont aussi des identités qui s’incarnent dans des citoyennetés que l’on peut, ou pas, voir reconnues par les collectivités auxquelles elles renvoient. C’est évidemment là tout l’enjeu de la mobilisation des identités sociales dans les débats communautaires.
De l’identité sociale à l’implication politique
2Comme le montre le tableau suivant, il reste, selon les cas, entre 12 % (la Belgique) et 37 % (l’Europe) de citoyens wallons qui ne se reconnaissent pas, ou peu, dans les identités qui sont corrélées avec les espaces politiques où s’exerce leur citoyenneté1.
3Cela n’empêche qu’à moins de changer de nationalité, ils ne peuvent se détacher de cette citoyenneté et des droits et devoirs qui y sont afférents. C’est un volet concret de l’identité qui est, dans la plupart des cas, attaché à l’individu par sa naissance.
4À l’autre extrême, le fait de disposer d’une citoyenneté n’est pas un impératif pour que se développe l’identité sociale qui y renvoie. On peut le constater dans le tableau suivant qui présente les fréquences des sentiments d’être wallon, belge et européen2 en fonction de la nationalité des répondants. Certes moins fréquent que chez les «nationaux», le sentiment d’être belge ou wallon n’en existe pas moins chez les «étrangers» qui vivent sur notre sol3.
5L’accès à la citoyenneté organise donc une reconnaissance – ou une non-reconnaissance – officielle de l’identité sociale d’un individu qui est loin de cadrer nécessairement avec le vécu subjectif (mais peut-être serait-il plus juste de dire «inter-subjectif», s’agissant d’une identité collective) et intime de cette identité.
6Il n’empêche que celle-ci est abondamment mobilisée par le monde politique ; en partie à bon escient d’ailleurs ; comme toute identité sociale, l’identité wallonne, belge ou européenne déplace la perspective de l’individu lorsqu’elle s’active, redonnant à son raisonnement une dimension collective et modifiant en ce sens la manière dont il perçoit son environnement et y réagit. C’est une dynamique souhaitable lorsqu’on sollicite la mobilisation de l’agent social à titre de «citoyen», elle recadre effectivement son action dans sa dimension politique. À titre illustratif, le tableau suivant montre la relation qui existe entre la fréquence à laquelle nos répondants se sentent «belges» et le fait qu’ils sont allés voter lors des dernières élections législatives.
7On le voit, plus la fréquence à laquelle ils se sentent «belges» est élevée et plus nos répondants sont nombreux à avoir accompli leur devoir électoral. Il faut toutefois mettre un bémol important à cette relation, car c’est essentiellement entre ceux qui ne se sentent jamais «belges» et les autres que se situe l’écart le plus explicite et le plus significatif ; 30,6 % de ceux qui ne se sentent jamais belges ont de fait déclaré qu’ils n’étaient pas allés voter (score particulièrement élevé dans un pays où le vote est obligatoire et l’absentéisme électoral légalement sanctionné), alors que pour les autres fréquences d’identification, ils sont entre 10,9 et 6,3 %. Il semble donc bien que la fréquence4 d’une identification soit un déterminant des pratiques civiques qui s’y rattachent, mais c’est un déterminant qui reste relatif, même si l’absence totale d’identification semble bien se dessiner comme un obstacle important à cet égard.
8Ce caractère plus «politique» des identifications à la Wallonie, à la Belgique et à l’Europe apparaît, du reste, sur d’autres indicateurs et avec la même ambivalence dans les effets ; la fréquence ou l’intensité de ces identités semble systématiquement jouer comme un stimulant de l’implication politique, mais sans jamais la déterminer de manière absolue.
La pratique du vote si celui-ci n’était plus obligatoire
9Les tableaux suivants présentent la fréquence à laquelle les Wallons que nous avons interrogés estiment qu’ils continueraient à aller voter si le vote n’était plus obligatoire en Belgique5 en fonction de la fréquence à laquelle ils se sentent wallons, belges et européens.
10On peut voir ici que la fréquence à laquelle nos répondants estiment qu’ils continueraient à se rendre aux urnes si le vote n’était plus obligatoire évolue positivement avec la fréquence du sentiment d’appartenance à la Belgique ou à l’Europe. La situation est moins nette en ce qui concerne l’identification wallonne, qui fluctue moins et, qui plus est, de manière non linéaire ; mais pour les trois identités, c’est encore une fois lorsque la fréquence d’identification est nulle que le risque de désimplication politique est clairement le plus bas6. Si l’on se base sur ce résultat, l’identité wallonne serait donc une identité peu politique ; en tout cas moins politique que les identités belge et européenne.
Le fait de se sentir proche d’un parti politique
11Comme le montre le tableau suivant, il existe également une corrélation significative entre les fréquences auxquelles on se sent wallon, belge ou européen et le fait de se sentir proche d’un parti politique ; même si cette corrélation est faible, indiquant bien que les liens entre identités sociales et implication politique manifestent une tendance bien plus qu’un effet massif.
12Ici aussi, c’est dans le cas où la fréquence est nulle que le risque d’absence d’implication politique (ou, plus précisément ici, d’identification politique) est le plus élevé. Il atteint 67,8 % chez ceux qui ne s’identifient jamais à l’Europe (contre des scores oscillants entre 46,6 % et 53,3 % chez ceux qui affichent d’autres fréquences) ; 78,6 % chez ceux qui ne s’identifient jamais à la Belgique (contre des scores oscillants entre 50,6 % et 59,0 % chez ceux qui affichent d’autres fréquences) ; et 66,4 % chez ceux qui ne s’identifient jamais à la Wallonie (contre des scores oscillants entre 49,5 % et 57,7 % chez ceux qui affichent d’autres fréquences).
L’identité sociale, un stimulant à large spectre de l’implication civique
13On le voit, l’identité sociale semble bien avoir une action diffuse, mais à large spectre, sur l’implication civique et politique. Elle ne lui est pas indispensable (puisque cette implication peut se manifester en dehors de toute identification) et elle ne lui est pas spécifiquement dédiée (puisque, par exemple, tant l’identité wallonne que l’identité belge ou européenne semblent favoriser un attachement indéfectible à la pratique du vote, indépendamment de savoir si celui-ci s’exerce dans l’espace régional, national ou européen).
14Plutôt qu’à supposer une continuité directe et «naturelle» entre des identités sociales données et des implications civiques et politiques plus fortes dans les espaces décisionnels qui mobilisent explicitement ces identités, il y aurait peut être avantage à considérer que si ces identités stimulent l’implication civique, c’est tout simplement parce qu’elles exercent la conscience collective, c’est-à-dire sa faculté à se penser en partie comme un «nous» et pas seulement comme un «je». Acquise dans le cadre d’une identification spécifique, cette capacité à s’identifier aux autres semble pouvoir s’émanciper ensuite de cette identité spécifique et se traduire par un intérêt plus régulier ou plus fréquent pour le collectif.
15On peut encore illustrer ce rôle stimulant de l’identité sociale à travers l’intérêt que portent nos répondants par rapport aux événements qui affectent différents espaces collectifs au sein desquels ils sont de facto intégrés en fonction de leurs identifications7. Nous ne considérerons ici que l’impact de la fréquence du sentiment d’être européen, mais le sentiment d’être belge ou wallon produit des patterns de résultats globalement similaires.
16C’est, encore une fois, chez ceux qui ne s’identifient jamais que le manque d’intérêt à l’égard de ce qui traverse le collectif se marque le plus. Pour les autres fréquences, les écarts sont ici aussi beaucoup moins nets, même si une certaine relation positive se dessine entre le sentiment d’identité et l’intérêt marqué pour la collectivité8.
17Ce n’est pas pour autant que la fusion avec le «nous» est totale et que l’agent social y dilue son individualité par altruisme ou par aveuglement ; mais on est tout simplement plus motivé à se préoccuper d’une collectivité à laquelle on se sent subjectivement appartenir et par rapport à laquelle on s’identifie comme partageant une communauté de destin. À ce titre, toutes les identifications s’équivalent et le fait qu’elles soient multiples accroît d’autant les opportunités de faire l’expérience de l’apprentissage d’une conscience plus collective. Les corrélations élevées entre les différentes composantes identitaires à l’étude fournissent d’ailleurs un témoignage explicite de leur effet cumulatif ; plus on s’identifie sur une composante identitaire et plus on a tendance à s’identifier aussi dans les autres ; et plus, aussi, on a tendance à scorer de manière plus élevée sur les indicateurs d’implication civique et politique.
18Étant donné le lien étroit qui unit la mobilisation civique ou politique aux identités collectives, la tentation d’instrumentaliser ces dernières n’est évidemment jamais bien loin ; d’autant plus que dans le même temps qu’elles rappellent aux agents sociaux la dimension collective du contexte dans lequel ils se trouvent, l’activation de telles identités rappelle également la légitimité des acteurs publics à incarner le corps social.
19C’est une tendance a fortiori plus grande encore dans le chef de partis qui font de telles identités une fin en soi de l’offre politique, comme les partis nationalistes et xénophobes. Ce qui inquiète dans ces partis, ce n’est pas tant qu’ils s’efforcent de déplacer les espaces institutionnalisés de décision politique – c’est, de toute façon, un droit qu’il paraît difficile de leur contester – que le fait qu’ils appuient fréquemment leur démarche sur une vision mystifiée de l’identité comme étant une réalité stable et immanente ; de sorte que la collectivité qu’elle désigne devient le fantasme d’un espace politique complètement fusionnel. Il n’y a dès lors plus de réelle dialectique possible entre sentiment d’appartenance et institution, ceux-ci étant dissous l’un dans l’autre. Identité sociale et citoyenneté se fondent dans un même «sujet-objet» et on perd de vue que l’identité est moins un état figé qu’un processus, un équilibre en redéfinition permanente qui se nourrit de la confrontation à une diversité des définitions de soi dans l’espace social.
20Pour en finir sur ce point en enfonçant un dernier coin dans l’hypothèse qu’il y aurait un quelconque lien «naturel» entre les identités collectives et des formes particulières de citoyenneté, relevons qu’aucune des manifestations identitaires que nous avons étudiées dans le cadre de l’enquête «Identité et Capital Social en Wallonie» n’entretient une relation négative qui soit statistiquement significative avec le degré d’accord affiché par les répondants à la proposition de laisser les étrangers résidant depuis cinq ans dans une commune voter aux élections communales ; en d’autres termes, ou une identification plus élevée favorise l’accord à l’égard de cette proposition, ou bien elle y est complètement indifférente ; alors même que cette proposition se propose de redistribuer de manière très claire une partie des privilèges liés à la citoyenneté. Plus une identité est assurée et plus il semble donc qu’elle soit à même de s’ouvrir, d’être élargie à d’autres personnes qui n’en présentent pas a priori tous les traits stéréotypiques.
L’orientation politique
21Si l’identité sociale semble bien influencer la pratique politique, on peut aussi inverser le raisonnement et se demander dans quelle mesure les orientations politiques influencent les identités sociales. Nous allons ici nous intéresser plus spécifiquement à la manière dont les répondants qui se sentent proches de l’un des quatre grands partis wallons (PS, MR, CDH et Ecolo) se positionnent sur l’échelle de fréquence identitaire. Précisons que si la proximité n’est pas l’adhésion, elle signifie davantage que le simple choix électoral qui est ponctuel et s’apparente à une forme d’identité politique. 36,63 % de notre échantillon se déclare proche d’un parti politique ; dans 98,2 % des cas, il s’agit de l’un des quatre grands partis.
22Afin de pouvoir comparer plus aisément ces différents sous-groupes, nous avons attribué des valeurs numériques aux différentes modalités de cette échelle (de «1» pour la modalité «jamais» à «5» pour la modalité «tout le temps») de façon à pouvoir calculer des moyennes. Les résultats sont repris dans le tableau suivant :
23Précisons d’emblée que les scores obtenus en ce qui concerne le sentiment européen ne présentent pas de différences significatives sur un plan statistique. L’identification à un parti politique – tout au moins en ce qui concerne les quatre grands partis wallons – ne semble donc pas avoir de lien avec le sentiment européen ; même s’il ne faut pas pour autant en conclure que la construction de l’Europe ne serait pas un enjeu politique ni, non plus, que ces différents partis partageraient une même vision de ce que veut dire «être européen».
24En ce qui concerne la fréquence du «sentiment belge», il n’y a pas de différence significative entre les «mouvances» du PS, du MR et d’Ecolo ; ces trois groupes ressortent toutefois comme significativement moins «belgicains» que le CDH. La fréquence du «sentiment wallon», enfin, ne présente guère d’écarts significatifs, et ce même si les scores semblent, en apparence, varier davantage. La comparaison statistique permet uniquement de conclure que les partisans du PS s’affichent comme plus «wallingants» que ceux du MR et d’Ecolo.
25Au-delà des clivages politiques, il semble bien que les Wallons partagent un attachement globalement similaire à l’égard des différentes identités institutionnelles qui structurent leur espace public. En outre, même lorsqu’ils sont significatifs, les écarts n’atteignent jamais des seuils considérables (l’écart maximal constaté est de 0,39 sur une échelle qui, rappelons le, est étalonnée de 1 à 5). Tout au plus peut-on parler de «tendances» qui, si elles colorent quelque peu les identifications propres à chaque groupe politique, n’en demeurent pas moins marginales.
26S’il y a des «affinités» (on est plus belgicain dans la mouvance CDH, plus wallon dans la mouvance PS), elles sont partielles et en tout cas, elles excluent l’idée qu’un parti, plus qu’un autre serait «dépositaire» d’une identité spécifique. C’est le premier enseignement, sur ce plan, de notre enquête.
27On peut aussi relever que ceux qui déclarent une proximité avec un des quatre partis politiques démocratiques «scorent» systématiquement plus haut sur tous les sentiments d’appartenance que ceux qui se sentent éloigné de tout parti. Ce qui confirme, encore une fois, que l’identification à un espace institutionnel (Wallonie, Belgique, Europe) n’est pas indépendante de la proximité avec l’espace du politique, ce qui paraît assez logique.
28D’autre part, le fait d’obtenir des scores particulièrement élevés tant au niveau du sentiment belge qu’à celui du sentiment wallon (et, dans une moindre mesure, au sentiment européen) confirme bien l’hypothèse que les identités ne sont pas nécessairement concurrentes, mais qu’elles coexistent chez les mêmes individus et qu’elles peuvent également être complémentaires.
29Cela ne veut évidemment pas dire qu’il n’existe pas des identités plus prégnantes que d’autres. N’en déplaise aux régionalistes – et même si une vague communautariste agite le nord du pays – le sentiment belge demeure le sentiment d’appartenance le plus fréquent des Wallons, qu’ils aient ou pas une orientation politique et quelle que soit celle-ci.
30À l’opposé, le sentiment européen affiche des scores qui sont systématiquement les plus bas. Ce résultat ne paraît pas assez tranché pour remettre en cause la légitimité du projet politique européen dans son ensemble, mais il questionne tout de même son image globale et sa perception en tant qu’espace de décision politique supranational. De fait, plus celui-ci prendra de l’ampleur et plus il devra pénétrer sur des domaines qui sont symboliquement associés à l’identité nationale ; avec le risque d’être perçu comme une menace à l’égard de celle-ci. La polémique qui se dessine autour de la constitution européenne en offre, d’ailleurs, une illustration très actuelle. Le fait que ce texte soit massivement contesté dans certains pays pour son caractère «trop libéral», alors qu’il l’est dans d’autres pour son caractère «trop social» paraît difficilement réductible à un simple différend d’orientation politique. Plus largement, cela témoigne de ce que l’identité européenne reste encore fortement vécue comme une extension périphérique de l’identité nationale et qu’elle éprouve visiblement des problèmes à la concurrencer.
Les déterminants sociologiques
31Les identités institutionnelles sont également sensibles à toute une série de déterminants sociologiques ; nous en examinerons rapidement quatre : le genre, l’âge, le niveau d’étude et niveau de revenu. Les différences observées demeurent toutefois assez minces et, comme c’était déjà le cas en ce qui concerne les orientations politiques, le qualificatif de «tendance» paraît plus approprié que celui d’«effet».
32Le genre a peu d’effets statistiquement notables sur les sentiments d’appartenance ; si ce n’est que les femmes affichent, en moyenne, un score d’identification plus bas que celui des hommes à l’égard de l’Europe. Cela tient peut-être à leur moindre politisation généralement relevée par la littérature scientifique. À l’heure actuelle, l’identité européenne a proportionnellement moins d’opportunités d’être sollicitée en dehors du strict cadre politique que constitue l’UE.
33L’âge accroît quant à lui la propension des répondants à s’identifier comme «belges» et comme «wallons». C’est là une donnée constante des «wallobaromètres» menés par le CLEO depuis 18 ans, mais il reste difficile de conclure s’il s’agit là d’un effet d’âge (l’identité nationale et régionale se renforceraient au fur et à mesure que l’on vieillit) ou de génération (les anciennes générations qui s’identifiaient fortement à la nation et à la région seraient progressivement remplacées par des nouvelles qui s’y identifient moins).
34L’identité européenne présente quant à elle une distribution davantage «en cloche» ; les scores les plus élevés s’observent pour les populations situées entre 50 et 69 ans, alors que de part et d’autre de cette fourchette, le sentiment d’appartenance s’effrite progressivement. En tout état de cause, ce sont les jeunes qui affichent les scores les plus bas ; nous avons montré par ailleurs qu’il n’en a pas toujours été ainsi ; il y a quelques années, c’était au contraire eux qui portaient le plus haut l’identité européenne.
35L’aisance financière favorise pour sa part l’identification à l’Europe et, dans une moindre mesure, à la Belgique ; il n’y a par contre pas d’effet notable en ce qui concerne la Wallonie. Il est clair que des difficultés trop marquées à satisfaire ses besoins vitaux ne constituent pas un terrain particulièrement propice à l’investissement sur des dimensions symboliques telles que l’identité ; dans une telle situation, on observe assez logiquement un repli sur le plus petit dénominateur commun.
36L’élévation du niveau d’étude, enfin, réduit de manière très nette l’identification à la Wallonie et, dans une moindre mesure, l’identification à la Belgique, alors que, a contrario, elle augmente l’identification à l’Europe. On peut interpréter ces résultats de façon assez facile à se représenter : pour les étudiants universitaires comme pour les professions qualifiées, l’Europe est inévitablement un espace inscrit dans une réalité quotidienne, alors que pour les milieux plus populaires, elle est, au mieux, un espace virtuel, plus sensible aux images de complexité et de distance qui lui sont collées.
37De nos quatre déterminants sociologiques, c’est cette opposition «cols blancs/cols bleus» qui structure le plus les sentiments d’appartenances, tout comme elle demeure d’ailleurs l’un des éléments les plus structurants de la société dans son ensemble. Ceci conforte bien l’idée que les trois entités que constituent la Belgique, la Wallonie et l’Europe ne sont pas uniquement des espaces politiques, mais qu’elles sont, aussi, plus largement des interfaces entre vie sociale et vie politique.
Notes
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About: Dimitri Deflandre
Chercheur à l’Université de Liège