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Les musées face au Covid-19 : quelle(s) cohabitation(s) possible(s) ?
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Nous souhaitons à partir de l’objet musée et plus particulièrement du musée du Louvre, questionner la manière dont ces institutions peuvent s’adapter aux politiques restrictives et à une baisse de la circulation des individus à un niveau international tout en imaginant de nouvelles formes de cohabitations pour perdurer. Bien que nous supposions que le numérique soit en passe de prendre une place encore plus importante dans la manière dont les musées communiquent, on requiert tout de même que cette crise pourrait permettre une relocalisation profonde des institutions et une dépolarisation progressive de la culture au profit d’un réseau fort et actif. Le parti pris de cet article n’est pas de présenter un résultat de recherche effectué avant la crise, mais de constater à partir des enquêtes menées par le Conseil International des Musées (ICOM) et le Network of European Museum Organisations (NE-MO), les actions mises en place par les musées en Europe et à l’international pour pallier à la crise en cours. Cette analyse est complétée par le rapport de l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) pour tenter de mettre en perspective les réalités d’expérience des musées sans ou avec peu de touristes dans un changement de paradigme profond. L’analyse de ces rapports nous permet une lecture transversale pour comprendre comment les difficultés que rencontrent les musées participent à la réinvention du modèle et de la pratique muséale. En confrontant cette analyse au cas du musée du Louvre à Paris par le biais d’une analyse textuelle, nous voulons appréhender comment l’usage du numérique impacte la manière dont les institutions font face aux temps de crises et de transitions.
Abstract
Based on the museum object, and more particularly the Louvre Museum, we seek to question how these institutions can coexist with restrictive policies and a decrease in the movement of individuals at an international level while imagining new forms of coexistence in order to survive. Although we assume that digital will take an even more important place in the way museums communicate, it is nevertheless required that this crisis could allow a deep relocation of institutions and progressive depolarisation of culture in favour of a strong and active network. The aim of this article is not to present the results of research carried out before the crisis, but to observe and analyse “on the spot”, based on surveys carried out by the International Council of Museums (ICOM) and the Network of European Museum Organisations (NE-MO), the actions implemented by museums in Europe and internationally to mitigate the current crisis. The report of the World Tourism Organisation (WTO) complements this analysis in an attempt to put into perspective the realities of the experience of museums with few or no tourists in a profound paradigm shift. The analysis of these reports allows us to have a transversal reading in order to understand how the difficulties encountered by museums contribute to the reinvention of the museum model and practice. By confronting this analysis with the case of the Louvre Museum in Paris through a textual analysis, we want to understand how the use of digital technology impacts the way institutions deal with times of crisis and transition.
Table of content
Introduction
1La crise sanitaire actuelle produit la même incertitude dans de nombreux secteurs d’activités, dont le secteur culturel. Les musées n’y dérogent pas puisqu’ils sont l’institution touristique et culturelle par excellence. À l’annonce des confinements, ils ont dû pour la plupart dans le monde, fermer durant deux mois (mars-avril 2020), pour rouvrir dans des conditions d’accueil spécifiques, pour de nouveau être fermés depuis la fin 2020. À l’heure où le musée devenait « protéiforme » (Eidelman, 2017), en recherche d’expériences tant in situ, qu’hors les murs et même numérique, cette pause forcée fut le moment pour questionner le rôle de ce patrimoine dans un contexte incertain et instable ainsi que la manière de le protéger face à une baisse de la fréquentation touristique.
2Cette crise qui ne fait qu’illustrer ce que produit la mondialisation des échanges et des individus, permet également de toucher du doigt les limites de la société occidentale dans laquelle nous vivons et par conséquent questionne le monde du tourisme et les nouvelles régulations à mettre en place. Une consommation déraisonnée de produits mais également d’espaces, de lieux ordinaires et extraordinaires, qui au final, en plus de satisfaire l’individu de cette « expérience », participent à produire du PIB (produit intérieur brut), régisseur d’un monde dit « capitaliste » (Ruiz, 2013 ; Touhami, 2014)1. L’expansion croissante depuis les années 2000 et notamment exponentielle des années 2010 des nouvelles technologies et des courants de pensées de la « tech » californienne et du « point de singularité » (Ganascia, 2017 ; Monin, 2019), confrontée à la prise de conscience commune d’un environnement fragilisé par l’action humaine, ne pouvait que mener à un « clash » structurel où un choix d’orientation pour la société doit être fait et accepté par l’ensemble des individus.
3Le musée ne peut que mieux incarner cette tension notamment lorsque l’on analyse la relation entre patrimoine et tourisme. Pour l’instant « hybride » (Mairesse, 2010), tant dans sa gouvernance que par sa pratique, le musée ne cesse d’être interrogé sur ses représentations, son histoire et ses collections, mais également sur la manière dont il prend part à la société et à l’espace (Hertzog, 2009). La réponse de 20022 par les 19 grands musées mondiaux pour justifier leurs collections et leur universalité, mentionnait l’accessibilité de leur collection « universelle » et « encyclopédique » à l’ensemble des citoyens du monde. Pourtant, une partie des réponses actuelles vont dans le sens de déconstruire le récit universaliste propre aux grands musées pour expliquer la manière dont ces collections ont été constituées et ainsi envisager des restitutions d’œuvres dans les pays dits ressources (Ben Moussa, 2012 ; Recht, 2014 ; Deloche, 2017 ; Benhamou, 2019). Ce sujet est d’autant plus préoccupant que les circulations internationales sont à redéfinir face à une forme d’immobilisme qu’impose le contexte sanitaire actuel3.
4La crise institutionnelle conjuguée à la crise « du Covid-19 » obligent à repenser les modèles et les pratiques au sein des musées par le biais de la « co-construction » (Eidelman, 2017) qui induit une implication de tous les acteurs pour envisager le musée au XXIe siècle. Alors que dans le processus de co-construction il y a cette image de bâtisseur pour modeler les institutions à partir de nouveaux outils, dont le numérique, il est aussi possible d’aborder ce sujet par le processus de cohabitation, dans le sens de co-habiter (Lévy, 2002). En effet, il s’agit de considérer le point de jonction entre l’environnement et les acteurs pour « vivre avec l’autre, vivre ensemble et coexister »4. Dans la définition de Jacques Lévy et Michel Lussault, il est indiqué que la notion d’habiter « donne la part belle au rôle de l’individu, du langage, des réalités idéelles […] » et qu’il est possible de « […] concevoir des intensités très diverses dans l’habiter : le citoyen est l’habitant par excellence, mais le touriste habite aussi, à sa manière, l’espace qu’il découvre »5. Ces différentes formes d’habiter le Monde induisent des manières différentes de s’approprier les espaces et donc de les vivre, ce qui fait émerger des co-habitations questionnées dans cet article sous le prisme de la relation musée-espace-numérique-crises.
5Nous souhaitons à partir de l’objet musée et plus particulièrement du musée du Louvre, interroger la manière dont ces institutions déjà chamboulées depuis les années 2000, trouvent un point d’équilibre entre leur rôle (présenter des collections à un public et conserver des œuvres d’art), les politiques restrictives et la baisse de la circulation des individus à un niveau international. Bien que nous supposions que le numérique soit en passe de prendre une place encore plus importante dans la manière dont les musées communiquent, on requiert tout de même que cette crise pourrait permettre une relocalisation profonde des institutions et une dépolarisation progressive de la culture au profit d’un réseau fort et actif.
6Le parti pris de cet article n’est pas de présenter un résultat de recherche effectué avant la crise, mais de constater et d’analyser à partir des enquêtes menées et publiées sous forme de rapport par le Conseil International des Musées (ICOM)6 et le Network of European Museum Organisations (NE-MO)7, les actions mises en place par les musées en Europe et à l’international pour pallier à la crise durant le premier confinement. Cette analyse est complétée par le rapport de l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) pour tenter de mettre en perspective les réalités d’expérience des musées sans ou avec peu de touristes dans un changement de paradigme profond. La lecture de ces rapports nous permet une approche transversale pour comprendre comment les difficultés que rencontrent les musées participent à la réinvention du modèle et de la pratique muséale. En confrontant ces points au cas du musée du Louvre à Paris par le biais d’une analyse textuelle8, nous tentons de comprendre comment ces nouvelles formes de cohabitations impactent la manière dont les institutions font face aux temps de crises et de transitions (Tableau 1).
Tableau 1. Présentation du corpus d’articles (base de données Europresse/2020, traitement de données Iramuteq)
Objets |
ÉlÉments |
Mots clés recherches « dans le texte » |
« Louvre » & « Covid-19 » |
Période de recherche |
16 mars au 16 septembre 2020 |
Nombre de textes du corpus |
171 |
Journaux |
52 quotidiens français (presse nationale et régionale) |
Pourcentage de segments classes |
90,70 % |
Nombre de classes - classification hiérarchique descendante (CHD) (nota bene : elle permet de mettre à jour des mondes lexicaux (Reinert, 1983) et de comprendre l’architecture du discours). |
Classe 1 : 25,6 % - Fréquentation/éléments économiques Classe 2 : 21,4 % - Art Classe 3 : 15,9 % - Activités culturelles Classe 4 : 19 % - Rapport social Classe 5 : 18,1 % - Contexte sanitaire |
Thématiques générales |
Musée, Louvre, Paris, Grand, France, Public |
I. Cohabiter rapidement en périodes de crises : une dépolarisation de la culture
7Un musée, outre exposer et présenter une collection au public, est une institution faite de femmes et d’hommes. Le confinement a provoqué, comme dans la plus grande majorité des secteurs, une adaptation au travail à distance. L’enjeu ici n’est pas de parler du travail de conservation conséquent qu’ont dû réaliser les musées durant ces mois chamboulés, mais de mettre en avant ce que la crise du Covid-19 révèle dans les choix politiques en France. Pour le secteur culturel en France, les effets d’annonces de budgets sont rarement suivis d’actions concrètes9, et pendant cette crise, les pertes économiques sont conséquentes et suscitent de grandes inquiétudes et incertitudes de la part des professionnels des musées10.
A. Une inégalité institutionnelle au niveau international et européen : une cohabitation à différentes échelles ?
8Dans l’enquête proposée par l’association européenne NE-MO à destination des musées internationaux11, l’association voulait comprendre comment ces derniers faisaient face à cette crise mondiale. Il est indiqué que « l’un des objectifs était de formuler des “recommandations pour des actions à court, à moyen et à long termes” », permettant de faire ressortir de ce travail prospectif trois points :
9- l’importance de soutenir économiquement les opérations des musées,
10- un investissement dans le patrimoine culturel numérique,
11- faire en sorte que les musées et leurs organisations puissent répondre à d’autres crises similaires.
12En réalité, ce que montre cette enquête c’est surtout la fragilité du monde muséal en temps « normal » en Europe. Il en est de même au niveau international, puisque l’enquête de l’ICOM12 met aussi en avant la variabilité du vécu des institutions et « un climat d’incertitude généralisé » pendant le confinement où « presque tous les musées du monde ont été fermés »13. Comme l’avertit l’ICOM, « L’impact économique de la crise et des fermetures de musées sera important à court, moyen et long terme, quelles que soient leurs principales sources de financement »14. En Europe, durant la période d’avril à mai 2020, trois musées sur cinq ont constaté une perte d’environ 20 300 euros par semaine15. L’association NE-MO rappelle en effet qu’en Europe, 40 % des visiteurs choisissent une destination en fonction de son offre culturelle16.
13Ces pertes économiques liées à l’absence de visiteurs impactent le renouvellement des effectifs au sein des institutions. Au niveau international, l’ICOM déclare qu’un « tiers des musées seraient contraints de réduire leur personnel et que 12,8 % pourrait fermer définitivement » (Tableau 2) si les visiteurs ne peuvent plus se déplacer.
Tableau 2. Tableau déterminant l’impact économique prévu pour les musées dans le monde (ICOM, 26/05/2020)
14Sur la question des touristes, c’est-à-dire les individus qui fréquentent « des lieux autres que les lieux de leur quotidien, pour des pratiques de recréation »17, l’OMT a travaillé sur trois scenarii différents en mai 2020 en comparaison avec l’année 2019 :
15- « scénario 1 (-58 % de fréquentation des musées entre 2019 et 2020) basé sur l’ouverture progressive des frontières internationales et l’assouplissement des restrictions de voyage début juillet,
16- scenario 2 (-70 %) basé sur l’ouverture progressive des frontières internationales et l’assouplissement des restrictions de voyage début septembre 2020,
17- scenario 3 (-78 %) basé sur l’ouverture progressive des frontières internationales et l’assouplissement des restrictions de voyage début décembre 2020 »18.
18En fonction des scenarii, cela génère en moyenne une perte de 1,055 billion de dollars de recettes d’exportations et met en péril 110 millions d’emplois directs dans le secteur du tourisme19. Cette baisse est déjà effective dans les institutions muséales américaines majoritairement financées par des fonds privés. En effet, les musées qui fonctionnent majoritairement grâce aux financements privés connaissent davantage de difficultés que les autres (financements publics ou public/privé)20. Aux États-Unis, leur baisse a engendré des licenciements de masse comme l’indique le directeur du Museum of Modern Arts (MoMA) à New-York City qui a dû se séparer de 17 % de ses salariés, ainsi que le Metropolitan Museum of Art (MET) qui a réduit de 20 % sa masse salariale21.
19« La liste est longue : le Musée des beaux-arts de Boston a remercié près de la moitié de ses équipes, sur un total de 750 salariés. Le New Museum of Contemporary Art de New York a congédié un tiers de son personnel, tandis que son alter ego du Massachusetts a arrêté les contrats de 72 % de ses équipes... Les musées d’art moderne de San Francisco, de Cleveland (Ohio) ou de Pittsburgh (Pennsylvanie) n’ont pas échappé à ces brutales coupes dans les personnels »22.
20De plus, les fermetures définitives pourraient toucher « les régions où les musées sont récents et peu nombreux et où les structures sont fragiles : dans les pays africains, asiatiques et arabes »23. Quand en Europe, la majorité des musées ont cessé de faire appel à des personnes en « free-lance » ou des volontaires stoppant même certains de leurs programmes24.
B. Le décrochage économique des musées en France : une inégalité territoriale ?
21Pour le musée du Louvre, la perte économique est estimée à 40 millions d’euros, dont 30 millions liés directement à la billetterie, soit « 60 % des ressources propres du musée » comparé à l’année précédente25. Le président-directeur du musée a ainsi évoqué la nécessité d’une relance par la « démocratisation culturelle »26, en précisant que « Les musées français ne sont pas rentables économiquement. “Nous ne sommes pas viables, nous ne serons jamais rentables. Nous ne gagnons pas d’argent, nous investissons”, fait savoir celui qui a profité de “ce moment complexe” […] »27.
22Outre l’absence de public, en temps normal les revenus du musée sont également liés à la location des espaces (événements privés, défilés, jardin des Tuileries, etc.) ou encore au mécénat. L’incertitude qui pèse sur les entreprises accentue la perte économique qui, selon l’institution peut encore s’étaler sur une période plus longue. « Au Louvre, où le mécénat représente 8,5 millions d’euros sur un budget de 243 millions, “on constate juste une volonté de certains mécènes de rééchelonner leurs paiements sur le second semestre [2020], voire sur 2021”, précise Yann Le Touher, sous-directeur du mécénat au musée »28.
23L’objectif serait d’espérer une stabilisation économique au moment des Jeux Olympiques de Paris en 2024. Cette préoccupation économique du musée du Louvre est largement retranscrite dans la presse nationale. Son analyse sur ces six derniers mois concernant le musée du Louvre montre que la presse française scinde en deux parties les prérogatives du musée : d’une part la question autour de l’Art et la Culture et d’autre part les enjeux et les effets de la crise sur le monde culturel au sens large (Tableau 3).
Tableau 3. Les dix premiers termes récurrents dans les 5 classes du corpus d’analyse* (Europresse/Iramuteq/2020)
Art |
Enjeux et effets de la crise sur le monde culturel |
|||
Classe 2. |
Classe 1. |
Classe 4. |
Classe 3. |
Classe 5. |
21,4 % - Art |
25,6 % - Fréquentation/éléments économiques |
19 % - Rapport social |
15,9 % - Activités culturelles |
18,1 % - Contexte sanitaire |
Collection Art Noir Œuvre Tableau Siècle Galerie Exposition Peinture Couleur |
Fréquentation Juillet Étranger Touriste Visiteur Louvre Euro France Perte Chiffre |
Social Crise Entreprise Carbone Chômage Théorie Maire Soutien Environnement Développement |
Théâtre Culture Festival Spectacle Cinéma Emmanuel Macron Ministre Roselyne Bachelot Concert Annuler |
Masque Port Zone Obligatoire Ville Rendre Extérieur Cas Virus Imposer |
24*Les éléments indiqués en rouge sont dans le champ lexical de la crise. On observe une transversalité entre les quatre classes des enjeux et effets de la crise sur le monde culturel.
25L’énumération de ces mots sert avant tout à montrer leurs récurrences dans la presse française nationale (Le Monde, Le Figaro, Les Échos, Challenges, Aujourd’hui en France, Alternatives économiques, Le Point, La Croix, Télérama, Le Huffington) et régionale (quotidiens régionaux), du 16 mars au 16 septembre 2020. Certes, la reprise des brèves de l’Agence France Presse (AFP) dans la presse régionale fait qu’il y a un effet de masse pour ces prérogatives, mais cela montre tout de même que ces presses se sont intéressées au cas du musée du Louvre, pour ensuite évoquer les perspectives et les enjeux liés au contexte sanitaire actuel pour le monde culturel en France. On observe à titre d’exemple, que les classes 1, 4, 3 et 5 présentent toutes au moins un mot qui se réfère au contexte de crise : la notion de « perte » (classe 1), « crise », « chômage », « soutien » (classe 4), « annuler » (classe 3), « masque », « port », « zone », « obligatoire », « extérieur », « cas », « virus » et « imposer » (classe 5). À titre de comparaison, alors que les grandes thématiques étaient quasiment identiques (relation à l’art, enjeux économiques, rapport social et politique), les résultats de l’analyse textuelle des articles de presse sur le Louvre entre 2007 et 201729, n’ont jamais fait état de ces préoccupations critiques, alors même qu’il subsistait des interrogations sur la marchandisation d’un Louvre à l’étranger en 2008 puis de nouveau en 2017.
26Si un mastodonte tel que le Louvre connaît de telles difficultés qui peuvent s’étaler dans le temps (la gouvernance parle de trois ans compliqués à venir), comment les institutions culturelles régionales et /ou locales pourront-elles alors survivre à cette crise ?
27« L’engagement des PME, foudroyées par la crise, se révèle en revanche plus volatile. Le Louvre-Lens a perdu une demi-douzaine des membres de son cercle d’entreprises, ce qui constitue un manque à gagner de 80 000 euros. Martin Ajdari, directeur général adjoint à l’Opéra national de Paris, identifie, pour sa part, “un risque de non-renouvellement de cotisation pour une cinquantaine d’entreprises qui versent entre 5 000 et 15 000 euros”. Au Château de Chambord, qui a perdu deux mécènes pour un total de 100 000 euros, son président, Jean d’Haussonville, est inquiet : “Les entreprises nous disent qu’elles aiment beaucoup le château, mais qu’elles ne peuvent nous soutenir alors que leur propre activité est en danger” »30.
28Cela met en avant le fait que l’ancienne cohabitation entre institutions culturelles locales et institutions nationales se délite au profit d’un sauvetage économique encore hiérarchisé et polarisé. En somme cela ne fait qu’accentuer une inégalité territoriale en termes de gestion des infrastructures culturelles. Cependant, la distanciation physique et sociale imposée lors du confinement a pu être le théâtre de décalage de moyens entre les institutions muséales, mais pas forcément dans le sens habituel des choses.
II. Faire face à la mise à distance : vers une cohabitation entre espace « réel » et espace « virtuel » ?
A. La distanciation physique des œuvres et du patrimoine : de l’absence du réel à la recrudescence du virtuel
29Les problématiques économiques des musées en France et dans le monde durant les périodes de confinements sont assez semblables. Si nous nous attardons sur le cas français, le ministère de la Culture a pu octroyer une aide exceptionnelle, pour toutes les structures touchées s’élevant à 614 millions d’euros31, mais ne permet de comprendre que partiellement les enjeux du confinement/déconfinement que connaissent les musées en France.
30Au début de l’année 2020, l’expression de distanciation sociale émerge pour avant tout mettre en avant une distanciation physique. Cela questionne tout naturellement la matérialité du lien, qu’il soit social, physique ou cognitif. En effet, lorsque l’on s’intéresse aux musées et à la culture en général, il est commun de voir apparaître la récurrence de « rencontre » avec les œuvres qui est très présente et primordiale pour l’expérience muséale, c’est ce qui fait le ciment de l’institution et du rapport qu’elle peut avoir avec les visiteurs. Autrement dit, cette rencontre, semblable à une forme de reliance, n’est devenue possible que par le numérique pendant le confinement et le post-confinement, laissant apparaître toutes les parts d’ombre vers ce à quoi la société peut s’engouffrer.
31« À la tête du Musée Guimet, Sophie Makariou renchérit : “La crise donne à repenser : au lieu de se prendre pour l’endroit des grands-messes, les musées doivent se vivre comme un club de rencontres singulières et non reproductibles entre le visiteur et les œuvres. La ‘slow visit’ reste à inventer sans être stéréotypée. Les musées suscitent des charges d’émotions très fortes qui doivent pouvoir s’exprimer” »32.
32L’expérience physique de la visite du musée devient donc dépendante, en temps de crise, à une expérience réelle et à l’outil numérique. Les deux coexistent et cohabitent pour maintenir le rôle premier du musée, qui est d’être une « institution permanente sans but lucratif au service de la société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation »33.
33En pleine redéfinition depuis 2019, le musée présente en ces temps incertains des disparités de vécu et de moyens tant financiers qu’humains en fonction des régions du monde. Que le musée soit en capacité de fournir un service numérique est une chose, mais il ne demeure pas moins que le visiteur « virtuel », qui peut recevoir cette information, doit être équipé d’outils lui permettant cette expérience pour accéder au contenu et en avoir les clés de lecture. Pour cela, l’OMT le rappelle sans détour, ce serait bien les individus ayant pour habitude de voyager qui « consommeraient » ces activités en ligne et dématérialisées, accentuant le « gap » entre les différentes catégories sociales pratiquant les musées (Bourdieu, 1979).
34« En comparant les données des régions du monde, nous pouvons remarquer des différences importantes dans les ressources que les musées peuvent mettre à disposition pour les activités de communication numérique, et par conséquent leur capacité à atteindre les publics chez eux. Alors que pour les médias sociaux, la différence est moins prononcée que pour les autres contenus en ligne, la fracture devient importante, surtout si l’on analyse les données de régions telles que l’Afrique et les pays arabes »34.
35La mise à distance obligatoire qu’ont connue les musées révèle plusieurs interrogations, dont celle de l’habitude de l’activité muséale. En effet, dans les deux rapports ICOM et NE-MO il est clairement indiqué qu’un nombre croissant de connexions sur les sites et autres réseaux est notable, mais comment pouvons-nous déterminer le profil sociologique des utilisateurs ? Et pouvons-nous savoir si ces utilisateurs sont différents des visiteurs des musées ? Bien évidemment, cela pose la question de l’apport « réel » du numérique ; en somme est-ce avant tout une béquille ou alors une orientation sérieuse vers laquelle les institutions envisagent leur politique des publics ?35.
B. Le « rôle » du numérique : une déconstruction du musée pour une réappropriation du patrimoine ?
36Cette mise à distance forcée a obligé les institutions muséales de créer et d’alimenter des comptes sur les différents réseaux sociaux pour maintenir le lien avec le public. D’ailleurs, l’ICOM mentionne « la montée en puissance des visites virtuelles ».
37« Nombreux musées ont renforcé leurs activités numériques. Bien que près de la moitié des personnes interrogées aient répondu que leur musée était déjà présent sur les réseaux sociaux ou permettait déjà l’accès à ses collections en ligne avant la fermeture, les activités de communication numérique analysées par l’enquête ont augmenté pour au moins 15 % des musées, en particulier concernant les activités sur les réseaux sociaux, en hausse pour plus de la moitié des musées ayant participé »36.
38On constate également que les services numériques ont parié sur une interaction avec les visiteurs virtuels puisque l’augmentation des pratiques après le confinement tels que les « événements en direct » (18,80 %), les « quiz et concours » (19,21 %) et la mobilisation des réseaux sociaux (47,49 %) est constatable. Notons tout de même que pour les « expositions en ligne » (49,46 %), les « événements en direct » (56,47 %), les « podcasts » (68,26 %) et les « quiz et concours » (55,15 %), les services numériques des musées interrogés ont indiqué en moyenne à plus de 50 % que ce n’était pas des activités qu’ils proposaient (Tableau 4).
Tableau 4. Tableau déterminant les changements produits durant la période du confinement dans les services numériques (ICOM, 26/05/2020)
39Nous constatons surtout que très peu de musées se passent des réseaux sociaux pour maintenir le lien, et que les autres formes de service à distance sont plus des soutiens ponctuels puisque chaque initiative nécessite un temps de préparation en amont, d’installation, un public pour la recevoir et poursuivre des activités culturelles via le numérique.
40« With COVID-19 bringing global tourism to a standstill, millions of people in quarantine have been seeking out cultural and travel experiences from their homes. Culture has proven indispensable during this period, and the demand for virtual access to museums, heritage sites, theatres and performances has reached unprecedented levels »37.
41C’est une autre manière d’interagir avec les œuvres d’art et les institutions du monde entier. Partenaire de l’OMT, Google a proposé sur une seule et même plateforme l’accès des collections des grands musées internationaux, dans le cadre de « Google Arts Project »38. Cela permet l’accessibilité de 2 000 institutions en ligne, présentant une encyclopédie de 6 millions d’artefacts39. Cette initiative pose bien évidemment de nombreuses questions en matière de rencontre et d’articulation entre visite « réelle » et visite « virtuelle » du musée, mais également de durabilité du modèle puisqu’aujourd’hui se posent les questions concernant le stockage en ligne des données comme en atteste le rapport de l’ADEME en 2019 (Figure 1).
Figure 1. Le monde du tourisme de demain passe par le partage d’expérience via le numérique (OMT, capture d’écran du site, octobre 2020)
42Ces éléments correspondent aux observations de l’association NE-MO qui indique que quatre musées sur cinq ont augmenté leur service numérique pour pouvoir atteindre le public, et ce grâce à des employés formés spécialement pour les circonstances : en prenant ce pari, les visites virtuelles des musées en question ont été suivies par un large public, mais encore, la question porte sur le comment le quantifier et comment le caractériser ?
43Le rapport de NE-MO montre qu’entre le début et la fin du premier confinement, la fréquentation des visiteurs en ligne a été multipliée par 10. Mais cela ne permet pas encore de catégoriser les publics de cette activité, puisqu’un individu peut se connecter plusieurs fois dans la journée sur le site ; il peut s’agir d’un nouvel « habitus » de l’individu. Il ne demeure pas moins qu’au-delà de se contenter des présentations habituelles des œuvres, les musées ont proposé des contenus éducatifs via différents supports, telle que la vidéo ou les films documentaires. Ces derniers ont été les plus populaires pour le public en ligne.
44Cette implication par les musées a permis de maintenir le lien et se révèle être un vrai complément de la visite « physique » du musée comme l’indique l’enquête NE-MO40. Cependant, il n’y a pas pour l’instant une évaluation plus précise des répercussions sur le long terme, ce que souligne l’association NE-MO. Il faut rappeler que le numérique ne peut remplacer l’expérience sensorielle que propose le musée, c’est surtout un outil de démocratisation et d’accessibilité de la culture (Eidelman, 2016).
45Les acteurs, professionnels et chercheurs, réfléchissent à une cohabitation entre l’« espace réel » (musée comme lieu) et l’« espace virtuel » (plateforme en ligne) pour que ces expériences puissent autant être viables que complémentaires et que l’expérience du musée permette une réappropriation plus personnelle du patrimoine. C’est ce que sous-tendent Mathilde Dougados et Bérénice Kübler, doctorantes en gestion, dans leur enquête en ligne au printemps dernier sur les pratiques de 78 musées français.
46« La réactivité des musées face à leur fermeture contrainte et forcée nous amène à réfléchir aux préoccupations des musées du XXIe siècle. Alors que le numérique est souvent perçu comme une injonction, une course effrénée et inégale au “tout technologique”, quelles propositions les musées font-ils aux personnes confinées ? Quelles pratiques mettent-ils en avant pour assurer une continuité de leurs offres, et de ce fait maintenir un lien avec la population ? Sont-ils en train d’esquisser une nouvelle voie pour les musées de demain, celle du musée post-Covid-19 ? »41.
47Elles ont ainsi constaté qu’une « ludification plus généralisée des contenus », alors auparavant observée dans les grands musées (Molinié-Andlauer, 2019), apparaissait de manière plus récurrente dans les musées de toute taille. Le « détournement de l’objet muséal (concours photo, travaux manuels et culinaires), démystification du musée et de son fonctionnement (présentation des coulisses et des personnels) »42 est également très présent, décontextualisant et abolissant les représentations d’un musée comme simple temple d’objets d’art et autres artefacts, mais comme un lieu hybride et accessible à différents niveaux (du réel au virtuel et du local au global). Cependant, la réalité actuelle est que malgré l’expansion des musées sur ces espaces numériques pour maintenir le lien, la circulation des individus demeure compliquée.
48Alors que les tensions d’hier entre les lieux touristiques saturés par un tourisme mondial et les usagers du quotidien se font rares, il ne demeure pas moins que cette forme de « relocalisation forcée » des activités culturelles produit de nouvelles formes de cohabitations sur le territoire.
III. Enjeux des formes de cohabitations en temps de crise(s) : vers une redistribution des espaces
A. Une relocalisation forcée : de nouvelles formes de cohabitations entre musée et territoire ?
49Les déplacements étant limités, les individus ont su se (ré)approprier des lieux culturels et touristiques qui ont dû se réadapter dans la manière d’accueillir des visiteurs. « Certains ont mieux tiré leur épingle du jeu que d’autres, qui devront trouver un nouveau modèle économique »43.
50Cet engouement est explicite dans le corpus d’articles de presse analysé. En effet, alors que nous pourrions penser que les enjeux sanitaires prendraient le dessus sur les enjeux et le devenir des lieux culturels, on observe que le « contexte sanitaire » (classe 5) se situe à la troisième position de la classification hiérarchique descendante (CHD). Cela veut dire que dans l’architecture du corpus « presse », il y a 18,1 % du corpus qui évoque un champ lexical en rapport avec le contexte sanitaire.
51On constate alors un décalage entre le discours de la presse française (mars-septembre 2020) et les analyses développées par les institutions (NE-MO, OMT, ICOM) ; ces dernières mentionnent le rôle que peut avoir le numérique pour pallier la visite réelle, allant dans la continuité des interrogations que se posaient les Ministères et les institutions muséales depuis une décennie, alors que la presse alarme sur les effets du contexte sanitaire. Il y a d’un côté une co-construction entre les institutions-les outils du numérique-le public et de l’autre un état d’alarme sur la reconfiguration du monde culturel.
52Pourtant, si l’on se réfère à une analyse plus précise de certains articles du corpus, on constate également un décalage que le logiciel ne peut traiter. En effet, il y aurait une dépolarisation des prérogatives culturelles qui se traduit par une reconfiguration et une redistribution de l’espace culturel alors centré sur Paris. Cette dépolarisation permettrait aux plus petites structures d’être actives et de faire davantage partie du maillage culturel des territoires. C’est ce qu’indique Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux (CMN).
53« Certains monuments, dans les zones rurales notamment, ont fait plus d’entrées que d’habitude. La catastrophe, c’est Paris, qui a réalisé 25 % de la fréquentation des étés précédents et, tous monuments confondus, nous sommes à 50 % de l’été 2019 »44.
54Pour les institutions muséales françaises, on constate un « confort de visite » sans foule pour des publics (jeunes, familles) qui ne s’y rendaient pas ou plus en raison de la saturation de ces lieux45. « Comme le Musée Soulages à Rodez (47 000 visiteurs en deux mois46, dont nombre d’Aveyronnais) ou l’abbaye du Thoronet, dans le Var, ont même connu des fréquentations au zénith. “Les Varois ont reçu leur famille et en ont profité pour leur faire visiter l’abbaye”, raconte Sylvie Vial, administratrice du Thoronet, qui a été “très agréablement surprise” d’accueillir 32 000 personnes en deux mois »47.
55La cohabitation entre les différents secteurs et les différents acteurs dans un contexte de crises redistribue les cartes des lieux et des besoins, en particulier ceux de première nécessité.
56Après l’expérience du premier confinement, les musées, lieux touristiques par excellence, ont connu lors de la période de réouverture (été 2020) une relocalisation des fréquentations aux échelles locales et régionales en France, justifiant leur qualification de « lieux ressources ». Les médias évoquaient alors « l’enthousiasme » et le « plaisir » des visiteurs de parcourir sans encombrement ces institutions qui s’étaient parfois transformées en « Disneyland »48. Cependant, après le second confinement (octobre 2020), le secteur culturel a connu un nouveau coup d’arrêt. Les musées ont réinstauré la visite numérique en proposant des activités payantes en ligne afin de maintenir le lien avec le public et une partie de leur budget annuel. On peut alors supposer qu’une nouvelle frontière sociale et économique est en train d’émerger puisque l’accès à certains contenus est restreint par cette rétribution.
B. Les reconfigurations du Louvre pendant la crise : un aperçu du premier confinement
57Pour le musée du Louvre, la décennie 2010 fut marquée par de profondes transformations. Elles ont permis à l’institution d’accueillir, en 2018, 10,2 millions de visiteurs et presque autant en 2019. Ces transformations sont autant internes (présentation des œuvres, restructuration des espaces, accueil du public) qu’externes au musée français (actions hors les murs, partenariats, Louvre-Lens, Louvre Abu Dhabi). Pourtant, comme le souligne le président-directeur du musée, Jean-Luc Martinez, l’institution a « tout connu depuis 5 ans »49. Une attaque au couteau à l’entrée du Carrousel du Louvre, des inondations à deux reprises, la crise des Gilets jaunes et le contexte social en France, la grève des transports, puis la crise et l’immobilité globale générées par la pandémie du Covid-19.
58Malgré ces bouleversements, le musée n’a cessé d’attirer un public toujours plus nombreux et plus international grâce notamment à des coups de projecteurs « tout public » (activités, clips, films, etc.). En général, dans le communiqué de presse annuel du musée ainsi que les rapports d’activités, les visiteurs internationaux représentent 75 % des visiteurs au total.
59Entre la période des deux confinements (mars 2020 et octobre 2020), lors de la réouverture, le musée du Louvre a pu observer que seulement 20 % des visiteurs (tous publics confondus et toutes nationalités confondues) s’y rendaient. Ce sont 7 000 réservations journalières réalisées par des visiteurs français ou européens qui se répartissent ainsi : le public français, puis les Allemands, suivis par les Anglais, les Belges, les Néerlandais, les Suisses et les Italiens50. C’est quatre fois moins que lors des années fastes ; le musée enregistrant alors 30 000 réservations par jour51. Consciente que la situation peut durer, la direction du musée du Louvre a pris le pari de la venue du public français, un « défi majeur » voire une « chance » selon l’institution dont la conquête du public de proximité, c’est-à-dire un public local (soit la région Île-de-France pour la responsable du service démocratisation culturelle et action territoriale) est un vrai défi52. Pour cela, des activités ont été déployées pour cultiver le lien entre l’institution et ce public français et francilien, rendant l’identité de « musée » au Louvre et non plus seulement d’attraction touristique comme le déploraient certains agents du musée53.
60« Malgré les craintes de se rendre dans des lieux clos et les contraintes sanitaires liées au Covid-19 (notamment l’obligation de venir avec un masque), le public français est donc resté fidèle au Louvre qui avait diversifié ses offres afin d’attirer un public familial, jeune et francilien. Les “mini-découvertes” de vingt minutes, permettant de parcourir une collection précise (Les Napoléon, escale en Égypte antique ou les grands maîtres français) avec un guide, exceptionnellement gratuitement et sans inscription, ont bien fonctionné. Elles sont encore proposées jusqu’au 20 septembre 2021. Les années précédentes, les visiteurs français constituaient entre 20 et 25 % des entrées. Cette fois, la crise leur a donné l’occasion de redécouvrir leur patrimoine et même de retourner au musée à plusieurs reprises »54.
61Cette reconquête du public français et francilien ne permet certes pas de palier la baisse des touristes mondiaux venus à Paris, mais de repenser le lien entre le musée, comme patrimoine, et le territoire, comme lieu de vie. Ces bouleversements n’ont fait que reconfigurer la manière dont la culture se partage dans un espace urbain mais également à une échelle plus large. La circulation des œuvres a pu être soit maintenue soit prolongée, permettant à des musées partenaires du Louvre de les exposer. Le Louvre a même pu déménager ses réserves vers le nouveau Centre de Conservation et de Ressources (CCR) de Liévin, à proximité du Louvre-Lens. Le paysage muséal français a pu se renforcer par cette organisation.
62« Nous avions 800 prêts en cours lorsque Le Louvre a fermé pour le confinement. La crise a justement révélé une grande solidarité entre les institutions et renforcé les liens entre les directeurs de musées. Tout le monde a fait preuve de compréhension pour tenter de reporter ou prolonger les expositions »55.
63Mais ces visiteurs locaux qui ont une pratique touristique ne vont pas forcément consommer de la même manière les activités annexes (restaurants, hôtels entre autres). L’économie locale est alors durement touchée56 comme en atteste le cas de la région Île-de-France qui dénombre 14 millions de visiteurs en moins par rapport à 2019 et l’OMT prévoit une chute de 60 % à 80 % du tourisme mondial en 202057.
C. Repenser les « rapports » aux espace-temps et aux circulations
64L’OMT voit en cette crise un prétexte pour réinventer ce que peut être le tourisme. Alors qu’il existe une différence importante entre les catégories de « touriste » et « voyageur »58, l’organisation enclenche de nouvelles réflexions pour faire adhérer les acteurs du tourisme, et par effet ricochet les touristes, à de nouvelles formes de voyage.
65« Inspire a more sustainable future for cultural tourism. The tourism and culture sectors must continue to work together to inspire a more sustainable future for cultural tourism. Marketing strategies in tourism are highlighting local cultural expressions not only to address new audiences, but also to inspire responsible travel. Destinations and cultural sites are grappling with how to survive this period of hibernation, while planning for reopening of tourism »59 ; et surtout pour attirer de nouveaux touristes, plus jeunes et/ou non habitués.
66« Attract new audiences. The culture sector is shaping up committed global citizens and the tourists of the future, by reaching out to children & youth. The emotional bonds emerging now between citizens and cultural creators will make a difference in the years to come. The confinement can also make repeat visitors and “senior” cultural tourists support culture with patronage and solidarity actions »60.
67Ce discours est loin d’être spécifique au monde du tourisme. Le monde de l’art, de l’agriculture, de l’éducation, est également dans cette narration. Tout l’enjeu sera de proposer avec le recul nécessaire une analyse plus approfondie qui permette de mettre en balance le discours et les actions. Car comme le rappelle Dougados et Kübler (2020) dans leur article, pendant un certain temps « l’objet muséal a été [est] sanctifié ».
68Les normes et les comportements que l’on devait avoir au sein du musée pouvaient relever du dogme et participaient à catégoriser socialement un individu comme l’a démontré Pierre Bourdieu dans les années 1980. Il était en effet interdit de photographier les œuvres, puisque cela était « une entrave à une expérience esthétique directe » (Dougados et Kübler, 2020). Aujourd’hui, hormis quelques musées dont fait partie le musée du Prado à Madrid, il est devenu commun de partager en « temps réel » son expérience muséale, avec pour certains cas une approbation de l’institution (retweet, partage, like).
69Pendant le confinement, ce furent des photos souvenirs d’utilisateurs des réseaux sociaux qui ont permis également de faire le lien avec l’institution muséale, et avec le post-confinement ce sont surtout des visiteurs locaux qui promeuvent l’institution en faisant part de l’expérience inédite du lieu sans « tourisme de masse ». Il s’agit autant d’un travail réputationnel (Chauvin, 2013 ; Molinié-Andlauer, 2019) pour l’institution qu’une nouvelle manière de faire cohabiter les visiteurs dans différents espaces (réel/virtuel), tout en proposant une relocalisation à moyen terme de l’activité culturelle.
Conclusion
70Les crises permettent souvent de prendre du recul sur la manière dont s’organisent les secteurs touchés. Alors que depuis les années 1980, l’avènement du tourisme de masse ne cessait d’augmenter, l’arrêt inédit de l’économie globalisée durant la crise de la Covid-19 a mis à mal les circulations. Cette analyse a voulu montrer sur un temps très précis et non fini la manière dont une institution culturelle : le musée, fait face à cette crise et à ce changement de paradigme profond.
71L’enjeu est double puisque le musée connaît depuis les années 2000 des questionnements internes sur ce que peut être un musée au XXIe siècle et des critiques externes sur ce qu’il incarne et représente. De la manière dont les collections ont été faites, à l’esthétisation d’artefacts de régions plus éloignées, le musée endure des remises en question structurelles émanant du courant de pensée sur la décolonialité. Les musées de sociétés ou encore les musées thématiques semblent être épargnés par ce vent de contestations face au discours universel que promeuvent les « grands musées ».
72En ces temps-ci, l’universalité, dans le sens d’un accès universel aux collections par l’ensemble des individus, se trouve compromise puisque les musées doivent composer avec les mesures restrictives et la baisse de circulation des individus au niveau international. Il a pu se dégager trois types de cohabitations qui sont autant de pistes à explorer :
73- Une cohabitation entre institutions centrées et institutions périphériques. Ces crises permettent également de redéfinir le principe « centre-périphéries » des années 1950. La nécessaire redéfinition du musée oblige également à dépolariser le discours mais également les œuvres. Cette nouvelle cohabitation va dans le sens que les territoires ne peuvent plus être hiérarchisés, mais qu’ils deviennent complémentaires.
74- Une cohabitation entre l’expérience réelle et l’expérience virtuelle qui propose elle-même une double pratique, une coexistence. Cette association a été exploitée par les institutions ayant les moyens de créer/d’alimenter un pôle communication. Pendant le confinement, le tout numérique a permis de maintenir le lien, et après le confinement d’hybrider le rapport aux œuvres pour les visiteurs. Cette cohabitation pose des questions sur le long terme : est-ce viable pour l’institution ? comment expérimenter la rencontre avec l’œuvre par le numérique ? et bien évidemment, quelle durabilité de l’usage du numérique lorsque l’on sait maintenant que le stockage de données est aussi un fléau pour l’environnement ?
75- Enfin, une (non et/ou nouvelle) cohabitation entre locaux et économie liée au tourisme. La saturation des lieux et l’inadaptation de certains commerces pour la vie quotidienne à proximité des lieux touristiques, ont pu créer des tensions entre les locaux, les touristes et les acteurs du tourisme et de la culture. Cette cohabitation en tension a évolué en l’absence d’une activité touristique de masse. Le public local n’a pas forcément autant consommé et participé à l’économie touristique (restaurants, hôtels, magasins souvenirs) engendrant deux formes de cohabitations : une non-cohabitation qui émerge par une occupation et une pratique connues de l’espace, et de nouvelles cohabitations puisque la population endogène se réapproprie son territoire alentour et prend part activement au réseau économique local.
76De cette analyse, on voit bien que le point de non-retour a été atteint dans le déraisonnement des échanges et l’oubli de l’expérience du voyage au profit de sa rentabilité et sa « valorisation » en « temps réel ». Comme le rappellent Saskia Cousin et Bertrand Réau, au départ le tourisme est un marché d’exportation souvent piloté par des industries, dont celle de l’industrie aérienne, qui transforment les représentations d’une destination et par conséquent les indicateurs d’analyse (Cousin et Réau, 2009). La communication autour du Louvre Abu Dhabi n’a pas dérogé à cette règle puisque la compagnie émiratie Etihad Airways a promu activement le musée et les alentours.
77Mais cette vision très consumériste du voyage et par effet ricochet de la Culture, du Patrimoine et par conséquent des musées, montre bien que le tournant à prendre est très complexe pour les institutions, les acteurs du tourisme, les acteurs politiques mais surtout pour les visiteurs et les touristes. Il y a à mettre en place un désapprentissage de ce que peut être une expérience de voyage, et plus encore de la temporalité du voyage qui ne pourra que transformer encore les cohabitations.
78Ainsi, ces nouvelles formes de cohabitations doivent être pensées dans le temps long et surtout dans la réciprocité des échanges, ce que permet une analyse inscrite dans le champ de la géographie culturelle.
Notes
791« Dix chiffres sur le tourisme en France et dans le monde », 15 mars 2018, https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/03/15/dix-chiffres-sur-le-tourisme-en-france-et-dans-le-monde_5271195_3234.html.
802La Déclaration de 2002, https://www.icom-musees.fr/sites/default/files/2018-09/Vol57n1%2C2004.pdf.
813Nous pouvons supposer que la crise sanitaire n’est que le pendant d’une crise plus large (crise économique de 2008 et crise liée au changement de paradigme : d’une société industrialisée à une société écologique) (Lefèvre, 2010).
824Définition de cohabiter extraite du Larousse.
835J. Lévy, M. Lussault, 2013, « Habiter », in Jacques Lévy et Michel Lussault, Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, p. 481.
846« Musées, professionnels des musées et COVID-19 : l’ICOM et l’UNESCO publient leurs rapports complets » 26 mai 2020, https://icom.museum/fr/news/musees-professionnels-des-musees-%E2%80%A8et-covid-19-resultats-de-lenquete/.
857« Museums during COVID-19 », 12 mai 2020, https://www.ne-mo.org/fileadmin/Dateien/public/NE-MO_documents/NE-MO_COVID19_Report_12.05.2020.pdf.
868Certains articles sont mobilisés dans l’article de manière explicite.
879« Covid-19 : rentrée universitaire perturbée, déjà des tours de vis sanitaires en Gironde et dans les Bouches-du-Rhône », France Culture, 15 septembre 2020.
8810Op. cit.
8911« Museums during COVID-19 », 12 mai 2020, https://www.ne-mo.org/fileadmin/Dateien/public/NE-MO_documents/NE-MO_COVID19_Report_12.05.2020.pdf.
9012« Le rapport a permis l’analyse de près de 1 600 réponses à l’enquête, recueillies entre le 7 avril 2020 et le 7 mai 2020 auprès des professionnels de musées, représentant 107 pays et 5 continents » (ICOM, p. 1).
9113« Musées, professionnels des musées et COVID-19 : l’ICOM et l’UNESCO publient leurs rapports complets » 26 mai 2020, https://icom.museum/fr/news/musees-professionnels-des-musees-%E2%80%A8et-covid-19-resultats-de-lenquete/.
9214Ibid.
9315« Museums during COVID-19 », 12 mai 2020, https://www.ne-mo.org/fileadmin/Dateien/public/NE-MO_documents/NE-MO_COVID19_Report_12.05.2020.pdf.
9416Ibid.
9517« Touriste », Géoconfluences, 2011, http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/touriste.
9618Organisation mondiale du tourisme (OMT), « Selon l’OMT, le nombre de touristes internationaux pourrait chuter de 60 à 80% en 2020 », mai 2020, https://www.unwto.org/fr/news/covid-19-le-nombre-de-touristes-internationaux-pourrait-chuter-de-60-a-80-en-2020.
9719Ibid.
9820Ibid.
9921« Covid-19 : séisme économique dans les musées », Le Monde, septembre 2020.
10022Ibid.
10123« Musées, professionnels des musées et COVID-19 : l’ICOM et l’UNESCO publient leurs rapports complets » 26 mai 2020, https://icom.museum/fr/news/musees-professionnels-des-musees-%E2%80%A8et-covid-19-resultats-de-lenquete/, p. 5.
10224« Museums during COVID-19 », 12 mai 2020, https://www.ne-mo.org/fileadmin/Dateien/public/NE-MO_documents/NE-MO_COVID19_Report_12.05.2020.pdf.
10325« Pourquoi le Louvre mettra plusieurs années à se remettre de la crise du coronavirus », Europe 1, 15 juin 2020, https://www.europe1.fr/culture/pourquoi-le-louvre-mettra-plusieurs-annees-a-se-remettre-de-la-crise-du-coronavirus-3974880
10426« Louvre : 40 millions d’euros de pertes, un vaste “plan de transformation” prévu », La Provence/AFP, 24 juin 2020, https://www.laprovence.com/actu/en-direct/6027375/louvre-40-millions-deuros-de-pertes-un-vaste-plan-de-transformation-prevu.html.
10527Propos de Jean-Luc Martinez, « Après le Covid-19, les défis du Louvre pour sa réouverture », Challenges, juin 2020.
10628« Coronavirus : les acteurs culturels face à la chute du mécénat », Le Monde, juin 2020.
10729M-A Molinié-Andlauer, 2019, Musée et pouvoir symbolique. Regard géographique sur le Louvre, thèse sous la direction d’Edith Fagnoni, Sorbonne Université.
10830« Coronavirus : les acteurs culturels face à la chute du mécénat », Le Monde, juin 2020.
10931« Musées : un public à conquérir autrement », Le Figaro, septembre 2020.
11032Ibid.
11133Définition du musée selon l’ICOM, https://www.icom-musees.fr/sites/default/files/2020-06/Dequelledéfinitionlesmuséesontilsbesoin_numerique.pdf, 2007.
11234« Musées, professionnels des musées et COVID-19 : l’ICOM et l’UNESCO publient leurs rapports complets » 26 mai 2020, https://icom.museum/fr/news/musees-professionnels-des-musees-%E2%80%A8et-covid-19-resultats-de-lenquete/, p. 13.
11335Cette question s’insère dans un projet de recherche en cours.
11436Ibid, p. 9.
11537OMT, « Cultural tourism & Covid19 », https://www.unwto.org/cultural-tourism-covid-19. Traduction proposée par l’auteur : « Avec la COVID-19, qui a paralysé le tourisme mondial, des millions de personnes en quarantaine ont cherché à vivre des expériences culturelles et de voyage depuis leur domicile. La culture s’est avérée indispensable pendant cette période, et la demande d’accès virtuel aux musées, aux sites du patrimoine, aux théâtres et aux spectacles a atteint des niveaux sans précédent ».
11638OMT, « L’OMT publie des directives mondiales pour la réouverture du tourisme », 28 mai 2020, https://www.unwto.org/fr/news/omt-publie-des-directives-mondiales-pour-la-reouverture-du-tourisme.
11739« Comment Google Art se met les musées dans la poche », Le Monde, avril 2020.
11840« Museums during COVID-19 », 12 mai 2020, https://www.ne-mo.org/fileadmin/Dateien/public/NE-MO_documents/NE-MO_COVID19_Report_12.05.2020.pdf.
11941Dougados, M, Kübler, B, (2020) « Les musées post confinement : vers de nouvelles pratiques ? », 13 mai 2020, https://theconversation.com/les-musees-post-confinement-vers-de-nouvelles-pratiques-137114.
12042Ibid.
12143« Musées : un public à conquérir autrement », Le Figaro, septembre 2020.
12244Ibid.
12345Ibid. et « Louvre : 10 000 visiteurs par jour en juillet », Le Progrès, août 2020.
12446Le musée a accueilli en 2019, 136 000 visiteurs selon le Club Innovation & Culture CLIC France, 5 février 2020, http://www.club-innovation-culture.fr/frequentation-musees-patrimoine-france-2019/amp/.
12547« Musées : un public à conquérir autrement », Le Figaro, septembre 2020.
12648« A solas con la Gioconda: así es la nueva vida de los grandes museos », El Periodico, 13 juillet 2020, https://www.elperiodico.com/es/ocio-y-cultura/20200713/solos-con-gioconda-nueva-vida-grandes-museos-8037767.
12749« Jean-Luc Martinez : “Depuis 5 ans, le Louvre a tout connu !” », Paris Match, 12 juillet 2020, https://www.parismatch.com/Culture/Art/Jean-Luc-Martinez-Depuis-5-ans-le-Louvre-a-tout-connu-1693510.
12850« Avec la pandémie, les recettes touristiques de Paris et sa région plongent de 60 % », Le Monde, août 2020.
12951« Le Louvre se déconfine... en douceur », Le Point, juillet 2020.
13052« Après le Covid-19, les défis du Louvre pour sa réouverture », Challenges, juin 2020 complété par les propos d’un entretien de la responsable du service démocratisation culturelle et action territoriale du musée du Louvre en novembre 2017.
13153« A solas con la Gioconda: así es la nueva vida de los grandes museos », El Periodico, 13 juillet 2020, https://www.elperiodico.com/es/ocio-y-cultura/20200713/solos-con-gioconda-nueva-vida-grandes-museos-8037767.
13254« Au Louvre, la fréquentation en baisse de 60% par rapport à 2019 », Le Figaro, août 2020.
13355Propos de Jean-Luc Martinez, Président-directeur du musée du Louvre, « Le Louvre a aujourd’hui une chance de reconquérir un public français », Les Échos, juillet 2020.
13456« Sale temps pour les monuments », Le Bien Public, août 2020.
13557OMT, « Selon l’OMT, le nombre de touristes internationaux pourrait chuter de 60 à 80% en 2020 », mai 2020, https://www.unwto.org/fr/news/covid-19-le-nombre-de-touristes-internationaux-pourrait-chuter-de-60-a-80-en-2020.
13658La définition de « voyageur » que donne le site Géoconfluences met en opposition le voyageur et le touriste. Bien que l’idée que le « voyageur est une personne qui parcourt un ensemble de lieux plus ou moins éloignés de son domicile habituel », il est indiqué que ce dernier serait « censé visiter les lieux de manière plus informée, plus intelligente, plus sensible que le second. Il s’agit évidemment d’une représentation. En fait, le voyageur présente un avantage objectif par rapport au touriste : c’est de l’avoir précédé dans le temps », 2011, http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/voyageur.
13759Organisation mondiale du tourisme, « Cultural tourism & Covid19 », https://www.unwto.org/cultural-tourism-covid-19. Traduction proposée par l’auteur : Inspirer un avenir plus durable pour le tourisme culturel. Les secteurs du tourisme et de la culture doivent continuer à travailler ensemble pour inspirer un avenir plus durable au tourisme culturel. Les stratégies de marketing du tourisme mettent en avant les expressions culturelles locales non seulement pour s’adresser à de nouveaux publics, mais aussi pour inspirer des voyages responsables. Les destinations et les sites culturels sont aux prises avec la question de savoir comment survivre à cette période d’hibernation, tout en planifiant la réouverture du tourisme.
13860Ibid. Traduction proposée par l’auteur : Attirer de nouveaux publics. Le secteur de la culture forme des citoyens du monde engagés et les touristes du futur, en s’adressant aux enfants et aux jeunes. Les liens émotionnels qui se créent aujourd’hui entre les citoyens et les créateurs culturels feront la différence dans les années à venir. L’enfermement peut également faire en sorte que les visiteurs réguliers et les touristes culturels « seniors » soutiennent la culture par des actions de mécénat et de solidarité.
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About: Marie-Alix MOLINIÉ-ANDLAUER
docteure en géographie et chercheure associée à l’Unité de recherche Médiations – sciences des lieux, sciences des liens, Sorbonne université, mariealix.molinie@hotmail.fr