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Itinéraires de géographes : de la géomorphologie à la géomatique
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original pdf file1Qui a croisé un jour Marc Binard et Yves Cornet n’aura pas manqué de relever immédiatement des différences dans leur attitude et leur caractère. Le premier discret, calme et diplomate ; le second volontaire, énergique et pétulant. Pour qui a eu l’occasion de travailler avec Marc Binard et Yves Cornet, quelques points communs l’auront sans doute frappé : disponibilité, sérieux et persévérance. Pour ceux enfin qui ont eu la chance de côtoyer Marc Binard et Yves Cornet durant de longues années, les différences s’effacent au profit des multiples qualités qu’ils partagent : la curiosité pluridisciplinaire et l’ouverture d’esprit, l’assiduité et la volonté du travail bien fait, la modestie et l’honnêteté, l’empathie et le sens de l’amitié, le goût de l’effort, tant en recherche... qu’en sport.
2Il n’est donc pas étonnant que l’Unité de Géomatique du Département de Géographie de l’Université de Liège souhaite associer ses deux collègues, aujourd’hui officiellement retirés de la vie professionnelle, dans un même hommage au travers de cette publication. Mais qui sont réellement ces deux géographes que tant de choses semblent opposer, alors que tant de choses les rassemblent ?
Photo 1 : Cliché C. Bubois, 2015.
3Marc Binard termine sa licence en Sciences géographiques à l’Université de Liège en 1979, parallèlement à l’agrégation de l’enseignement secondaire supérieur. Son mémoire, dédié aux risques d’érosion conséquents au remembrement rural, le situe au départ en géographie physique. Il poursuit par une licence en Sciences pour les pays en développement obtenue en 1980, avec le statut d’Élève-Assistant dans le service du Professeur Jean Alexandre. C’est dans ce service de Climatologie qu’il entame sa carrière universitaire dès 1981, entre terrain et Centre de calcul, car déjà le recueil et les traitements informatiques de données constituent son quotidien. C’est lors de l’acquisition de données sur le terrain – dans les Fagnes en été – que l’opportunité lui est donnée de tâter du cigarillo (méthode relativement efficace prônée par notre collègue François Petit pour chasser les moustiques...). La suite nous montre qu’il n’a pas cédé à la dépendance.
4Appelé à faire son service civil fin 81, Marc Binard part quatre années au Maroc avec toute sa jeune famille. Il y enseigne les mathématiques en 7e secondaire – sciences, préparant au Bac scientifique, dans des conditions quelque peu pittoresques. Les classes comptent plus de 40 élèves et bon nombre d’entre eux sont plus âgés que lui... Mais l’attrait du Maroc, de l’Afrique et des voyages en général, ne le quittera plus.
5De retour en Belgique en 1985, Marc rejoint l’association Microprof prônant, déjà, l’enseignement assisté par ordinateur – il y reviendra – avant de reprendre du service en Climatologie. Michel Erpicum le charge alors de transférer des données climatiques relatives à plusieurs pays africains, depuis des cartes perforées (1 m³ !) vers des bandes magnétiques... o tempora, o mores ! Il fait ensuite un passage au service d’Histoire des Sciences du Professeur Robert Halleux, avec le titre d’Assistant, où bases de données et traitements statistiques redeviennent son ordinaire.
6Cela conduit Marc Binard à rejoindre le laboratoire SURFACES de la (future) Unité de Géomatique à la fin de 1988. Au travers de plusieurs dizaines de contrats de recherches successifs, sans interruption, passant du statut d’Assistant, à celui de Chercheur, pour terminer comme Premier logisticien de recherche, Marc Binard va pouvoir y déployer tous ses talents durant plus de trente années !
7Il serait fastidieux d’énumérer les multiples projets que Marc Binard a dirigés ou auxquels il a activement participé. Mais plusieurs fils rouges se dégagent qui témoignent de l’apport inestimable qu’il a apporté au Département de Géographie et de son indéfectible disponibilité.
8Comme tous les collègues de sa génération, Marc Binard a connu l’essor de l’informatique au sein des disciplines scientifiques. Mais bien plus que la plupart, il s’y est investi dans tous les sens du terme. Ce n’est pas seulement l’évolution du hardware – de l’IBM 370 aux PC de dernière génération, en passant par le MicroVAX et les stations Intergraph – ni celle des langages – du FOTRAN au PHP – et des systèmes d’exploitation et logiciels innombrables que Marc Binard a maîtrisées. Mais c’est aussi l’installation physique et la maintenance – fer à souder et tournevis en main si nécessaire – de tout ce matériel et de tous ces programmes, au sein des salles blanches, salles de cours, laboratoires et bureaux de tous ses collègues, du bâtiment central de la Place du 20 Août d’abord, et de l’Institut de Physique au Sart Tilman ensuite. Il est devenu le point de contact privilégié des services informatiques centraux et décentralisés, le support indispensable de générations d’étudiants et le recours ultime des collègues en quête d’un dépannage urgent ou d’une ressource nouvelle nécessaire à une recherche ou un enseignement. Les bienfaits de telles compétences ont largement dépassé le microcosme de l’Unité de Géomatique pour s’étendre à tous les services voisins de l’Institut de Physique, à ceux de l’Institut de Géographie et, par-delà les frontières, à la station STARESO, en Corse, où il a fait 17 séjours. Son expérience lui vaut même une admiration presque superstitieuse au sein du Ministère de l’Agriculture et de la Réforme Agraire (MARA) marocain où, lors d’une mission de formation, il dépanne en quelques minutes un lecteur de bandes magnétiques en panne depuis deux années (le même problème était apparu sur le lecteur identique de notre laboratoire quelques semaines plus tôt, où il avait fallu un temps certain pour trouver la panne...).
9L’aide matérielle que Marc Binard procure sans compter se double de la volonté d’expliquer et d’instruire ses interlocuteurs. Tous ses collègues se souviennent des multiples modes d’emploi, notes de maintenance, annonces d’installation, etc. parfaitement structurés et illustrés, et diffusés régulièrement sur le réseau local. Il a sans doute fait sien l’adage ne lui donnez pas un poisson, apprenez-lui à pêcher, même si cela n’a pas réduit le nombre de sollicitations auxquelles il a dû répondre. Quoi qu’il en soit, la formation et l’enseignement n’ont pas quitté les préoccupations professionnelles de Marc Binard, du début jusqu’à la fin de sa carrière à l’Université. C’est d’ailleurs par là qu’il a commencé au laboratoire SURFACES puisqu’il est chargé d’un projet de promotion de la télédétection dans l’enseignement secondaire dès 1988. Cela lui permet d’investiguer le traitement d’images et la télédétection en général, et de devenir rapidement un spécialiste en la matière, capable d’assurer une assistance adéquate auprès d’un large public : les étudiants et doctorants du Département de Géographie tout d’abord, mais aussi les étudiants d’océanographie en stage à STARESO, les ingénieurs des agences locales du MARA au Maroc et les multiples chercheurs polonais, marocains, bangladais, burundais, etc. venus à Liège pour approfondir leur maîtrise de l’outil et des méthodes. Plus récemment, il organise à deux reprises, en collaboration avec notre collègue Cécile Deprez, les journées Mapathon à l’Université de Liège, ces évènements de cartographie numérique participative auxquels des volontaires – souvent des étudiants – travaillent à la saisie de données géographiques pour répondre aux besoins d’œuvres humanitaires. Faut-il aussi mettre au crédit de sa qualité de formateur les entraînements de jogging qu’il organise sur les temps de midi pour tous les collègues de l’Université ?
Photo 2 : Cliché C. Dubois. Séance d’information pour les étudiants, 2020
10La télédétection ! On a vu comment Marc Binard y a été introduit et cela reste, au fil de sa carrière, son domaine de recherche de préférence, ce qui lui vaut d’ailleurs une étroite collaboration avec Yves Cornet. Marc a suivi, du début des années 90 à la dernière décennie, les multiples programmes nationaux initiés par la Politique scientifique fédérale (BELSPO) : TELSAT, STEREO, ORFEO... et tous les projets transfrontaliers, régionaux et locaux qui en ont dérivé. Cela lui a valu de nombreux séjours à l’étranger, tant pour des missions de terrain que pour des réunions scientifiques : France, Pays-Bas, Luxembourg, Irlande, Suisse, Maroc, Turquie, Canada, Thaïlande, Venezuela... De beaux souvenirs, sans doute, même si l’atterrissage inopiné de l’hélicoptère en pleine forêt vierge au milieu d’un site aurifère clandestin aurait pu arrêter brutalement ces aventures... En matière de valorisation scientifique, les deux tiers (près de 60) des publications de Marc Binard sont consacrés à la télédétection, tant sur les méthodes que sur les applications. Et cela ne tient pas compte des conférences, ni des rapports de recherche, ni des multiples thèses et mémoires réalisés au sein du Département de Géographie et des départements des disciplines connexes, auxquels Marc Binard a contribué souvent de façon significative.
11Sans renoncer à la télédétection, le centre d’intérêt de Marc Binard marque un tournant au cours des dix dernières années. C’est qu’au sein de l’Unité de Géomatique, les bases et entrepôts de données spatiales et temporelles, en 2-D, 3-D et 4-D deviennent un des fers de lance de la recherche, que les applications potentielles abondent et que les besoins deviennent évidents dans de nombreux services tant scientifiques que techniques. Plusieurs projets réclament la conception, la mise en place et la maintenance de bases de données accessibles en ligne et partageant des informations géographiques multiples. C’est le projet de l’Atlas numérique de Belgique imaginé par le Comité national de Géographie et financé par BELSPO; c’est l’action de recherche concertée (ARC) RACE de la Fédération Wallonie-Bruxelles ; c’est le projet d’acquisition multisenseurs de données et leur gestion, à la station de STARESO... C’est enfin la rationalisation, au sein de l’institution universitaire, de licences et redevances multiples, clairsemées et souvent redondantes, de systèmes de gestion de bases de données, de systèmes d’information géographique, et de collections de données géographiques de référence. Marc Binard est sur tous les fronts, s’implique dans les dernières technologies et mène à bien tous ces projets. Si, pour sa part, cela conduit à bon nombre de nouvelles communications scientifiques, les besoins paraissent dépasser la collaboration au cas par cas, et il est temps d’ancrer cette initiative dans la durée. En concertation avec plusieurs départements relevant de trois facultés de l’Université de Liège, l’installation d’une plate-forme CARE (Cellule d’Appui à la Recherche et à l’Enseignement) intitulée GITAN (Geographic Information Technical Aid Network) est approuvée en 2011. Marc Binard en prend la direction, d’abord en tant qu’Attaché de Recherche, puis de Premier Logisticien de Recherche.
12On l’a vu, toute la carrière de Marc Binard est consacrée à la recherche dans des domaines clés et innovants de la géomatique, ce qui a réclamé une clairvoyance et une constante tenue à jour des connaissances. Mais s’il est un trait qui caractérise le plus ce parcours professionnel, c’est l’esprit d’équipe. En témoignent une petite centaine de publications disponibles sur le site ORBI de l’Université de Liège, ainsi qu’une bonne vingtaine de rapports d’activités internes à l’Unité, dont 97 % du total sont écrits en collaboration... C’est aussi une prise de responsabilité constante tout au long de sa carrière, pour représenter l’Unité, le Département et la profession, dans les comités les plus divers et les associations et sociétés scientifiques. Faut-il rappeler que Marc Binard a été à deux reprises président de la Société Géographique de Liège, et qu’il continue à exercer actuellement un mandat de conseiller auprès de cette même société.
13Disponible, généreux, calme sont sans doute les qualités humaines que lui reconnaissent tous ses collègues, mais l’enquête doit encore être complétée auprès de Brigitte, son épouse…
Photo 3 : Cliché B. Marot, 2013
14C’est sans doute sur les conseils avisés de son père, médecin du sport très au fait de ce milieu, qu’Yves Cornet se lance dans des études supérieures plutôt que d’embrasser la carrière de footballeur professionnel au terme de ses humanités... Émerveillé par ses montagnes maternelles aux confins septentrionaux de la Vénétie – qu’il parcourt en tant que berger à l’adolescence... – et curieux de comprendre comment se sont créés et comment évoluent ces paysages – suivant en cela la démarche de l’illustre Carl Ritter – il décide d’étudier la géographie, discipline réunissant à ses yeux les géosciences et les sciences de la nature. Après une année spéciale de mathématique, il obtient une licence en Sciences géographiques à l’Université de Liège (1987), suivie, l’année ultérieure, par une licence complémentaire en Océanologie et par l’agrégation de l’enseignement secondaire supérieur. La géographie physique est résolument son domaine et la photographie aérienne, son outil de prédilection, tandis que l’on distingue déjà son attrait pour les méthodes quantitatives.
15Il passe ensuite une année à Gênes (Italie), comme boursier européen COMETT, dans une entreprise d’ingénierie où il se passionne pour des questions de sciences appliquées, mêlant géologie, hydrogéologie et géomorphologie, mais où il découvre aussi l’indifférence voire l’ignorance de ses nouveaux collègues vis-à-vis de la géographie physique, de ses méthodes et de ses techniques. Première petite désillusion ? Yves Cornet revient en Belgique accomplir son service militaire comme officier de réserve dans l’artillerie. Une occasion de plus pour parfaire ses connaissances en mathématique et en topographie... À la suite de quoi, il professe une année dans l’enseignement secondaire supérieur où l’évolution des programmes de géographie – de plus en plus dédiés aux sciences humaines au détriment des sciences de la Terre – provoque chez lui un second désappointement.
Photo 4 : Cliché G. Houbrechts. Voyage de géomorphologie dans les Dolomites. Massif des Pale di San Martino, 2011
16Très vite, il souhaite revenir vers la géographie qui lui tient à cœur et rejoint le groupe GIREA (Groupe Interuniversitaire de Recherches en Écologie Appliquée) à l’Université de Liège en 1990. Il y passe une année, avant d’être attaché au Laboratoire de géomorphologie et de géologie du Quaternaire du Professeur Albert Pissart. C’est l’époque des premiers programmes nationaux de télédétection, sous l’égide de BELSPO, et Yves Cornet est rapidement impliqué dans les recherches de géomorphologie au moyen des images satellitaires optiques et radar. En 1993, en qualité d’Assistant, il entame une thèse de doctorat sous la direction d’Alain Demoulin, portant sur une analyse fouillée du calcul de coplanéité entre linéaments. Le travail, terminé en 1998, repose sur une approche quantitative solide et exploite au mieux les ressources des logiciels qualifiés de systèmes d’information géographique (SIG). Parallèlement, il met ses compétences en topographie, en télédétection et en analyse spatiale au profit des recherches menées par plusieurs collègues, l’amenant à parcourir – sur le terrain ou sur les images numériques – les territoires les plus exotiques (Corse, Sardaigne et toutes les régions d’Italie, Syrie, Jordanie, Congo, Équateur...). Il s’ensuit une production scientifique féconde – près de 25 articles en 6 ans –, une reconnaissance unanime de la qualité de son travail, mais aussi une réputation de « bourreau de travail » auprès des pauvres collègues et étudiants qui peinent à le suivre sur le terrain…
17Topographie, télédétection, analyse spatiale, SIG ? Ce sont là des composantes essentielles de la géomatique, et c’est tout naturellement qu’en 2000, Yves Cornet rejoint l’Unité de Géomatique de l’Université de Liège, d’abord en tant que Premier Assistant, puis très vite de Chef de Travaux. L’Unité rejoint alors le campus du Sart Tilman et se réorganise face aux profondes réformes que connaît alors l’enseignement universitaire. Yves Cornet vient à point nommé pour prendre en charge les activités d’enseignement en télédétection et collaborer activement aux cours d’analyse spatiale et de SIG, tous cours dispensés à plusieurs sections de la Faculté des Sciences. Avec compétence et méticulosité, il dirige un nombre croissant de mémoires de Master et encadre, avant de diriger, plusieurs thèses de doctorat. Au départ de notre collègue Albert Collignon, c’est encore à Yves Cornet qu’est demandé de reprendre l’enseignement de la photogrammétrie, et il accède, en 2009, au rang académique au sein de l’Université.
18Malgré une charge de cours impressionnante, Yves Cornet poursuit sans relâche ses activités de recherche. C’est précisément dans le cadre des nombreux projets de télédétection exécutés au sein de l’Unité de Géomatique qu’Yves Cornet et Marc Binard entament une collaboration fructueuse, se traduisant, notamment, par une vingtaine d’articles scientifiques signés en commun. C’est l’occasion d’ouvrir le champ des applications : de la géographie urbaine, à la géographie physique ; des géosciences, aux sciences de la nature. Des programmes et des travaux de fin d’études se mettent en place sur les sujets de recherche les plus divers, en collaboration avec les autres services et Facultés de l’Université de Liège (climatologie, hydrogéologie, océanographie, biologie, archéologie, Centre spatial, Institut Montefiore...), mais aussi avec les collègues partageant les mêmes préoccupations scientifiques d’autres universités (Gand, Bruxelles, Hanovre...) et avec les entreprises privées. Ces projets mettent en œuvre toutes les ressources de l’analyse spatiale combinée à la télédétection sensu lato et aux bases de données spatiales, et les MatLab, R et autres collections de librairies informatiques sont de la partie. Les terrains d’action s’étendent encore, en Europe, en Afrique, en Asie, en Antarctique...et même sur la Lune ! Yves Cornet partage en effet la responsabilité d’un projet de l’ESA ayant pour objectif d’implémenter, tester et valider une méthode automatique qui détecte les cratères à la surface lunaire à partir de produits planétaires (images numériques et modèles numériques de terrain). Plus de cent publications signées ou co-signées par Yves Cornet figurent désormais au sein du catalogue bibliographique de l’Université de Liège (Orbi), témoignant de ce travail scientifique éclectique.
19La géomatique est une discipline en constante évolution technique, et la télédétection tout particulièrement. À la conjonction de la photogrammétrie, l’enregistrement d’images numériques par drone est devenu, en moins d’une décennie, un moyen privilégié d’acquisition de données géographiques. C’est Yves Cornet, de nouveau, qui s’implique dans ce nouveau créneau de recherches et d’enseignement. Mais, professionnel jusqu’au bout des ongles, il ne s’embarque pas dans l’aventure sans biscuits : il entame, en 2017, une licence de télé-pilote de drone de classe 1. C’est l’occasion pour lui de redécouvrir au moyen de cet instrument nouveau, les paysages les plus inaccessibles, dérobés à la perception des capteurs terrestres et satellitaires, au premier rang desquels, ses chères Dolomites. Mais c’est sans compter sur le survol d’un hélicoptère qui, en montagne, surgit inopinément sur le chemin du drone…
20Le charme bucolique des montagnes aurait-il eu raison de l’obstination d’un travailleur entreprenant et scrupuleux ? Il est vrai qu’à la première occasion, Yves Cornet rejoint le nord de l’Italie pour profiter d’un rythme de vie d’un autre temps. Lassé sans doute des atermoiements des programmes universitaires des deux dernières décades et d’une géographie – ou d’un enseignement de la géographie – qui ne correspond plus à l’idée qu’il s’en fait, Yves Cornet quitte la fonction académique en 2019, sans heureusement couper définitivement les ponts avec le Département. Il continue d’alimenter régulièrement la discussion scientifique et de participer à des publications, et il vient d’accepter de présider la Société Géographique de Liège.
21Mais, me direz-vous, le cumul des charges d’enseignement et des programmes de recherche aurait-il aussi éclipsé l’amour d’Yves Cornet pour le sport et le football en particulier ? Que non point ! Jusqu’à 38 ans accomplis, Yves joue successivement dans une douzaine de clubs de football, de Fléron à Faymonville, en passant par le RFC Liège, l’AFC Aubel et KAS Eupen ! Ensuite, c’est le vélo – mais pas n’importe quel vélo ! – par tous les temps et sur toutes les routes, et le jogging, participant notamment aux séances hebdomadaires de Marc Binard. Et pour joindre l’utile à l’agréable, Yves prend une part très active dans les tournois de mini-football universitaires aux côtés de collègues, d’étudiants et d’étudiantes. Un tacle bien senti constitue, selon ses propres dires, une manière originale d’attirer l’attention d’une étudiante ou d’un étudiant sur la vigueur de la géomatique…
22On l’aura constaté en lisant ces lignes, Marc Binard et Yves Cornet auront été – et restent dans le cœur de leurs collaborateurs – deux membres essentiels de l’Unité de Géomatique de l’Université de Liège. Des caractères distincts, bien sûr. Mais une œuvre scientifique commune rehaussant la réputation de l’Unité, une assistance tant technique que méthodologique procurée ensemble et constamment à tous les étudiants, stagiaires et collègues assiégeant leurs bureaux, une résilience admirable dont ils ont su faire preuve l’un et l’autre face aux épreuves de la vie, une écoute et une amitié sincère enfin dont ils témoignent quotidiennement, tout cela les rassemble à nos yeux, et nous tenons à les en remercier ici chaleureusement.
Photo 5 : Cliché C. Dubois. Séance Mapathon dans les locaux de l’Unité de Géomatique, 2019 avec entre autres : Françoise Bruls, Gilles-Antoine Nys, Cécile Deprez, Yves Cornet, Anna Poletto, Thierry Billen, Muriel Van Ruymbeke et Marc Binard.
23Les parcours de Marc Binard et Yves Cornet les auront conduits, l’un et l’autre, de la géomorphologie à la géomatique. C’est en suivant ce parcours que s’établit la table des matières du présent Bulletin. Tous les collègues du Département de Géographie souhaitaient certainement participer à cet hommage, mais les contraintes de calendrier nous ont forcés à réduire à douze le nombre de contributions, totalisant néanmoins une trentaine d’auteurs et co-auteurs ! C’est très sincèrement que nous les remercions d’avoir accepté avec enthousiasme de répondre à notre appel et, aussi, de se plier aux contraintes de la publication.
24La géographie physique, qui constitue la première section du bulletin, est représentée par quatre articles.
25Tout d’abord, Étienne Juvigné, Geoffrey Houbrechts et Jean Van Campenhout profitent de deux nouveaux chantiers dans le lambeau de terrasse de Barchon pour réaliser une analyse sédimentologique permettant de reconstituer les étapes de la formation de la paléo-vallée correspondante, et de résoudre l’ambiguïté du rattachement aux hautes terrasses de la Basse-Meuse liégeoise. Avec Alain Demoulin et Hadrien Bourdon, on change d’échelle, puisque ces auteurs analysent la déformation plio-quaternaire de la plate-forme européenne à l’avant des Alpes centre-occidentales, qu’ils interprètent comme une manifestation tardive du transfert des contraintes de compression de la chaîne sur son avant-pays. Nul doute que ces deux premiers papiers sauront raviver la curiosité de Marc Binard et Yves Cornet pour les études géomorphologiques chères à leurs débuts dans la profession ! Geoffrey Houbrechts, Quintia Vaessen et Alexandre Peeters, ensuite, étudient l’impact du relargage dans les rivières de sédiments fins sur les organismes aquatiques, suite au démantèlement des barrages de castors dans la vallée de la Sûre. Outre son intérêt scientifique intrinsèque, cette contribution peut être perçue comme un clin d’œil aux multiples collaborations – menées tout particulièrement par Yves Cornet – entre l’Unité de Géomatique, d’une part, et les hydrologues et les biologistes, d’autre part. Le dernier article de cette section est dû à Christoph Kittel, Xavier Fettweis, Ghislain Picart et Noël Gourmelen. Il porte bien sûr sur le modèle MAR de notre ami Xavier, mais le combine avec des données satellitaires afin d’améliorer la représentation de la fonte de glace de surface en Antarctique. Une synergie heureuse dont Marc et Yves apprécieront à sa juste valeur l’apport de la télédétection en climatologie, et qui permet de faire la liaison avec la section suivante.
26La seconde section du bulletin est dédiée à la télédétection, sous diverses formes, et compte également quatre contributions.
27Ce n’est pas un hasard si les trois premiers articles de cette section présentent des travaux menés au départ des images enregistrées par les satellites Sentinel-1 et Sentinel-2 ! L’accès gratuit et permanent à des images tant multispectrales à haute résolution pour Sentinel-2 – 13 canaux dont 4 présentent une résolution de 10 m –, que radar pour Sentinel-1 – SAR pour radar à ouverture synthétique – et avec une fréquente répétitivité, ne peuvent qu’inciter les chercheurs à multiplier les analyses de données aussi prometteuses. Dans un article très didactique, Quentin Glaude et Anne Orban présentent l’originalité, les capacités, mais aussi les difficultés de l’imagerie radar, tout en nous faisant découvrir la profusion de capteurs en projet dans les différentes agences spatiales. Ensuite, Thomas Dethinne, Quentin Glaude, Charles Amory, Christoph Kittel et Xavier Fettweis reprennent en détail la question de l’évaluation de la fonte de glace en Antarctique en investiguant tout particulièrement la corrélation entre le signal radar de Sentinel-2 et les résultats prédits par le modèle climatique régional. C’est encore les données radar de Sentinel-2 qui sont utilisées par trois étudiants de l’Université de Copenhague, Rasmus Meyer, Mikkel Søgaard et Mathias Schødt, sous la direction d’Alexander Prischchepov et de Stéphanie Horion. Il s’agit cette fois de cartographier des zones inondées, en combinaison avec les images Sentinel-1 pour déterminer l’occupation du sol, et en exploitant les méthodes sophistiquées de classification offertes par la plate-forme d’analyse Google Earth Engine. Mais la télédétection, au sens large, ne se limite pas aux signaux enregistrés par les satellites. C’est ce que nous démontre Pierre Hallot en poussant la détection à distance à très grande échelle puisqu’il nous parle de l’analyse d’artefacts muséaux au moyen d’acquisition par photogrammétrie et lasergrammétrie. Mais il n’en reste pas là, et montre comment les autres méthodes de la géomatique – de la conception de modèles de données à la communication graphique 3D et la réalité virtuelle – sont susceptibles d’améliorer la connaissance des objets étudiés.
28Du patrimoine muséal aux sites archéologiques, la filiation est facile. La dernière section, consacrée à la géomatique et à ses applications, débute précisément par une analyse de visibilité depuis le site archéologique de Chèvremont, due à Muriel Van Ruymbeke et Gilles-Antoine Nys. Cette contribution témoigne de l’intérêt de la géomatique en tant que vecteur d’idéation dans de multiples champs disciplinaires, comme Marc Binard et Yves Cornet l’ont si souvent démontré. C’est un autre champ d’applications qui est illustré par la communication de Jean-Paul Kazprzyk et Nadia Poncelet : celui de l’analyse de risque par les services d’urgence. L’exploitation des ressources de l’analyse décisionnelle sur des entrepôts de données à la structure complexe – données géographiques et non géographiques ; données géographiques raster et vectorielles – permet d’offrir des solutions originales, opérationnelles et en ligne aux services d’urgence. Visualiser des données géographiques, c’est faire une ou des cartes, éventuellement rassemblées dans un atlas. Mais réaliser et garantir la mise à jour d’un atlas sur le Web est un autre enjeu, surtout si la portée de l’atlas est nationale et si les objectifs sont tant didactiques que décisionnels. L’historique de l’élaboration de la dernière édition de l’Atlas national de Belgique – et de sa version numérique en particulier à laquelle Marc Binard a largement contribué – fait l’objet d’un article signé par Charline Dubois et Étienne Van Hecke, deux auteurs intimement liés au projet. La dernière section de ce bulletin se clôture par une sorte d’article collégial, pour lequel les membres de l’Unité de Géomatique – Gilles-Antoine Nys, Charline Dubois, Céline Goffin, Pierre Hallot, Jean-Paul Kasprzyk, Mathieu Treffer et Roland Billen – ont tenu à faire part d’une expérience quotidienne de l’Unité : un travail d’expertise sur la problématique de la qualité des données géographiques à l’intention des pouvoirs publics. Une façon de rappeler à Marc Binard et Yves Cornet les habitudes du travail en équipe auquel ils ont si fréquemment participé.
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