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- Volume 3 - 2016
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MUSIQUE ET ESTHETIQUE DU TEMPS SELON KANT ET BERGSON
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La métaphysique du temps constitue le cœur de l’opposition entre les philosophies de Bergson et de Kant. A travers le cas particulier de la musique, l’article développe l’idée que ces deux métaphysiques antagonistes engendrent deux esthétiques musicales opposées. La musique est un art non-représentatif. Son caractère non-référentiel implique un certain discrédit chez Kant, à l’inverse de Bergson pour qui elle possède un pouvoir de révélation du réel en soi, en tant que durée. Kant conçoit la musique à travers l’application de la catégorie de quantité à la sensation et au jugement de goût, là où Bergson fait de la musique un flux qualitatif. Enfin, l’article étudie les conséquences métaphysiques de ces deux esthétiques musicales. Si pour Kant la temporalité implique une coupure entre l’art et le noumène qui ne peut alors se sensibiliser que de façon symbolique, Bergson saisit dans l’art l’expression d’un pouvoir d’entraînement semblable à celui de l’énergie spirituelle que manifestent les grands hommes.
Abstract
The metaphysics of time constitutes the heart of the opposition between Bergson and Kant’s philosophy. Through the particular case of music, the article develops the idea that these two opposing metaphysics generate two opposing musical aesthetics. Music is a non-representational art. Its non-referential nature implies some disrepute in Kant, unlike Bergson for whom it has a power of revelation of reality in itself, as duration. Kant conceives music through the application of the category of quantity to sensation and to judgment of taste, when Bergson makes music a qualitative flow. Finally, the article examines the metaphysical consequences of these two musical aesthetics. If for Kant temporality implies a cut-out between art and noumenon, which can then become sensible only symbolically, Bergson seized in art the expression of a power of training similar as spiritual energy that great men show.
Zusammenfassung
Die Metaphysik der Zeit ist der Kern des Antagonismus zwischen den Philosophie von Bergson und Kant. Am besonderen Fall der Musik entwickelt dieser Aufsatz die Idee, dass diese beiden antagonistische Metaphysiken zwei gegensätzliche Musikästhetiken erzeugen. Musik ist eine nicht-darstellende Kunst. Ihre nicht-referenzielle Natur bringt sie bei Kant in Verruf, im Gegensatz zu Bergson, für den sie, als Dauer, ermöglicht die Realität an sich zu offenbaren.Kant begreift die Musik durch die Anwendung der Quantitätkategorie an die Anschauung und an das Geschmacksurteil, während für Bergson Musik eine qualitativer Fluxus ist. Schließlich untersucht dieser Ausatz die metaphysischen Konsequenzen dieser beiden Musikästhetiken. Für Kant bedeutet Zeitlichkeit eine Trennung zwischen der Kunst und dem Noumenon, der sich dann nur symbolisch versinnlichen kann. Bergson begreift in der Kunst den Ausdruck einer der geistigen Energie der grossen Männer ähnlichen Antriebskraft .
Inhoudstafel
1On ne peut imaginer deux esthétiques musicales plus dissemblables que celles de Kant et de Bergson. Le philosophe de Königsberg tenait l’art musical en piètre estime. Son biographe Louis Ernest Borowski raconte l’anecdote suivante :
2Il acheta, dans un quartier assez silencieux, près du château, une maison avec un petit jardin. Elle lui suffisait, étant donné ses goûts modestes, mais là, les chants venant d’une prison voisine le dérangeait à chaque instant. Kant essaya d’obtenir, par l’influence de Hippel, que la police mette fin à ce « trouble de jouissance », comme il appelait ces chants. Il ne réussit pas comme il voulut, mais il obtint qu’on obligeât les prisonniers à fermer leurs fenêtres quand ils chantaient1.
3Kant ne s’extasiait que pour la musique militaire. Comme le dit Bayer : « L’oreille de Kant, non moins rigide que sa morale, ne tolère que la musique des grenadiers2 ». Ce légendaire manque de goût du philosophe prussien suscitait la raillerie de Bergson : « toute l’esthétique vient de Kant qui pourtant écoutait de la musique militaire et n’avait jamais vu de tableaux3 ». Bergson de son côté appréciait Wagner, considérait Debussy comme un génie et vouait un culte à Beethoven4. Véritable mélomane,
4Bergson, sur la fin de sa vie, faisait venir des disques qu’il entendait longuement : c’était l’exécution, fixée par l’enregistrement des œuvres classiques de la musique. De la même symphonie, de la même sonate, il écoutait les différences5.
5Mais l’esthétique, pour autant qu’elle soit l’œuvre de philosophes, ne se réduit nullement à une simple préférence individuelle. Elle doit justifier conceptuellement ses affirmations. Au-delà de l’anecdote, la différence entre Kant et Bergson sur le statut de la musique relève à la fois de la philosophie de l’art et de la métaphysique. L’étude de la musique peut apparaître comme un problème marginal dans les œuvres de Kant et de Bergson. Pourtant, elle fait appel à deux thèmes centraux. Elle permet d’éclairer les conceptions esthétiques de ces deux auteurs à travers un cas concret, et elle mobilise ce qui constitue le cœur de l’opposition entre leurs métaphysiques : la question du temps6.
6Kant souhaite fonder a priori la science physique newtonienne. Il conçoit le temps comme une linéarité homogène en laquelle se distinguent la matière et la forme. Le temps kantien rend possible l’établissement de coordonnées du mouvement, afin de mesurer les phénomènes mécaniques. Bergson décrit la durée comme une continuité hétérogène et créatrice en laquelle le contenu et la forme sont immanents l’un à l’autre7. Contre le mécanisme kantien, elle rend possible notre liberté phénoménale. Bien plus, cette opposition entre deux conceptions du temps implique deux métaphysiques antagonistes. Le temps kantien est idéel, il fonde notre rapport aux phénomènes mais rend inaccessible à la connaissance le noumène extra-temporel8 qui acquiert alors le statut de postulat. Au contraire, la durée bergsonienne est réelle, sa saisie intuitive nous donne accès à un absolu. La durée constitue le fond de la réalité. L’expérience temporelle possède alors un pouvoir de révélation.
7La musique constitue un enjeu important pour l’ontologie des phénomènes car elle possède le pouvoir de rendre sensible le temps. Elle articule l’immatériel et le sensible temporel. Derrière les esthétiques musicales de Kant et de Bergson se profile un antagonisme métaphysique. Aussi, dans cette confrontation, trois questions se posent à nous : Quelle est la spécificité de la musique par rapport aux autres arts ? Par extension, quel statut nos deux philosophes confèrent-ils à l’esthétique du temps ? Enfin, quelles conséquences métaphysiques en découlent ?
I) SPECIFICITE DE LA MUSIQUE
8En plus de son caractère temporel, qui fera l’objet de la seconde partie de cet article, la musique possède deux propriétés singulières : elle est un art non-représentatif et elle se compose de vibrations sonores. Examinons successivement ces deux points.
a) La musique comme art non-représentatif
9Contrairement à la peinture ou à la poésie par exemple, la musique n’est pas un art figuratif ou représentatif, elle ne se réfère qu’à elle-même. La musique n’imite aucun objet du monde extérieur, elle n’exprime aucune mimésis spatiale. Elle se compose de signifiants sans signifiés. Bien entendu, on peut toujours trouver une signification à telle ou telle composition, mais il ne s’agira que d’une signification indirecte, suggérée plutôt que désignée. De même, elle peut accompagner un poème ou un livret d’opéra, elle peut évoquer en nous telle ou telle émotion pourvue de sens, voire imiter des sons naturels comme dans le Carnaval des animaux de Saint-Saëns. Mais le caractère référentiel de la musique demeure toujours secondaire par rapport à l’articulation des sons. L’architecture sonore demeure autoréférentielle, même dans l’opéra. Or ce caractère non-représentatif explique la place que prend la musique chez Kant et chez Bergson.
10Kant place la poésie au-dessus de tous les autres arts. Les arts, en effet, peuvent se classer selon le critère d’expression et de communication9. Nous communiquons par des mots (art de la parole), par des gestes (art figuratif) et par le ton (art du jeu des sensations). Aussi la poésie, art de la parole, est le plus symbolique de tous les arts, celui qui donne le plus à penser et nous élève jusqu’à l’Idée morale. Inversement, la musique, cas particulier du jeu des tons, donne des sensations agréables mais reste un art inférieur par son absence de symbolisation directe :
11la musique est à vrai dire jouissance plutôt que culture (le jeu d’idées qu’elle déclenche à titre d’à-côté n’est que l’effet d’une association pour ainsi dire mécanique) et, jugée du point de vue de la raison, elle a moins de valeur que n’importe lequel des autres arts. C’est pourquoi, comme toute jouissance, elle exige de fréquents changements et ne supporte pas les répétitions sans susciter l’ennui10.
12Aussi la musique constitue, selon le critère du jugement de goût, un mixte entre le beau et l’agréable. On ne peut entendre de composition musicale (la forme) sans exécution instrumentale (la matière). En elle, la matière sonore risque toujours de prévaloir sur la forme, de sorte que la frontière entre beau et agréable reste indéterminée :
13on ne peut dire avec certitude si une couleur ou un ton (un son) ne sont que d’agréables sensations ou constituent en soi déjà un beau jeu des sensations, et, en tant que tels, impliquent une satisfaction provoquée par la forme, lors d’un jugement esthétique11.
14En quelque sorte, dans la musique le jugement esthétique se trouve débordé par le caractère agréable des sons. L’agréable provient de la sensation seule, par exemple du timbre de l’instrument. Il s’agit de la matière de la sensation. Le beau résulte de l’harmonie des sensations, c’est-à-dire de la composition des sons, ce que Kant nomme « le jeu des tons ». Il s’agit de la forme des diverses sensations, de leurs relations. Mais parce que la musique nous donne un mixte entre le beau et l’agréable, Kant l’estime moins que la peinture. Dans la mesure où en elle la matière semble prévaloir sur la forme, Kant reproche à la musique son caractère trop corporel12. Pour résumer, Kant « considérait que la musique ne pouvait exprimer aucune idée, mais seulement des sentiments13 ». On connaît la dévalorisation kantienne du sentiment, lorsque celui-ci se détache de la raison. La musique constitue pour son auditeur le moins intellectuel de tous les arts car elle relève presque de la physiologie :
15Tout jeu libre et changeant des sensations (qui ne se fondent sur aucune intention) fait plaisir, car il stimule le sentiment d’être en bonne santé : peu importe alors que, dans le jugement de la raison, l’objet de ce plaisir, voire le plaisir lui-même, nous procure une satisfaction ou non14.
16Cependant ne nous méprenons pas ; quoique la musique constitue le genre artistique le moins valorisé par Kant, elle n’en reste pas moins un art à part entière. Certes, l’agréable se mêle au beau, engendrant un art impur15. Mais la musique conserve les caractéristiques de tout art, en particulier les critères du beau (unanimité, finalité sans fin, recognition sans concept, libre jeu des facultés) et ceux du sublime (la grandeur, physique ou morale).
17Chez Bergson, ce caractère non-figuratif et non-représentatif de la musique lui donne au contraire sa place éminente. Le philosophe français défend un réalisme métaphysique dans lequel les artistes possèdent le privilège de percevoir ce que les autres hommes ne perçoivent pas. Or l’obstacle essentiel entre la représentation et le réel est l’espace, forme a priori et donnée pragmatique dans laquelle la durée s’immobilise, se déforme et se dénature. La durée toute pure, expression du Moi profond, demeure inaccessible tant que nous nous représentons notre pensée et le monde à travers le prisme de notre intelligence spatialisante. Or la musique possède la même caractéristique que la durée bergsonienne : la continuité hétérogène. Aussi, Bergson ne cesse de souligner l’analogie entre durée et musique. La musique constitue l’art privilégié, celui dans lequel se manifeste une réalité intérieure, proche du Moi profond :
18La durée toute pure est la forme que prend la succession de nos états de conscience quand notre moi se laisse vivre, quand il s’abstient d’établir une séparation entre l’état présent et les états antérieurs (…) comme il arrive que nous nous rappelons, fondues ensemble, les notes d’une mélodie. Ne pourrait-on pas dire que, si ces notes se succèdent, nous les apercevons néanmoins les unes dans les autres, et que leur ensemble est comparable à un être vivant, dont les parties, quoique distinctes, se pénètrent par l’effet même de leurs solidarité16.
19Les arts figuratifs ou poétiques possèdent dans leurs expressions les plus réussies, dans les chefs d’œuvre, un pouvoir de révélation du réel en soi. Mais la musique possède une place éminente car elle se situe au plus proche des mouvements de l’âme, elle en suit les traits et résonne conjointement à notre dynamisme intérieur. La peinture et la sculpture visent à ordonner l’espace. La poésie utilise des symboles. Autrement dit, par leur structure propre ces arts immobilisent la durée et font appel à notre intelligence. La musique au contraire nous place en sympathie avec l’intuition de la durée.
b) La musique comme série de vibrations sonores
20Les travaux de Helmholtz ont inauguré, au XIXe siècle, l’étude psychophysique du rapport entre la vitesse de vibration sonore et l’effet produit chez l’auditeur. Ces travaux s’inspirent de la théorie kantienne des grandeurs intensives. Comme Ribot le soulignait17, la psychophysique fut inventée par des psychologues post-kantiens (Herbart, Lotze...). En effet, dans la Critique de la Raison pure Kant développait une théorie des grandeurs intensives conçues comme la traduction de la quantité en qualité. Cette théorie, exposée dans le chapitre consacré aux anticipations de la perception18, permettait aux yeux de son auteur une unification de la discontinuité quantitative et de la continuité qualitative. Comme dans la conception leibnizienne des petites perceptions, les phénomènes vibratoires sont traductibles à la fois dans les termes du calcul infinitésimal et dans la qualité subjective, sans qu’on puisse constater un hiatus entre ces deux aspects. Selon Kant, on parle d’ « anticipation » ou de « prolepse » à propos de la perception car l’entendement (comme forme a priori) anticipe le fait que sa matière (c’est-à-dire la sensation) aura une intensité, bien qu’elle ignore ce que sera concrètement cette matière. L’anticipation porte sur la forme de l’intensité mais non sur son contenu19.
21Selon Kant, la musique se trouve liée à la théorie exposée dans les anticipations de la perception pour deux raisons :
221. D’une part la perception musicale contient une prolepse. Alors que les arts plastiques présentent l’œuvre comme une totalité immobile, la musique se donne à travers une succession temporelle. L’esprit anticipe la forme intensive de la sensation, mais non sa matière. C’est l’étonnement devant cette matière sonore qui crée le caractère agréable de la musique. La répétition provoque l’ennui alors que la variété suscite l’attention de l’auditeur. L’agrément suscité par la musique provient alors d’un jeu et d’une variation d’intensités.
232. D’autre part, la musique relève des grandeurs intensives, d’où le caractère mathématique de la notation musicale. Dans la seconde analogie de l’expérience20, Kant décrivait une succession objective et une succession subjective qui peuvent ne pas coïncider. Or dans la troisième Critique Kant reprend ce problème pour l’appliquer à l’esthétique musicale. La vitesse de vibration de l’air dépasse notre capacité à découper le temps, et pourtant nous réussissons une telle unification et organisation par nos facultés transcendantales :
24A considérer la vitesse des vibrations de la lumière ou, pour le son, de l’air, vitesse qui dépasse sans doute très largement notre faculté d’apprécier immédiatement, lors de la perception, la proportion des divisions temporelles que ces vibrations provoquent, on devrait penser que seul est ressenti, par les parties élastiques de notre corps, l’effet de ces vibrations, mais que les divisions temporelles ne sont pas remarquées ni prises en compte dans le jugement, et que, par conséquent, on ne devrait associer aux couleurs et aux sons qu’un caractère agréable, et non la beauté de leur composition21.
25En effet, la vitesse sonore schématisée par notre esprit ne constitue pas encore un jugement (même réfléchissant) mais seulement une intensité ou une série d’intensités. La grandeur intensive des sensations constitue seulement la matière de l’art musical et non sa forme. Un son ne peut pas être beau par lui-même indépendamment de la composition musicale. Seule la forme peut engendrer le sentiment de la beauté. Mais alors la musique possède une structure mathématique à double titre : en tant que série de vibrations sonores, et en tant qu’organisation harmonique22. Simplement, sa forme mathématique demeure implicite, cachée sous l’effet sonore, contrairement à la perspective en peinture qui apparaît plus facilement à nos yeux.
26Kant conceptualise les anticipations de la perception dans le but de donner une légitimité transcendantale au calcul infinitésimal. Celui-ci permet de quantifier la qualité. Contre la théorie kantienne, Bergson démontre que les grandeurs intensives sont un mauvais mixte entre quantité et qualité. En effet, la quantité se construit dans l’espace alors que la qualité se réfère à la compénétration des états de conscience dans l’expérience de la durée. La théorie kantienne des grandeurs intensives fusionne arbitrairement l’intensité objective et l’intensité subjective. Naît alors une illusion naturelle résultant de la spatialisation de la durée. Bergson souligne que cette illusion s’effectue par une projection de données corporelles sur les données incorporelles de la conscience, qui superpose une relation causale externe sur la multiplicité qualitative interne :
27Il est incontestable que les notes aiguës nous paraissent produire des effets de résonnance dans la tête, et les notes graves dans la cage thoracique (…) Nous dirons alors que la note est plus haute, parce que le corps fait un effort comme pour atteindre un objet plus élevé dans l’espace. L’habitude s’est ainsi contractée d’assigner une hauteur à chaque note de la gamme, et le jour où le physicien a pu la définir par le nombre de vibrations auxquelles elle correspond dans un temps donné, nous n’avons plus hésité à dire que notre oreille percevait directement les différences de quantité. Mais le son resterait qualité pure, si nous n’y introduisions l’effort musculaire qui le produirait, ou la vibration qui l’explique23.
28La musique nous place en présence d’un processus purement qualitatif. Mais par une déformation de la conscience résultant de la spatialisation spontanée provoquée par notre intelligence, nous croyons à tort entendre des intensités quantitatives.
29Bergson se situe aux antipodes du pythagorisme musical dont la théorie kantienne hérite. Certes, les notes possèdent une intensité objective résultant de leur vitesse de vibration, mais la perception que nous en avons reste irréductiblement subjective. Ainsi, le diapason provoque 440 vibrations chaque seconde. Mais le La-880 n’est pas un La-440 plus intense. Pour notre oreille il s’agit d’une autre note de musique. Chaque morceau, chaque composition, chaque exécution constitue une œuvre unique, incomparable et incommensurable en raison de sa singularité qualitative.
II) L’ART ET LE TEMPS
30De même que Kant retrouve dans tous les arts, sous une forme dégradée, la qualité essentielle qu’il attribue à la poésie (le symbolisme), Bergson retrouve la durée dans toutes les formes artistiques, que ce soit la peinture, la sculpture, la poésie ; toutes expriment également le mouvement de l’âme. La musique constitue donc, pour lui, le modèle des autres arts. Sans leur donner la même importance que Bergson, Kant prend également en compte les structures temporelles dans l’art. Comment Kant et Bergson élaborent-ils une esthétique du temps ?
a) Kant, le jeu des tons et le sublime
31Selon Kant la musique met en jeu deux temps :
321) Le temps comme forme pure : Dans les Réflexions, Kant affirme à de nombreuses reprises24 que le goût possède une universalité de droit car il se fonde sur l’espace et le temps, qui sont eux-mêmes des formes universelles. L’unité de l’esprit humain à l’échelle de notre espèce, explique tout autant l’universalité de la connaissance que celle du jugement de goût. L’esthétique artistique de Kant trouve ainsi son fondement dans l’Esthétique transcendantale. Ce temps pur fait l’objet d’un découpage par le compositeur dans la mesure où l’harmonie musicale relève de la proportion mathématique.
332) Le sens interne dans lequel se déroule un jeu de sensations auditives : Le sens interne projette dans le sensible la forme pure du temps. Nous n’éprouvons pas l’expérience du temps pur en tant que forme a priori. Mais la musique permet de suppléer ce manque et de rendre sensible ce temps pur, de l’objectiver dans une succession vécue.
34Cette objectivation du temps réussit grâce au schématisme, en tant que temporalisation dans l’imagination pure. Cette activité est présente dans la connaissance comme dans le plaisir esthétique. L’harmonie musicale devient ainsi le modèle du schématisme esthétique25, engendrant le sentiment de beauté, alors que le sublime apparaît au contraire comme une dissonance primordiale de ce schématisme. Le beau et le sublime ne relèvent pas de la même temporalité affective. Le beau crée une calme contemplation alors que le sublime met en mouvement notre esprit et provoque un ébranlement dû à l’interaction de forces contradictoires26. L’agrément du sens interne renvoie à la forme pure du temps découpé musicalement, de sorte que c’est encore l’harmonie formelle qui prédomine, même si le son constitue la matière de la musique.
35Kant introduit une différence selon que l’œuvre d’art est perçue comme statique ou mouvante. Le beau se manifeste comme statique dans la figure et comme mouvant dans le jeu des tons. La notion de beauté se fonde sur la notion de forme. Or la forme peut s’exprimer en tant que figure lorsqu’on la saisit comme statique, ou en tant que jeu lorsqu’elle apparaît temporelle27. En réalité, tous les arts comportent un aspect statique et un aspect temporel, de sorte que toute œuvre manifeste à la fois une figure et un jeu. Cependant ces deux aspects s’articulent de façon hiérarchisée. Dans les arts plastiques la figure engendre le jeu et constitue le terme prédominant. Au contraire, dans la danse et la musique le jeu engendre la figure, c’est donc le jeu qui prédomine. Le beau se manifeste à la fois de manière statique lorsque l’harmonie de la figure importe davantage, et de manière temporelle lorsque l’harmonie se situe dans le mouvement et dans le jeu des sensations successives. Ces deux aspects sont synthétisés dans la notion de « libre jeu des facultés » qui signifie à la fois l’harmonie et l’unification temporelle. Le libre jeu des facultés unifie le divers sous une totalité. Aussi l’imagination esthétique relève d’une « libre légalité », un jeu qui ne tombe pas dans l’arbitraire mais reste subordonné à une harmonie. La sensibilité esthétique constitue un terme médiat, à la fois statique et temporel, entre la pure unité du jugement et la pure diversité des sensations subsumées sous ce jugement. Dans le « jeu des tons », la sensibilité esthétique apparaît comme active. Il y a jeu des tons dans la mesure où le sentiment ne provient pas de tel ou tel son, mais des relations entretenues par les sons. La perception musicale est donc transcendantale et pas seulement physique.
36Si le beau met en jeu la temporalité du schématisme liée à l’imagination et au sens interne, le sublime engendre des effets temporels notables28. Il possède un rapport privilégié avec la question du temps et de l’intemporel. Il semble orienter l’esprit en direction de l’éternité, comme le soulignait déjà Kant dans son écrit précritique Observations sur le sentiment du beau et du sublime :
37Une longue durée de temps est sublime. Appartient-elle au passé ? Alors elle est noble. Est-elle vue par anticipation dans un avenir où le regard se perd ? Elle a quelque chose de terrifiant. Un édifice qui remonte à la plus haute antiquité est vénérable. La description que fait Haller de l’éternité à venir inspire un doux effroi, et celle qu’il fait de l’éternité passée une admiration pétrifiée29.
38Le sublime désigne indirectement le suprasensible et constitue une expérience métaphysique, une présentation sensible de l’absolu :
39La représentation mathématique de l’infinie grandeur de l’univers, les considérations de la métaphysique sur l’éternité, la Providence, l’immortalité de notre âme, offrent une certaine sublimité et une certaine grandeur30.
40En cela, l’esthétique kantienne ressemble à une reprise des théories antiques de l’enthousiasme, comme dans le Ion de Platon. Pourtant, depuis la Critique de la raison pure pèse sur la connaissance un interdit théorique : celui d’un accès direct à la chose en soi. L’esprit humain ne saurait se projeter hors du temps pour intuitionner le noumène. Dès lors, la relation entre la temporalité du sublime et l’intemporalité nouménale apparaît comme problématique. Dans la Critique de la faculté de juger, Kant développe une théorie dans laquelle le sublime se présente comme une saturation de l’espace et du temps qui exprime indirectement un au-delà des phénomènes, sans que pour autant cet au-delà prenne valeur de connaissance.
41Le sublime résulte d’un différend entre l’imagination et la raison. Face à la démesure, la raison humaine saisit une unité là où l’imagination échoue à synthétiser. Une intuition outrepassant les limites de l’imagination devient par là insaisissable. La présentation d’un objet dans l’intuition requiert un processus temporel de l’imagination qui s’exprime dans un double mouvement : l’appréhension et la compréhension. Or « L’appréhension ne pose pas de problème, car avec elle on peut aller jusqu’à l’infini ; mais la compréhension devient toujours plus difficile à mesure que l’appréhension progresse, et elle parvient vite à son maximum31 ». Lorsque nous intuitionnons une réalité démesurée qui nous semble infinie, nous réussissons à l’appréhender sans la comprendre (au sens ancien d’ « enserrer » ou d’ « embrasser »). C’est que l’infinité perçue déborde les limites des formes a priori de la sensibilité. L’objet se présente alors comme une totalité insaisissable32, irréductible à une forme délimitée. La tentative pour comprendre la démesure sublime suppose une distorsion temporelle :
42Mesurer un espace (en tant qu’appréhension de cet espace), c’est à la fois le décrire – il s’agit donc d’un mouvement dans l’imagination – et opérer une progression ; en revanche, la compréhension de la pluralité dans l’unité, non de la pensée, mais de l’intuition, par conséquent dans l’unité de ce qui est appréhendé successivement en un instant, est une régression qui supprime à nouveau la condition temporelle dans la progression de l’imagination et rend manifeste la simultanéité. Donc (puisque la succession temporelle est une condition du sens interne et de l’intuition) la mesure est un mouvement subjectif de l’imagination par quoi elle fait violence au sens interne, violence qui, nécessairement, devient d’autant plus sensible qu’est plus grand le quantum compris par l’imagination dans l’intuition33.
43 La difficulté rencontrée par l’esprit se situe dans la contradiction entre l’appréhension dans une progression temporelle infinie et la compréhension sous une forme finie et simultanée34. Il s’agit de figer l’infinité temporelle dans l’instantanéité d’un clin d’œil (Augenblick). La contradiction entre imagination (l’instantanéité) et raison (l’infinité) engendre un effet ambivalent. Nous prenons conscience des limites de notre esprit tout en visant un terme au-delà de celles-ci. L’impuissance de l’imagination révèle paradoxalement la puissance de la raison35. Le beau possède avant tout une valeur phénoménale car il s’inscrit dans le temps comme forme a priori de la sensibilité. Le sublime au contraire déforme le temps, provoque une fissure dans sa perception. Il sature l’imagination jusqu’à transpercer le temps et donner l’impression d’atteindre le noumène. C’est pourquoi le sublime comporte une analogie entre le sensible temporel et le suprasensible éternel. Mais cette divinisation de l’expérience esthétique reste toujours cantonnée chez Kant au statut d’hypothèse. En effet, la sensibilité esthétique demeure un phénomène temporel et donc extérieur à l’intemporalité du noumène, même dans le sublime. Si la philosophie de Kant considère l’absolu comme intemporel, les arts, et particulièrement la musique, demeurent séparés de l’absolu par leur temporalité. Jamais nous ne découvrons le voile d’Isis. Le noumène peut être évoqué, invoqué ou symbolisé dans l’expérience artistique, mais ne peut pas être atteint directement, à moins de faire de l’artiste un illuminé (« schwärmer »).
44En faisant de la musique un « jeu », Kant se place du côté de la notation musicale. En raison du primat donné à la notation sur ses autres aspects, la musique est avant tout un langage36. Aussi, quoiqu’elle s’inscrive dans une continuité temporelle, Kant conçoit la musique comme essentiellement discontinue : elle possède une organisation syntaxique, elle consiste à articuler des éléments hétérogènes, des vibrations et des séquences temporelles distinctes selon une logique combinatoire. Cette discontinuité temporelle, se retrouve également dans le sublime qui « fait violence au sens interne » en exprimant une déchirure entre l’appréhension infinie et la compréhension finie. Face à un tel discontinuisme, la pensée bergsonienne oppose l’idée que le réel en soi est à la fois continu et saisissable par la perception artistique.
b) Bergson, une esthétique de la durée
45L’esthétique musicale de Bergson s’éloigne fortement de celle de Kant37. Bergson refuse de considérer le temps esthétique comme relevant d’un jeu, c’est-à-dire comme une discontinuité syntaxique et une articulation d’éléments séparés. En vertu de sa théorie de la durée, il se situe d’emblée dans l’ordre de la continuité qualitative et de la compénétration des instants successifs. Comme le grotesque s’oppose à la grâce, l’ordre du discontinu provoque le rire en vertu de la définition du comique comme « mécanique plaqué sur du vivant38 ». Au contraire la musique, par sa continuité hétérogène, forme dès le premier livre de Bergson, le modèle de la « durée toute pure ». La musique n’apparaît pas en premier lieu comme une affaire de notation mais comme coïncidence entre deux durées, celle de la symphonie, par exemple, et celle de la conscience. C’est pourquoi, au lieu de se réduire à son aspect mathématique, elle provoque en nous des émotions profondes. Loin d’être trop corporelle comme le croyait Kant, par la durée toute pure qu’elle manifeste, elle nous met en contact avec notre Moi profond. Elle se conforme au mouvement immanent de l’âme, manifestant alors un pouvoir révélateur. Même le caractère imprévisible de la musique que Kant rattachait à la prolepse de la seconde analogie de l’expérience est interprété par Bergson comme relevant de l’essence de la durée créatrice. Aussi, la musique se situe au sommet de l’art. Sa faculté à susciter l’émotion de l’auditeur se compare au pouvoir d’entraînement du grand mystique.
46Ce qui semble paradoxal dans l’esthétique bergsonienne vient de ce que la mimésis s’exerce dans la musique plus que dans tout autre art, car la durée du morceau coïncide avec la durée de la conscience de l’auditeur. La coïncidence des deux durées est mimétique. Puisque la musique ne représente aucun objet (mimésis spatiale), elle permet d’exprimer le flux de conscience (mimésis temporelle). L’émotion musicale relève d’un mouvement immanent, intérieur, parce qu’elle est sans objet extérieur comme les émotions profondes39. Elle manifeste l’unité de ce que nous voulons et de ce qui arrive40. Aussi peut-elle susciter une joie pure sans référent déterminé. La musique se définit avant tout comme l’image sonore d’une durée créatrice : « Dans la création musicale (…) nous percevons comme une autocréation de la matière, l’idée se cherchant en quelque manière une expression41 ». Dans cette autocréation, la musique exprime la sympathie de ma conscience avec le cosmos :
47Quand la musique pleure, c’est l’humanité, c’est la nature entière qui pleure avec elle. A vrai dire, elle n’introduit pas ces sentiments en nous ; elle nous introduit plutôt en eux, comme des passants qu’on pousserait dans une danse. Ainsi procèdent les imitateurs en morale42.
48Aussi, la coïncidence de la conscience de l’auditeur avec la musique s’apparente à la coïncidence entre le grand homme et ses imitateurs. En suivant les grands hommes, nous répétons en nous-mêmes leurs émotions profondes. Un tel pouvoir spirituel de l’art, comparable en partie à celui de la mystique, s’exprime dans la notion de grâce. La grâce manifeste le caractère qualitatif de l’émotion esthétique, lié à la durée :
49Les sentiments esthétiques nous offrent des exemples plus frappants encore de cette intervention progressive d’éléments nouveaux, visibles dans l’émotion fondamentale, et qui semblent en accroître la grandeur quoiqu’ils se bornent à en modifier la nature43.
50Une esthétique des formes sensibles, comme celle de Kant, explique difficilement la durée esthétique, sauf à la réduire à une discontinuité, une articulation, un jeu. Bergson veut dépasser cette limitation par son esthétique de la grâce. La grâce joue sur une double tension, elle est l’équilibre dans le déséquilibre. Elle résulte de l’interaction dynamique de forces contradictoires. En elle, l’esthétique des forces subsume l’esthétique des formes. Dans la grâce, le dynamisme engendre l’harmonie comme le mouvement engendre l’immobilité. La forme reste présente mais elle dépend des lignes de force qui jouent en elle. La grâce se définit comme la beauté dans le mouvement. Mais il faut préciser qu’un tel mouvement est double : à la fois mouvement de l’œuvre et mouvement de l’âme, élévation. Dès lors, l’esprit communiquons avec le mouvement gracieux et sympathise avec lui : « le rythme est devenu toute notre pensée et toute notre volonté44 ». L’art apparaît donc comme une sorte de télépathie entre l’œuvre et notre âme.
51Cette sympathie entre le Moi et l’œuvre résulte d’une suggestion. En cela, la durée esthétique est quasi hypnotique : « Il y a donc des phases distinctes dans le progrès d’un sentiment esthétique, comme dans l’état d’hypnose45 ». La succession temporelle dans la contemplation esthétique engendre un approfondissement, une croissance, un développement du sentiment esthétique dans l’âme. La contemplation esthétique se définit comme un mouvement de l’esprit. La perception attentive de l’œuvre provoque une « insinuation graduelle46 » comme dans la suggestion hypnotique. Ce mouvement correspond à la manifestation de l’émotion. Dans la contemplation esthétique, une synthèse, une multiplicité qualitative, se donne à nous et la durée de la contemplation se présente comme un « progrès qualitatif47 », un approfondissement de l’émotion dans l’âme. Toute émotion surgit à travers un mouvement, aussi l’esthétique ne peut pas demeurer statique ni résulter d’une forme immobile (comme la symétrie) mais doit plutôt manifester un jeu de forces. Parce que l’émotion signifie littéralement « ce qui nous meut », en tant qu’« émotion profonde » elle est mouvement intérieur, durée propre. L’émotion esthétique correspond à la durée de la contemplation. Parce qu’elle contient une infinité de nuances qualitatives, parce qu’elle mobilise toute la palette de l’esprit, parce qu’elle est multiplicité qualitative, elle ne saurait se réduire à son aspect « formel » comme chez Kant. L’émotion esthétique selon Bergson ne peut pas se limiter à une forme ayant abstrait sa matière, parce qu’elle est trop riche. Ainsi, la durée ne se manifeste pas seulement dans la musique mais également dans les arts plastiques. Si le tableau était seulement spatial, sa contemplation serait purement quantitative. Les arts plastiques agissent sur notre durée précisément par leur propriété statique. Cette durée paradoxale, quasi-immobile, s’exprime à travers « la fixité qu’ils imposent soudain à la vie, et qu’une contagion physique communique à l’attention du spectateur48 ». Aussi, les arts plastiques créent un contraste entre notre durée spirituelle et la fixité matérielle. Ils figent artificiellement le mouvement qui, dès lors, sera suggéré dans le caractère figé de l’œuvre. Par exemple « On retrouverait en architecture, au sein même de cette immobilité saisissante, certains effets analogues à ceux du rythme49 ».
52On distingue alors deux types d’art :
531. Les arts du mouvement, comme la danse, la poésie, la musique, dans lesquels le mouvement perçu engendre un mouvement sympathique dans notre âme.
542. Les arts de l’espace, comme la peinture50, la sculpture, l’architecture, dans lesquels les mouvements de l’âme proviennent au contraire de la fixité et de l’« immobilité saisissante » qui suggèrent un mouvement physique arrêté ou figé.
55Cette introduction de la durée dans l’esthétique prouve la modernité de Bergson :
56Il se peut que les tentatives les plus récentes, le cubisme et les autres, soient dénués de signification ; mais il se pourrait aussi qu’elles traduisissent cette aspiration à une forme nouvelle, à une sorte de rythme pur des lignes et des couleurs, qui se rapprocherait singulièrement du rythme musical51.
57Comment définir le cubisme en effet, sinon par la volonté d’introduire le volume ainsi que la dimension temporelle dans les deux dimensions du tableau ?
58Un autre exemple vient à l’esprit comme témoignage d’une esthétique de la durée : le roman proustien. Bergson perçoit la ressemblance entre son œuvre et celle de son illustre cousin (par alliance) :
59Le romancier et le moraliste ne s’étaient-ils pas avancés, dans cette direction, plus loin que le philosophe ? Peut-être ; mais c’était par endroits seulement, sous la pression de la nécessité, qu’ils avaient brisé l’obstacle ; aucun ne s’était avisé d’aller méthodiquement « à la recherche du temps perdu »52.
60Cet éloge de Proust, teinté d’une critique (« par endroits seulement, sous la pression de la nécessité »), pose la question controversée de la relation entre le philosophe et le romancier53. Proust n’est pas bergsonien au sens où il appliquerait sa philosophie, et Bergson prétend avoir découvert la durée avant son talentueux parent. Cependant, Proust rend sensible la durée. Son œuvre ne se définit pas comme bergsonienne au sens strict mais elle constitue une tentative parallèle pour penser la durée dans la conscience. Proust compose ses livres comme des symphonies : il laisse les thèmes s’entrecroiser, disparaître, ressurgir à l’instar des niveaux de conscience dans la mémoire bergsonienne. La sonate de Vinteuil ne s’apparente-t-elle pas au flux de la durée ?
III) MUSIQUE ET METAPHYSIQUE
a) Art sensible ou art suprasensible ?
61La pomme de la discorde entre Kant et Bergson provient du rapport que la musique entretient avec le sensible et le suprasensible. Kant considère la musique comme le plus sensible des arts, pour ne pas dire le plus sensuel. La musique apparaît comme relevant avant tout de sensations physiologiques. La musique est affaire de tonus et de tension corporelle. Elle est comparable au rire :
62la musique et ce qui prête à rire sont deux modes d’un jeu avec des idées esthétiques ou des représentations de l’entendement qui ne permettent pas de penser en fin de compte quoi que ce soit, et ne plaisent que par leur alternance, mais procurent alors un très vif plaisir ; ce qui permet de comprendre assez clairement que, dans ces deux modalités, l’animation provoquée est uniquement corporelle, bien qu’elle soit suscitée par des idées de l’âme54.
63La musique, parce qu’elle ne représente rien d’autre que des sons, demeure le plus corporel des arts et donc le moins spirituel. Kant sépare rigoureusement le sensible du suprasensible. La temporalité constitue la propriété première du sensible, du phénomène. Au contraire le suprasensible, le noumène, se caractérise par son extra-temporalité. Aussi, toute inscription dans le temps apparaît à Kant comme le signe de la finitude humaine. Un art temporel ne peut être que l’expression du sensible. Bien entendu, l’art peut symboliser le suprasensible intemporel. Mais cette symbolisation constitue une analogie, un jugement réfléchissant et non une caractéristique empirique. Tout se passe comme si le beau et le sublime exprimaient le suprasensible, les Idées de la Raison. Mais du point de vue du jugement déterminant l’art n’exprime rien d’autre qu’une réalité empirique. Et parmi tous les arts, la musique constitue le plus corporel et le plus sensuel de tous. Si le noumène se situe hors du temps, un art temporel ne peut l’évoquer que grâce à une analogie dont la valeur demeure hypothétique.
64Au contraire pour Bergson, en tant qu’art non-représentatif, la musique exprime le Moi profond : « une mélodie que nous écoutons les yeux fermés, en ne pensant qu’à elle, est tout près de coïncider avec ce temps qui est la fluidité même de notre vie intérieure55 ». Cette durée constitue pour Bergson l’expression empirique de l’immatériel. Contrairement à la dichotomie kantienne entre phénomène et noumène, Bergson perçoit dans la durée toute pure l’expression sensible du « suprasensible » (pour reprendre la terminologie kantienne), la manifestation immanente de l’absolu. Aussi la musique, parce qu’elle exprime la durée du Moi profond, est le plus spirituel et le plus métaphysique de tous les arts, pour autant que le Moi profond participe de la durée de l’univers. La musique devient alors une incarnation sonore de la durée toute pure, donc une expression de l’âme en son sens métaphysique. Loin du noumène extra-temporel, expression de l’intellectualisme kantien, l’immatériel selon Bergson s’exprime avant tout dans la durée. C’est pourquoi il trouve une expression privilégiée dans l’art. Beethoven affirmait que « La musique est l’unique introductrice au monde supérieur, à ce monde qui embrasse l’homme, mais que l’homme ne saurait embrasser56 ». Bergson accepterait ce jugement, à condition de ne pas laisser à la musique le monopole de l’intuition de l’absolu, intuition qu’on retrouve dans la philosophie et dans la mystique. Bien plus, la mystique apparaît à Bergson comme la forme la plus haute d’intuition, à laquelle la création artistique s’apparente partiellement :
65Quoi de plus construit, quoi de plus savant qu’une symphonie de Beethoven ? Mais tout le long de son travail d’arrangement, de réarrangement et de choix, qui se poursuivait sur le plan intellectuel, le musicien remontait vers un point situé hors du plan pour y chercher l’acceptation ou le refus, la direction, l’inspiration : en ce point siégeait une indivisible émotion que l’intelligence aidait sans doute à expliciter en musique, mais qui était en elle-même plus que musique et plus qu’intelligence (...) Une émotion de ce genre ressemble sans doute, quoique de très loin, au sublime amour qui est pour le mystique l’essence même de Dieu57.
66L’esthétique de Kant rend possible l’autonomie de l’art58. Bien qu’il ne néglige pas son rapport symbolique au suprasensible, l’art manifeste la légalité du sensible. Aussi Kant est le fondateur de l’Esthétique, définie comme science du sensible en tant que sensible59. Bergson au contraire fonde une métaphysique de l’art, compris comme expression sensible de l’immatériel, comme intuition partielle de la chose en soi. Contrairement à la théorie kantienne, l’esthétique bergsonienne n’implique pas la possibilité d’une autonomie de l’art. Bergson tend à absorber l’art dans sa métaphysique.
b) Unanimité ou puissance mystique ?
67Dans le jugement de goût tel que Kant l’entend, tout se passe comme s’il était possible d’universaliser le sentiment du beau, selon une universalité de droit et non de fait. La célèbre définition kantienne du beau témoigne de cette conception : «Le beau est ce qui est représenté sans concept comme l’objet d’une satisfaction universelle60 ». D’un point de vue empirique, les jugements de goût diffèrent, mais selon le postulat d’une communauté idéale, ils devraient tous s’accorder. Cette variation de goût dans les faits s’explique en ce que
68la faculté de juger est un don inégalement réparti, selon que l’intelligence de l’individu est plus ou moins bien accordée sur l’intelligence humaine en général, selon qu’elle trouve plus ou moins d’instinct le rapport que l’intelligence humaine en général établit61 .
69
70Chez Kant, on retrouve le modèle juridique jusque dans l’étude de la sensibilité. Le beau est exigible comme une universalité de jure (même si de facto les hommes peuvent avoir mauvais goût). Cette universalité correspond à la catégorie de la quantité. La difficulté réside dans la contradiction apparente entre la singularité de l’œuvre et l’universalité de sa valeur esthétique. La notion de « quantité subjective », irréductible à la « quantité objective » de la science, permet de résoudre ce problème62. Le plaisir esthétique fait l’objet d’un jugement de quantité sans que celui-ci soit déterminant. Notons bien qu’il s’agit ici de la quantité du jugement et non de la quantité de la sensation, sous peine de confondre le beau avec l’agréable. Ce dernier possède une intensité corporelle : « le jugement de goût comporte une quantité esthétique d’universalité, c’est-à-dire de validité pour tous, qu’on ne peut pas trouver dans le jugement portant sur l’agréable63 ». Contrairement au simple agrément, l’intensité esthétique relève de la faculté supérieure du plaisir. La catégorie de quantité s’accompagne de celle de nécessité. Elle fonde l’unanimité du jugement de goût, lequel peut revendiquer l’universalité dans la mesure où il est plus qu’une simple sensation. Alors que la sensation demeure singulière et relève de l’agréable ou du désagréable, le beau procède d’un schématisme qui, loin de se limiter à la simple sensation, relie l’ensemble de nos facultés. Son caractère désintéressé fonde son universalité64.
71Bergson refuse l’universalité abstraite du jugement de goût car l’art ne se juge que qualitativement. Tout jugement provenant des catégories de la quantité prétendrait définir une mesure commune de ce qui, en réalité, demeure incommensurable. Cette singularité de notre relation à l’œuvre d’art découle de la critique des grandeurs intensives. L’universalité du jugement de goût supposerait une réduction de la qualité à une donnée quantitative. Tout chef-d’œuvre tient sa valeur de sa singularité et de son originalité, de même que toute durée en tant que multiplicité qualitative constitue une individuation.
72Soulignons l’originalité des points de vue respectifs de Kant et de Bergson relativement à la valeur accordée aux œuvres d’art. D’ordinaire, la question du jugement de goût se réduit à deux thèses opposées. Dans le relativisme, le beau dépend toujours de l’individualité du sujet. C’est pourquoi il possède une valeur singulière et subjective liée au regard spécifique du spectateur. Au contraire dans le réalisme des essences, ou point de vue platonicien, le Beau constitue une réalité en soi qui peut revendiquer une valeur d’universalité. Or nos deux auteurs font exception au sein de ce découpage classique. Kant admet une beauté à la fois subjective et universelle tandis que Bergson voit dans l’œuvre d’art la révélation d’un réel en soi dans une relation singulière, bien que cette singularité élève au-delà d’elle-même vers un universel qualitatif.
73Selon Kant, l’universalité de droit du jugement de goût permet de postuler l’existence d’un sens commun esthétique. Une longue tradition exégétique allant des post-kantiens jusqu’à Alexis Philonenko part de ce postulat pour décrire la naissance d’une intersubjectivité dont le sens dépasserait le domaine esthétique, et s’étendrait à l’ordre moral et politique65. Il conviendrait là encore de convoquer l’œuvre de Beethoven, dont l’Ode à la joie constitue, grâce aux paroles de Schiller, un chant dédié à la fraternité. Dans sa volonté d’universaliser son esthétique, Beethoven se réclamait de la morale kantienne66. Il constitue ici le point d’articulation entre Kant dont il hérite et Bergson qui se réfère à lui.
74Du point de vue bergsonien la singularité qualitative de l’œuvre d’art n’empêche pas l’universalité de sa valeur. Si l’œuvre demeure incommensurable sous le rapport quantitatif, elle peut toutefois revendiquer un universel singulier. Kant donne le primat au jugement de goût. Contre tout réalisme, il remplace l’ontologie de l’art par une symbolique. Pour lui l’art n’exprime pas l’absolu, il ne fait que le symboliser. Inversement, Bergson donne le primat au réel dans l’art, d’où l’importance de la suggestion qui lie le goût à la vérité contenue dans l’œuvre. Parce que l’expression artistique provient du réel en soi, elle peut se diffuser et devenir la perception de tous67. L’universalité de l’œuvre géniale provient de sa singularité réelle. Bergson considère comme universel ce que précisément Kant refuse : la réalité tout à la fois cachée et révélée par l’œuvre. Aussi, dans un entretien avec Gilbert Maire, Bergson propose une théorie de l’universalité du beau :
75Les goûts (…) paraissent essentiellement divers. C'est même attesté par le proverbe. Et cependant, devant les chefs-d’œuvre, ne surgit-il pas un sentiment esthétique, diversement et inégalement exprimé, mais qui s'impose, identique dans son fond, à tous ou à presque tous? Ou, du moins, ce sentiment, commun même s'il est plus ou moins profond, ne s'imposerait-il pas, si l'on s'habituait à contempler directement les œuvres, sans interposer entre notre impression première d'où naît le sentiment esthétique et notre réflexion, une foule de sentiments intermédiaires? Ici l'on déteste, dans un tableau par exemple, ce qu'on nomme le sujet et qui est déjà une idée abstraite; ailleurs, c’est au contraire le sujet qui, parce qu'il nous plait, nous fait passer sur l'exécution du tableau. Combien de fois, des raisons morales, sociales, religieuses, n'interviennent-elles pas pour de faire dévier notre émotion primitive. Il faudrait peut-être, avant de chercher pourquoi une œuvre plait, démêler pour quelle cause elle ne plaît pas toujours. On découvrirait souvent que rien de notre personnalité sincère ne s'exprimait dans notre jugement, et que ce jugement lui-même ignorait en quelque sorte l'œuvre qu'il juge, ne l'ayant regardée que réfractée et déformée d'avance par une superposition de sentiments68.
76Dans ces propos, Bergson vise une universalité qualitative échappant au modèle de l’unanimité. Son esthétique promeut l’individuel plutôt que le général, mais elle y retrouve l’universel en un sens non-kantien69. Bergson formule le problème à travers une opposition analogue à celle du Moi superficiel et du Moi profond. Certes, les goûts varient ; mais cela s’explique par une infinité de circonstances superficielles qui nous masquent le génie authentique exprimé dans l’œuvre. Si l’esprit était capable de percevoir l’œuvre dans son authenticité et de la relier aux émotions profondes, la variabilité des jugements de goûts disparaîtrait et le sentiment esthétique vaudrait universellement. L’universalité de la valeur ne résulte pas d’un jugement quantitatif comme chez Kant. Il s’agit plutôt d’un universel qualitatif et singulier. Contre la recherche d’un consensus esthétique qui ne serait que l’expression du Moi superficiel, du cliché langagier ou visuel, le Moi profond est la source de la vraie création et de la vraie contemplation artistique. La singularité de l’œuvre demeure à travers la comparaison avec le Moi profond comme pure individualité. Mais l’effet produit contient une réalité plutôt qu’un simple jugement. Aussi, paradoxalement, l’affirmation de l’universalité du beau ne contredit nullement sa singularité.
77Ce pouvoir universel de l’art s’exprime dans sa puissance unificatrice et mobilisatrice, liée à la force de conversion de l’œuvre70. Si l’émotion artistique est singulière, elle n’est pas purement contingente. L’émotion singulière face à une œuvre n’est pas « relative » parce qu’elle donne autre chose : un accès à la réalité cachée, ou une communion. Par exemple l’architecture gothique exprime « un accord religieux entre les âmes71 ». Cette communion sympathique implique que les hommes éprouvent des émotions semblables par rapport à un terme qui les dépasse. Là encore, l’esthétique est une préparation à la morale car le grand homme communique aux autres hommes sa vision de l’absolu sur un modèle semblable. En cela, la musique possède un pouvoir analogue à la mystique complète, celui d’entraîner les sociétés et les peuples dans une imitation des grandes personnalités. Comme le grand compositeur, le grand mystique réussit par la surabondance de son énergie spirituelle à mobiliser l’action collective :
78Ainsi procèdent les initiateurs en morale. La vie a pour eux des résonnances de sentiment insoupçonnées, comme en pourrait donner une symphonie nouvelle ; ils nous font entrer avec eux dans cette musique, pour que nous la traduisions en mouvement72.
79Le grand homme, dont le mystique représente la meilleure incarnation, réussit à créer de l’ouvert dans une morale et une société closes, de même que le génie artistique crée de l’inédit et de l’imprévisible au lieu de répéter l’académisme de son temps. Le grand homme incarne dans son unicité et son individualité un devenir de l’universel. Chez Bergson, le pouvoir de la musique s’impose comme une nécessité au même titre que la vocation du mystique. Aussi, de même qu’existent des génies artistiques, les grands créateurs de morale peuvent être qualifiés de génies pratiques73. Quoiqu’en un sens différent, le progrès moral provient d’une création aussi originale que la création de nouvelles émotions par l’artiste :
80Ainsi seulement se définira le progrès moral ; mais on ne peut le définir qu’après coup, quand une nature morale privilégiée a créé un sentiment nouveau, pareil à une nouvelle musique, et qui l’a communiqué aux hommes en lui imprimant son propre élan74.
81
82Sur cette question, le geste kantien demeurait dans les limites assignées à l’art. L’art possède certes le pouvoir de symboliser l’absolu ou de se référer à la communauté idéale de tous les hommes, mais selon les règles du jugement réfléchissant, c’est-à-dire selon l’idée d’un « comme si » : Tout se passe comme si l’art pouvait unir les hommes fraternellement. Bergson refuse les bornes assignées par Kant à l’ordre de l’expérience. Selon le philosophe français, certains hommes font l’expérience de l’absolu. Dans leur création ou leur action, ils incarnent une puissance divine capable de modifier l’organisation des sociétés et le cours de l’histoire. Ils expriment dans le sensible la puissance du suprasensible, comme le font les chefs d’œuvre de la musique : en épousant la durée de l’univers.
Voetnoten
1 Louis Ernst Borowski Description de la vie et du caractère d’Emmanuel Kant pp18-19 dans Jean Mistler (éd) Kant intime Grasset 1985. Kant fait une allusion à cet épisode dans la Critique de la faculté de juger (abréviation : C3 ; nous indiquons le volume et la pagination en français suivie de la pagination selon l’édition de l’académie de Berlin) II 1117/ V 330 éditions de la Pléiade 1985. A la décharge de Kant, nous ignorons quelle était la qualité de ces chants.
2 Raymond Bayer Traité d’esthétique p201 Armand Colin 1956.
3 Jacques Chevalier Entretiens avec Bergson p111 Plon 1959.
4 Bergson Correspondances pp77 ; 1558 ; 1626. P.U.F 2002.
5 Raymond Bayer Essais sur la méthode en esthétique p7. Flammarion 1953.
6 Sur cette question, nous renvoyons au livre classique de Madeleine Barthélémy-Madaule Bergson adversaire de Kant P.U.F 1966, en particulier le premier chapitre : « Le temps, l’espace et le moi » pp11 à 60.
7 Frédéric Worms « L’intelligence gagnée par l’intuition ? La relation entre Bergson et Kant » pp 458-459, dans la revue Les Etudes philosophiques Octobre-décembre 2001 pp453 à 464.
8 « Dans l’ordre suprasensible des choses d’après les lois de la liberté (…) le temps s’évanouit » La Religion dans les limites de la simple raison III 148/VI 121 note. Voir également Alain Boyer Hors du temps. Un essai sur Kant pp283 à 302 Vrin 2001.
9 Critique de la faculté de juger (abréviation : C3). Nous indiquons d’abord la pagination dans les éditions de la Pléiade, puis dans l’Akademie Ausgabe : II 1105/V 320.
10 C3 II 1115/V 328.
11 C3 II 1110/V 324.
12 C3 §54 II 1118-1119/V 331.
13 Reinhold Bernard Jachmann Emmanuel Kant raconté dans des lettres à un ami p41 dans Mistler (éd) Kant intime.
14 C3 II 1119/V 331.
15 Ainsi, selon Alain Tirzi (Kant et la musique p97 L’Harmattan 2003) l’artiste kantien par excellence serait Glenn Gould parce qu’il préférait jouer Bach au piano. En effet sur cet instrument le timbre est plus neutre qu’au clavecin, de sorte qu’on entend mieux la forme de la composition car on fait moins attention à la matérialité du son.
16 Bergson Essai sur les données immédiates de la conscience pp74-75 (abréviation : Essai) P.U.F 2007.
17 Ribot La Psychologie allemande contemporaine. L’Harmattan 2003.
18 Kant Critique de la Raison pure (abréviation : C1) I 906/III 151-152 A166 B207.
19 C1 I 907/III 153 A167 B209.
20 « Il faut bien remarquer ici que l’on envisage l’ordre du temps et non son cours » : C1 I 936/III 175-176 A203 B248. Il s’agit des deux exemples du poêle et de la boule posée sur un coussin. Dans ces deux exemples, la temporalité de la cause ne correspond pas à celle de l’effet.
21 C3 II 1110-1111/V 324-325.
22 C3 II 1116/V 329.
23 Essai p34.
24 Kant Reflexionen n°648/Ak XV 284 ; n°672/XV 298 ; n°702/XV 311 ; n°711/XV 315 ; n°1791/XVI 116 ; n°1820a/XVI 127. Voir en particulier François-Xavier Chenet L’Assise de l’ontologie critique. L’Esthétique transcendantale pp33 à 36. Presses Universitaires de Lille 1994.
25 Vandewalle Santé et critique p110. L’Harmattan 2003.
26 C3 II 1027/V 258.
27 C3 II 986/V 225.
28 Sur la relation entre le sublime et le temps : Jérôme de Gramont Kant et la question de l’affectivité pp114 à 124. Vrin 1996 ; et Olivier Chédin Sur l’esthétique de Kant pp261 à 263. Vrin 1982.
29 Observations sur le sentiment du beau et du sublime I 455/II 210
30 Observations sur le sentiment du beau et du sublime I 461/II 215
31 C3 II 1019/V 251-252
32 C3 II 1010-1011/V 245
33 C3 II 1028/V 258-259
34 Achim Geisenhanslüke Le Sublime chez Nietzsche p41 L’Harmattan 2000.
35 C3 II 1013/V 247
36 On trouve ici l’influence de Herder qui faisait du chant l’origine de la poésie.
37 Sur la temporalité de l’œuvre d’art : Frédéric Worms « L’art et le temps chez Bergson. Un problème philosophique au cœur d’un moment historique » dans Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle 1/2003 (n°21) pp153 à 166.
38 Bergson Le Rire p29. (abréviation : Rire) P.U.F 2007.
39 Bergson Les Deux sources de la morale et de la religion p36-37 (abréviation : DS) P.U.F 2008.
40 DS p36.
41 Chevalier Entretiens avec Bergson p209.
42 DS p36.
43 Essai p9.
44 Essai pp9-10.
45 Essai p13.
46 Rire p46.
47 Essai p10.
48 Essai p11.
49 Essai p12.
50 Pierre Truchot « Pour une esthétique bergsonienne » revue Philosophie n°82 p50 Juin 2004.
51 Jacques Chevalier Entretiens avec Bergson p93.
52 Bergson La pensée et le mouvant p20 P.U.F 2009.
53 Floris Delattre « Bergson et Proust : accords et dissonances » dans Les Etudes bergsoniennes Vol1 1948 pp9 à 127. Albin Michel.
54 C3 II 1119-1120/V 332.
55 Bergson Durée et simultanéité p55. P.U.F 2009.
56 Beethoven Conversation avec Bettina cité dans Berthelemy Traité d’esthétique pp271-272 Editions de l’école 1964.
57 DS p268.
58 Il convient toutefois de nuancer cette affirmation. Si les lectures rétrospectives de la Critique de la faculté de juger, à travers le filtre romantique, désignent Kant comme fondateur de l’autonomie de l’art ; tel n’était pas l’intention véritable du philosophe de Königsberg qui donnait le primat à la nature sur l’art. Sur cette question voir Sabine Forero Mendoza et Pierre Montebello Kant, son esthétique – entre mythes et récits p206 Les presses du réel 2013.
59 La volonté de fonder l’Esthétique comme « science » se trouvait déjà chez Baumgarten : « La science du mode de connaissance et d’exposition sensible est l’esthétique ». Esthétique p533 L’Herne 1988.
60 C3 II 967/V 211.
61 Bergson Leçons sur la Critique de la Raison pure dans Cours III p160. P.U.F 1995.
62 C3 II 972/V 214-215.
63 C3 II 973/V 215.
64 C3 II 967/V 211.
65 Alexis Philonenko Science et opinion dans la Critique de la faculté de juger 85-86 dans Franck, Larthomas, Philonenko Sur la troisième Critique. Editions de l’éclat, Paris 1994.
66 John Cohen Musique et communauté esthétique 22. Presses Universitaires du Septentrion, Lille, 2006.
67 PM p150.
68 Gilbert Maire Bergson, mon maître 115-116. Grasset, Paris 1935.
69 Pour une analyse de l’universel concret chez Bergson : Nadia Yala Kisukidi Bergson ou l’humanité créatrice pp191 à 197 CNRS éditions 2013.
70 Henri Bergson Le Rire pp124-125. P.U.F, Paris 2007.
71 Jacques Chevalier Entretiens avec Bergson 93. Plon, Paris 1959.
72 DS p36.
73 Bergson reprend cette expression à Fichte. Elle s’applique par exemple à Socrate : DS p62.
74 DS p80.
Om dit artikel te citeren:
Over : Armel Mazeron
Université Lille 3