Fédéralisme Régionalisme

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Johanne Poirier & Nicolas Levrat

Le fédéralisme coopératif comme terrain de jeu du droit

(Volume 18 : 2018 — Le fédéralisme coopératif comme terrain de jeu du droit)
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Introduction

1Il y bientôt quarante ans, Michel Van de Kerchove et François Ost nous invitaient à analyser les phénomènes juridiques au travers du prisme du jeu1. Le présent numéro spécial de la revue Fédéralisme - Régionalisme propose d’appliquer ce paradigme au fédéralisme coopératif, dans une perspective comparatiste, en explorant le « jeu du droit » dans le fonctionnement des systèmes fédéraux belge, canadien, suisse et celui de l’Union européenne (UE).

2Les études réunies dans le présent volume sont le fruit d’une coopération entre trois universités francophones, non françaises : l’Université de Genève, l’Université libre de Bruxelles et l’Université de Montréal, qui en 2013 ont institué le G3 de la francophonie2. Ce consortium soutient principalement la création de groupes de recherches entre les universités partenaires. C’est ainsi que s’est constitué un « groupe d’étude sur les politiques publiques dans le cadre du fédéralisme coopératif ». De manière intéressante et non-intentionnelle, il est immédiatement apparu que les pays dans lesquels sont implantées les universités partenaires du G3 (Belgique, Canada et Suisse) se trouvent être des Fédérations, mettant en œuvre – sous diverses formes – un fédéralisme coopératif.

3Ces trois Etats semblent aussi être les seuls Etats fédéraux au sein desquelles le français est pratiqué comme langue officielle et minoritaire3. De plus, les chercheurs de ces trois universités s’accordent, dès leur première rencontre, sur le fait qu’il existe une autre « Fédération »4 – atypique il est vrai – au sein de laquelle le français est également une langue officielle et minoritaire : l’UE5. Cette singularité relie les cas d’études de ces quatre systèmes, fédéraux, plurilingues et francophones, qui tous pratiquent le fédéralisme, mais selon des philosophies et des logiques institutionnelles bien distinctes.

4Mettant en lumière les jeux du droit dans le fédéralisme coopératif, la présente recherche collective contribue à l’étude du fédéralisme coopératif sous l’angle du droit comparé. Elle contribue également à l’étude des transformations du rôle et des formes du droit dans la gouvernance des politiques publiques au sein de structures fédérales dans un monde globalisé.

5La présente introduction campe le terrain de jeu de cette recherche collective.

6Une première partie aborde « Les règles du jeu » (1). Elle sonde la polysémie de la notion de « jeu » (1.1) et montre en quoi le fédéralisme repose en principe sur une charpente juridique et sur la primauté du droit (1.2). Elle explore aussi comment, de façon paradoxale au regard de l’affirmation précédente, le fédéralisme coopératif valse entre terrains de jeu juridique et politique (1.3).

7Une seconde partie constate que « Les jeux sont faits dans les fédérations » (2). Y sont tour à tour exposés, « Le grand mikado institutionnel de la gestion des compétences enchevêtrées » (2.1) et combien « L’articulation des équilibres fédéraux dans le contexte des ‘en-jeux globaux’ constitue ‘un jeu d’adresse’ » (2.2.). Enfin, en constatant que « Trop de ‘jeu’ dans la structure juridique fédérale peut représenter un jeu dangereux », nous nous pencherons notamment sur le constat que le jeu du fédéralisme se déplace partiellement, fréquemment et cycliquement, « hors du droit », aux frontières du terrain de jeu juridique (2.3).

1. Les règles du jeu

8Originellement, la référence au jeu dans les sciences sociales dérive de l’application de modèles mathématiques à des processus décisionnels. Dès la fin du XIXème siècle, les mathématiciens s’intéressent à explorer et expliquer au travers de modélisations les choix de joueurs à proprement parler (notamment des joueurs échecs) ou d’acteurs prenant des décisions économiques. Les travaux de Von Neumann, des années 1920 aux années 19506 vont permettre, dès les années soixante, l’utilisation du paradigme du jeu dans les sciences sociales. Se développe dans ce contexte – sous l’appellation de Law and Economics – des théories du jeu analysées par le truchement de formules mathématiques7.

9Pour leur part, les sociologues et philosophes du droit Ost et Van de Kerchove ont recours au « jeu » pour décoder diverses facettes du droit en dépassant la simple approche économique et mathématique. Ils soulignent en outre que la métaphore et le paradigme du jeu sont mobilisés dans plusieurs approches méthodologiques du phénomène juridique : de la sociologie et de l’histoire du droit, en passant par l’interprétation, la sémiologie et la théorie générale du droit8. Nous proposons d’y ajouter le fédéralisme coopératif.

1.1 Le jeu du droit : polysémie de la notion de jeu

10L’approche introduisant la perspective du jeu permet d’échapper au schéma juridique austinien9, d’un positivisme fondé sur l’édiction autoritaire de normes (« command ») et le contrôle administratif et/ou juridictionnel de leur mise en œuvre (« control »). Le paradigme du jeu prend en considération les acteurs au sein du système juridique, comme des agents dotés de stratégies propres, qu’ils tentent de mettre en œuvre au mieux de leurs propres intérêts – et parfois également ceux d’autres joueurs - en utilisant le droit comme un outil10. Cette perspective affaiblit la vision mécaniciste du droit et montre notamment que les acteurs publics ne sont pas uniquement guidés par une soumission entière au principe de légalité et de la hiérarchie.

11En réalité, les acteurs publics disposent de la latitude de choisir entre différents mécanismes juridiques (ou non) – contraignants, coopératifs ou incitatifs – pour parvenir à leurs fins11. C’est particulièrement le cas d’une action publique qui se déploie par des voies et des voix multiples, au sein d’un régime fédéral. La métaphore du jeu invite ainsi à la reconnaissance d’une certaine souplesse dans la mise en œuvre du droit, voire même dans le choix entre divers instruments de l’action publique, que ces instruments soient de nature juridique ou non. Dans ce premier sens, le « jeu du droit » signifie que le droit ne règle pas tout, que les acteurs, même dans le cadre d’un État (fédéral) de droit, peuvent choisir de « jouer » au droit dans un sens strict, ou, au contraire, d’assouplir les règles juridiques par des incursions dans le « non-droit ». Ou, pour le dire plus simplement, dans la sphère politique.

12Au-delà de cette première acception qui rend compte d’une approche moins calquée sur une conception « algorithmique », restrictive et positiviste du droit, un second sens du terme « jeu » mérite selon nous d’être retenu dans le contexte du fédéralisme. Dans le domaine de la mécanique le terme « jeu » fait référence à un « espace ménagé pour la course d’un organe, le mouvement aisé d’un objet »12. En d’autres termes, un espace, une marge, subsiste pour permettre l’articulation au sein d’un mouvement mécanique. On dit ainsi qu’il y a un « jeu » entre une porte et son cadre. Un « jeu » qui peut empêcher la porte de coincer, qui lui laisse un espace de mouvement. Mais un « jeu » qui peut aussi devenir problématique s’il prive la porte de sa fonction première (en laissant passer trop d’air, par exemple).

13Loin de contredire le premier sens du terme « jeu », ce second sens renforce, notamment dans l’étude des systèmes fédéraux, la pertinence de la référence au jeu. En effet, au sein du fédéralisme coopératif, de nombreux espaces d’articulation entre les ordres de gouvernement existent. Le système comporte des « jeux », des espaces, autorisant une certaine souplesse dans la mise en œuvre du fédéralisme. De manière concrète, les joueurs « jouent au droit », s’échappent parfois du carcan juridique, et dans leurs interactions, trouvent des espaces – qui peuvent rendre les juristes perplexes – qui permettent au système de s’ajuster, d’évoluer, de fonctionner13.

14C’est donc principalement à l’examen des jeux qui se déroulent dans ces interstices du droit – voire parfois en marge du droit – au sein de quatre systèmes fédéraux que sont consacrées les dix études que comporte ce numéro spécial. Les acteurs y sont considérés comme des joueurs, qui choisissent leur jeu, respectent les règles du jeu, s’en écartent ou encore les re-négocient. Ces mêmes acteurs trouvent dans les espaces créés dans l’édifice fédéral, une certaine liberté d’action qui parfois sera positive (lorsqu’elle permet l’élaboration de politiques publiques cohérentes), parfois inquiétante (lorsque les écarts rendront les actes opaques et les protègeront des mécanismes de contrôle parlementaire ou juridictionnels essentiels à la démocratie et à l’Etat de droit).

15En somme, dans le cadre du fédéralisme coopératif, les « joueurs » jouent un double-jeu. D’une part, ils oscillent entre les contextes ludiques « juridique » et « politique » selon des formules qui varient selon les systèmes en cause. D’autre part, ils profitent d’un « jeu » qui entoure les règles de droit strictes : un espace qui assouplit les rapports, et dès lors, favorise l’adaptation et la permanence du jeu fédéral.

1.2 L’état de droit, le fédéralisme et les jeux du droit

16Le principe de l’Etat de droit suppose la soumission effective de toute autorité au droit. Dans un sens – le premier que nous avons exposé dans la section précédente – le paradigme du jeu en droit est la reconnaissance d’un possible assouplissement de la conception classique de l’Etat de droit.

17Dans le cadre d’un Etat unitaire, le principe de l’Etat de droit vise à assurer la garantie, voire la promotion, des droits fondamentaux de la personne en limitant et contrôlant l’exercice du pouvoir par les détenteurs de la puissance publique. Les principes et mesures de séparation et limitation du pouvoir (entre différentes « branches » de l’Etat) sont – dans l’Etat unitaire – conçus au bénéfice des individus14. Dans cette logique, les jeux du droit entre pouvoirs publics – comme par exemple le pouvoir législatif et l’exécutif – sont tolérables, même au regard du principe de l’Etat de droit. Ils peuvent même parfois paraître souhaitables, dans la mesure où ils servent mieux l’intérêt public, pour autant qu’ils ne portent pas atteintes aux libertés individuelles, à d’autres droits fondamentaux ou à la démocratie.

18Par contre, dans un cadre fédéral, la fonction du droit n’est pas uniquement de préserver les droits fondamentaux des individus face à de possibles abus des pouvoirs constitués. Le droit a vocation additionnelle à garantir l’équilibre entre les différents ordres de pouvoir – fédérés et fédéral – chacun doté d’une légitimité démocratique propre. Un système fédéral nécessite une constitution écrite, un « contrat » originel15 (mais qui peut être souvent réaménagé) qui fonde les règles du jeu, et désigne un arbitre des conflits16. Le principe de l’Etat de droit assure donc non seulement le respect des droits des citoyens face à l’Etat mais il sert également de garantie afin que ce ne soient pas des rapports de force – mais bien des rapports encadrés par le droit – qui garantissent les équilibres fédéraux. En théorie, donc, le respect de la règle de droit par les autorités devrait jouer un rôle encore plus considérable au sein des Fédérations que dans les Etats unitaires. Une Fédération « hors du droit » ne serait sans doute qu’un « château de cartes ».

19De ce point de vue, il est intéressant de souligner que l’émergence de l’Etat moderne, doté d’institutions définies par une Constitution écrite et agissant dans le cadre d’un « Etat de droit », est concomitante (et quasi-consubstantielle) avec l’émergence de l’Etat fédéral contemporain, dans le dernier quart du XVIIIe siècle en Amérique du Nord, avec l’adoption de la Constitution des Etats-unis d’Amérique. Ainsi, le modèle du droit public moderne coïncide largement avec celui de l’Etat fédéral moderne. En d’autres termes, l’encadrement juridique de l’action des pouvoirs publics est historiquement et fonctionnellement un élément constitutif du fédéralisme. L’on pourrait donc soutenir que l’Etat de droit (ou ses synonymes : la primauté du droit ou la règle de droit) est plus indissociable encore de l’Etat fédéral que du modèle de l’Etat libéral unitaire.

20L’option fédéraliste a été reprise et déclinée dans multitudes de variantes, notamment lors de la constitution d’un Canada fédéral (1867), d’une Confédération helvétique (1848, 1874, 1999), ou d’une République fédérale d’Allemagne (1948). Dans la seconde moitié du XXe siècle, le fédéralisme suit des trajectoires nouvelles, lorsque la Belgique se transforme progressivement d’un Etat unitaire en Etat fédéral17, alors même que l’UE fait émerger une Fédération internationale d’une organisation internationale visant l’intégration régionale18. Ces évolutions sont fondées sur une idéologie reconnaissant que la démocratie – y compris en contexte fédéral – doit rester contrainte par un engagement envers la primauté du droit.

1.3 Le fédéralisme coopératif : entre terrain de jeu juridique et politique

21Si le droit est inhérent au phénomène fédéral, peut-on dire la même chose de la coopération ? Autrement dit, le fédéralisme est-il ontologiquement coopératif ? La réponse à cette question appelle de nombreuses nuances. Dans une perspective empirique, il est difficile d’imaginer un système fédéral où les partenaires n’entretiendraient pas de relations entre eux. Ces relations peuvent être en effet coopératives (et axées sur la coordination de politiques publiques, le partage d’information ou de ressources, etc.). Mais elles peuvent être également compétitives, conflictuelles, voire comprendre une mesure de coercition19.

22Le terme usité dans le domaine des sciences politiques – celui des « relations intergouvernementales – est dans ce sens, plus « neutre », puisqu’il ne présume pas que ces relations soient cordiales ou collaboratives20. Evidemment, en français, l’expression inter-gouvernementale laisse sous-entendre que les relations sont l’apanage des branches exécutives. Si la domination des exécutifs est – toujours d‘un point de vue empirique – indéniable, il est clair que d’autres acteurs et mécanismes peuvent être mobilisés dans les relations entre partenaires d’une Fédération, y compris entre les branches législatives, voire entre juridictions21, via des organes conjoints dotés d’une certaine indépendance, etc.22

23Mais, au-delà de l’observation de l’éventail de relations que peuvent entretenir les partenaires au sein d’une Fédération, celles-ci s’inscrivent-elles inéluctablement dans le registre juridique ? Autrement dit, l’impératif de l’interaction, se conjugue-t-il à l’impératif de l’Etat de droit pour faire en sorte que le « jeu du fédéralisme coopératif » soit nécessairement assujetti au droit ? Le jeu du fédéralisme doit toujours se dérouler sur le terrain de jeux « juridique » ?

24Les quatre Fédérations analysées ici pratiquent toutes le fédéralisme coopératif. Mais à divers degrés, et selon des modalités distinctes.

25Dans le cas suisse et celui de l’UE, la coopération est clairement intégrée dans la charpente institutionnelle. Ainsi, à l’instar du fédéralisme allemand, ces deux systèmes ont adopté un fédéralisme « administratif » en vertu duquel les entités fédérées mettent en œuvre – en les adaptant le cas échéant aux spécificités locales – les lois et les programmes fédéraux. En contrepartie, les entités fédérées participent à l’adoption de ces mêmes normes et politiques (via le Conseil des Etats en Suisse ou le Conseil, dans l’UE). Il y a donc une sorte de « mécano » institutionnel, qui organise – en partie – le jeu de la coopération fédérale23. De plus, ancré dans une tradition de droit « continental », ces fédérations tendent à placer les normes et les processus dans un registre juridique. A priori, le jeu est encadré dans un cadre institutionnel juridique clairement défini.

26La situation se présente tout autrement dans la fédération canadienne qui – à l’instar de sa voisine américaine – est essentiellement construite selon une charpente dualiste. Dans ce modèle – développé avant l’avènement de l’Etat interventionniste, social ou providence – chaque « ordre » agit, en principe, de façon autonome, de manière parallèle. Chacun dans sa sphère de compétence, sur sa parcelle de « souveraineté », dans son « bac à sable ». Les interactions n’ont pour ainsi dire pas été envisagées – et encore moins conçues sous un angle constitutionnel ou juridique24. Ainsi, aucune institution formelle, aucune règle constitutionnelle écrite, ne prescrit que les relations entre partenaires de la Fédération sont obligatoires, et encore moins qu’elles s’inscrivent dans le registre du droit.

27Cela étant, la pratique du fédéralisme canadien, vieux de plus de 150 ans, est jalonnée de mécanismes coopératifs, élaborés de manière pragmatique, selon un modèle qui trouve analogie dans la diplomatie internationale25. Certains de ces mécanismes sont avalisés par les tribunaux, d’autres restent étonnamment en marge des contrôles juridictionnels26. Dans ce contexte, le « jeu du droit » est différent, et sans doute plus complexe. Tout en restant chacun dans son bac à sable, les joueurs peuvent se retrouver pour élaborer des projets communs et autres formes de coopération. Toutefois, constitutionnellement, l’architecture institutionnelle fédérale et le droit public ne structurent pas la coopération comme c’est le cas en Suisse et dans l’UE.

28La Belgique fait, comme c’est si souvent le cas, figure originale. Fédération issue d’un processus de « dissociation », elle procède largement selon un modèle « dualiste »27. Les compétences y sont réparties sur une base d’exclusivité et les entités fédérées ne mettent pas en œuvre les lois et projets fédéraux. Autrement dit, le pouvoir exécutif est aligné, comme au Canada et contrairement à la Suisse et à l’UE, sur le pouvoir législatif de chaque composante de la fédération. Par contre, dans son processus graduel de fédéralisation, la Belgique a vite élaboré une pléthore d’institutions et de mécanismes coopératifs28. Ancrée dans la tradition juridique continentale, légicentriste, qui préfère mobiliser les règles de droit écrite, la Fédération belge a inscrit ces processus dans un cadre juridique (lois, lois spéciales) accompagné d’une obligation constitutionnelle de loyauté fédérale29. La Belgique pratique donc également le fédéralisme coopératif, mais dans une structure plus dualiste que ses comparses européennes, mais beaucoup moins que la fédération canadienne.

29Régle générale, le droit occupe donc une place plus restreinte dans le jeu du fédéralisme coopératif dans un contexte « dualiste » (à la canadienne) que ce n’est le cas dans le contexte d’un fédéralisme officiellement « intégré » ou « administratif » (à la Suisse ou à l’UE, la Belgique étant à mi-chemin). Autrement dit, les relations qu’entretiennent les membres d’un système fédéral issu de la tradition juridique britannique s’inscrivent davantage dans un registre politique que dans un registre juridique. Toutefois, le fédéralisme dualiste n’écarte pas le droit entièrement non plus : les deux terrains de jeux sont mobilisés, et parfois se superposent30. De même, comme nous le verrons, bien que le droit soit le terrain de prédilection du fédéralisme coopératif « à l’européenne », les joueurs se déplacent régulièrement vers le terrain politique pour continuer leur jeu.

30La seconde partie de cette introduction explore de manière plus contextualisée, comment le fédéralisme coopératif joue avec le droit, dans ces divers contextes.

2. Les jeux sont faits dans les Fédérations

31Les dix contributions qui constituent ce numéro spécial sont regroupées non selon les Fédérations décrites, mais en suivant une logique ternaire.

32Tout d’abord, les trois contributions de la première partie s’intéressent à la difficulté de production et de mise en œuvre de politiques publiques dans les régimes fédéraux au sein desquels la complexité des enjeux et l’intrication des compétences va croissant. Les trois textes abordent la difficile mise en œuvre, sur le plan strictement interne à chacune des Fédérations – in casu la Suisse (Hänni et Zimmermann), la Belgique (Vanackère) et l’UE (Kaspiarovich) – de compétences enchevêtrées. L’ampleur et l’allocation de ces dernières ne correspondent pas nécessairement aux aires géographiques ou aux modalités d’action assignées aux différents ordres de pouvoir au sein de chacune de ces Fédérations.

33Une deuxième partie, réunissant quatre contribution, montre comment, dans le contexte de globalisation qui est celui de nos sociétés contemporaines, les « en-jeux » inter-nationaux mettent les systèmes fédéraux sous tension. Répondre à ces enjeux, nécessite de très complexes modalités d’articulation des compétences à l’interne. Deux contributions utilisent les changements climatiques comme matériau de base pour explorer les jeux du droit (Trudeau et Codère pour le Canada; Dekleermarker pour la Belgique). Une troisième contribution décode les modalités de la gouvernance économique face aux pressions des marchés financiers (Maquil), alors qu’une quatrième explore les mécanismes d’articulation entre les contraintes internes et les attentes internationales en se penchant sur la conclusion d’accords internationaux complexes par l’UE et ses Etats membres (Levrat et Kaspariovich).

34Enfin, une troisième partie s’intéresse à l’impact des jeux du droit sur la structure même des Fédérations observées. Ainsi, avec des titres passablement alarmistes se demande-t-on si la Belgique est un « Etat-failli » (Bourgaux), ou si l’UE progresse vers la Fédération par la destruction de l’édifice communautaire (Levrat). D’une manière plus mesurée et pragmatique, une dernière contribution nous rappelle qu’il ne s’agit somme toute que d’une nouvelle déclinaison du rapport complexe qu’entretiennent les registres politique et juridique dans le jeu du fédéralisme en général, et du fédéralisme coopératif en particulier (Poirier).

2.1 La gestion des compétences enchevêtrées : un grand mikado institutionnel

35La gestion des compétences enchevêtrées est certainement l’une des difficultés propres aux Fédérations. Dans certains cas, des compétences explicitement concurrentes créeront cette interpénétration, cette superposition d’autorités. Dans d’autres cas, des compétences exclusives se rencontreront sur un terrain concret, dans le cadre d’actions publiques distinctes mais simultanées portant sur une même politique publique. Le chevauchement sera alors pragmatique, donnant lieu à une concurrence de facto. Cette dernière peut être avalisée par le biais d’interprétations constitutionnelles31.

36Il est, en la matière, piquant de constater que dans les trois cas étudiés dans cette partie (la Suisse, la Belgique et l’UE), l’enchevêtrement des compétences ne résulte pas d’un décalage entre une historique allocation de compétences au sein de la Fédération et les défis nouveaux de la modernité, comme c’est le cas au Canada, où la répartition des compétences date du 19e siècle et a à peine été retouchée par voie de modifications constitutionnelles32. Le « mikado institutionnel » résulte plutôt des difficultés d’ajustage ou de gestion de compétences nouvellement attribuées ou aménagées au sein de chacune des Fédérations. C’est vrai tant du schéma explicite de compétences exclusives qui fonde officiellement l’architecture fédérale belge33, que de la répartition des compétences en Suisse et dans l’UE, où la concurrence est beaucoup plus fréquente, voire la norme.

37Ainsi, dans leur contribution sur « l’enseignement des langues en Suisse : entre concorde forcée et diversité coordonnée », Dominique Hänni et Nesa Zimmermann le disent clairement :

« […] tant le fédéralisme coopératif que le domaine de l’éducation ont subi de profondes modifications suite à des réformes intervenues au début des années 2000. [… I]mpliquant une multiplicité d’acteurs à différents niveaux – fédéral, intercantonal, cantonal – et une multitude d’actes législatifs, réglementaires et de soft law, la problématique ressemble à un véritable Mikado institutionnel. Or, comme dans le jeu du même nom, pour élaborer la stratégie gagnante, il ne suffit pas de se focaliser sur la baguette convoitée – en l’espèce l’enseignement des langues –, mais il convient d’analyser également les baguettes qui l’entourent. »

38Et logiquement d’en conclure que :

 « la relation étroite entre les différents instruments a pour conséquence que la remise en question de l’un d’entre eux n’est pas sans conséquences pour les autres. Une solution durable n’est à notre avis possible qu’en prenant en compte l’ensemble des actes pertinents, ainsi que les liens entre ces derniers et avec la participation de tous les acteurs, tout en gardant un certain équilibre entre ces derniers. »

39Effectivement, on imagine clairement un jeu de mikado institutionnel qui implique, soit l’immobilisme en termes de politiques publiques, soit des processus décisionnels complexes, subtils, probablement lents et aux conséquences non-linéaires.

40Cette multiplicité d’acteurs, et de niveaux de jeu entre droit au sens strict (hard law) et soft law trouvent d’une manière intéressante et révélatrice, un parfait écho dans la contribution de Flore Vanackère : « Vers une hybridation des règles du jeu coopératif : Le cas de gestion commune de la Forêt de Soignes ». Ce jeu vise la gestion cohérente d’un écosystème commun, qui a la particularité d’être sis sur les trois régions qui constituent la Belgique, tout en mobilisant des compétences tant régionales que fédérales. Tentant de décoder « qui peut faire quoi » dans un tel contexte géographique et constitutionnel, Vanackère se trouve confrontée à

« un véritable ‘jeu de piste de la force normative’, formé d’étapes renvoyant tour à tour vers une norme de hard law […], sur base de laquelle est adopté un accord que nous classerions plutôt dans la catégorie du soft law intralégislatif […] créant lui-même une institution dont la mission principale est l’élaboration de normes que nous qualifierions de soft law para-législatif ».

41L’on constate ainsi un

« jeu de ‘va-et-vient’ entre le droit public et le droit privé dans le cadre coopératif belge, notamment au vu de la tendance, pour le décideur public belge, à choisir la voie contractuelle plutôt que l’édiction unilatérale de règles juridiques. »

42Il paraît clair que les frontières du droit public au sein de la Belgique sont ébranlées par pareils jeux34.

43Dans la troisième contribution de cette partie, intitulée « Qui fait les écolabels européens ? », Yuliya Kaspiarovich démontre que malgré la différence de thématique et de cadre institutionnel, les difficultés et les enjeux sont les mêmes que ceux soulevés dans les deux contributions précédentes. Mais avec une complexité additionnelle : celle de l’introduction dans la partie d’acteurs privés, et d’actes – les écolabels européens – dont l’adoption est laissée à la discrétion de ces acteurs privés. Nous sommes clairement là dans le champ de l’action incitative, que Kaspiarovich décrit comme :

« un encadrement normatif ‘hybride’. Situé quelque part entre la production et la mise en œuvre standard du droit de l’UE, la particularité du système du label écologique de l’UE repose dans la multitude d’acteurs mobilisés aux différents stades du processus. Ce modèle de gouvernance multiniveau se retrouve dans son cadre naturel qui est l’UE. »

44Nous lui laissons bien évidemment la responsabilité de cette dernière affirmation, mais prenons actes des convergences entre ces trois contributions.

45En effet, celles-ci mettent en évidence l’évolution des modalités de l’action des pouvoirs publics : un constat qui n’est pas totalement nouveau. Les acteurs publics ont recours à de nouveaux mécanismes, échappant à la norme unilatérale classique. On incorpore la figure du contrat ou de la soft law en un amalgame d’instruments. On intègre aussi des acteurs privés, dans une logique de gouvernance à multi-niveaux35.

46Cette dynamique, qui n’est pas propre aux systèmes institutionnels fondés sur le fédéralisme coopératif, a été abordée dès les années 1980, notamment par les travaux inscrits dans une perspective systémique (luhmannienne) de Gunther Teubner et Helmut Willke36. Par contre, les conséquences de ces évolutions sur les équilibres au sein d’une structure fédérale vont au-delà d’une simple transformation des outils et des acteurs de l’action publique et du rôle du droit. Elles ont une importance systémique dans le cadre de Fédérations, sur laquelle nous reviendrons ci-bas (section 2.3).

2.2 Articuler les équilibres fédéraux et les enjeux globaux : un jeu d’adresse

47La seconde partie de ce numéro spécial examine la dynamique du fédéralisme coopératif dans le contexte de l’élaboration de réponses à des enjeux globaux. On se retrouve, en quelque sorte dans un « jeu sans frontière » (lequel a pourtant un impact réel sur les frontières internes d’un système fédéral). Conserver un équilibre fédéral face aux pressions « externes » est l’un des défis majeurs auxquels sont aujourd’hui confrontées les structures fédérales.

48En effet, les systèmes fédéraux sont formés pour canaliser une diversité et des dynamiques internes qu’ils traduisent par une architecture institutionnelle spécifique. Les Fédérations subissent en conséquence de plein fouet la globalisation, qui notamment remet en cause la pertinence de la distinction entre ce qui relève de l’interne et de l’international. Elles répondent avec des stratégies fort différentes à ces défis inédits.

49Ainsi, dans sa contribution « Une histoire belge : la coopération en matière environnementale et climatique et la COP 21 », Mathieu Dekleermaker démontre combien la Belgique, cherchant un accord préalable entre les différents titulaires de compétences en matière de politique climatique sur le plan interne, s’est trouvée incapable d’adopter une position commune à défendre sur la scène internationale lors de la Conférence de Paris sur le climat de 2015. A défaut d’allocation claire des rôles et responsabilités en Belgique et en conséquence du jeu de l’articulation des compétences internes et externes qui ne coïncident pas exactement, les différends politiques internes ne peuvent être arbitrés, faute de règles du jeu à appliquer. Ainsi constate-t-il « une véritable inflation des instruments de coopération qui n’ont malheureusement pas servi à empêcher la crise politique connexe à la COP21 ».

50Au contraire, il s’inquiète d’

« un jeu de cache-cache où les gouvernements ont joué à créer des cachettes de plus en plus discrètes pour pouvoir se réunir et discuter de la mise en place d’une des politiques publiques les plus importantes aux yeux de la population. Les gouvernements belges sont tellement forts à ce jeu qu’on ne sait même pas si ces réunions ont bien eu lieu, ce qu’il en est ressorti et si ces ‘cachettes’ ont bien été utiles à la mise en place de la politique climatique belge. Ils ont même poussé la maîtrise de ce jeu au point où aucun document n’est accessible concernant ces réunions et les décisions et arbitrages qui y seraient adoptés échappent également au contrôle des parlements. »

51Il rejoint en ce sens les préoccupations soulevées dans deux des contributions de la première partie (Hänni et Zimmermann d’une part, Kaspiarovich de l’autre) quant à l’opacité, au manque de transparence, et donc au déficit de légitimité des processus engendrés par ces jeux du droit au sein des Fédérations.

52La même négociation climatique a donné lieu à un différent jeu de rôle dans le contexte fédéral canadien. Dans « A la recherche d’une tarification pancanadienne du carbone : les enjeux juridiques de la coopération intergouvernementale pour protéger le climat », Hélène Trudeau et Charles Codère retracent la décision de l’exécutif fédéral canadien de s’avancer sur la scène internationale sans avoir préalablement assuré les moyens d’une mise en œuvre sur le plan interne de ses engagements internationaux. Ce choix constitue, aux yeux des juristes tout du moins, un pari risqué. Leur étude fait en effet le constat d’une

 « collaboration obligée des pouvoirs publics fédéral, provinciaux et territoriaux pour à la fois décider des moyens de lutte pour réduire les émissions, et pour ensuite s’assurer de leur application sur l’ensemble du territoire canadien. »

53Cette collaboration prend la forme d’ententes souples entre Ottawa, les provinces et les territoires. Le recours à des instruments infra-juridiques a pour conséquence qu’il paraît douteux aux auteurs que la « cible puisse être atteinte, compte tenu du caractère essentiellement politique de ces démarches et de l’absence d’emprise juridique sur leur résultat. »

54Ils en concluent que « si la collaboration récemment établie ne conduit pas à l’atteinte de la cible environnementale recherchée, il faudra aller au-delà de cette coopération et imposer des mesures coercitives. ». Autrement dit, il faudra sacrifier les équilibres constitutionnels sur lequel repose le système fédéral canadien, afin de répondre aux exigences d’efficacité d’une politique publique coordonnée. Cette centralisation trouverait appui sur l’invocation des engagements internationaux acceptés pour le Canada par le pouvoir fédéral. Assistons-nous à une redéfinition – sous la contrainte externe – du fédéralisme canadien ? Ce serait un jeu de dupe pour les provinces.

55L’UE pour sa part choisit une troisième voie, entre paralysie à la belge et volontarisme – potentiellement centralisateur – ou inefficacité interne au Canada. L’UE développe en effet une pratique par laquelle, tant l’UE (elle-même en tant que sujet du droit international) que ses Etats membres (en tant qu’Etats au sens du droit international) s’engagent conjointement auprès de tiers sur la scène internationale. Profitant de la spécificité qui veut que ses entités fédérées soient des Etats au sens du droit international, l’UE développe une politique « d’accords mixtes » par lesquels tant la fédération (l’UE) que les Etats membres s’engagent parallèlement vis-à-vis de tiers, chacun dans la limite de ses compétences respectives.

56Dans « Le droit international public met-il le fédéralisme coopératif hors-jeu ? Réflexions autour des ‘accords mixtes’ de l’UE », Yuliya Kaspiarovich et Nicolas Levrat expliquent que cette innovation constitue une projection sur la scène internationale de la structure fédérale interne de l’UE.

57Par contre, ce processus est apparu sans que réponse ne soit apportée à la question nébuleuse de la répartition des compétences « internes » en ce qui a trait à la représentation internationale et à la mise en œuvre de ces accords mixtes. Comme le relèvent les auteurs, la conclusion de tels accords – qui brouille les cartes de l’autorité responsable – est une pratique tout à fait inédite pour un sujet du droit international. Pourtant, pour des raisons de realpolitik – qui illustrent éloquemment les jeux du droit international et du fédéralisme à l’européenne – cette pratique est néanmoins largement acceptée par de nombreux partenaires de l’UE et de ses Etats membres.

58A priori, la solution semble concilier les tensions que l’étude des cas belge et canadien ont mis en exergue en permettant tant à l’autorité fédérale (l’Union) qu’aux entités fédérées (les Etats-membres) de s’engager sur la scène internationale de façon à aligner compétences internes et internationales. Cependant, Kaspiarovich et Levrat considèrent que cette « solution » n’est pas tenable. En leurs termes :

« [c]ette pluralité de rôles joués simultanément – globalisation oblige – par les mêmes acteurs sur des scènes distinctes, selon des règles du jeu différenciées ne peut durablement permettre à l’ensemble des acteurs de conserver leur cohérence individuelle et commune. Ce devraient donc être soit les règles qui convergent, soit les acteurs qui disjonctent ! »

59Autrement dit, lorsque les jeux propres à chaque système fédéral doivent s’inscrire dans un cadre international, les règles du jeu interne peuvent avoir pour effet de « figer le jeu » (Belgique), ou de permettre des avancées sur la scène internationale qui ne pourront être mises en œuvre en droit interne, faute d’accord des joueurs (Canada). Ou encore conduire à une multiplication et à une complexification des pions que les joueurs peuvent mobiliser (UE) pour se positionner sur l’échiquier global.

60La quatrième contribution de cette partie illustre également cette dynamique du jeu entre blocages et complexités. A propos de l’UE, à nouveau, Francis Maquil procède à une analyse fine de la crise des dettes souveraines. Celles-ci ont engendré un jeu de poker menteur institutionnel et juridique tant par l’UE et par ses Etats membres, sous l’urgente pression des marchés. Son étude intitulée « Du jeu dans les normes au jeu de la gouvernance de la zone Euro » démontre combien le facteur « temporel » est un ingrédient-clé dans les jeux du droit. A défaut de temps, (donc dans l’urgence), c’est la légalité elle-même qui est mise hors jeu. Le verdict est saisissant :

 « Alors que l’Union européenne se targue d’être une union fondée sur le droit, la gouvernance de l’UEM et de la zone Euro révèle un ‘jeu’ à géométrie variable tant en ce qui a trait aux joueurs (qui varient selon les institutions et les mécanismes) qu’aux normes juridiques (qui valsent entre droit européen, droit ‘de quelques acteurs européens’, droit international, droit privé, et instruments de soft law. Ce jeu complexe est façonné au gré des ‘jeux’ des marchés et du pouvoir. »

61Voilà qui ne peut qu’inquiéter les tenants de l’Etat de droit, pourtant, nous l’avons montré dans cette introduction, consubstantiel au modèle fédéral.

2.3 Trop de jeu 37 dans la structure juridique fédérale : un ‘jeu’38 dangereux

62Les titres des deux premières contributions de cette troisième et dernière partie de ce numéro spécial sont révélateurs de l’appréhension que la contribution de Maquil suscite.

63Dans son étude « La Belgique, Etat failli ou Fédération… para-fédérale ? Le comité de concertation comme illustration des jeux du droit », Anne-Emmanuelle Bourgaux constate que cette institution bien particulière du fédéralisme coopératif belge, contrairement à ce que son appellation aurait pu laisser espérer, « devient l’amphithéâtre des conflits et non l’architecte des solutions. »

64Bilan désabusé suite à une étude sans concession des dysfonctionnements du fédéralisme et de la démocratie belge. Rejoignant le constat effectué par Dekleemarer, l’auteure souligne que ces jeux du droit entre membres des exécutifs au sein de la Fédération belge ont pour conséquence d’occulter du regard critique des citoyens les processus de la décision politique. C’est au détriment du fonctionnement transparent et démocratique du système que certains élus se livrent à leurs petits jeux. Au détriment de la démocratie et aussi, bien évidemment, de l’Etat de droit. Ainsi pour Bourgaux « [u]n jeu avec des règles floues n’est presque plus un jeu. C’est déjà une bataille. »

65Selon une méthode très différente et que l’on pourrait qualifier d’holistisque, Nicolas Levrat arrive à des conclusions similaires au terme de sa contribution intitulée « De la CEE à l’UE : le jeu dangereux d’une progression vers la Fédération par la déconstruction de l’édifice juridique communautaire ». Après avoir montré comment, très progressivement, les juges européens ont réussi à transformer un régime juridique de droit international en un système fédéral fondé sur le droit, Levrat s’interroge sur les évolutions récentes de l’UE en ces termes :

 « Se pourrait-il que les règles du jeu du droit au sein de l’UE soient devenues si complexes que plus personne ne maîtrise les paramètres de la partie ? Ou est-ce que les institutions nationales et de l’UE, dans la partie complexe qu’elles disputent depuis 60 ans autour de la nature, la substance et la structure d’un droit européen, sont arrivées à ce qu’au jeu d’échec on qualifierait d’une situation de ‘pat’39 ? »

66Ce qui, selon lui et si l’on suit la métaphore du jeu d’échec, pourrait signifier une prochaine fin de partie pour l’UE !

67Toutefois, derrière ce sombre scénario, Levrat avance aussi la possibilité qu’un nouveau cadre juridique – un tout nouveau jeu – puisse naître de ces apparentes incohérences et que l’on puisse

« appréhender l’actuel système juridique européen, y incluses ses apparentes tensions et contradictions au regard des formes connues du droit, comme un phénomène juridique nouveau, dont il revient aux chercheurs d’identifier la nature et les lois fondamentales. Ce qui apparaît dans notre approche classique du droit comme un mauvais ajustement du système juridique de l’UE pourrait précisément constituer l’espace privilégié au sein duquel les lois fondamentales d’un nouveau droit sont en train d’émerger ou déjà de se déployer ? Peut-être une forme juridique spécifique à la gouvernance à multi-niveaux ? »

68Dans la contribution finale de ce numéro spécial, Johanne Poirier revient sur la dialectique entre les jeux du droit et du politique. Dans un article intitulé « Les registres politiques et juridiques encadrant le fédéralisme coopératif au Canada : le jeu du chat et de la souris », l’auteure explore comment le fédéralisme dualiste canadien s’est graduellement, casuistiquement, muté en fédéralisme coopératif, mais sans que la charpente constitutionnelle ne soit fondamentalement altérée. Il en résulte une valse-hésitation entre deux modèles de fédéralisme, et entre les registres politique et juridique. Contrairement au dessin animé, où le petit rongeur (Tom) finit toujours par avoir le dessus sur le chat (Jerry), le scénario est plus équilibré. C’est notamment le cas parce que l’arbitre constitutionnel (la Cour suprême) tend à faciliter la coopération (diluant le dualisme), mais sans jamais sanctionner la non-coopération (diluant alors le fédéralisme coopératif). En somme, pour Poirier, « le fédéralisme coopératif au Canada offre un terrain fertile pour réfléchir au ‘ jeu du droit (et du non-droit)’. Et ce, non seulement dans le contexte domestique, mais également dans un contexte comparatif ».

Conclusion

69Nous pourrions tenter en conclusion de cette introduction à chercher des tendances propres à chaque génie fédéral. Les trois contributions relatives à la Belgique dévoilent combien la recherche de solutions aux défis de ce système fédéral passe par la constitution de nouvelles institutions. Avec pour seul résultat de complexifier et d’opacifier le système, non de le fluidifier ou de le rendre plus efficace. Les deux contributions sur le fédéralisme coopératif au Canada démontrent que – sans doute sous l’influence d’une approche marquée par la common law et du droit public britannique – la dimension politique des solutions affleure toujours sous le mince vernis juridique. Le cas suisse illustre que le jeu du droit dans ce système fédéral particulier ne peut faire abstraction de la présence permanente des citoyens, par le biais des mécanismes de démocratie directe. Ces derniers sont – collectivement – un acteur important dans le jeu fédéral helvétique. En réduisant la marge de manoeuvre des autres joueurs (élus), les citoyens ont clairement un impact plus déterminant dans la Fédération suisse que dans les autres Fédérations, au sein desquels les acteurs élus ont les coudées plus franches.

70Quant aux études sur l’UE, toutes soulignent la permanente recherche de solutions singulières, novatrices, qui privilégient une grande fluidité – pour ne pas dire un grand flou – dans l’allocation et l’exercice des compétences dans ce système fédéral insolite.

71Mais la conclusion principale que l’on peut tirer de ces études consacrées au « jeu du droit » dans le contexte du fédéralisme coopératif, c’est que si ce paradigme du jeu semble plus déstabilisateur dans une structure fédérale que dans un Etat unitaire, c’est peut-être parce que le fédéralisme rend ces jeux plus évidents, plus visibles, chacun des acteurs pouvant évoquer sa propre légitimité politique et ses propres compétences pour dans un jeu à multi-niveaux. En fait, peut-être cette appellation de « jeu du droit » sert à cacher un jeu bien plus sérieux et plus ancien dans les Etats modernes, le duel historique qui oppose le politique et le juridique (comme le montre bien Poirier). Ce rapport entre droit et politique, le positivisme juridique semblait l’avoir une fois pour toute tranché, en subordonnant le politique au droit via le principe de l’Etat de droit.

72Evidemment, de forts courants théoriques ont remis en cause le positivisme juridique, en ce compris le pluralisme juridique, les études socio-juridiques et dans une large mesure l’analyse de l’Etat « global »40. Le principe fondateur du positivisme pose que c’est le droit existant qui permet de fixer la frontière entre droit et politique ne semble pas sur le point de se dissoudre. Mais du point de vue de l’autre joueur – le politique – la partie est peut-être déjà plus avancée que ne le croient les juristes.

73Les contestations permanentes – par des politiciens d’opposition ou au pouvoir – du principe de l’Etat de droit et des juges qui en sont les garants (actuellement en Autriche, Hongrie, Italie, Pologne et Suisse par exemple) est un jeu effectivement dangereux. Les théoriciens sérieux d’un renversement de la domination du juridique par le politique existent41. Et les conséquences d’une partie gagnée par le politique sont, dans un système unitaire, connues42.

74De prime abord, le fédéralisme paraît plus fragilisé par les jeux du droit que des structures plus centralisées et hiérarchisées. Fondés sur un équilibre que le droit en principe établit et consolide, les systèmes fédéraux devraient être plus vulnérables face aux écarts, aux contournements des règles du jeu (juridique). Pourtant, au-delà de cette fragilité présumée, se pourrait-il que les systèmes fédéraux se révèlent plus habiles, plus résilients, plus « robustes », tels les roseaux de Lafontaine ?

75Ce que ces études mettent en avant, c’est que le droit ne se limite plus à un outil formel servant de toile de fond à l’élaboration des priorités politiques qui traduisent les demandes de la société civile. Au XXIe siècle, le droit constitue l’une des ressources mobilisables (ou escamotables) dans la définition et la conduite de politiques publiques. Les joueurs peuvent moduler les règles, les négocier, et valser entre registres politiques et juridiques.

76D’où un possible jeu du droit, entendu dans sa dimension polysémique. D’une part, ce jeu révèle des interstices dans l’ajustage des compétences et de leur exercice au sein des systèmes fédéraux. D’autre part, les divers jeux auxquels les acteurs institutionnels d’une fédération peuvent se livrer dans leur quête de « coopération » leur permettent d’instrumentaliser le matériau juridique – voire de l’occulter – dans une perspective politique.

77L’on peut y voir une menace pour l’Etat de droit ou pour le fédéralisme coopératif. Ou, de manière plus optimiste, on peut constater, avec Jenna Bednar, qu’une fédération ne sera « robuste » – et capable de remplir son mandat et son destin – que si elle peut s’appuyer sur de nombreux piliers : certains juridiques43, d’autres politiques44. Quoique ces registres puissent paraître en tension, selon cette conception, c’est plutôt leur complémentarité dans des articulations toujours renouvelées qui permet aux systèmes fédéraux de s’ajuster, de perdurer. En d’autres termes, de rester dans le jeu.

Notes

1 Ost (F.) et Van de Kerchove (M.), « Le jeu de l'interprétation en droit. Contribution à l'étude de la clôture du langage juridique », Archives de philosophie du droit, 1982, p. 395. Ost (F.), « Entre ordre et désordre, le jeu du droit. Discussion du paradigme autopoïétique appliqué au droit » Archives de philosophie du droit, 1986, p. 131. Van de Kerchove (M.) et Ost (F.), Le droit ou les paradoxes de jeu, Paris, PUF, 1992.

2  Voir http://g3univ.org/. Nous remercions d’ailleurs les trois institutions pour leur soutien financier, logistique et intellectuel à cette entreprise collective si riche en découvertes et en enseignements. Il convient de noter que Johanne Poirier, qui co-dirige ce numéro spécial, était, au moment de l’élaboration du projet, et jusqu’en 2015, professeure à l’Université libre de Bruxelles.

3  Le caractère minoritaire du français fait uniquement référence à une réalité démographique au sein de ces Fédérations (il y a moins de locuteurs francophones que d’une autre langue majoritaire ou dominante au sein de chacune de ces Fédérations), qu’à un statut juridique particulier. Au contraire, d’un point de vue formel, le français est dans toutes les Fédérations étudiées en position juridique d’égalité avec les autres langues principales de la Fédération. Signalons tout de même que l’Union des Comores utilise le français comme l’une de ses langues officielles. Dans un souci d’exhaustivité, il faudrait l’ajouter à notre liste.

4  En 2007, Olivier Beaud publie un ouvrage intitulé Théorie de la Fédération (Paris, PUF) dans lequel il soutient que la distinction entre Etat fédéral et confédération est un non-sens juridique. Ainsi le terme « Fédération » désigne une catégorie d’organisation politique ontologiquement différente de celle de l’Etat. Dans ce sens, pourraient être regroupés au sein de cette catégorie les quatre systèmes fédéraux que nous étudions dans ce numéro.

5  Dans cette Fédération également, le français est démographiquement minoritaire – mais en situation de pleine égalité (voire privilégiée puisque c’est la seule langue de travail de juges de la Cour de Justice et une des trois langues de travail de la Commission européenne).

6  Avec notamment l’ouvrage co-écrit avec Oskar Morgenstern, Theory of Games and Economic Behavior, Princeton U. Press, 1944.

7  Pour une synthèse de ces approches, voir Baird (D.), Gertner (R.) et Picker (R.), Game Theory and the Law , Harvard University Press, 1998 ; Harrison (J.), Law and Economics in a Nutshell, Thomson/West, Saint-Paul (Minnesota), 2011.

8 Ost (F.) et Van de Kerchove (M.), « Le jeu : un paradigme fécond pour la théorie du droit? » Droit et société, 1991, vol. 17, n. 1, p. 161-196.

9 Austin (J.), The Province of Jurisprudence Determined, Londres, 1832.

10  La mouvance de l’analyse économique du droit repose sur la prémisse que les acteurs sont toujours « rationnels » et que leur rationalité les amène à toujours prendre des décisions en fonction de leurs propres et uniques intérêts. Voir Picker (R.),, « An Introduction to Game Theory and the Law », Coase-Sandor Working Paper Series in Law and Economics, University of Chicago, 1994, aux pp. 5 et 12. La réalité – comme le montrent notamment le pluralisme juridique et le fédéralisme – est plus complexe.

11 Bolleyer (N.), Intergovernmental Cooperation: Rational Choices in Federal Systems and Beyond, Oxford, Oxford University Press, 2009 ; Parker (J.), Comparative Federalism and Intergovernmental Agreements, Analyzing Australia, Canada, Germany, South Africa, Switzerland and the United States, Abingdon, Oxon: Routledge, 2015.

12 Le Petit Robert. 2012.

13  Sur la résilience des systèmes fédéraux vus dans une perspective institutionnaliste et systémique, voir, Bednar (J.), The Robust Federation: Principles of Design, New York, Cambridge University Press, 2009.

14  Voir notamment Tamanaha (B.), On the rule of law: History, politics, theory, Cambrige, Cambridge University Press, 2004.

15  Le cas de la Belgique est à cet égard quelque peu particulier, puisque l’Etat fédéral belge ne s’est pas produit par association d’entités politiques préalablement souveraines, comme en Suisse, au Canada ou dans l’UE, mais par une évolution d’une structure unitaire de l’Etat vers une structure fédérale. Les régions et communautés belges ne sont donc pas parties au pacte fédéral originel, et le fédéralisme belge demeure un fédéralisme paradoxal. Certaines nuances devraient aussi être apportées pour ce qui concerne le Canada au regard des provinces créées après l’acte constitutionnel de 1867 ou lors de la scission du « Canada-Uni » au moment même de l’acte fédératif de 1867, et qui a généré les provinces du Québec et de l’Ontario. A l’inverse, tant en Suisse que dans l’UE, les nouveaux Etats membres associés (ou créés) tardivement deviennent partie, dès leur émergence (Canton du Jura en Suisse) ou leur adhésion (nouveaux Etats membres de l’UE) au pacte fédéral.

16  Voir Poirier (J.), « Who is Afraid of (Con)Federalism? », in Poirier (J.) and Deschouwer (K.) (dir.), (Con)Federalism: Cure or Curse?, Bruxelles, Re-BEL Initiative: Re-Thinking Belgian Institutions in a European Context, 2015, pp. 2741, aux pp. 19-21: http://www.rethinkingbelgium.eu/rebel-initiative-files/ebooks/ebook-18/Re-Bel-e-book-18.pdf.

17 Poirier (J.), « The Belgian Federation: Tools of Appeasement; Instruments of Confrontation »,inSaxena (R.),Varieties of Federal Governance – Major Contemporary Models, Cambridge, Cambridge University Press, 2011, pp. 344377 ; Levrat (N.), « La Belgique est un Etat fédéral », Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande, Tome 35, n° 3, juillet – septembre 2003, pp. 373-381.

18  Voir la contribution de Nicolas Levrat dans le présent numéro spécial pour une description et une analyse critique de ce processus.

19 Poirier (J.), Saunders (C.) et Kincaid (J.) (dir.), Intergovernmental Relations in Federal Systems: Comparative Structures and Dynamics, Oxford/Toronto, Oxford University Press, 2015 ; Stenberg (C.) et Hamilton (D.), Intergovernmental Relations in Transition: Reflections and Directions, Routledge, 2018 ; Schutze (R.), From Dual to Cooperative Federalism: The Changing Structures of European Law, Oxford, Oxford University Press, 2009 ; Agranoff (R.), « Intergovernmental Policy Management: Cooperative Practices in Federal Systems », inPagano (M.) et Leonardi (R.) (dir), The Dynamics of Federalism in National and Supranational Political Systems, Basingstoke/New York, Palgrave MacMillan, 2007, pp. 248-283.

20 Poirier (J.), « Intergovernmental Relations in Federal Systems: Ubiquitous, Idiosyncratic, Opaque, and Essential », Fifty Shades of Federalism, Center for the Study of Federalism, Caterbury Christ Church University, Nov. 2018: http://50shadesoffederalism.com/tag/intergovernmental-relations. Évidemment, dans le contexte de l’UE, l’expression « intergouvernementales » renvoie aux relations qu’entretiennent les Etats-membres hors ou à l’intérieur de l’Union et qui s’écartent du « schéma fédéraliste ». Elle doit donc être utilisée de façon très contextualisée. À cet égard, voir Levrat (N.), « The European Union: From International Relations to Intergovernmental Relations », in Poirier (J.)et al., (2015), op.cit. (note 19), pp. 174-205.

21 Niang (F.), La fonction européenne du juge national, Genève, Schulthess, 2013.

22 Poirier (J.) et Saunders (C.), « Conclusion: Comparative Experience of Intergovernmental Relations in Federal Systems », inPoirier (J.), et al., op.cit., pp. 440–498.

23  En partie, car d’autres formes moins « organiques » de coopération peuvent se développer en parallèle, et en complément. Voir à ce titre, les chapitres sur la Suisse et sur l’Allemagne dans Poirier (J.), et al., 2015, op.cit.

24  Aux Etats-Unis, le Sénat devait à l’origine être le lieu privilégié de la participation des entités fédérées aux processus législatif central. Cette fonction s’est affaiblie avec le 17e amendement de 1913 qui a introduit l’élection des Sénateurs et non plus leur désignation par les Etats (selon le modèle allemand, par exemple). Au Canada, le Sénat – deuxième chambre dont les membres sont tous nommés par l’Exécutif fédéral – a souvent eu une fonction de représentation d’une certaine vision de la diversité canadienne, mais n’a jamais été la « Chambre des entités fédérées ».

25 Adam (M.-A.), Bergeron (J.), Bonnard (M.), « Intergovernmental Relations in Canada » in Poirier (J.)et al., 2015, op.cit.

26  Voir Poirier (J.), « Une source paradoxale du droit constitutionnel canadien : les ententes intergouvernementales », Revue québécoise de droit constitutionnel, 2009, pp. 1-32 : http://aqdc.quebec/wp-content/uploads/mdocs/poirier-une_source_paradoxale.pdf.

27 Poirier (J.), « The Belgian Federation: Tools of Appeasement; Instruments of Confrontation»dans Saxena (R.) (dir.),Varieties of Federal Governance – Major Contemporary Models, Cambridge, Cambridge University Press, 2011, pp. 344377.

28  Si, depuis 2012, le Sénat est largement le lieu de participation des entités fédérées, ses compétences ont été réduites et sa capacité à promouvoir la coopération est limitée. A ce titre, voir la contribution d’Anne-Emmanuelle Bourgaux dans le présent numéro spécial.

29  Voir l’article 43 de la Constitution belge, qui fait écho à une obligation similaire enchassée à l’article 44 de la Constitution suisse, et à l’obligation de coopération loyale inscrite à l’article 4 du traité sur l’UE.

30  Ces distinctions sont analysées dans Poirier (J.), « Intergovernmental Relations in Federal Systems: Ubiquitous, Idiosyncratic, Opaque and Essential », op.cit..

31 Dziedzic (A.) et Saunders (C.), « The Meanings of Concurrency », inSteytler ( N.), (dir)., Concurrent Powers in Federal Systems, Leiden/Boston, Brill Nijhoff, 2017, pp. 12-31 ; Brouillet (E.) et Ryder (B.), « Key Doctrines in Canadian Legal Federalism »,  in Oliver (P.), Macklem (P.) et Desrosiers (N.) (dir.), The Oxford Handbook of the Canadian Constitution, Oxford, Oxford University Press, 2017, pp. 415-431.

32 Gaudreault-Desbiens (J.-F.) et Poirier (J.), « From Dualism to Cooperative Federalism and Back?: Evolving and Competing Conceptions of Canadian Federalism », inin Oliver (P.), Macklem (P.) et Desrosiers (N.), op.cit., pp. 391-413 ; Brouillet (E.), « Le fédéralisme et la Cour suprême du Canada : quelques réflexions sur le principe d’exclusivité des pouvoirs », Revue québécoise de droit constitutionnel, 2010, 3, pp. 1-22 ; Poirier (J.), « Souveraineté parlementaire et armes à feux : le fédéralisme coopératif dans la ligne de mire ? » Revue de droit de l’Université de Sherbrooke, (2015) 45, pp. 47–131, aux pp. 65-79.

33 Poirier (J.), « Layered Social Federalism: from the Myth of Exclusive Competences to the Categorical Imperative of Cooperation », in Cantillon (B.), Popelier (P.) et Mussche (N.) (dir.), Social Federalism: The Creation of a Layered Welfare State: The Belgian Case, Cambridge/Antwerp/Portland: Intersentia, 2011, pp. 279–290.

34  Pour le « choix des armes » (actes unilatéraux ou négociés) dans le cadre du fédéralisme belge, voir Poirier (J.), « Le droit public survivra-t-il à sa contractualisation ? : Le cas des accords de coopération dans le système fédéral belge », Numéro spécial de la Revue de droit de l’ULB, 2006, 33:1, pp. 261–314.

35 Hooghe (L.) et Marks (G.), Multi-level Governance and European Integration, Oxford,  Rowman & Littlefield, 2001.

36  Voir notamment Teubner (G.) et Willke (H.), « Kontext und Autonomie: gesellschaftliche Selbststeuerung durch reflexives Recht », Zeitschrift für Rechtssoziologie, 1984, vol. 5, no. 1, pp. 4-35.

37  Au sens mécanique (l’espace entre les pièces).

38  Au sens ludique.

39  Pour les lecteurs qui ne seraient pas férus d’échec, la situation de pat contraint d’arrêter la partie, aucun des joueurs n’étant plus en mesure de gagner (mais personne ne perd).

40  On pense notamment aux défenseurs du pluralisme juridique, et à une part non négligeable des promoteurs du droit global. Voir pour une cartographie de ces courants, Neil WALKER, Intimations of Global Law, Cambridge, Cambridge University Press, 2015.

41  Voir, par exemple, Carl Schmitt avec sa conception décisionniste de la souveraineté (Verfassungslehre, 1928), ou Constatino Mortari (La constituzione in senso materiale, 1940) avec sa notion de Constitution matérielle.

42  Ce n’est pas par hasard que la référence (et l’étude) aux travaux de ces deux auteurs a connu une longue éclipse, au regard du rôle et du contexte sulfureux dans lesquels ont été échafaudées et utilisées leurs théories. De nombreuses publications contemporaines montrent néanmoins un intérêt renouvelé pour leurs pensées.

43 Bednar (J.), op.cit.,note 13. Elle évoque ici la répartition des compétences, le contrôle de constitutionnalité.

44  Les menaces de « représailles » politiques, les systèmes électoraux et la pression des citoyens.

To cite this article

Johanne Poirier & Nicolas Levrat, «Le fédéralisme coopératif comme terrain de jeu du droit», Fédéralisme Régionalisme [En ligne], Volume 18 : 2018, Le fédéralisme coopératif comme terrain de jeu du droit, URL : https://popups.ulg.ac.be/1374-3864/index.php?id=1736.

About: Johanne Poirier

Professeure titulaire, McGill University

About: Nicolas Levrat

Professeur ordinaire, Université de Genève