Fédéralisme Régionalisme

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Dr Bibombe Mwamba

Un Référendum pour quoi faire ?

(Volume 5 : 2004-2005 - La IIIe République Démocratique du Congo)
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Introduction

1L’article 98 de la Constitution congolaise de transition prévoit que l’une des attributions assignées à l’Assemblée Nationale est d’adopter le projet de Constitution à soumettre au référendum. Tandis que l’article 104 donne mission au Sénat d’élaborer l’avant-projet de Constitution à soumettre au référendum.

2Après analyse du concept de référendum (I), nous jetterons un coup d’œil rétrospectif pour connaître l’expérience congolaise en ces matières (II) avant d’apprécier si le référendum prévu par les dispositions des articles 98 et 104 de la Constitution congolaise de transition est nécessaire sinon utile (III).

I. Notion de référendum

3La technique référendaire permet, sous des formes diverses, d’associer le peuple à l’exercice du pouvoir législatif ou de le consulter sur les grandes options nationales1. C’est un mode idéal, semble-t-il, de l’expression de la démocratie notamment de la souveraineté populaire. Selon la manière dont il est organisé, le référendum peut présenter un risque plébiscitaire dès lors qu’une réponse positive est présentée comme une manifestation de confiance ou de soutien à l’égard de l’auteur de la question qui, dans beaucoup de cas, est un chef de l’État politiquement irresponsable devant le parlement.

4Par contre, le problème ne se pose pas dans les États comme la Suisse et l’Italie où le référendum est organisé à la demande des citoyens, qu’on appelle référendum d’initiative populaire.

5L’extension du suffrage universel et les progrès de la démocratie ont provoqué un regain d’intérêt pour le référendum dans les régimes politiques modernes. Les Constitutions associent de plus en plus la souveraineté nationale et la souveraineté populaire et accordent à la démocratie directe ou semi-directe une place dans l’expression de la volonté générale. Ce sont souvent les modalités de mise en œuvre qui empêchent l’utilisation du référendum et parfois maintiennent une certaine méfiance à l’égard de celui-ci.

1. La place importante du référendum dans les Constitutions modernes

A. Une place traditionnelle : la révision constitutionnelle

6Un grand nombre de démocraties contemporaines prévoient le référendum, soit pour approuver les réformes apportées à la Constitution, soit pour adopter une nouvelle loi fondamentale. Ce n’est pas une pratique générale et les États démocratiques importants, comme la Grande Bretagne, la République Fédérale d’Allemagne, la Belgique, ne connaissent pas la pratique du référendum constituant.

7Dans les États qui prévoient la ratification populaire des changements constitutionnels, on peut distinguer ceux où l’intervention populaire est obligatoire et ceux où elle est facultative.

1) Intervention obligatoire

8En Autriche, l’article 42 de la Constitution prévoit qu’une révision d’ensemble de la Constitution doit être soumise au référendum.

9Il en est de même du Danemark, qu’il s’agisse d’une révision d’ensemble de la Constitution ou d’amendement à celle-ci (article 88 de la Constitution).

10En République Fédérale d’Allemagne et en Suisse, l’approbation populaire est limitée à la seule restructuration.

11Aux USA, si la Constitution fédérale ne connaît pas le référendum constituant, en revanche les États fédérés le pratiquent systématiquement (49 États sur 50).

12L’intervention obligatoire du référendum demeure cependant limitée.

2) Intervention facultative

13Plus répandue est l’intervention facultative qui peut avoir plusieurs origines.

14Un certain nombre d’États prévoient que les assemblées qui ont procédé à la révision peuvent demander que celle-ci soit approuvée par le peuple. C’est le cas de la Suède et de l’Autriche, pour les amendements à la Constitution.

15Dans d’autres États, c’est le Chef de l’État qui, après une révision, a le choix entre le référendum d’approbation ou la confirmation par une assemblée spéciale.

16La révision de la Constitution peut aussi provenir de l’initiative populaire ou d’une décision directe du peuple.

17Les Constitutions de la Suisse (article 121), de l’Italie (article 138) par exemple, celle de 19 États des USA, prévoient l’initiative populaire en matière de la révision constitutionnelle.

18En France, le peuple peut être appelé directement à se prononcer sur une modification de la Constitution par le Président de la République, agissant sur demande du Gouvernement ou du Parlement (article 11). Cette pratique qui relève plus de la coutume que de la lettre du texte constitutionnel est controversée.

B. Une place nouvelle : le référendum législatif

19C’est dans ce domaine de la confection de la loi ordinaire que l’exercice d’une démocratie directe ou semi-directe s’est développé, tout au moins dans les textes constitutionnels des démocraties contemporaines.

1) La démocratie semi-directe et la consultation du peuple

20La possibilité et même parfois l’obligation de consulter le peuple sont inscrites dans de nombreuses Constitutions. On cite par exemple, le Danemark (article 42), la Suède et l’Espagne (article 92), l’Allemagne (article 20), la France (article 3), l’Autriche (article 42), la Suisse et certains États des USA. La mise en œuvre de la démocratie semi-directe obéit en général aux règles suivantes :

  • La Constitution détermine qui aura l’initiative de la consultation populaire ;

  • un choix s’opère donc entre démocratie semi directe ou démocratie directe. Il peut y avoir association des deux ;

21a) La Constitution détermine le domaine du référendum :

  • général et facultatif : Suède, Autriche, Suisse, certains États des USA ;

  • limité à certaines matières et facultatif : France (article 11), Danemark (article 42), Espagne ;

  • obligatoire dans certaines matières (Suisse, traités internationaux)

22b) Il existe deux cas particuliers :

  • En Allemagne où le principe est inscrit dans la Constitution, mais n’est pas traduit pratique et ne s’applique donc pas ;

  • En Grande Bretagne pratique coutumièrement un référendum de fait par la dissolution-élection. Bien que non institutionnel, le référendum stricto sensu est possible. Si les Constitutions modernes font aujourd’hui en droit une large place au référendum, la mise en œuvre de celui-ci diminue sa portée pratique.

2) L’application pratique limitée du principe

23La pratique du référendum tient essentiellement aux possibilités de son utilisation : à la seule discrétion des pouvoirs en place (consultation) ou à l’initiative populaire (démocratie directe).

C. Le référendum de consultation et la démocratie semi-directe

24Quel que soit le domaine constitutionnel ou législatif, la consultation par voie de référendum ne peut avoir lieu qu’à l’initiative des pouvoirs en place.

1) À l’initiative de la représentation populaire

25Dans la plupart des pays, l’initiative appartient au Parlement représentant la volonté populaire. Cette autorisation peut prendre deux formes :

  • l’initiative du parlement est attachée à l’importance du sujet. Elle est, la plupart du temps, facultative. C’est le cas prévu en Espagne (article 92), en Suisse, en Autriche (article 43), dans de nombreux États des USA ;

  • l’initiative du parlement est une possibilité d’appel de la minorité. Le référendum est, de droit, si une fraction du Parlement le demande : le Danemark (article 42), l’Espagne en matière constitutionnelle. Le texte de la loi ne peut être promulgué avant l’approbation populaire.

2) À l’initiative du Chef de l’État ou du gouvernement

26Dans un certain nombre d’États, le Chef d’État ou de gouvernement possède nominalement le pouvoir d’organiser un référendum.

27Mais là aussi, deux cas peuvent être distingués :

  • celui de la plupart des États où le pouvoir du Chef de l’État ou du Gouvernement est lié par une décision parlementaire qu’il ne peut mettre en œuvre ;

  • en France l’article 11 de la Constitution a suscité des controverses. La possibilité du référendum décidée par le Président de la République aussi bien à l’initiative du Gouvernement que du parlement et le large pouvoir discrétionnaire qui en résulte démontre à suffisance l’esprit plébiscitaire.

D. L’initiative populaire et la démocratie directe

28Contrairement à ce que l’on croit généralement, l’initiative populaire est prévue par de nombreuses Constitutions : Suisse, Autriche, Espagne, certains États des USA, Italie.

29Elle prend cependant deux formes :

1) L’initiative populaire totale

  • Suisse : le peuple possède le droit d’initiative de la législation ou d’abrogation de celle-ci. Seule limite, le nombre de citoyens nécessaires pour proposer ou demander l’abrogation ;

  • en Espagne : le peuple peut proposer des mesures d’ordre législatif, 500 000 signatures doivent appuyer cette proposition, il y a donc le droit d’abrogation. Il en est de même en Autriche.

2) L’initiative du refus seulement

30C’est le référendum d’abrogation dont l’exemple le plus typique est celui de l’Italie.

E. Conclusion

31Les résultats quantitatifs des dispositions constitutionnelles instituées dans de nombreux pays sont limités, y compris en Suisse, terre d’élection du référendum.

32Cependant, il s’agit d’une institution qui se développe et qui n’est pas une survivance du passé.

33En France, depuis quelque temps, certains milieux politiques souhaitent l’institution du référendum d’initiative populaire.

II. Expériences congolaises en matière électorale et référendaire

341. En 1960, la législation en matière électorale existait déjà. Le décret du 7 octobre 1959 fixait les règles relatives à la Constitution des conseils urbains et communaux et contenait des dispositions relatives à la consultation des populations.

35La loi du 23 mars 1960 fixe l’organisation des élections législatives et provinciales au Congo.

36Les premières élections auxquelles les Congolais ont participé se sont déroulées en 1960, en application de la loi fondamentale de 1960.

37Le premier texte portant organisation du référendum fut l’ordonnance n° 169 du 19 août 1963. Les Congolais considéraient que le référendum constituait une consultation des populations. C’est ainsi que l’ordonnance du 19 août 1963 était basée sur les textes antérieurs, ce qui, avait-on estimé, devait faciliter les opérations du référendum du fait que les populations avaient encore le souvenir des précédentes consultations.

38Il y a lieu de rappeler ici que l’ordonnance n° 169 du 19 août a été prise dans le cadre de la création des nouvelles provinces, conformément à la loi du 27 avril 1962.

39Comme pour la législation précédente, l’électorat était constitué des Congolais, de sexe masculin et âgés de 21 ans révolus au moment du scrutin. Les détenus, les internés ou hospitalisés pour cause d’aliénation mentale, ainsi que des internés en vertu d’une décision administrative ; les membres de l’armée nationale congolaise, les gendarmes et les policiers n’étaient pas admis au scrutin. Il s’agit, nous le rappelons, d’une consultation en vue de la création des nouvelles provinces.

402. Le premier référendum constituant a été organisé en 1964 pour l’adoption du projet de texte constitutionnel élaboré à Luluabourg par une commission constitutionnelle, présidée par Joseph Ileo, qu’assistait comme rapporteur Marcel Lihau. Le texte adopté fut promulgué le 1er août 1964.

41Le deuxième référendum fut organisé par deux textes dont l’ordonnance loi n° 67-239 bis du 29 mai 1967.

42Ce référendum a été organisé du 4 au 16 juin 1969. Une seule question a été posée aux personnes consultées : «Approuvez-vous la Constitution qui vous est proposée ?». Les personnes consultées devaient répondre par un oui ou un non.

43Le ministre de l’Intérieur de l’époque était Étienne Tshisekedi. Le modèle des bulletins de vote formant l’annexe 1 était un véritable bulletin. Mais lors de vote, on avait présenté des cartons de deux couleurs : verte et rouge.

44Nous pouvons qualifier cela d’une fraude officielle et même d’une violation de la loi.

III. Appréciations

45Le projet de Constitution est préparé par un très grand nombre de personnes issues de groupes différents et souvent discuté dans diverses assemblées.

46Parmi les personnes invitées à l’adopter, certaines ne l’auront pas lu et, toutes celles qui l’auront lu ne peuvent pas nous garantir de l’avoir compris de la même manière.

47Retrouver l’intention d’un constituant peut être un exercice intéressant de psychologie historique, mais il n’y a aucune raison de tenir compte de cette intention plus que de n’importe quelle autre.

48Quant à nous, nous ne croyons pas en la vertu de cette consultation qui nous semble cacher officieusement des intentions frauduleuses, voire une procédure destinée à tromper l’opinion.

49Qu’à cela ne tienne, étant donné que le référendum sous examen est une obligation constitutionnelle, il y a lieu d’y pourvoir.

50Compte tenu du fait que les opérations référendaires ressemblent aux opérations électorales et qu’elles entraînent autant de dépenses que les élections proprement dites, il y a lieu de se demander s’il ne faut pas se passer de cette étape, pour aller tout droit aux élections. Ce sera violer la Constitution comme l’on avait violé la loi référendaire de 1967.

51Pour ce faire, et pour éviter d’être accusé de violer le texte fondamental, il faudra peut-être procéder à la révision constitutionnelle conformément aux dispositions de l’article 201 de la Constitution de Transition.

52Avril 2005

Notes

1  Jacqué (J.P. ), Droit constitutionnel et institutions politiques, Dalloz, Paris, 4e édition, 1999 ; Leclercq (Cl.) et Trnka (H.), Droit constitutionnel, Paris, LITEC, coll. «Concours des fonctions publiques», 1986 ; Burdeau (G.), Hamon (F.), Troper (M.), Droit constitutionnel, L.G.D.J., 26e édition, Paris, 1999.

To cite this article

Dr Bibombe Mwamba, «Un Référendum pour quoi faire ?», Fédéralisme Régionalisme [En ligne], Volume 5 : 2004-2005 - La IIIe République Démocratique du Congo, URL : https://popups.ulg.ac.be/1374-3864/index.php?id=291.

About: Dr Bibombe Mwamba

Professeur à l’Université de Kinshasa