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- Vol. 41 - 2018
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De quelques aspects juridiques et sociétaux des sépultures des soldats dans l’ancienne Rome
Résumé
En dépit de leur condition particulière et du rapport à la mort découlant du métier des armes, les rites funéraires des soldats romains étaient semblables à ceux des civils dans le cadre d’une idéologie mortuaire unifiée qui impliquait que le statut des tombes soit unique. Celles-ci étaient toutes considérées comme des lieux religieux ou res religiosae parce qu’elles contenaient les dépouilles des trépassés. Certes les décès de masse posaient difficulté car l’attribution d’une sépulture passait idéalement par l’identification du trépassé et la promotion de sa mémoire. Les tombes étaient situées d’ordinaire non loin des lieux de cantonnement mais certains défunts prévoyaient de faire rapatrier leur corps vers leur patrie d’origine afin de faciliter l’exercice du culte familial. Enfin les soldats morts au combat pouvaient être honorés d’un cénotaphe ou tombe vide dont le statut juridique demeure controversé.
Abstract
Despite of their military condition and the relation to death resulting from their profession, the funeral rites of Roman soldiers were similar to those of civilians as part of a unified ideology regarding death that implied that the status of tombs was unique. Graves were all considered religious places or res religiosae because they contained dead bodies. Of course mass deaths caused difficulties due to the necessity to identify each individual. Indeed, the burial process implied ideally to identificate the dead to promote his memory. The graves were usually located not far from the cantonment sites, but some deceased planned to repatriate their bodies to their homeland to facilitate family worship. Finally, soldiers who died in combat could be honored with a cenotaphium or empty tomb whose legal status remains controversial.
Table des matières
Introduction
1Rome fut, comme chacun le sait, une nation guerrière mais aussi le terreau du droit. Ce double paramètre impliquait en soi un défi de taille. Le droit romain était conçu en cercles concentriques autour de trois différentes aires : le droit naturel, le droit des gens et, le plus important sans doute parce que précisément romano-centré, le droit civil. Le domaine d’application du ius civile correspondait aux limites de la cité, soit au lieu de résidence et d’échange des citoyens qui en constituaient les acteurs. Or, l’expansion romaine par la guerre et les conquêtes s’effectuait sur des territoires barbares situés bien au-delà des murs de l’Urbs et faisait ainsi jaillir autant de challenges juridiques qu’il s’agissait de solutionner en raison du statut des hommes composant les armées. Compte tenu de la possible réversibilité des conflits, les lieux et les personnes dépendant du droit romain pouvaient passer physiquement à l’ennemi. Les opérateurs du droit ont dû faire face à ces éventualités et faire émerger des pratiques adéquates, à l’image du postliminium1. Le ius postliminii, d’abord réservé à la liberté personnelle de l’homme qui reste son domaine de prédilection, a été ensuite étendu aux choses mobiliaires ainsi qu’à la propriété des immeubles. Il permettait par le biais d’un procédé fictionnel cher au droit romain2 que les personae et les res placées un temps sous le joug de l’adversaire puissent retrouver leur statut originel une fois que l’issue favorable des hostilités l’eût permis. On l’aura compris, l’expansion militaire de l’ancienne Rome impliquait la création de concepts et de règles juridiques spécifiques qui concernaient au premier chef les belligérants. D’abord composée de troupes de conscrits et par là non permanente car la qualité de soldat était consubstantielle à celle de citoyen3, l’armée romaine se professionnalisa à la fin de la république. Ainsi la situation sociale du militaire de métier qui impliquait le plus souvent un éloignement par rapport à sa famille – second noyau anthropologique de pouvoir après les instances organiques de l’Etat – et à sa cité d’origine entraînait un déracinement socio-juridique de l’individu. Un tel cas de figure justifiait par conséquent l’existence de normes spéciales – en plus de celles gérant la disciplina au sein du corps militaire, lesquelles étaient nécessairement dérogatoires du droit commun4 – qui résultaient de l’absence du sujet. Aussi les préteurs, l’empereur puis les jurisconsultes furent-ils amenés à isoler certaines règles spécifiques au miles,sous forme de privilegium, beneficium ou encore ius singulare, quiconcernaient des domaines variés5. Pour autant, et malgré le fait que les jurisconsultes composèrent bon nombre de monographies consacrées à des domaines particuliers du droit6, le juriste Macer est le seul à avoir rédigé un traité complet et abouti de droit militaire - De re militari -, connu par sept fragments du Digeste et qui décrivait vraisemblablement les ramifications du ius militare7 : règles de discipline, droit pénal, statut du soldat, testaments, peculium castrense,etc. Par ailleurs, en dépit de la nécessaire proximité du soldat avec la mort, car il faut convenir que le miles s’adonnait quand même à un métier mettant régulièrement sa vie en péril8, on ne trouve pas de dispositions spécifiques au militaire au sein du droit funéraire romain9, un autre îlot législatif dont l’importance est accréditée par le lien important entretenu par l’appréhension idéologique du trépas avec des éléments ou notions sociétales fortes structurant l’univers romain, à l’image de la religion, de la souillure ou de la mémoire10.
1. Rites funéraires civils et militaires : une union idéologique
2Il apparaît que les doctrines et les pratiques funéraires romaines étaient unifiées et il n’existe pas ou peu de règles propres aux soldats sauf la nécessité religio-sociale pour l’armée de se purifier avant de franchir le pomoerium dans la mesure où les militaires étaient frappés par la mort en raison de leur fonction11. Il faut aussi rappeler, à la suite de nombreux témoignages poétiques et rhétoriques gréco-romains, que la mort du miles au combat est assurément belle en ce qu’elle symbolise le sacrifice ultime en faveur de la patrie, lequel assure une gloire posthume à son auteur12. La religion romaine elle-même recélait des procédures telles que la devotio, par laquelle un individu, le plus souvent un général ou un consul, mais parfois aussi un simple soldat, se jetait au beau milieu des troupes ennemies après avoir, par le biais des paroles rituelles convenues, passé un accord avec la divinité lui garantissant la victoire en échange de son sacrifice13. Il ne s’agissait pas de rechercher précisément le trépas, mais de concourir à la défense d’un idéal national ou politique justifiant l’oblation suprême.
3Concernant la thanatopraxie et les procédés de traitement du corps après le décès, les principes étaient les mêmes, dans la mesure où les circonstances le permettaient, afin de transformer un cadaver en corpus, terme qui désigne, à de rares exceptions près, un défunt bénéficiant d’une prise en charge communautaire au sens sociologique et rituel14. Dans le long exposé de Cicéron repris au De legibus concernant le droit et les pratiques funéraires, aucune n’est spécifique aux soldats sauf peut-être, par dérivation, la possibilité de collecter les ossements d’un mort afin de célébrer plus tard les funérailles15, sans doute après avoir opéré une translation des restes vers la patrie d’origine du défunt. Une telle éventualité peut en effet s’envisager pour le miles tombé loin de son lieu de résidence habituel. Pour le reste, le récit de l’orateur se déroule en des termes généraux qui témoignent de l’homogénéité des pratiques mortuaires. Qu’il soit inhumé ou incinéré, le défunt soldat ou simple civil devait être rendu à la terre aux termes de la règle fondamentale16 rationnalisée par les juristes Celse et Ulpien au D.11.7.2.517 en ce que la présence du corps sera un critère juridique nécessaire et suffisant pour constituer un locus religiosus protégé par une inaliénabilité fonctionnelle. En cas de crémation, le vieux rite de l’os resectum qui consistait en la mise en terre d’un doigt prélevé sur le mort garantissait que ce dernier puisse rejoindre le royaume des dieux souterrains. Il en ressort que les rites de l’inhumation et de l’incinération s’unissaient autour de l’exigence des lois civiles et religieuses qui commandaient que les restes humains soient à jamais dissimulés en raison de l’impureté qui les caractérise18. En ce sens, les cérémoniaux intégraient une phase purificatrice pour la famille souillée par la mort d’un de ses membres. Ce n’est qu’après le sacrifice d’une truie appelée porca praecidanea en l’honneur de Cérès que la famille redevient pure et s’intègre de nouveau à la communauté19. Ce processus permet de conférer au mort un nouveau statut qu’il convient de respecter et fixe, parce qu’il aboutit à la création d’un locus religiosus, la limite entre le monde des vivants et l’espace dédié aux défunts. Le support, la frontière véritable de cette dissociation est la tombe. Celle-ci est montrée à la vue de tous, le plus souvent le long des grandes viae comme pour pérenniser la memoria des morts et à travers cela, instaurer une relation de continuité avec la population puisque le tombeau est le support du culte funéraire rendu aux décédés. Mais il est aussi et surtout un contenant qui protège ce avec quoi les vivants ne doivent entretenir aucun contact, il détermine le lieu où sont enfermés les restes du corps. Malgré cette forme de familiarité entretenue entre les vivants et les défunts, chacun conserve son propre territoire dans le cadre d’une séparation assez nette entre ces deux mondes dans l’idéologie funéraire romaine20.
2. Les spécificités du funus militare : décès de masse et préservation de l’identité du mort
4Ces conceptions générales définissent un comportement linéaire face au trépas, lequel s’imposerait inévitablement aux militaires qui font partie intégrante de la communauté civique. Cela dit, la question d’une spécificité du funus militare mérite d’être posée compte tenu des circonstances extrêmes dans lesquelles pouvaient intervenir les (nombreux) décès. La prise en compte de la documentation disponible et en particulier les témoignages iconographiques ne montrent pas de particularités tangibles propres aux cérémonies funèbres des militaires et ce même sur le champ de bataille. On en déduit que le nécessaire était déployé dans la mesure du possible pour respecter à la fois les règles religieuses relatives à la pietas et celles, plus triviales, ayant trait à la salubrité. Les renseignements archéologiques confirment l’usage de rassembler les corps dans de vastes nécropoles qui bordaient les routes d’accès aux camps fortifiés. Il s’agit ici d’un calque de la pratique romaine visant à ériger les tombeaux aux confins des terrains privés, le long des grandes voies de circulation au départ des portes de la cité : c’est le cas notamment de la fameuse Via Appia au Sud-Est de Rome, route flanquée de nombreux édifices funéraires qui constituaient un point de contact entre les morts et les vivants, tout en rappelant le souvenir, la mémoire des disparus à ceux qui passaient. De même qu’il était interdit d’ensevelir un mort dans la cité pour divers motifs - cette interdiction fut pourtant parfois contournée21 - il n’était pas judicieux, pour des raisons hygiéniques d’amasser les dépouilles des militaires au sein même du camp. Conformément à l’usage romain visant à préserver la mémoire individuelle, les tombes étaient la plupart du temps accompagnées d’épitaphes contenant de vagues indications biographiques et des informations de nature militaire sur les trépassés22. Les dépenses afférentes au traitement des morts, équivalentes aux frais funéraires civils qui font l’objet d’une ample casuistique au Digeste23, étaient acquittées de diverses manières. Soit le salaire du militaire permettait de les payer et on peut légitimement penser que des dispositions étaient prises en ce sens afin de pourvoir par avance aux funérailles et en régler certains détails mais ces montants pouvaient aussi être pris en charge collectivement par les frères d’armes24. Une sorte de fonds commun était constitué dans ce but d’après Végèce, auteur d’un De re militari au IVe s. n. è. L’auteur indique que la moitié des gratifications des soldats étaient gardées aux enseignes et qu’elles étaient partagées en dix bourses, une par cohorte, une onzième était réservée à la sépulture commune et on y puisait si un soldat venait à trépasser25. À l’image des pratiques observées dans bon nombre de corporations professionnelles, il existait des collèges spécifiques aux soldats ou aux vétérans comme celui bien connu de Lambèse. Ceux-ci permettaient, entre autres choses, de prendre en charge les funérailles de leurs membres dès lors que ceux-ci s’étaient acquittés du funeraticium ou somme versée à la caisse du collegium à cet effet26. Là encore, rien d’exceptionnel dans un tel dénouement car des associations funéraires avaient cette vocation dans la vie civile ainsi que le suggèrent les statuts du collège de Lanuvium27.
5La prise en charge directe d’un miles après le décès variait évidemment en fonction des circonstances, de la position civique ou militaire du défunt et des contraintes posées par la nature ou la masse des décès. En cas de conflit armé féroce, il n’était pas rare que le traitement des corps, les funérailles et l’ensevelissement dans une fosse commune s’effectuent à la hâte. La nécessité de s’occuper rapidement des morts rejoignait une préoccupation globale relative d’abord au processus de dégradation organique mais également consécutive à une répulsion avérée dans le monde romain au sujet des cadavres non traités et non ensevelis28. Dans l’absolu, plusieurs contraintes techniques surgissaient du fait des combats d’envergure. Les morts étaient nombreux et concentrés tant et si bien que durant la fameuse bataille de Zama en 202 av. J.-C., laquelle opposa Scipion et Hannibal, l’historien grec Polybe indique que le terrain qui séparait les deux armées était tellement jonché de couches de cadavres et de blessés que le mouvement des troupes était rendu très difficile29. Après l’atrocité et l’effroyable violence des affrontements qui occasionnaient plusieurs dizaines de milliers de morts, reconnaître les restes et recomposer les corps, une fois que les équipements, armes et armures avaient été récupérés à des fins de réutilisation n’était pas chose aisée. Une telle démarche était indispensable car la sépulture a vocation à inscrire l’identité du défunt dans la mémoire communautaire. Il faut donc savoir au mieux qui occupe la tombe. En ce sens, la principale partie du corpus à ensevelir pour constituer une sépulture religieuse serait au moins le caput, à partir duquel l’individu est reconnu,aux termes d’un responsum de Paul au D.11.7.4430. Au sein de ce passage, le jurisconsulte repousse la pluralité de tombeau pour un même défunt et consacre le principe de l’unité sépulcrale autour de l’endroit où était placé le chef constituant la représentation du corps humain pris comme intangible unité. Ceci explique pourquoi les Romains craignaient que leur caput ne puisse tomber aux mains de l’ennemi31. À l’inverse, ils ont eux-mêmes été à l’occasion de redoutables chasseurs de têtes en poussant l’ostentation de la gloire ou l’esprit de vengeance jusqu’à son paroxysme. L’enjeu de cette amputation du corps de son chef était tel que Lucain évoque ces parents qui, pendant les proscriptions syllaniennes, après avoir recueilli la tête tranchée d’un frère, se mettaient en quête d’un cadavre dont le cou s’adaptait plus ou moins au caput, afin de réunir un tout homogène sur le bûcher funéraire32. Il faut insister sur l’enjeu de cette identification compte tenu de l’aspect mémoriel attaché aux procédés funéraires. Le défunt doit être reconnu et les soldats paraient ainsi à toute alternative en espérant que les proches ou leurs camarades se mettraient rapidement en quête du corps des disparus au combat33. Les plus précautionneux conservaient sur eux des tablettes sur lesquelles leur nom et celui de leur père étaient gravés, afin de pouvoir être identifiés une fois retrouvés après une issue funeste des hostilités si d’aventure leur corps avait été altéré au point d’être méconnaissable ou leurs traits effacés par la décomposition des chairs34. Ce stratagème n’était pas toujours suffisant car malgré l’existence de trêves pour récupérer les morts, les combattants n’hésitaient pas à s’emparer des spolia, des arma et du matériel des ennemis, ce qui rendait difficile pour les vaincus l’identification des leurs et pouvait empêcher l’octroi d’un hommage funèbre individualisé. Ce dernier était parfois rendu impossible par le nombre trop important des corps à traiter, lequel impliquait une crémation et une inhumation massive qui prenait la forme d’un bustum collectif. Cette pratique consistait à rassembler les restes sans distinction dans une fosse commune puis à les brûler avant de recouvrir le tout de terre. Virgile indique que tous ces malheureux étaient incinérés sans même être honorés d’un nom35 ; cette courte procédure avait au moins l’avantage d’éviter les spoliations futures et les profanations de tombes. L’ultime salut collectif aux trépassés, rendu au son des trompettes, était suivi de circumambulations des frères d’armes autour du bûcher, lesquels jetaient dans les flammes armes et armures des compagnons ou des ennemis. Les cérémoniaux incluaient également le sacrifice de diverses victimes ovines, bovines et porcines36. L’usage de faire défiler les troupes en armes devant la dépouille des hauts gradés ou des personnages importants est attestée par l’iconographie ; il est permis de penser aux représentations de la decursio funebris sculptées sur les deux faces presque identiques de la columna Antoninii Pii élevée en 161 n. è. sur le Montecitorio, au nord du champ de Mars à Rome.
6En des moments plus apaisés, le miles pouvait la plupart du temps recevoir une sépulture non loin de son lieu de cantonnement dans une plus grande sérénité. Les sépultures contenant des corps étaient considérées comme des loci religiosi37, lesquels faisaient l’objet d’une inaliénabilité relative en raison de leur affectation funéraire et les tombes militaires n’échappaient pas à cette règle. Si la tombe était située sur le territoire provincial, une fiction évoquée par Gaius faisait état d’un statut quasi-similaire car le lieu était considéré comme pro religiosus38. Voilà pour la situation la plus commune car l’usage consistait à prendre en charge le défunt là où il décédait et cela pouvait concerner des individus de haut rang. Il est permis de songer en ce sens aux funérailles de Decius menées par son collègue consul Fabius en Étrurie lors de la guerre Romano-Samnite. La chose ne fut pas évidente à initier car il fallut plus d’une journée pour retrouver le corps du premier sur le champ de bataille ainsi que le rapporte Tite-Live39. Dans le monde romain, un retour en grande pompe du corps vers la capitale n’était pas systématique car il n’y avait pas de culte étatique des morts à la guerre aussi puissant que dans le monde Grec qui héroïsait à l’envi les protagonistes guerriers. Le devoir du soldat de Rome de se sacrifier pour le bien commun de la civitas est le premier devoir du citoyen et non pas une performance.
3. Le rapatriement éventuel des corps ou la translatio cadaveris des soldats
7Mais une autre hypothèse pouvait intervenir en cas de décès d’un militaire issu d’un milieu favorisé qui aurait prévu cette éventualité : il s’agit du transfert du corps vers un lieu de sépulture précis. Pour ces riches officiers morts loin de la patrie, il était techniquement question d’une translatio corporis antérieure à l’illatio du corpus, la procédure faisant, je vais y revenir, l’objet d’une attention toute particulière de la part des juristes. Un tel rapatriement pouvait avoir divers motifs : volonté du défunt d’être inhumé dans un tombeau héréditaire ou familial afin de réunir les corps des parents décédés à l’étranger aux restes des ancêtres de la familia ; retour vers la patrie réelle ou « idéale » ; pietas publique ou familiale car le culte funèbre pouvait difficilement être rendu si la tombe était trop éloignée du lieu de résidence de la famille. Le bon déroulement des sacra privata est d’autant plus facilité que le tombeau se situe à une distance raisonnable de la domus. Ainsi, l’éloignement de la patrie et de la sépulture de famille est une cause fréquente de la translatio d’après Lucain40. Les corps des trépassés ou ce qu’il en subsistait pouvaient donc être amenés à voyager par voie maritime et/ou terrestre. Ce fut le cas, par exemple, de la translatio de Drusus, fils de Livia, mort en 9 avant n. è. dans un camp d’été d’outre Rhin en Germanie, Castra Scelerata. Le corps fut ramené à Rome et Tibère suivit à pied le convoi qui ramenait son frère vers la capitale de l’Empire41.
8Un certain nombre d’inscriptions attestent cette pratique de la translatio cadaveris de soldats42. Parmi ces dernières, l’une indique qu’un affranchi, héritier d’un centurion de la IIe cohorte prétorienne, a assuré la translatio du corpus de son patron depuis la Bretagne où il était mort43. Le même genre de transfert concerna les cendres de Septime-Sévère, mort à Eburacum au cours d’une expédition en Bretagne, lesquelles furent rapatriées à Rome en 21144. Une autre inscription45 provenant d’un cénotaphe, réalisé pour un centurion nommé M. Caelius originaire de Bononia, et trouvé à Xanten/Castra Uetera en Germanie inférieure, indique que ses restes furent transportés aux bons soins de son frère. Parfois, le transfert de corps pouvait concerner des groupes importants : les dépouilles des soldats de Varus, massacrés en l’an 9 ap. J.-C. par le chef chérusque Arminius lors de la bataille de Teutobourg en Germanie furent transportés jusqu’en Espagne sur l’ordre de Germanicus46.
9Compte tenu de l’élargissement des frontières de l’empire, ces transferts pouvaient s’effectuer sur de très grandes distances au regard de celles communément admises pour ramener le mort à son tombeau. À titre de comparaison, les statuts du collège de Lanuvium prévoyaient un transfert de cadavre dans la limite de vingt milles47. En combinant quelques témoignages littéraires et épigraphiques, il est possible de calculer, au moins grossièrement, la distance moyenne parcourue par les dépouilles rapatriées48. Elle serait d’environ huit ou neuf cents kilomètres et elle ne rend pas compte des réelles disparités car certains transports s’opèrent sur seulement quelques dizaines de kilomètres alors que d’autres corps en parcourent plusieurs milliers entre terre et mer. Au D.50.16.3, Ulpien rapporte le critère logistique retenu par les juristes classiques, lequel est d’accorder un jour pour accomplir un parcours de vingt milles, soit environ trente kilomètres49, les vingt mille doubles pas quotidiens qui en résultent ne constituant pas un rythme de voyage trop pénible sachant que les morts étaient parfois portés à dos d’homme. En compilant les informations, on parvient à une durée moyenne de transport de l’ordre de quarante à quarante-cinq jours. Lorsque la translatio avait lieu de manière nocturne50, afin d’éviter que le corps ne se décompose trop vite en raison de la chaleur si le décès était intervenu durant l’été, le temps du transfert était rallongé d’autant car les nuitsétaient plus courtes que les jours. Enfin, il est raisonnable de penser que le rapatriement des personnages illustres était sans nul doute plus lent que celui des décédés anonymes, car l’imposante logistique et le faste déployé à cette occasion étaient de nature à ralentir le convoi funèbre. Les transports les plus longs faisaient l’objet d’une organisation spécifique tandis que ceux intervenant à distance raisonnable de la tombe étaient confiés à une entreprise spécialisée. À Rome comme dans d’autres régions, le transport des cadavres était du ressort des agents libitinaires qui jouissaient d’une forme de monopole sur le commerce de la mort51 et dont la compétence s’étendait d’ordinaire dans un rayon d’action défini autour d’une cité52.
10D’après un responsum d’Ulpien au D.11.7.3853, puisque la translatio implique que le mort voyage physiquement d’un point à un autre, le corps ou les ossements ne doivent pas être arrêtés ou retenus pendant la durée du transport. Cette prescription s’explique sans doute par des raisons d’hygiène relatives à la salubritas publica mais aussi au regard de la souillure attachée au cadaver. D’ordinaire, les transferts font l’objet d’autorisations obligatoires de la part du Prince54 ou des Pontifes, mais Ulpien attribue aux gouverneurs provinciauxl’officium de garantir le transit des corps sur les routes publiques tandis qu’à Rome la régulation du trafic relevait de la compétence des aediles55, voire de celle du préteur. Dans les provinces, il demeurait difficile de s’adresser au collège pontifical ou à l’imperator dans un délai raisonnable. Les décisions devaient être prises rapidement en raison de la décomposition des chairs. C’est ainsi que Trajan adressa à ce sujet un rescrit à Pline, alors proconsul de Bithynie56. Et l’empereur permit aux présidents des provinces d’autoriser ou d’interdire eux-mêmes les translations de corps pour gagner du temps. Le juriste Paul évoque au D.11.7.40 la possibilité d’un dépôt temporaire conservatoire du corps dans la terre57 sans que ce placement n’ait la valeur d’une inhumation rituelle puisqu’il précédait un nécessaire transfert du corps vers son tombeau définitif. Enfin, le prix du transport faisait partie des frais funéraires impensae funeris et ils pouvaient être récupérés sur l’héritage si celui qui avait mis en oeuvre le transport n’était pas l’héritier du défunt.
4. L’édifice mémoriel en l’honneur des morts aux combats
11Les sources font aussi état d’un genre de monument spécifique, qu’il faudrait considérer comme un tombeau sans corps ou un édifice mémoriel, pour rendre hommage aux soldats morts au combat. Dans ses Annales58, Tacite narre la découverte par Germanicus et ses troupes du charnier contenant les corps des soldats composant les légions de Varus tombés au combat. Dans son récit, l’auteur mentionne un inane bustum pour désigner un monument construit sur l’ordre du neveu de Tibère, lequel posa le premier gazon, pour les âmes de ces militaires massacrés en l’an 9 ap. J.-C. par le chef chérusque Arminius lors de la bataille de Teutobourg. Bien que condamnée pour divers motifs par l’empereur, Tacite loue cette initiative comme un pieux devoir rendu à l’honneur des morts. D’après Suétone59, un sepulchrum honorarium incluant un poème funéraire d’Auguste fut érigé par les soldats de Drusus sur la rive gauche du Rhin, près du lieu où ce dernier avait péri. Et autour de cet imposant cénotaphe mesurant près de trente mètres de haut, on procédait tous les ans, à date fixe, à un défilé militaire tandis que les nations gauloises y célébraient des sacrifices réguliers. Le corps du défunt fit quant à lui l’objet d’une translatio cadaveris vers Rome avant d’être enterré au champ de Mars. Le statut juridique de ces monumenta sans corps est discuté par les juristes sévériens Ulpien60 et Marcien61. Le premier affirmant qu’on ne doit pas les considérer comme des lieux religieux parce qu’ils ne contiennent pas de corpus et le second indiquant l’exact contraire sur la base d’un argument tiré de la poésie Virgilienne62. Il n’est pas certain que ce dernier jurisconsulte adhère sans réserve aux dires du poète car lui-même avait parfaitement conscience du critère juridique corporel pour constituer une sépulture63. Sans rentrer dans les méandres compliqués de cette controverse qu’il est difficile de trancher au plan général, il n’est pas exclu de considérer que les cénotaphes à haute valeur mémorielle publique ou nationale – et on connaît l’importance de la memoria comme meta-valeur dans le monde romain – puissent jouir de ce statut juridique d’exception propre aux res religiosae qui différait peu de celui des res publicae.Le bénéfice collectif tiré de cette mémoire communautaire impliquait de reléguer les choses qui la portaient hors du commerce privé des hommes.
Notes
1 T. Mommsen, Droit public romain, Paris, 1985, (réimp.) trad. par P. F. Girard, p. 213-215 ; p. 391 et n. 2 sur la doctrine du postliminium in pace fondée sur l’idée que la déclaration de guerre est rattachée au seul prototype des cités fédérées à Rome. Cf. F. De Martino, Storia della costituzione romana, 2, 1, Naples, 1960, p. 11 ; voir aussi F. De Visscher, Droit de capture et postliminium in pace dans RIDA, 3, 1956, p. 197-226 =Etudes de droit romain public et privé, 3ème série, Milan, 1966, p. 117-146 ; F. Bona, Postliminium in pace dans SDHI, 21, 1955, p. 249-275 ; Sull « animus remanendi » nel postliminio dans SDHI, 27, 1961, p. 186-234. Et aussi A. Maffi, Ricerche sul postliminium, Milan, 1992, 255 p. (c. r. par J. Imbert dans RHD, 1994, p. 58 et par K. H. Ziegler dans Gnomon, 67, 1995, p. 726 sq). Indispensable est aussi l’étude émanant de M. F. Cursi, La struttura del « postliminium » nella republica e nel principato, Naples, 1996, 370 p. (c. r. par L. Franchini dans AG, 217, 1997, p. 499 sq). L’état de la question est très bien posé en introduction, p. 1-7 et les conclusions de l’auteur p. 327-335 font état d’un changement de conception du postliminium en dépit de la complexité des problèmes posés.
2 Sur lequel Y. Thomas, Fictio legis. L’empire de la fiction romaine et ses limites médiévales, in Droits, 21, 1995, p. 17-63.
3 C. Nicolet, Le métier de citoyen dans la Rome républicaine, Paris, 1989, p. 128. Lors d’un éloge funèbre par un laudateur, les qualités guerrières sont les premières à être rappelées car l’homme romain est avant tout un guerrier actif. Cf. A. Paturet, Funérailles publiques et sépulture privée : le paradoxe de la mort dans l’ancienne Rome dans Acta Iasyensia Comparationis, 10, 2012, Ritura de trecere/rite of passage/rites de passage, p. 24.
4 Voir notamment Macer lib. 2 De re mil. D.48.19.14. Certains délits, comme le fait de se vendre comme esclave sont beaucoup plus sévèrement réprimés dans le cadre militaire. Il en est de même concernant la tentative de suicide, non sanctionnée pour un civil mais qui fait l’objet d’un traitement spécial pour le miles. Voir Paul au D.48.19.38.12 Miles, qui sibi manus intulit nec factum peregit, nisi impatientia doloris aut morbi luctusve alicuius vel alia causa fecerit, capite puniendus est : alias cum ignominia mittendus est. Sur le suicide du miles, on consultera J. C. Genin, Réflexions sur l’originalité juridique de la répression du suicide en droit romain dans Mélanges Falletti, Paris, 1971, p. 240-250 ; Y. Grisé, Le suicide dans la Rome antique, Paris, 1982, p. 270-273 ; M. R. De Pasquale, Sul suicidio dei miles dans Labeo, 31, 1985, p. 57-61, ou encore J. Vendrand-Voyer, Normes civiques et métier militaire à Rome sous le Principat, Clermont-Ferrand, 1983, p. 218-219. Le régime spécial du suicide militaire est justifié par l’exigence de cohésion de l’armée, ce qui impliquait des normes rigoureuses dérogatoires du droit commun. La rigueur militaire commande de punir la première manifestation d’une intention criminelle. Ainsi, la tentative de provoquer une mutinerie est réprimée à l’instar de la révolte elle-même. Cf. sur cette question, J. C. Genin, La répression des actes de tentative en droit criminel romain, Lyon, 1968, p. 303-306.
5 Sur le fameux peculium castrense ou biens acquis par le fils surant son service militaire, voir J. Vendrand-Voyer, Normes…, p. 263-264 ; c’est du reste, à l’époque d’Ulpien, sous les Sévères, que la notion de peculium devient une « véritable institution juridique intégrée dans le droit privé et parfaitement définie ».
6 L’idée de monographie s’entend ici comme le rassemblement d’écrits concernant une institution juridique spéciale ou un des domaines particuliers du droit. Il est légitime de penser en ce sens à bon nombre d’ouvrages écrits par les juristes sévériens sur les matières nouvelles réglementées par les rescrits comme le ius fisci, le ius militare, les munera ou encore la cognitio. Parmi les plus célèbres il faut citer celle de Paul consacrée aux questions fiscales et intitulée De iure fisci (et populi ?) libri II. Cette œuvre est achevée en 210, soit quelque temps après celle très connue de Callistrate. Cf. D. 49, 14 De iure fisci ; ou encore aux Fideicommissorum libri VII de Valens, aux De iudiciis publicis libri XIV et Quaestionum de fideicommissis libri XVI de Maecianus ou aux De interdictis libri VI, Actionum libri X, De stipulationibus libri XIX de Venuleius.
7 Se reporter à D. Liebs dans K. Sallman (éd.), Nouvelle histoire de la littérature latine, 4, L’âge de la transition 117-284, Paris, 2000, p. 246.
8 Une donnée à mettre en rapport avec les caractéristiques de la société romaine, laquelle est familiarisée avec la violence et la mort et au sein de laquelle l’espérance de vie était courte. Cf. B. W. Frier, Roman Life Expectancy : Ulpian’s Evidence dans HSPh., 86, 1982, p. 213-251 ; Roman Life Expectancy : the Pannonian Evidence dans Phoenix 37, 1983, p. 328-384 ; J. Dupaquier, Sur une table (prétendument) florentine d’espérance de vie dans Annales ESC,28, 1973, p. 1066-1073. Les deux auteurs précités déclarent plausibles l’estimation d’Ulpien au D.35.2.68 d’une espérance de vie de 30 ans à laquelle on doit retrancher 5 ans car le jurisconsulte ne tient pas compte de la mortalité infantile.
9 La documentation sur le sujet est particulièrement éparse, de la loi des XII Tables aux codes postérieurs en passant par des sources épigraphiques, archéologiques et littéraires. Pour l’essentiel, les textes traitant de cette question sont rassemblés au D.11.7 De religionis et sumptibus funerum, ut funus ducere liceat et 8 De mortuo inferendo et sepulchro aedificando, également au D.47.12 De sepulchro violato.
10 Sur ces valeurs comme structuration socio-juridique du monde romain, je me permets de renvoyer à A. Paturet, Droit et ordre social dans l’Antiquité romaine : morceaux choisis in M. C. Drumea-A. Paturet-F. S. Ravitch (eds.), The 2nd International Conference on Law and Social Order, New-York, 3 volumes, Addleton Academic Publishers, 2012, vol. 2, p. 7-30 =Contemporary Readings dans Law and Social Justice, 2012/2, p. 629-652.
11 J. H. Michel, Synthèses romaines. Langue latine - Droit romain - Institutions comparées, Bruxelles, 1998, p. 91. L’auteur indique que la mort ou ceux qui la portent (par exemple les soldats) sont exclus de l’enceinte de l’urbs à cause de son caractère sacré « car la ville est dédié aux dieux d’en haut, aux divinités célestes, alors que la mort appartient aux dieux d’en bas, aux divinités infernales ». L’armée devait par conséquent se purifier avant de pénétrer sur le territoire urbain.
12 Sur ce thème, parmi d’autres : A. Foulon, La mort dans la poésie augustéenne dans La mort, les morts et l’au-delà dans lemonde romain (Actes du colloque de Caen, 20-22 nov. 1985), Caen, 1985, p. 351-363 ; O. Longo, La morte per la patria dans Studi italiani di Filologia classica, 11, 1977, p. 5-63.
13 M. Humbert, Droit et religion dans la Rome antique dans Mélanges F. Wubbe, Fribourg, 1993, p. 200-201. Il s’agit d’une sorte de contrat passé entre l’homme et la divinité sur le principe du do ut des. L’homme, qui se sacrifie ne veut pas la mort pour elle-même. Il accepte de courir un risque pour défendre la cause qu’il aime, pour servir les valeurs les plus profondes auxquelles il est attaché comme à des biens plus précieux que la vie même. Dès que sont prononcées les paroles rituelles le destin de l’orant est scellé, il est voué symboliquement aux dieux indépendamment du déroulement des évènements. En cas de survie miraculeuse, les dieux ne perçoivent pas leur dû, c’est là le motif de l’exclusion du général de la société humaine. Reconnaître son retour parmi les hommes, c’est accepter que les dieux n’aient pas le sacrifice auquel ils avaient droit selon le principe du do ut des. Ainsi s’explique le rituel qui consistait à enfoncer dans le sol une effigie du soldat qui, substitué au consul, avait survécu à la devotio. Il s’agit d’une victime substitutive donnée aux dieux chtoniens.
14 Cf. A. Allara, Corpus et cadaver, la « gestion » d’un nouveau corps dans F. Hinard-M. F. Lambert, La mort au quotidien dans le monde romain, Paris, 1995, p. 69-79. Voir aussi les conclusions de l’enquête menée par l’auteur au sujet de la fonction symbolique de l’ensevelissement, p. 79, et, d’une manière plus générale la thèse de doctorat soutenue par cette chercheuse : Le traitement du cadavre et la tombe dans l’Occident romain du IIe siècle avant notre ère au IIe siècle de notre ère (sources littéraires), Thèse, Paris, 1994, p. 40-116. La première partie de ce travail, qui vise à expliquer la dichotomie existante entre la diversité des pratiques funéraires romaines constatées par l’archéologie et l’homogénéité du vocabulaire des textes, est consacrée à la terminologie relative à la dépouille humaine et au traitement qui lui est appliqué. L’accent est principalement mis sur l’opposition entre corpus et cadaver, dualisme qui souligne l’existence d’un système de référence décidant de l’exclusion ou de l’intrégration du défunt au monde des morts et donc aussi à la société. Il faut remarquer que les sources juridiques emploient presque toujours le terme corpus pour désigner les morts, ce qui se comprend car la plupart des textes concernent le statut des tombeaux (ou leur violation) donc des lieux contenant des corps qui ont fait l’objet d’un traitement rituel, loci qui font précisément l’objet de la qualification du droit.
15 Cicéron, De legibus, 2.24.
16 Cicéron, De legibus, 2.22.
17 Ulpien lib. 25 Ed. D.11.7.2.5 Sepulchrum est, ubi corpus ossave hominis condita sunt. Celsus autem ait : non totus, qui sepulturae destinatus est, locus religiosus fit, sed quatenus corpus humatum est. Voir aussi F. De Visscher , Le droit des tombeaux romains, Milan, 1963, p. 57 ; G. Longo, Sul diritto sepolcrale romano dans Iura, 15, 1964, p. 137-158 ; Y. Thomas, Corpus aut ossa aut cineres. La chose religieuse et le commerce dans Micrologus, 7, 1999, p. 77-88. Les sources attestent de manière uniforme la nécessité de la présence d’un corps pour la constitution d’un locus religiosus.
18 A. Audin, Le droit des tombeaux romains dans RBPH, 43, 1965, 1, p. 79-87, en particulier p. 80.
19 Pour un exposé efficace des rituels d’usage et de leur enjeu, il suffit de renvoyer à E. Cuq, Funus, dans C. Daremberg-E. Saglio-E. Pottier, Dict. des antiquités grecques et romaines, 4 tomes, 7 vol. , Paris, 1877-1919 ; tome 2, partie 2, p. 1367-1409 ; J. Scheid, Contraria facere : renversements et déplacements dans les rites funéraires dans AION (archeol.), 6, 1984, p. 117-139 ; J. Maurin, Funus et rites de séparation dans AION (archeol.), 6, 1984, p. 191-208.
20 Sur cette séparation entre vivants et morts prise dans son évolution, voir P. Ariès, La mort apprivoisée dans Essais sur l’histoire de la mort en Occident, Paris, 1975. Dans ces recherches bien connues sur l’histoire des attitudes de l’homme occidental face à la mort, cet auteur a montré comment la proximité d’une mort apprivoisée et familière que l’on observe à l’époque du Moyen Âge a laissé progressivement la place à l’idée d’une mort refoulée, maudite et interdite. Voir aussi les autres ouvrages de cet auteur, L’homme devant la mort, Paris, 1977(rééd. en 2 vol. Paris, 1985, 1 Le temps des gisants ; 2 La mort ensauvagée) et les différents essais rassemblés dans Essais…op. cit. supra ; Images de l’homme devant la mort, Paris, 1983. La thèse défendue par P. Ariès, L’homme…, est d’établir une distance entre les attitudes mentales et les données sociales en mettant en évidence l’existence d’un « inconscient collectif moteur de l’histoire ». Pour lui, la mort est une épreuve pour la communauté, les mentalités se conforment aux données structurelles et elles régissent un ensemble de pratiques de façon autonome, sans déterminisme. L’auteur définit trois grands moments qui permettent d’apprécier la motivation des attitudes par rapport à la mort : la mort elle-même, le cadavre et son assimilation, les priorités de la communauté des vivants. En somme, la vision du cadavre et la place sociale qui lui est donnée au sein de la société mettent en évidence l’existence d’un système efficace de protection. M. Vovelle, La mort et l’Occident de 1300 à nos jours, Paris, 1983 ; Encore la mort, un peu plus qu’une mode ? dans Annales ESC., 1982, 2, p. 276-286, prend du recul par rapport à cette analyse et réfute l’idée d’« un inconscient collectif moteur de l’histoire » car elle serait de nature à induire la représentation d’un temps infini. Et l’auteur pense que ce sont plutôt des aspects idéologiques qui expliquent l’évolution des pratiques.
21 La cité classique avait pour coutume de ne pas laisser enterrer les morts en son sein. Pour L’Urbs une telle interdiction apparaît au sein de la Loi des XII Tables 10.1. Les seules dérogations permises concernaient le héros ou le haut personnage ; et ces exceptions existaient à Rome. D’après Cicéron (De leg.2.23), certains individus comme C. Fabricius, ont eu le privilège d’être ensevelis dans la ville qui avait déjà conservé des tombeaux légendaires comme celui d’Acca Larentia ou Larentina et de Romulus (F. Coarelli, Il Foro Romano, Rome, 1983, p. 189 et 196-197). Cette faveur est rapportée par Plutarque (Ques. Rom.79) qui indique que certains généraux éminents et triomphateurs, comme Valerius et Fabricius, ont pu être ensevelis au Forum. Jules César fut, d’après Suétone (Cés. 84-85), incinéré en ce même lieu et la cérémonie a entraîné un important émoi public que l’aristocratie avait pourtant refusé au chef qu’elle avait assassiné. Les vestales ainsi que les empereurs pouvaient jouir d’une sépulture intra muros mais cela fut loin d’être systématique. Sur les funérailles des empereurs en général, cf. J. C. Richard, Les funérailles des empereurs romains aux deux premiers siècles de notre ère dans ANRW, 2, 16, Berlin-New-York, 1978, p. 1121-134.
22 S. Giorcelli, Il funus militare dans F. Hinard – M. F. Lambert (éd.), La mort au quotidien dans le monde romain, Paris, 1995, p. 236.
23 Sur les frais funéraires, de nombreux fragments du Digeste donnent deprécieux renseignements au sujet des contingences matérielles du funus. Ces dépenses peuvent être engagées par le titulaire du ius funerum. Elles sont à envisager d’une manière très extensive car, en plus des frais liés directement au transport des corps, elles concernent les frais de conditionnement du cadavre, d’habillement ou encore de préparation du locus destiné à recevoir la dépouille du défunt donc toutes les étapes conduisant à la réalisation effective de la res religiosa. Sur ces frais, voir entre autres D.11.7.12.2 ; 11.7.12.3 ; 11.7.12.4 ; 11.7.12.5 ; 11.7.12.6 ; 11.7.14.1 ; 11.7.14.2 ; 11.7.14.3 (définition des frais funéraires) ; 11.7.14.4 ; 11.7.14.5 ; 11.7.14.6 ; 11.7.14.7 ; 11.7.14.8 ; 11.7.14.9 ; 11.7.14.10 ; 11.7.14.11 ; 11.7.14.12 ; 11.7.14.13 ; 11.7.14.14 ; 11.7.14.15 ; 11.7.14.16 ; 11.7.14.17 ; 11.7.15 ; 11.7.16 ; 11.7.18 ; 11.7.19 ; 11.7.20…
24 E. Cuq, Funus…, p. 1405 qui indique que chaque légion avait une caisse spéciale - undecimus follis - à laquelle cotisaient tous les légionnaires.
25 Végèce, Ins. Mil.2.20.
26 Sur cette question : M. Besnier, Les scholaes de sous-officiers dans le camp romain de Lambèse dans Mélanges d’archéologie et d’histoire, 19, 1899, p. 199-258, spécialement p. 212-213.
27 CIL, XVI, 2112 = ILS Dessau, 7212 = FIRA, 3, n. 41. Voir aussi J. M. Flambard, Eléments pour une approche financière de la mort dans les classes populaires du haut-empire. Analyse du budget de quelques collèges funéraires de Rome et de l’Italie dans F. Hinard (dir.), La mort, les morts et l’au-delà dans le monde romain. Actes du colloque de Caen, Caen, 1987, Presses universitaires, p. 209-242 et surtout p. 225-234 ; sur les collèges au premier siècle, voir (du même auteur) Claudius, les collèges, la plèbe et les esclaves. Recherches sur la politique populaire au milieu du 1er siècle dans MEFRA, 89, 1977, p. 115-156.
28 L’idéologie funéraire romaine commande de ne pas produire d’insepulti et de s’occuper d’un cadaver le plus vite possible. Un tel topos est courant dans la littérature (parmi dautres, voir Tacite, Ann.1.61) et trouve un prolongement au sein des normes juridiques ; cf. en ce sens Papinien Lib. 8 Quaest. D. 11, 7, 43 …nam propter publicam utilitatem, ne insepulta cadavera jacerent… ou encore D. 11, 8, 1 pr. ; 11, 8, 7, 1 ; 11, 8, 7, 7. Sur les âmes errantes de ceux qui n’avaient pas reçu un tombeau, se reporter à E. Jobbé-Duval, Les morts malfaisants « larvae, lemures » d’après le droit et les croyances populaires des Romains, Paris, 1924, p. 17-38, en particulier p. 25-31.
29 Polybe 15.14.
30 Paul lib. 3 Quaes. D.11.7.44 Cum in diversis locis sepultum est, uterque quidem locus religiosus non fit : quia una sepultura plura sepulchra efficere non potest : mihi autem videtur illum religiosum esse, ubi quod est principale conditum est, id est caput, cuiuc imago fit, unde cognoscimur. Cum autem impetratur, ut reliquiae transferantur, desinit locus religiosus esse. la dernière phrase attesterait, d’après G. Longo, l’intervention de la main des compilateurs, cf.G. Longo, Communità cristiane primitive e res religiosae dans Ricerche romanistiche, Milan, 1966, p. 233. Voir aussi sur ce texte : M. Morel, Le sepulchrum, étude de droit romain, Paris, 1928, p. 29-30 ; M. Kaser, Zum römischen Grabrecht dans ZSS, R. A., 108, 1978, p. 28 ; F. de Visscher, Le droit des tombeaux romains…, p. 54.
31 Tacite, Hist.2.49.8 et aussi J. L. Voisin, Les Romains chasseurs de têtes dans Du Châtiment dans la cité. Supplices corporels et peine de mort dans le monde antique, Rome, EFR, p. 241-293.
32 Lucain, Pharsale II, v. 169-173.
33 Tite-Live, 3.43.3-4 : quête du cadavre de Lucius Siccius qui bénéficia d’un funus militare aux frais de l’état ; 8.10.10 : recherche du corps de Decius qui fut retrouvé au bout de deux jours au milieu d’un monceau d’ennemis ; 10.29.18-19 : Fabius fait rechercher le corps de son collègue consul tombé au combat ; 27.28.1 ; 27.42.8 : Néron enterre ses morts profitant d’un moment de calme durant la guerre contre Hannibal. Parfois c’est l’ennemi qui tente de retrouver la dépouille d’un Romain, ainsi Hannibal voulut, après avoir donné l’ordre d’ensevelir les morts parmi les siens, mettre la main sur le corps de Flaminius pour lui donner des funérailles mais n’y parvint pas. Le Carthaginois donna une sépulture à Marcellus quand il trouva son corps sur le lieu des combats, cf. Tite-Live 22.7.5 et 27.28.1 respectivement. Voir aussi Sénèque, Ben.5.20.5 ; Med.133 ; Lucain, Phars. 6.637 ; 8.719.
34 Justin, Hist. Phil. 3.5.11 fait ici référence à une pratique spartiate mais un tel procédé cadre parfaitement avec l’enjeu gréco-romain de la sépulture et le nécessaire octroi d’une identité au défunt qui voulait bénéficier d’une tombe propre.
35 Virgile, Aen.11.203-212.
36 Virgile, Aen.11.187-203.
37 Ulpien lib. 25 ed. D.11.7.2.5 voir supra.
38 Gaius 2.7 au sujet du statut des res religiosae sur le sol impérial :…etiam si non sit religiosus, pro religiosus habetur (ce principe concerne aussi les res sacrae : …tamen pro sacro habetur…). la protection des tombeaux de type pro religiosus ne devait pas être fondamentalement différente de celle des sépultures religieuses. Il s’agit d’une variation technique reposant uniquement sur l’absence de dominium effectif sur le locus de la part de l’inhumant. Cf. à ce sujet M. G. Zoz, Sepoltura in luogo non consentito : le sanzioni contro l’inferens in luogo destinato ad uso publico dans Studi Impallomeni, Milan, 1999, p. 481-491, en particulier, p. 481 note 2.
39 Tite-Live 10.29.
40 Lucain, Phars. 8.835 ss. L’auteur s’indigne du sort qui a été réservé au corps de Pompée et voudrait arracher les restes de ce dernier à la terre d’Egypte pour les ramener vers la patrie romaine.
41 Cf. Tacite, Ann.3.5.2 ; Suétone, Tib.7.3 ; Dion Cassius, 55.2.1. Sur le rôle de substitution joué par les membres de la famille pendant le transfert et les funérailles, voir Polybe 6.53, et les commentaires de F. Walbank, A Historical Commentary on Polybius, 1, Commentatry of books 1-6, Oxford university press, Oxford, 1967, p. 737-740.
42 Sur ces transferts, voir A. Paturet, Iura sepulchrorum et contingences sociales, la translatio antérieure à l’illatio rituelle dans P. Ganivet (éd.), Identités, marginalités ou solidarités. Droits et histoire des personnes, Clermont-Ferrand, 2005, p. 232-255 ; Le transfert des morts dans l’Antiquité romaine : aspects juridiques et religieux dans Revue Internationale des Droits de l’Antiquité, 54, 2007, p. 349-378 ; Le dernier voyage des chairs dans J. P. Andrieux-C. Combette-A. S. Condette Marquant-D. Rouger-Thirion (éds.), La chair. Perspectives croisées, Paris, Mare et Martin, 2017 (sous presse) ; N. Laubry, Le transfert des corps dans l’empire romain : problèmes d’épigraphie, de religion et de droit romain dans MEFRA, 119, 1, 2007, p. 159-188.
43 CIL, VI, 2464 =ILS, 2089.
44 Dion Cassius, 76.15.13
45 ILS, 2244.
46 H. Daniel-Lacombe, Des sépultures en droit romain et en droit français, Paris, 1886, p. 131-132.
47 CIL, XVI, 2112 = ILS Dessau, 7212 = FIRA, 3, n. 41. 1 mille égale 5000 pieds soit 1,479 km.
48 Voir par exemple : Appien, De Bella civ.105.493-500 ; Plutarque, Pomp.15.4 ; Sylla, 38 : translatio du corps de Sylla de Cumes à Rome en 78 av. J.-C. ; Tacite, Ann.3.5.2 ; Suétone, Tib.7.3 ; Dion Cassius, 55.2.1 : translatio de Drusus, le fils de Livie, mort outre Rhin en 9 av. J.-C., vers Rome ; Tacite, Ann.2.69-75 ; 77 ; 83. 3.1-5 : translatio vers Rome de César Iulius Germanicus, neveu de Tibère, mort à Antioche en 19 ap. J.-C. ; Dion Cassius, 69.1.3 ; Eutrope, 8.5 : translatio de Trajan, mort à Selinonte, en 117 ap. J.-C. vers Rome ; Dion Cassius, 76.15.13 : translatio de Septime-Sévère, mort à Eburacum (York), vers Rome ; CIL, 6, 2664 = ILS Dessau 2089 : translatio des restes d’un centurion de la IIe cohorte prétorienne, de Bretagne vers Rome ; CIL, 8, 2772 : translatio des reliquiae d’une femme vers l’Algérie.
49 Ulpien lib. 2 ed. D.50.16.3 Itinere faciendo vingiti millia passum in dies singulos peragenda, si sunt accipienda :ut si post hanc dinumerationem minus quam vingiti millia supersint, integrum diem occupent :veluti viginti unum millia sunt passus, biduum eis attribuetur. Quae dinumeratio ita demun facienda erit, si de die conveniat. Ce texte a pu être rédigé à l’époque de Caracalla ; de même que la quasi-majorité des responsa du jurisconsulte que l’on trouve au D. 50.16 De verborum significatione, lesquels sont extraits des vingt premiers libri ad edictum d’Ulpien. Ces écrits ont fait l’objet d’un travail approfondi et l’auteur s’est attaché à mettre en évidence autant une définition qu’une solution juridique reprenant un critère classique.
50 Ce fut le cas pour Auguste, cf. Suétone, Aug.100.
51 Ces derniers étaient assez nombreux, au moins à Rome. Il faut distinguer les designatores, les libitinarii, les pollinctores, les vespillones, les sandapilarii, les ustores ou terdonti et enfin les custodes. De nombreuses données dans F. Hinard-et J. C. Dumont (dir.), Libitina. Pompes funèbres et supplices en Campanie à l’époque d’Auguste, Paris, De Boccard, 2003. La lex locationis de Pouzzoles établit un monopole au profit du concessionnaire et de ses associés. Cf. aussi A. Paturet, À propos de la loi de Pouzzoles sur le service public des pompes funèbres dans RHD, 82, 2004, p. 397-411. En ce qui concerne Rome, l’entreprise des pompes funèbres avait son siège sur l’Esquilin dans le temple de la déesse Libitina. C’est à cet endroit que se faisaient les déclarations de décès et que se trouvaient réglés tous les détails relatifs aux funérailles.
52 La Lex Libitina Puteolana 1.14 propose un forfait tarifaire pour un rapatriement dans un rayon de cinq milles autour de la colonie. L’hypothèse d’un rayon d’action maximal de vingt milles (qui correspondrait à quatre fois la distance de base et au total, à une journée de travail pour les employés) semble plausible. Ce calcul est basé sur l’évaluation d’Ulpien lib. 2 ed. au D.50.16.3 au sujet de la distance parcourue à pied en un jour.
53 Ulpien lib. 9 omn. trib. D.11.7.38 Ne corpora aut ossa mortuorum detinerentur, aut vexarentur, neve prohiberentur, quominus via publica transferrentur, aut quominus sepelirentur, praesidis provinciae officium est.
54 CJ.3.44.14 a. 386 Nemo humanum corpus ad alium locum sine augustis affatibus transferrat. Dans ce texte, il serait préférable de substituer le terme humatum à humanum si l’on considère le vocabulaire employé dans d’autres sources. Voir CT. 9.7.17 et surtout l’opinion d’Ulpien au D. 11.7.2.5 dont le présent fragment reprend l’idée fondamentale. Par ailleurs en dehors de CJ. 3, 44, 14, l’expression humanum corpus n’est jamais utilisée.
55 Au moins jusqu’à l’époque d’Auguste. En effet, le début de l’empire voit un déclin de la compétence des édiles, surtout en ce concerne la cura urbis.
56 Pline, Epis., 10.76-77.
57 Hypothèse reprise au CJ.3.44.10.
58 Tacite, Annales, 2.61-62 en particulier 62 sur la question de l’enjeu du cénotaphe.
59 Suétone, Claude, 1.19.
60 Ulpien lib. 25 ed. D. 11.7.6.1 Si adhuc monumentum purum est, poterit quis hoc et vendere et donare. Si cenotaphium sit, posse hoc venire dicendum est : nec enim esse hoc religiosum, divi fratres recripserunt.
61 Marcien lib. 3 ins. D.1.8.6.5 cenotaphium quoque magis placet locum esse religiosus, sicut testis in ea re est Virgilius.
62 Pour une analyse de cette controverse doctrinale, voir A. Paturet, Le statut du cénotaphe en droit romain : une controverse entre Marcien et Ulpien ? dans N. Cornu-Thénard A. Mergey S. Soleil (éd.), Actes des journées de la Société d’Histoire du Droit. La controverse. Etudes d’histoire de l’argumentation juridique, Rennes, 2017 (sous presse).
63 D.11.7.39 Marcien lib. 9. Omn. trib. D.11.7.39 Divi fratres edicto admonuerunt, ne justae sepulturae traditum, id est terra conditum, corpus inquietetur…
Pour citer cet article
A propos de : Arnaud Paturet
Juriste privatiste et historien antiquisant de formation, Arnaud Paturet est chercheur au CNRS (UMR 7074 Centre de théorie et analyse du droit) et enseignant à l’Ecole normale supérieure de Paris ainsi que dans divers établissements (Centre national de la fonction publique territoriale, Ecole nationale supérieure de Police, Institut du travail social de la région Auvergne…). En tant qu’historien du droit, il s’intéresse en particulier au droit romain comme discipline historique, mais aussi et surtout à sa projection comme matrice des droits occidentaux voire des images mentales modernes. Ses principaux thèmes de recherches, à savoir la mort et les rituels funéraires, le suicide, les concepts et catégories juridiques, la religion, l’esclavage, les corps, la différenciation sexuée, le handicap, la figure du père etc. recèlent une forte connotation sociétale qui dépasse la seule technique juridique. Il en résulte une méthode de travail spécifique mêlant la sociologie historique et l’anthropologie aux sciences du droit.