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Noémy TEVEL

Quels dispositifs pour encadrer l’artificialisation des sols ? Comparaison entre les dispositifs français, anglais et wallons

(79 (2022/2) - Varia)
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Résumé

L’artificialisation des sols impacte négativement le processus de changement climatique. L’Union européenne a donc décidé d’imposer à ses membres de prendre des mesures pour la réduire. En Wallonie, le Schéma de Développement Territorial donne, entre autres, l’objectif de tendre vers l’implantation des nouveaux logements dans les centralités, ainsi que sur des terres déjà artificialisées. Le Royaume-Uni et la France gèrent également leur territoire de manière à en réduire l’artificialisation. Chaque législation est empreinte du contexte dans lequel elle a été prise, difficultés socio-économiques, crise du logement ou encore crise politique. Pour assurer le suivi des différents objectifs, des méthodes de monitoring sont nécessaires, mais la Wallonie n’a pas encore de méthode systématisée. Une piste serait de s’inspirer de la méthode française qui emploie les informations cadastrales. Il semble, néanmoins, que la méthode britannique, croisant l’occupation du sol et le cadastre soit plus adaptée à la réalité wallonne.

Index de mots-clés : artificialisation, renouvellement urbain, recyclage urbain, Brownfield, Wallonie, France, Royaume-Uni

Abstract

Land reclamation has a negative impact on the climate change process. The European Union has therefore decided to require its members to take measures to reduce it. In Wallonia, the Schéma de Développement Territorial gives, among other things, the objective to tend towards the implantation of new housing in the centralities, as well as on already artificialised land. The UK and France are also managing their land to reduce the amount of land being built up. Each piece of legislation is marked by the context in which it was made, whether it be socio-economic difficulties, a housing crisis or a political crisis. To ensure the follow-up of the different objectives, monitoring methods are necessary, but Wallonia does not yet have a systematised method. One possibility would be to use the French method, which uses cadastral information, as a model. It seems, however, that the British method, which crosses land use and the land register, is better adapted to the Walloon reality.

Index by keyword : artificialization, urban renewal, urban recycling, Brownfield, Wallonia, France, UK

Introduction

1Le sol, défini comme « the terrestrial bio-productive system that comprises soil, vegetation, other biota, and the ecological and hydrological processes that operate within the system » (European commission, 2016, p.4), est une ressource limitée. Grâce aux services écosystémiques, il joue un rôle fondamental dans notre existence sur terre (European Commission, 2016). Pourtant, notre société a tendance à le consommer de manière effrénée et sans égards pour les impacts que cela implique. L’agriculture intensive, responsable en grande partie de l’augmentation du phénomène d’érosion des sols, et la multiplication des espaces urbanisés, anthropisés et artificialisés ont mené à la perte de certains de ces services rendus par la terre (European Commission, 2016).

2La demande en terrains urbanisés ne cesse d’augmenter quel que soit le pays ou le secteur demandeur du développement. Elle est poussée à la hausse par certaines typologies d’habitats et par les tendances démographiques. Néanmoins, dans de très nombreux cas, il est démontré que l’artificialisation des sols augmente plus vite que n’augmente la population (European Commission, 2016).

3En 2016, la Commission européenne publiait le rapport « Future brief : No net land take by 2050 ? », dans le cadre de son septième programme d’action pour l’environnement. Le terme « land take » est alors défini comme la perte des terrains non développés au profit de terrains développés par l’homme (European Commission, 2016).

4Dans un premier temps, ce texte officialise l’objectif d’atteindre le « no net land take » d’ici 2050. Pour ce faire, des politiques devaient être mises en place dans chaque état membre avant 2020 (via différents documents cadres). “By 2020, EU policies take into account their direct and indirect impact on land use in the EU and globally, and the rate of land take is on track with an aim to achieve no net land take by 2050; soil erosion is reduced and the soil organic matter increased, with remedial work on contaminated sites well underway” (European Commission, 2016, p.4).

5En tant que pays membre de l’UE, la Belgique applique ces objectifs européens à son territoire bien qu’il ne s’agit pas d’une directive dont la transposition serait obligatoire. La compétence territoriale étant régionalisée, depuis la 6e réforme de l’état (belgium.be, 2021), les législations ont été prises par les autorités régionales et varient selon que l’on est au nord ou au sud du pays. La mise en place de cet objectif sur le territoire wallon se fait via le Code du Développement Territorial et le Schéma de Développement Territorial. Le premier donne des objectifs plutôt globaux et à long terme alors que le second donne des objectifs opérationnels quantifiés et limités dans le temps. L’un d’entre eux est de tendre, à l’horizon 2030, vers l’implantation des nouveaux logements sur des terres déjà artificialisées et dans des centralités.

6Afin de comprendre si ces options sont les plus pertinentes pour le territoire wallon, l’analyse de cas étrangers pour permettre de construire une base solide d’évaluation. Le questionnement à l’origine de cette réflexion, menée dans le cadre de notre mémoire en Sciences géographiques (2021) est donc le suivant : quels dispositifs ont été choisis pour encadrer l’artificialisation des sols et mettre en œuvre les leviers permettant d’atteindre les objectifs fixés par la Commission européenne ?

7Dans un second temps, le rapport de la Commission européenne pointe la difficulté de suivi du phénomène d’artificialisation des terres.

8Au niveau européen, la base de données CORINE LAND COVER, reposant sur des images satellites et disponible sur la totalité du territoire européen, est alors utilisée pour quantifier le phénomène, mais cette méthode atteint très vite ses limites. La résolution de cette donnée est trop faible pour permettre une analyse fine et précise (European Commission, 2016). En Wallonie, si les outils urbanistiques donnent de nombreuses pistes pour atteindre l’objectif de réduction d’urbanisation des terres, la méthode pour mesurer sa réalisation n’a pas encore été arrêtée.

9La question de la méthode de monitoring découle donc naturellement du premier questionnement exposé ci-avant. C’est pourquoi les méthodes de monitoring mises en place dans les pays étudiés dans le cadre de la recherche sur les mesures d’encadrement de l’artificialisation, sont également source d’enseignements pour la Wallonie. Cette analyse permet de répondre à une dernière question : quels éléments des différentes méthodes de monitoring pourraient être appliqués en Wallonie et comment ? Les pays choisis pour la comparaison sont le Royaume-Uni et la France.

10Le Royaume-Uni est impliqué depuis de nombreuses années dans la gestion de son territoire avec pour objectif de défendre son « countryside » et de lutter contre l’étalement urbain (Decoville et Schneider, 2015) ; son initiative est d’ailleurs antérieure à la feuille de route européenne. Ces politiques, stratégies et actions ont été mises en œuvre par les gouvernements successifs depuis la fin des années 1920 (Godart et Ruelle, 2018). La mesure « planning policy statement 3 », datant de 2006, définit un objectif semblable à celui fixé par la Wallonie (nombre de logements à créer sur terrain déjà artificialisé). Elle est donc particulièrement pertinente pour une comparaison.

11La France a également été analysée car l’artificialisation des sols y était débattue au niveau national au moment de la réalisation de la recherche. La Loi « Climat et Résilience », et son objectif « Zéro Artificialisation Nette », est adoptée en juillet 2021.

12Ces deux pays voisins ont donc tout deux mis en place des politiques visant à protéger leur territoire de l’artificialisation. Néanmoins, ces initiatives politique ne datent pas de la même époque et ont des objectifs finals différents (le Royaume-Uni cherche à créer du logement là où la France à une vision écologique). Leur comparaison permet de mettre en évidence les différences et similitude dans la manière d’aborder ce sujet et de tirer des évidences à tenter d’appliquer en Wallonie.

13Dans un but d’utilisation de sources fiables, la présente recherche a été réalisée en se basant le plus souvent possible sur des documents provenant de sources officielles telles que des sites gouvernementaux, ou des publications émanant d’instituts de recherches reconnus. La plupart des documents britanniques utilisés dans ce travail sont des rapports publiés sur le site officiel du gouvernement. Certains d’entre eux étaient accompagnés de la mention « This was published under the 2010 to 2015 Conservative and Liberal Democrat coalition government ». Il semble qu’ils soient toujours d’actualité, mais le changement de législature peut tout de même l’avoir impacté.

14Les prises de contact avec des acteurs privilégiés des services publics : le Department for Communities and Local Government et France Statégie. Organes de recherche : Cerema, Insee, Iweps. Fournisseur de donnée géographiques : Ordonance Survey) n’ont accusé qu’un faible taux de réponse. Cette recherche est donc uniquement basée sur des sources écrites et publiées.

I. CONTEXTUALISATION : La Wallonie

A. Mesure d’encadrement « Schéma de développement territorial »

15En 2017, le code de développement territorial (CoDT) entre en vigueur après une longue procédure d’élaboration. Il prend la succession du Cwatupe et fixe quatre objectifs régionaux de développement territorial et d’aménagement du territoire :

161. La lutte contre l’étalement urbain et l’utilisation rationnelle des territoires et des ressources.

172. Le développement socio-économique et celui de l’attractivité.

183. La gestion qualitative du cadre de vie.

194. La maîtrise de la mobilité (Gouvernement wallon, 2019).

20Ce texte de loi régit le développement territorial en encadrant, entre autres, la délivrance de permis d’urbanisation et d’urbanisme, ainsi que la création des documents stratégiques et de planification. En donnant ce cadre, le CoDT apporte aux acteurs de terrain une sécurité juridique par la prévisibilité des procédures (Gouvernement wallon, 2019).

21Le Schéma de Développement Territorial (SDT) est l’un des outils de planification mis en place par le CoDT. Il a notamment pour but de renforcer le positionnement de la Wallonie dans un contexte de concurrence entre les villes et de la préparer à faire face aux changements climatiques, démographiques et économiques à venir. Si le CoDT énonce plutôt des objectifs globaux pour l’application d’une vision long terme, le SDT donne, quant à lui, des modes d’action, déclinés en sous-objectifs. Le mode d’action AM.1 est particulièrement pertinent pour répondre aux questionnements énoncés ci-dessus :

22« AM.1 - Rencontrer les besoins actuels et futurs en logements accessibles et adaptés aux évolutions socio-démographiques, énergétiques et climatiques » (Gouvernement wallon, 2019, p.16).

23Cet objectif émerge du constat de la nécessité de créer de nouveaux logements pour faire face à une hausse future de la demande (Hanin et Meuris, 2012). Cette hausse est due à l’augmentation de la population (plus due à la migration qu’à un accroissement naturel qui reste assez faible (Charlier et Reginster, 2014) et à la dénucléarisation des ménages, la taille moyenne des ménages en 2020 étant tombée à 2,3 individus (Charlier et Reginster, 2014).

24Le parc de logements wallon est non seulement peu adapté à la demande actuelle, mais il est également peu résilient, ce qui ne permettra pas de l’adapter facilement aux futures exigences énergétiques (CPDT, 2018). Une partie importante de ce parc est de plus constituée de maisons quatre façades (Anfrie et al., 2019) implantées dans un contexte d’étalement urbain rendant ses habitants dépendants de la mobilité automobile.

25Afin de permettre cette rencontre des besoins actuels et futurs en logements, il sera nécessaire de combiner rénovation efficace d’une partie de l’existant et création de nouveaux logements. Pour y arriver, le SDT met en place un objectif opérationnel quantifié et limité dans le temps :

26« Tendre vers une implantation de 50 % de nouveaux logements dans les centralités urbaines et rurales à l’horizon 2030 et de 75 % à l’horizon 2050. Fournir 175 000 nouveaux logements, dont minimum 50 % sur des terres déjà artificialisées, à l’horizon 2030, et 350 000 nouveaux logements, sur des terres déjà artificialisées, à l’horizon 2050. Des mesures d’accompagnement doivent être mises en place en vue de répondre aux conséquences potentielles de ces dispositions » (Gouvernement wallon, 2019, p.47).

27Deux axes se dégagent de cet objectif opérationnel. Premièrement, le fait de créer les nouveaux logements sur des terrains déjà artificialisés. On peut voir là une application de l’objectif européen « No Net Land Take » à atteindre pour 2050.

28Deuxièmement, le fait de créer ces logements dans des centralités. Ces dernières étant définies comme suit: « La centralité urbaine ou rurale est caractérisée par le potentiel de concentration en logements et d’accès aisé aux services et aux équipements. Il peut être renforcé par :

29Une densification appropriée ;

30• le renouvellement,

31• la mixité fonctionnelle et sociale,

32• l’amélioration du cadre de vie.

33La centralité urbaine ou rurale se conçoit sans préjudice de l’application et de la mise en œuvre différenciée des outils spécifiques au développement urbain (rénovation et revitalisation urbaine, etc.) ou au développement rural (plan communal de développement rural) » (Gouvernement wallon, 2019, p.110).

B. Contextualisation de la mise en place de la mesure

34Le Schéma de Développement Territorial impacte de nombreux domaines de la société wallonne et fournit un vrai projet pour le territoire. Deux contextes principaux l’influencent: la crise climatique et la situation économique de la région.

35En effet, ce texte est l’engagement de la Wallonie dans la lutte contre le réchauffement climatique (transcription de l’Agenda territorial de l’union européenne 20201, Programme de développement durable des Nations Unies à l’horizon 2030 ou l’Accord de Paris sur le climat, … (Gouvernement wallon, 2019).

36En plus de ces considérations climatiques, il est primordial de tenir compte du contexte économique spécifique de la Wallonie. « La Wallonie totalisait environ 1.234.000 emplois en 2015, principalement concentrés dans les secteurs publics, le commerce, le transport, l’horeca2 et les activités spécialisées. De tradition industrielle, elle connaît une transformation progressive de son économie, avec un affaiblissement des secteurs primaire et secondaire (notamment l’industrie lourde) et une tertiarisation accrue, l’industrie manufacturière et extractive ne représentant plus que 12 % du total. Toutefois, l’industrie wallonne de pointe s’est renforcée en ayant réussi à maintenir sa compétitivité face à la concurrence de l’étranger, notamment dans les secteurs de l’aéronautique, du spatial, des biotechnologies, de l’aciérie de pointe et de la pharmaceutique » (CPDT, 2018).

37Le SDT a donc, entre autres, pour but d’améliorer la santé économique de la région. On peut d’ailleurs remarquer que le mode d’action AM1, énoncé ci-dessus, qui a pour principal objectif de permettre de lutter contre l’artificialisation des sols, vise le logement et non les activités économiques.

C. Méthode de monitoring

38L’Institut Wallon de l’Évaluation, de la Prospective et de la Statistique (Iweps) et la Conférence Permanente du Développement Territorial (CPDT) ont développé une série de recherches ayant notamment pour objectif de mesurer le nombre de logements créés sans nouvelle artificialisation de terres. Le working paper n°18, datant de 2014, montre qu’il est possible d’utiliser les données statistiques existantes. C’est le cas de la donnée « permis de bâtir » (Charlier et Reginster, 2014).

39En effet, en Wallonie, un permis d’urbanisme est nécessaire pour construire, démolir ou transformer une construction et pour créer de nouveaux logements dans un immeuble existant (CoDT, Art. D. IV.4). L’IWEPS a donc pu mesurer le pourcentage de logements créés par rénovation, c’est-à-dire par reconversion de bâtiments et par subdivision de bâtiment (Charlier et Reginster, 2014).

40Néanmoins, l’utilisation de cette donnée est limitée. En effet, il est nécessaire de l’analyser en gardant à l’esprit qu’il est question d’autorisations délivrées. « Celles-ci n’entraînent pas toujours de modifications effectives sur le territoire et un décalage temporel entre la délivrance du permis et la réalisation des travaux » (Charlier et Reginster, 2014, p.14). De plus, la donnée ne permet pas d’estimer le nombre de logements créés sur des parcelles en friches, sur des parcelles bâties divisées3 ou par démolition/reconstruction. Pour ce dernier point, les permis délivrés pour démolition/reconstruction pourraient être utilisés, mais ils ne permettraient pas d’évaluer les cas où un permis de démolition et un permis de construction ont été délivrés séparément (Charlier et Reginster, 2014).

41Ces analyses ne sont donc pas le reflet de la situation réelle. Pour savoir si les objectifs du SDT sont en passe d’être atteints, un monitoring plus complet devrait être développé.

II. BENCHMARK: mesures d’encadrement

A. Royaume-Uni

42Le Planning Policy Statement n°3 (PPS3) est le document stratégique qui encadre la politique du logement au Royaume Uni Ce texte fait partie d’une stratégie globale axée sur la gestion durable du pays et de son territoire. Cette mesure a été adoptée en 2006 par le gouvernement britannique. Il se décline en deux volets : une vision stratégique de la politique du logement et une vision de planification (Communities and Local Government, 2011).

43Pour appliquer ces visions, une série d’objectifs est applicable au territoire. Le principal résultat attendu de cette planification est la création de logements qualitatifs, adaptés aux prix du marché, variés et bien localisés, tout cela devant permettre une gestion responsable et flexible de la ressource sol (Communities and Local Government, 2011).

44Pour créer les documents locaux de planification (application de la vision nationale), les autorités locales doivent commencer par identifier les localisations adaptées au développement de logements. Comme en Wallonie, le gouvernement britannique est conscient de l’importance de maximiser le développement de logements dans des zones proches des facilités, des zones d’emplois et des infrastructures ainsi que des services publics. Cela permet d’éviter une sous-utilisation de ces derniers, peu souhaitable au vu des investissements publics qu’ils représentent (Communities and Local Government, 2011).

45La priorité est donnée aux terrains précédemment développés, en particulier les sites et bâtiments vacants et/ou abandonnés, qui sont considérés comme particulièrement adaptés aux futurs développements immobiliers. « Le PPS3 fixe l’obligation pour les autorités locales d’atteindre l’objectif de 60 % de nouveaux logements développés sur des terrains ayant été préalablement urbanisés (Brownfield land) par opposition aux terrains qui ne l’ont jamais été (Greenfield land) » (Godart et Ruelle, 2018, p.242). Le PPS3 définit dans son annexe 2 les brownfields, aussi appelés « previously developed land », comme « Previously-developed land is that which is or was occupied by a permanent structure, including the curtilage of the developed land and any associated fixed surface infrastructure […] » (Department for Communities and Local Government, 2011, p.26). Cette définition est très large et reprend tous les sites sur lesquels il y a, ou il y a eu, une urbanisation. A la lecture des documents, il est possible de déduire une certaine hiérarchie dans les critères de choix de localisation d’un projet de nouveaux logements. L’objectif principal étant de bien les localiser, un brownfield trop éloigné des infrastructures et zones porteuses ne sera pas considéré comme adapté pour du logement. La règle du développement sur sites précédemment artificialisés ne prévaut donc pas sur la planification d’un développement permettant une utilisation durable du territoire (par la diminution de la dépendance à l’automobile par exemple) (Communities and Local Government, 2011).

1. Contextualisation de la mise en place de la mesure

46Le PPS3 a pour objectif clair d’augmenter le nombre de logements nouvellement construits au Royaume-Uni. L’encadrement de l’artificialisation des sols n’est donc pas l’objectif premier de cette mesure. Pour mieux la comprendre, il est important de connaître le contexte dans lequel elle a été prise.

47Depuis 1970, le prix des logements (achat et loyer) a augmenté de quatre fois et demi l’inflation du pays. Les prix pratiqués en Grande-Bretagne sont parmi les plus élevés au monde, que ce soit en terme absolu ou par rapport au revenu moyen. Cette crise du logement provient globalement d’une demande bien plus élevée que l’offre (Niemietz, 2016). Non seulement les logements existants sont peu adaptés à la demande (manque global de logements abordables sur le marché), mais en plus, le peu de projets immobiliers sur lesquels le pays peut compter sont localisés dans des zones où la demande reste faible. (Niemietz, 2016).

48Les gouvernements britanniques ont successivement mis en place des mesures pour tenter de contrer cette crise via des aides à l’achat (qui n’ont fait qu’augmenter la demande et donc aggraver le problème) et des modifications du système de taxation des successions et propriétés individuelles (dans le but d’augmenter les densités). Ces dernières n’ont eu que peu d’impact. Un article de l’Economic Journal avance que 35 % du prix des logements serait dus aux contraintes urbanistiques, particulièrement de la pratique des greenbelts4. Ce chiffre est une moyenne nationale. Il est bien plus élevé dans le sud-est du pays. Si une baisse des prix de l’immobilier est recherchée, une adaptation de ce principe devrait être mise en place (protection des terrains au cas par cas selon qu’ils sont bien localisés ou non pour y considérer le développement de logement) (Niemietz, 2016).

49à noter que l’hypothèse d’une offre trop basse pour faire face à la demande est mise en doute depuis quelques années. Mulheirn, 2019) Néanmoins, c’est certainement celle-ci qui a conduit à la création du PPS3 en 2006 et à y introduire l’objectif de création de nouveaux logements.

B. France

50La réduction de l’artificialisation des sols est une préoccupation en France depuis les années 80. Jusqu’en 2020, cet objectif était inscrit dans les lois instaurant les documents urbanistiques tel que le Schéma de Cohérence Territorial (SCoT), dans lequel les autorités intercommunales sont chargées d’inscrire des prescriptions en matière de réduction de la consommation d’espace et de lutte contre la périurbanisation (Insee, 2017). Ces textes ne donnaient néanmoins pas d’objectif quantitatif à atteindre (Auran, 2020).

51Le 20 juillet 2021, la réunion de l’Assemblée nationale et du Sénat a voté l’entrée en vigueur de la Loi « Climat et Résilience ». Cette Loi transcrit l’objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN) européen et s’appuie sur trois piliers pour le réaliser :

52• Lutter contre l’artificialisation des sols en adaptant les règles de l’urbanisme ;

53• Lutter contre l’artificialisation des sols pour la protection des écosystèmes ;

54• Adapter les territoires aux effets du dérèglement climatique (Assemblée Nationale, 2021).

55L’artificialisation nette est définie comme le résultat d’une soustraction théorique signifiant que l’on va déduire de l’artificialisation « brute » (ce qui est nouvellement artificialisé), les surfaces qui auront été renaturées » (AURAN, 2020). La renaturation représente le fait de ramener un sol à son état naturel initial (Fosse, 2020).

56La Loi « Climat et Résilience » a un impact « intersectoriel ». Elle inscrit les objectifs de lutte contre les changements climatiques dans une série de législations qui encadre le fonctionnement de la société française. Elle inscrit donc, entre autres, l’objectif ZAN dans les règles d’urbanisme.

57« Afin de tendre vers l’objectif d’absence de toute artificialisation nette des sols, le rythme de l’artificialisation des sols dans les dix années suivant la date de promulgation de la présente Loi doit respecter l’objectif de ne pas dépasser la moitié de la consommation d’espace observée sur les dix années précédant cette date » (Loi Climat et Résilience art.47). Par consommation d’espace, il est considéré le passage de terrain non urbanisé à terrain artificialisé.

58Pour y arriver, la Loi impose que les documents de planification urbanistique (existants et à créer) justifient (par des statistiques et des études d’incidences) l’ouverture à l’urbanisation de sols naturels, agricoles ou forestiers, en montrant que la capacité d’aménager est déjà mise en œuvre dans les espaces déjà urbanisés. En cela, il faut comprendre la mobilisation de l’immobilier vacant, des friches et la densification des espaces déjà urbanisés (Assemblée Nationale, 2021).

1. Contextualisation de la mise en place de la mesure

59La mesure française encadrant l’artificialisation des sols se fait avec une vision de lutte contre le réchauffement climatique. « Issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets a été définitivement adopté par le Parlement le mardi 20 juillet 2021. Cette loi ancre l’écologie dans notre société : dans nos services publics, dans l’éducation de nos enfants, dans notre urbanisme, dans nos déplacements, dans nos modes de consommation, dans notre justice. » (Ministère de la Transition écologique, 2021).

60Néanmoins, la loi Climat et Résilience arrive quelques mois après que le gouvernement français a été jugé responsable d’inaction climatique lors du procès dit de l’affaire du siècle en février 2021 suite au recours en justice de 4 associations face à l’État français (Tenré, 2021). Lors de sa campagne pour l’élection présidentielle de 2017, Emmanuel Macron avait pourtant multiplié les promesses concernant la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement (interdiction du glyphosate, promotion de l’économie circulaire comme nouveau modèle économique, actions pour le bien-être animal, …) (Tenré, 2021). Mais après l’élection de 2017, le gouvernement mis en place par le président a été confronté à la crise des Gilets Jaunes ainsi qu’à la crise sanitaire du Covid-19, ce qui aurait ralenti son action en matière d’écologie (ministère de la Transition écologique, 2021).

III. BENCHMARK : Méthodes de monitoring

A. Royaume Uni

61Pour rappel, l’objectif poursuivi par les autorités britanniques est de 60 % de logements créés sur des sites précédemment urbanisés. Pour suivre la réalisation des objectifs fixés par le PPS3, le gouvernement a mis en place un registre reprenant les sites sur lesquels un développement résidentiel est envisageable.

62Le registre, entré en vigueur en 2017, a pour objectif d’inciter aux investissements. En déterminant les sites considérés comme adaptés pour le logement, les autorités locales apportent une sécurité juridique aux promoteurs. (Department for Communities and Local Government, 2017).

63Ce registre est une méthode de monitoring a priori. Sur base d’une densité voulue par les autorités locales, le nombre de logements pouvant y être créé peut-être estimé.

64Dans un deuxième temps, et une fois l’an, une méthode statistique est utilisée pour définir le nombre de logements effectivement créés sans artificialisation de terres. La méthodologie utilisée pour établir ces statistiques est assez simple : croiser les informations de création de nouvelles adresses avec celles de l’occupation du sol.

65Deux couches d’informations sont donc nécessaires. La couche de base est la carte d’occupation du sol. Elle est générée sur la base de plusieurs sources d’informations dont principalement la OS Mastermap. Cette dernière, générée par une entreprise privée, est une représentation très détaillée du territoire (à une échelle plus fine que la parcelle cadastrale5) créée sur base d’images satellites et d’investigations sur le terrain. Le croisement de différentes sources d’information permet de diviser le territoire en polygones classés selon 28 occupations de sol possibles, elles-mêmes caractérisées comme étant développées ou non.

66La couche qui est superposée à cette première information est celle des adresses résidentielles (Department for Communities and Local Government, 2015b).

67Chaque adresse est représentée par un point sur la carte de la zone analysée (Figure 1). Les nouvelles adresses sont représentées dans une couleur différente. En combinant cette couche avec celle des polygones des classes d’occupation du sol, il est possible de déterminer si les points représentant les nouvelles adresses se situent dans des polygones de terrains urbanisés ou non.

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Figure 1. Croisement de la base de données des adresses résidentielles et de la OS MasterMap. (source: Department for Communities and Local Government, 2015, p.9)

68Lorsqu’une nouvelle adresse est créée sur un terrain considéré comme non développé, l’opération va mettre en marche un processus d’évaluation pour faire changer le statut du terrain qui sera par la suite considéré comme développé. Les logements qui y seraient créés par la suite seraient alors considérés comme étant développés sur un terrain déjà urbanisé et seraient donc repris dans les futures statistiques montrant l’avancée vers l’objectif des 60 % de logements nouvellement créés sur des sites précédemment développés (Department for Communities and Local Government, 2015b).

B. France

1. La méthode de l’Insee6 (2017)

69La méthodologie utilisée par les chercheurs de l’Insee consiste à croiser les données de la base nationale des permis de construire (après avoir attribué des coordonnées géographiques à chaque permis sur la base de l’adresse mentionnée lors de la demande), la base de données Corine Land Cover et la Bd CARTO de l’Institut National de l’Information Géographique et Forestière (IGN) (Insee, 2017).

70Les croisements sont effectués de manière semblable à la méthode britannique et ont permis de classer les constructions en quatre types.

71• Densification : Lorsque le permis de construire est repéré dans une zone déjà urbanisée d’après les données de la BD CARTO®.

72• Artificialisation de masse : Lorsque le permis de construire se situe dans une zone d’au moins 5 hectares non artificialisée.

73• En continuité du bâti : Lorsque le permis de construire est localisé en périphérie d’une zone bâtie d’après les données de la BD CARTO®.

74• Mitage : Lorsque le permis de construire est isolé, c’est-à-dire ne se situant ni en zone bâtie, ni en périphérie d’une zone bâtie et ne correspondant pas à de l’artificialisation de masse.),» (Insee, 2017, P.76).

75Ensuite, les superficies de parcelles renseignées dans les données « permis d’urbanisme » sont utilisées pour quantifier l’artificialisation (Insee, 2017).

2. La méthode du Cerema7 (mise à jour de 2019)

76Les chercheurs du Cerema ont tenté d’aller plus loin dans la qualification du processus d’artificialisation afin de produire des données qui permettent de mieux comprendre via quels secteurs agir sur le territoire pour limiter son artificialisation (Bocquet, 2019). Pour ce faire, ils utilisent les fichiers fonciers.

77Cette méthode se réalise en trois étapes :

78a. « L’objectif de cette étape de la méthodologie est de classer chaque parcelle dans une des catégories suivantes :

79• Habitat,

80• Activité,

81• Mixte » (Bocquet, 2019, p.44).

82Les fichiers fonciers français donnent l’information du nombre de locaux sur la parcelle, de l’usage de ces locaux et de leur superficie. Les parcelles analysées sont classées par catégorie selon l’usage prépondérant dans les locaux qui s’y trouvent. Si tous les locaux présents sur une parcelle n’ont pas tous le même usage, des scores, basés entre autres sur la superficie de chaque usage, sont utilisés pour définir le plus prégnant (Bocquet, 2019).

83Pour les parcelles artificialisées non bâties (ex : un parking), un buffer (zone tampon) est généré autour de chaque parcelle non affectée afin de connaître ses voisines. La fonction la plus présente dans les parcelles voisines définit l’usage de la parcelle. Pour celles qui ne sont pas en contact avec une parcelle artificialisée, le buffer doit être élargi. On considère que plus le buffer est large moins l’information est fiable (Bocquet, 2019).

84b. Création d’un historique des parcelles et établissement de tables multi-annuelles des fichiers fonciers

85La méthode du Cerema est une analyse de flux. Pour les connaître, il est nécessaire de faire une comparaison de stock sur un minimum de deux années (N et N+1). Il est possible de définir les liens qu’entretiennent les parcelles entre elles sur la base des fichiers fonciers et des documents de filiation informatisés. Celles-ci peuvent, d’une année à l’autre, subir une division, une réunion, un transfert, une extraction du domaine public ou un transfert vers le domaine public (Bocquet, 2019).

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Figure 2. Représentation visuelle des îlots (Source : M. Bocquet, 2019, p.37)

86c. Calcul de la consommation d’espace à partir des fichiers fonciers

87Les deux premières étapes ont permis de définir un nombre de m² pour chaque usage et les liens entre les parcelles. La dernière étape consiste à transformer les stocks en flux de changement d’usage. Elle est effectuée sur la totalité des parcelles (urbanisées et non-urbanisées) de la zone analysée. Les traitements permettent de générer des flux d’artificialisation (qui présentent le passage de terrains NAF (naturel, agriculture et forestier) en terrains artificialisés) et des flux d’usages (changements d’activité sur le terrain (habitat, mixte et activité) (Bocquet, 2019).

88Un algorithme de traitement est appliqué aux stocks. Quatre hypothèses permettent de limiter les inconnues : la somme des deltas est égale à 0 (puisque la surface totale comparée en N et N+1 est la même), chaque flux est positif (puisqu’il représente le passage de X hectares de sol d’un statut à un autre), les flux contraires sont impossibles (puisqu’une parcelle ne peut pas être artificialisée et renaturée dans la même année) et les flux sont simples (si un usage gagne en superficie, il ne peut pas en même temps en perdre) (Bocquet, 2019).

89Les résultats de l’application de cette méthode en 3 étapes sont 9 flux mesurés en hectares.

90« 3 flux de ʺcréationʺ, constitués de :

91• création de surface à usage d’habitat,

92• création de surface à usage d’activité,

93• création de surface à usage mixte,

946 flux de transferts entre habitat, mixte et activité, composés de :

95• transfert entre habitat et activité (la parcelle est à usage d’habitat l’année N, et à usage d’activité l’année N+1),

96• transfert entre activité et habitat,

97• transfert entre mixte et habitat,

98• transfert entre habitat et mixte,

99• transfert entre activité et mixte,

100• transfert entre mixte et activité. » (Bocquet, 2019, p.15).

101La Figure 3, ci-dessous, schématise la réalisation de ces trois étapes.

Image 100000000000017A00000221D0D565C2E1A91689.png

Figure 3. Résumé de la méthode d’évaluation de la consommation d’espace à partir des fichiers fonciers (Source : M. Bocquet, 2019)

C. Comparaison des méthodes de monitoring analysées et discussion de leur transférabilité à la Wallonie

102À la lecture de la méthode statistique britannique et de la méthode française de l’Insee, il ressort que les méthodologies utilisées sont finalement assez semblables. En effet, le but des traitements est de pouvoir croiser les données de création de logements/bâtiments avec celles de l’utilisation du sol. Par contre, les données utilisées sont différentes. Là où l’Insee utilise les données des permis de bâtir, le Department for communities and local government britannique utilise une base de données reprenant les adresses postales. Cette différence est logique puisque le Royaume-Uni cherche à savoir s’il s’approche de son objectif de 60 % de nouveaux logements créés sur des sites précédemment développés, alors que la Royaume-Uni cherche à savoir si des terres ont été nouvellement artificialisées (mesure d’une superficie artificialisée et non d’un nombre de logements). L’information d’utilisation du sol est, également, générée de manière différente. Dans les deux cas, les bases de données Corine Land Cover et de la BD Carto sont utilisées, mais au R.U., elles sont croisées avec d’autres données à diverses échelles pour générer une donnée relativement fine. La classification de l’utilisation du sol peut donc être faite de manière très précise. Le fait de travailler avec une entreprise privée est assez révélateur du système de gouvernance à l’œuvre dans ce pays. En effet, le Royaume-Uni est un pays très centralisé, mais où les services publics sont très souvent opérés par des acteurs privés (du monde de l’entreprise) engagés via un appel d’offres (C. Breuer, 2020).

103La différence entre la méthode britannique et celle mise en œuvre par le Cerema est plus marquée. Dans cette dernière, l’information concernant l’occupation du sol est déterminée sur la seule base des fichiers fonciers. Ces fichiers fonciers sont effectivement très complets après avoir été retraités par le Cerema. Ils sont l’information idéale pour suivre l’artificialisation des sols avec pour vision le suivi de l’objectif ZAN.

104La méthode du Cerema a vocation à remplacer celle de l’Insee. Les deux méthodologies apportent pourtant des outputs différents. La méthode appliquée par le Cerema pour définir les utilisations du sol sur base des fichiers fonciers semble plus fiable que l’utilisation de la base de données Corine Land Cover. En outre, le Cerema utilise bien « l’utilisation » du sol, là où Corine Land Cover (utilisé par l’Insee) montre l’occupation du sol. D’après les définitions de l’artificialisation données par le gouvernement français, c’est bien l’utilisation qui détermine si on se trouve sur un terrain déjà urbanisé ou non. C’est également celle-ci qui est utilisée par les Britanniques. Néanmoins, il est dommage de ne plus générer les informations sur la manière dont l’artificialisation prend place sur le territoire (densification, en continuité du bâti, en artificialisation de masse et en mitage). Comprendre les zones où l’étalement urbain est très présent, ainsi que celles où la densification a lieu semble pourtant essentiel pour agir dans la lutte contre l’artificialisation de sols naturels.

105La méthode du Cerema semble être la moins facile à transposer au cas wallon, car les données cadastrales belges sont relativement différentes des fichiers fonciers français. Néanmoins, il serait sans doute possible de s’en inspirer. Pour commencer, l’affectation des parcelles à un usage entre « habitat », « activité » et « mixte » pourrait être définie via la donnée « Caractéristiques des parcelles cadastrales – Occupation du sol ». morphologique » (Service public fédéral finance, 2021). Ensuite, il faudrait coupler cette information avec la superficie de chaque parcelle afin de pouvoir calculer les différents flux.

106Si cela semble réalisable, il n’en reste pas moins que cette méthode permet de mesurer une surface et non un nombre de logements nouvellement créés, ce qui est moins adapté au monitoring des objectifs fixés par le SDT.

107De son côté, le registre britannique des brownfields autorisant la définition des « bonnes zones » pour des programmes de logements n’est pas toujours simple tant celles-ci peuvent revêtir des aspects différents, particulièrement quand on compare les contextes ruraux et urbains.

108Un registre proche de celui utilisé au Royaume-Uni pourrait toutefois être envisagé pour faciliter et systématiser le travail des autorités locales wallonnes pour repérer ces bonnes zones sur leur territoire. Pour le mettre en place, il serait nécessaire que les caractéristiques de ces zones soient discutées et arrêtées par le niveau régional. En outre, la création d’un registre tel que celui-ci permettrait d’estimer le nombre de logements qui pourraient être créés selon ces critères. Cette information serait grandement utile pour la production des documents urbanistiques de planification. Les promoteurs et acteurs du secteur immobilier y trouveraient également leur compte. En effet, construire sur des terrains précédemment déjà occupés implique une gestion plus complexe et souvent plus onéreuse. En listant les zones sur lesquelles elles espèrent un développement résidentiel, les autorités apporteraient aux auteurs de projets une certaine sécurité juridique et une base de justification de leurs développements.

109Pour sa part, la méthode britannique usant des statistiques d’utilisation du sol consiste à croiser une couche de classification de l’utilisation avec la base de données des adresses. Cette méthode permet de calculer le nombre de logements créés sans artificialisation de terres. Elle serait idéale pour mesurer l’atteinte de l’objectif AM1 du SDT.

110L’appliquer en Wallonie serait possible via les données cadastrales. L’idée serait d’extraire les adresses nouvellement créées et de les croiser avec la base de données WalOUS8 qui définit l’utilisation du sol wallon. L’échelle fine à laquelle cette couche est réalisée permettrait d’avoir un résultat proche de la réalité.

111Le recours aux données cadastrales engendre néanmoins certaines contraintes. Les adresses ne sont pas identifiées en tant que telles dans cette base de données. Chaque bâtiment y est identifié et les logements qu’ils contiennent sont donnés via le champ « housing unit number » de la table attributaire. Cette particularité a l’avantage de réduire le risque de surestimation mais apporte des difficultés de traitement. Il faudra sans doute travailler en trois temps : premièrement, évaluer si les nouvelles constructions, créées dans un laps de temps analysé, le sont sur un sol déjà artificialisé. Ensuite, extraire le nombre de logements contenus dans chaque bâtiment pour pouvoir calculer le taux de logements créé sans artificialisation de terre. Enfin, ajouter les estimations de l’IWEPS afin de prendre en compte les logements créés par division et par rénovation.

112La méthode de l’Insee est assez semblable. Il serait, néanmoins, moins logique de l’appliquer à la Wallonie car les permis de bâtir reprennent toutes les constructions et pas uniquement les logements tel que demandé par l’objectif du SDT. De plus, le contexte d’urbanisation wallon ne se prête pas très bien à une analyse via Corine Land Cover. En Wallonie, les espaces bâtis et les espaces ayant une couverture végétale s’entremêlent parfois fortement. L’échelle macro de CLC est donc peu adaptée à l’analyse de ce contexte.

CONCLUSION

113En conclusion, il est possible de discerner deux approches pour la gestion de l’artificialisation des sols. En France l’objectif est de réduire globalement la consommation de terrains non artificialisé alors qu’au Royaume-Uni et en Wallonie, un objectif de création de logements sans artificialisation des sols est donné. Malgré ces divergences, des similitudes existent dans les méthodes de monitoring mises en place pour mesurer l’atteinte de ces objectifs, et ce, notamment, dans les inputs utilisés et les croisements réalisés. Les trois méthodes analysées permettent de suivre l’impact du logement sur l’artificialisation des sols mais la méthode du Cerema va plus loin en analysant tous les types de construction.

114En ce qui concerne la transférabilité en Wallonie, il semble que les données actuellement disponibles en Wallonie ne soient pas bien adaptées à un éventuel transfert des méthodes de monitoring observées. Malgré tout, les informations contenues dans les données cadastrales devraient pouvoir être traitées et restructurées pour obtenir les inputs nécessaires. L’idéal serait de mettre en place la méthodologie britannique utilisant les en appliquant aux résultats obtenus une classification du processus d’artificialisation selon les définitions données par l’Insee pour la densification, la construction en continuité du bâti, la construction de masse et le mitage. Cette méthode mixte permettrait de quantifier, mais également de donner une première qualification au processus d’artificialisation des sols. Cela fournirait à la Wallonie, et à ses décideurs politiques, les informations dont ils ont besoin afin d’orienter les actions qui permettront de matérialiser les ambitions énoncées dans le Schéma de Développement Territorial.

NOTES

1151En Belgique, secteur de l’hôtellerie, de la restauration et des cafés (Larousse.fr).

1162Phénomène Bimby pour « build in my backyard », en référence à NIMBY (Not in my backyard), est un concept d’urbanisme visant à la densification des espaces résidentiels pavillonnaires (GéoConfluences.ens-lyon.fr).

1173« Greenbelt: A strip of countryside round a city or town where building is not allowed » (Cambridge dictionary).

1184Échelle de la OS Mastremap : 1:1,250 (urban geographies), 1:2,500 (rural geographies) and 1:10,000 (mountain & moorland geographies) (Ordonance Survey).

1195L’Institut national de la statistique et des études économiques est une direction générale du ministère de l’Économie et des Finances. Il a pour mission de collecter, analyser et diffuser des informations sur l’économie et la société française sur l’ensemble de son territoire (Insee.fr).

1206Le Cerema, établissement public sous la tutelle du ministère de la Transition écologique, accompagne l’État et les collectivités territoriales pour l’élaboration, le déploiement et l’évaluation de politiques publiques d’aménagement et de transport (cerema.fr).

1217Ce jeu de données raster reprend la cartographie de l’occupation du sol de l’ensemble du territoire wallon pour l’année 2018 (WAL_OCS__2018) (Géoportail.wallonie.be).

1228Ce jeu de données raster reprend la cartographie de l’occupation du sol de l’ensemble du territoire wallon pour l’année 2018 (WAL_OCS__2018) (Géoportail.wallonie.be).

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To cite this article

Noémy TEVEL, «Quels dispositifs pour encadrer l’artificialisation des sols ? Comparaison entre les dispositifs français, anglais et wallons», Bulletin de la Société Géographique de Liège [En ligne], 79 (2022/2) - Varia, 331-345 URL : https://popups.ulg.ac.be/0770-7576/index.php?id=6977.

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Master en géographie, urbanisme et développement territorial

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