Dissensus Dissensus -  N° 3 (février 2010)  Dossier : Droit et philosophie du langage ordinaire 

Le rapport comme réponse de l’entreprise responsable : promesse ou aveu (à partir d’Austin et Foucault)

Thomas Berns

Thomas Berns enseigne la philosophie à l’Université Libre de Bruxelles et à l’Université de Liège. Il est attaché au Centre Perelman de philosophie du droit de l’ULB. Philosophe du politique et spécialisé dans la période de la Renaissance, il est membre du comité de rédaction de la revue Multitudes. Il est l’auteur de Violence de la loi à la Renaissance (Paris, Kimé, 2000), de Droit, souveraineté et gouvernementalité (Paris, Léo Scheer, 2005), de Gouverner sans gouverner. Une archéologie politique de la statistique (PUF, 2009) et coauteur de Responsabilités des entreprises et corégulation (Bruylant, Bruxelles, 2007) et de Du courage. Une histoire philosophique (Encre marine, sous presse).

Gaëlle Jeanmart

Gaëlle Jeanmart est maître de conférences à l’Université de Liège. Elle est auteur de Herméneutique et subjectivité dans les Confessions d'Augustin (Turnhout, Brépols, 2006), d’une Généalogie de la docilité (Paris, Vrin, 2007) et co-auteur de Du courage. Une histoire philosophique (Paris, Les Belles Lettres, 2010). Ses recherches principales portent sur la philosophie de l'éducation et la généalogie de la morale.

A. Introduction

1Nous ne pouvons que constater la profusion de rapports censés décrire les activités de tous les acteurs, rapports que bien souvent les acteurs écrivent sur eux-mêmes : rapports non financiers des entreprises, mais aussi des universités, des travailleurs, des chômeurs, des centres culturels, des juges, des médecins et des hôpitaux, de la police, etc. Nous souhaitons ici fournir quelques réflexions prenant pour acteur type l’entreprise entrant dans la dynamique de responsabilisation sociale. Ces réflexions se situent dans le cadre d’une analyse plus large du rapport comme dispositif central du champ normatif contemporain, au point qu’on pourrait parler d’une ère du rapport, laquelle succèderait à l’ère de la loi. À quoi sert le rapport ? Quelle fonction peut-il avoir ? Plus largement quels sont les enjeux normatifs derrière l’invitation à toujours plus de transparence qui justifie cette démultiplication des rapports ? Les réponses à ces questions emportent le plus souvent des partis pris idéologiques (le rapport est tantôt considéré comme un instrument de contrôle, tantôt comme un instrument de persuasion). L’intérêt d’une approche par acte de langage est d’éloigner quelque peu la prise de position idéologique, grâce au décalage offert par l’analyse du fonctionnement du langage.

2Le point de départ de notre analyse du discours de l’entreprise, c’est l’hypothèse somme toute assez évidente selon laquelle ce discours du rapport (exemplairement le rapport non-financier de l’entreprise) n’est pas que descriptif, qu’il aurait aussi une dimension prescriptive. La dimension descriptive de la communication de l’entreprise est incontestable : elle est évidemment censée décrire ses pratiques, c’est-à-dire informer. Ce discours doit-il pour autant être uniquement considéré comme descriptif, c’est-à-dire uniquement susceptible d’être évalué sous l’angle de la vérité ? Un rapport ne serait-il pas un acte de langage qui peut être analysé non seulement en termes de vérité et de fausseté, mais aussi en termes de réussite ou d’échec ?

3L’approche par la philosophie analytique, comme approche fondée sur les effets du discours, nous permettrait de questionner la nature éthique d’une responsabilité nouvelle dont témoigne l’entreprise et qui s’assume sans pour autant relever de la conviction ou d’une morale, cette dernière n’étant plus tant l’objet d’un choix individuel que d’un marché des valeurs. Nous recentrons donc tout le mouvement de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) sur le seul discours qui est censé en rendre compte, en opérant une analyse de ce discours comme vecteur de moralisation et de responsabilité, par le biais des performatifs de la pragmatique américaine et des actes de langage subjectivants comme l’aveu de Foucault. Étrangers à l'approche de la responsabilité sous l'angle des finalités, nous ne la considérons donc pas comme étant liée, en amont, à un éventuel « sens » de la responsabilité de type prudentiel qui viserait, en aval, une finalité bonne ; nous la considérons uniquement à travers les productions et les concrétions liées à ses actes de langage, que cette communication soit mue ou pas par une intention ou par une volonté bonne ou droite. Si nous « limitons » ainsi fortement notre conception de l’éthique, nous nous donnons par contre la possibilité de penser la production même des sujets : comme nous le montrerons, c’est la définition même du sujet « entreprise » qui est ici mise en jeu1.

Global compact

4 Une initiative au sein de l'aire de la RSE, le Global Compact ou « Pacte mondial », lancé en 1999, par l’ancien Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, en vue de responsabiliser les entreprises, nous paraît représentative de cet appui sur la communication comme vectrice d’une moralisation qui ne demande plus d’intention ou de volonté bonne. Le Global Compact (GC) nous semble pouvoir être pointé comme un élément particulièrement représentatif, voire emblématique, de ce grand processus de mise en discours de l'entreprise. Il ne serait rien d’autre qu’un des éléments de l'appareillage multiple destiné à inviter et même presser les sujets contemporains à produire des discours sur eux-mêmes. Nous devons en effet noter l’importance accordée par le GC aux actes de communication produits par les entreprises à propos de leur engagement dans un processus de responsabilité sociale, c’est-à-dire à propos de leur engagement purement volontaire à respecter des principes pourtant considérés par ailleurs comme non négociables tels les droits de l’homme. Dans cette logique, une directive précise a été ajoutée en 2003 dite « Directive sur la communication sur le progrès »2, qui définit la seule obligation que comporte ce pacte : toutes les entreprises participantes sont tenues de communiquer sur l’intégration des principes du pacte dans leurs activités. Cette disposition contraignante, qui porte sur la communication des comportements, et non sur les comportements eux-mêmes, se contente de réclamer

« ... aux sociétés participantes de communiquer avec leurs parties prenantes, chaque année, sur les progrès accomplis dans l’intégration des principes du Pacte mondial, en utilisant leur rapport annuel, rapport de développement durable ou autres rapports publics, leur site web ou autres moyens de communication ».

5On constate immédiatement le caractère générique de la communication exigée : 1) ses destinataires ne sont pas définis autrement que comme les stakeholders de chaque entreprise ; 2) le support et la forme de cette communication sont laissés à la discrétion de l’entreprise communicante ; 3) pire encore, le contenu et les critères permettant de rendre compte de l’effective progression de l’entreprise en matière de responsabilité sociale sont également indéfinis et dès lors laissés au libre choix de l’entreprise :

« Idéalement, la société choisit un ensemble d’instruments de mesure qu’elle considère satisfaisants pour mesurer les progrès accomplis ».

6Ce qui est exigé, c’est donc une communication indéfinie, globale, générique, qui s’adresse à des destinataires eux-mêmes indéfinis, via des supports indéfinis, en fonction de critères et instruments de mesure tout autant indéfinis – ce qui est exigé, c’est en somme de la communication de l’entreprise sur elle-même.

7 Nous ne voulons pas dire que la question générale de la RSE se limite au GC ni à un mécanisme de contrôle des acteurs induit par une sorte de « bavardage » non structuré sur ses propres activités. Elle peut aussi, et heureusement, se développer de manière plus réglementaire. Cependant, d’une part, il nous paraît qu’avec cette obligation de discours sur les pratiques responsables nous butons sur le socle minimal des divers processus de responsabilisation sociale des entreprises et que ce socle minimal de l’engagement de l’entreprise – qui ne réclame de faire appel, pour avoir du sens, ni à un contrôle externe, ni à une bonne volonté interne – suffit à produire ce qu’on peut comprendre comme la responsabilité contemporaine. En effet et d’autre part, nous posons comme hypothèse que le fonctionnement mécanique de ce discours est exemplaire de l’évolution du capitalisme contemporain, et donc d’une marche en avant du marché qui induit que les normes elles-mêmes, les valeurs morales et la responsabilité deviennent les objets du marché et ne renvoient donc plus à des normes supérieures à ce marché et destinées à le réguler de l’extérieur.

8 Comme on l’a dit, ce Pacte est par ailleurs marqué par un engagement purement volontaire de l’entreprise – le texte du GC y insiste – qui ne s’articule donc à aucune forme de mesure, qu’on comprenne le mot « mesure » comme réglementation ou comme évaluation (celle-ci supposant la possibilité d’un jugement objectif et extérieur). Bref, il semble n’exister que par ce qu’il évite3, reposant ainsi à première vue sur le pari d’un sens de la responsabilité, d’une hypothétique bonne foi dans l’engagement, d’une bonne volonté de l’entreprise, mais nous laissant dépourvus des critères du bon ou de l’éthiquement responsable permettant d’apprécier le bien fondé d’un tel pari. Face aux textes du GC, nous nous trouvons donc précisément devant ce que nous cherchons à analyser, à savoir : un « pur » discours – certes dépourvu de toute pureté (s’il faut entendre le fait qu’il appartiendrait à un genre de discours donné de manière précise), mais qui ne vaut que par sa production comme discours. Et ce discours trouve sa « pureté » (à savoir cette pureté de la seule manifestation) dans le fait même de ne pouvoir être compris que comme une promesse s’il appartient bien à une logique de responsabilisation sociale.

9 Il est d’ailleurs intéressant de noter comment le GC, qui ne cesse de se présenter comme un engagement volontaire et dépourvu d’enjeux contraignants, parvient à justifier l’existence de cette obligation, même purement générique, de communiquer, de rendre compte de son engagement : dès lors que le pacte est un engagement purement volontaire qui ne s’appuie sur aucune contrainte et qui ne peut donner lieu à aucune évaluation, et que c’est engagement n’est en conséquence qu’un engagement à progresser (et non pas un engagement au respect de certains principes ou de certains buts préalablement définis4), l’intégrité même de ce pacte réclame que l’engagement soit constaté sous peine de ne rien signifier. Telle est bien l’étrange contractualité minimale propre à la promesse : l’obligation de constat qu’elle implique découle de son caractère volontaire et tendanciel. Comme le dit le texte du GC, « une démarche volontaire perd de son intérêt et de sa crédibilité si elle ne permet pas de constater les progrès accomplis »5. Nous devons en réalité communiquer dès lors que nous refusons toute contrainte. Et cette communication ne peut représenter un engagement que comprise comme une promesse. C’est ce mouvement même de réduction de l’engagement à une promesse et ses implications que nous entendons analyser ici.

10 Si le minimum d’engagement propre au GC tient donc au fait que sa communication peut être prise pour une promesse, c’est pourtant à la condition de certains déplacements par rapport à la conception classique de la promesse : il faudra penser notamment la temporalité spécifique de ce discours du rapport, initialement considéré comme descriptif et comme portant seulement sur des faits passés, quand il se fait aussi promesse. Il faudra également se déprendre de la condition de sincérité postulée par Searle à la promesse pour éviter d’entrer dans de vaines suppositions sur les intentions présidant à l’engagement de l’entreprise. C’est alors aussi la conception classique du sujet et de la responsabilité que nous devrons retravailler pour penser la promesse en dehors de l’intention. La promesse – comme d’ailleurs le contrat dont elle est une des figures (Hobbes) ou une des étapes (Kant) – a en effet classiquement pour fondement une figure du sujet indispensable à la morale comme au droit pour fonder la responsabilité : un sujet libre et autonome, doué d’intention et d’un animus contrahendi. Si nous refusons par principe de considérer l’intention de l’entreprise dans son engagement, nous ne pouvons a priori pas considérer qu’elle promet – sauf précisément à construire un autre type de promesse : une promesse sans sujet libre et habité par une véritable intentionnalité. L’enjeu de cette réflexion est donc d’élaborer conjointement une promesse sans intention de promettre et une nouvelle notion de responsabilité propre au néolibéralisme : une responsabilité sans sujet souverain à sa source.

B. Le rapport comme promesse – lecture austinienne du rapport

11Pour clarifier un peu artificiellement notre propos, on peut avancer qu’il y a deux types ou deux moments possibles de « promesse » dans l’engagement de l’entreprise dans le GC et plus généralement dans une dynamique de RSE : la promesse de rendre compte de ses progrès en matière environnementale et sociale, qui est inaugurale à l'engagement de l'entreprise dans la logique du GC et qui fait bien de cet engagement un contrat, et la promesse d'actes responsables en matière d'environnement et de pratiques sociales, que pourrait engager ce compte rendu d'activités. Ce sont les interactions entre ces deux promesses, de sorte qu’une promesse de parler puisse aboutir effectivement à une modification des pratiques, qui nous intéressent particulièrement.

12Nous sommes donc d’abord dans un cas de figure où la promesse porte sur du discours : l’entreprise ne promet rien d’autre que du discours. Le discours est à la fois la façon de promettre et son objet même. Il faut alors prêter attention aux niveaux de langage pour ne pas se prendre les doigts dans ce tissu compliqué, comme Russell l’avait fait pour trouver une issue au paradoxe du menteur. 

13Le discours, qui est le seul objet de la promesse de l’entreprise, est indéfini parce que ce dont l’entreprise promet de parler est également indéfini : elle promet de parler de ses « progrès » alors même que le « contrat » qui lie cette promesse à l’avantage d’une sorte de labellisation stipule explicitement qu’il n’y a pas de critères prédéfinis, ni définis de l’extérieur, pour juger du progrès, comme dans d’autres processus de labellisation et de certification. La dimension promissive du discours de l’entreprise est à l’évidence limitée par le refus explicite de définir les indices mesurant la réalisation de la promesse, l’objet ou l’enjeu de la promesse et de désigner quelque tribunal autorisé, doué d’instrument contraignant, pour vérifier cette réalisation. Que signifie en effet une promesse de parler d’une « progression » accompagnée du refus a priori de tout critère pour juger de ce progrès ? S’agit-il bien encore d’une promesse si elle est conditionnée par le refus des éléments de contextualisation qui assurent classiquement la force illocutoire d’un énoncé ?

14Si c’est une promesse, c’est donc une promesse-limite ou paradoxale. M. H. Robins avait évoqué la promesse de tenir sa promesse6. On peut suggérer que l’on se trouve ici face à une nouvelle forme de promesse paradoxale : une promesse de promettre, en quelque sorte. On peut constater, en effet, que l’entreprise ne s’engage pas formellement à améliorer ses pratiques, mais bien à tenir un discours sur l’amélioration de ses pratiques, discours dont on peut tenter maintenant de montrer qu’il peut lui-même être considéré comme une promesse. Ou plus exactement, il n’est pas indifférent (c’est-à-dire pas sans engager des effets moraux tenant à l’acte même de promettre) que le discours que l’entreprise tient sur elle-même soit le fruit d’une promesse. Cette promesse en effet se perpétue dans les rapports que l’entreprise fait de ses activités ; elle se prolonge au travers et dans le constat d’un progrès que ces rapports sont censés établir précisément parce que les critères de ce progrès ont été eux-mêmes repoussés dans l’engagement. Ce ne sont donc plus les éléments de contextualisation qui définissent l’existence d’une promesse mais au contraire leur parfaite absence : il n’y a ici que promesse parce que l’engagement dans la RSE n’est que celui de tenir un discours indéfini sur un progrès sans marqueur.

15« Que » cela donc, mais ce n’est pas rien : si la promesse n’est que du vent, ce vent a une certaine force dont il faut rendre compte. En somme, il serait un peu trop simple (mais pas tout à fait faux non plus) de considérer que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, comme dit la formule humoristique « libérale » : que l’entreprise ne promette que du discours là où on attend des actes a néanmoins de réels effets dont il est difficile de rendre compte à partir des catégories pré-dessinées d’actes de langage et des conditions préétablies de la promesse. Ce sont ces effets que nous souhaitons pointer à travers l’élargissement des critères traditionnels de la promesse.

16Nous allons donc examiner ici les conditions que devrait remplir le discours de l’entreprise pour être effectivement promissif en nous appuyant sur Quand dire, c’est faire (1962) d’Austin et sur le chapitre que Searle a consacré à la structure des actes illocutionnaires dans son livre sur Les actes de langage (1969) ; nous prêterons particulièrement attention aux problèmes que posent la considération de ce rapport de l’entreprise comme promesse. Il faut « chipoter » constamment avec ces conditions pour pouvoir y lire une promesse : ça ne marche jamais tout à fait. Mais ce qu’on cherche ici, ce n’est pas à conférer une nature déterminée à ce rapport en l’identifiant à une promesse, c’est à comprendre un fonctionnement : comment « ça » marche ou comment il se pourrait que « ça » marche, c’est-à-dire comment il se pourrait que parler, pour l’entreprise, ait bien produit de l’engagement et aboutisse bien en effet à des actes plus « responsables » en matière d’environnement et de droit du travail – en veillant en quelque sorte à préserver l’indétermination de ce « ça » qui ne permet pas l’identification pure et simple du rapport à une promesse.

1er « problème » : le rapport au temps.

17La promesse porte nécessairement sur un événement non encore advenu : « je ne peux pas promettre d'avoir fait quelque chose », comme le dit Searle7. Selon cette condition, l'engagement de l'entreprise dans la logique de divulgation du GC est bien une promesse (elle promet qu’elle fera rapport), mais pas le rapport sur ses pratiques. Comme Searle le souligne, il est très peu naturel de considérer un énoncé qui porterait sur le passé tel que : « je promets que je n'ai pas cassé le vase » comme une promesse ; c'est plutôt une dénégation emphatique et l'emploi du marqueur illocutionnaire « je promets que » sert seulement à marquer l'emphase de la dénégation.

18 Ceci dit, le rapport n'est pas simplement un moment ponctuel de parole, pas plus qu’il n’est seulement une réponse à un engagement. Il est inscrit dans un mouvement discursif permanent constitué par une suite de rapports, éventuellement adressés à, ou produits par, des acteurs différents, et qui donnent lieu de la sorte à une sorte de dialogue8. C’est au niveau de cette suite de communications que se situe l’enjeu normatif spécifique au rapport : il s’agit, on l’a vu, de s’inscrire dans la perspective d’un progrès continu et c’est cette perspective qui ne peut se vérifier par aucune confrontation à des règles, ni par aucune évaluation selon des critères donnés, qui justifie l’usage non du rapport comme constat ponctuel, mais des rapports comme processus de communication. Le caractère répété de la communication et le caractère continu des progrès de l'entreprise placent ainsi son discours dans le temps long de la tendancialité et non dans le présent d'un énoncé classique (qui devrait être soit une promesse portant sur le futur, soit un rapport portant sur le passé). On pourrait dire ainsi qu’il y a une indiscernabilité du rapport au temps dans cette logique du GC qui tient au fait que l’engagement porte sur un devenir, un processus, une tendance et non pas uniquement sur des faits.

19Il est évident par ailleurs que le flou de la promesse de communiquer rejaillit sur le flou de la communication elle-même. Le rapport est la réponse continue et répétée donnée à la promesse de parler et la réponse est aussi floue que la promesse à laquelle le rapport doit répondre. Mais précisément en tant que réponse à une promesse, il est un acte : en parlant, l’entreprise fait quelque chose, elle tient sa promesse et donc parler est pour elle un acte « responsable ». Le comportement responsable de l’entreprise n’est peut-être pas ou pas exactement celui qu’elle décrit – faute justement de critères pour juger de cette « responsabilité » –, mais il est en tout cas déjà dans le fait même de décrire, de faire rapport. Nous serions devant une « responsabilité » comme réponse à un engagement, réduite à du langage, à des mots qui deviendraient leur propre référent au sens où parler de sa propre responsabilité constituerait la responsabilité même à laquelle les mots renvoient. Mais une nouvelle fois, s’il y a de la sorte déjà bel et bien responsabilité dans ces réponses que sont les rapports, c’est aussi dans la mesure où la normativité spécifique du rapport réside non pas dans la réponse spécifique qu’il représente mais bien plutôt dans le réseau de communication dont chaque rapport est le centre.

2ème « problème » : la sincérité ?

20La sincérité est-elle une condition de la promesse ? On peut suivre ici Austin qui pense la promesse en dehors de la condition de sincérité. Il refuse ce faisant la conception mentaliste de la promesse qui sera développée par Searle, conception qui revient finalement à considérer la promesse comme la description vraie ou fausse d'un événement intérieur. Selon Austin, seule l'énonciation est responsable de l'engagement (qui est donc sincère ou pas) et non la doublure mentale du discours énoncé par la conviction qu’on tiendra sa promesse. L’acte produit par l’énoncé est ainsi considéré dans sa totale indépendance par rapport à la présence d’une volonté ou d’une intention : la phrase « je promets que... » produit bien un acte d’engagement, est bien une promesse, même si en la prononçant, je n’entends pas la respecter9. La théorie des actes de langage d’Austin semble donc bien juger des résultats produits par un énoncé sans se prononcer sur des notions qui appartiennent au champ de la morale, comme l’intention, la volonté ou la bonne foi – notion sur lesquels nous avions décidé par méthode de ne pas nous fonder pour notre analyse de la communication de l’entreprise. Par ailleurs, avoir l'intention de faire quelque chose ne contraint pas à le faire vraiment. Mais dès qu'on promet qu'on le fera, même sans intention de le faire, l'acte d'énonciation exerce bien une certaine contrainte. Comme dit Loisel, « on lie les bœufs par les cornes et les hommes par des paroles »10. Autrement dit, de nouveau, ce n’est pas l’intention qui lie un homme, mais les paroles qu’il a prononcées et la manière dont elles ont été reçues. Nous renouons très exactement ici avec le point de vue que nous souhaitions adopter par méthode : juger d’un discours à partir de ses effets illocutoires et non de ses intentions. Comme le dit B. Ambroise :

« L'acte illocutoire n'est l'acte qu'il est que s'il obtient un effet spécifique. Par exemple, l'acte de promettre n'est une promesse que s'il est pris comme une promesse et si, entre autres choses, il crée, ce faisant, un engagement à tenir ce qui est promis »11.

3e problème : l’intention de promettre

21Prenons donc au pied de la lettre l’idée que pour promettre, non seulement il n’est pas nécessaire de vouloir tenir sa promesse, mais même qu’il n’est pas nécessaire de vouloir promettre : on promet quand le discours que l’on a tenu a été pris pour une promesse. Soulignons l’importance de cette idée d’« être pris » qui signifie bien une perte de souveraineté du sujet parlant, ou encore son éclatement12 : tout sujet n’émerge que « pris » dans un langage qui peut lui-même être « pris » ou « compris » d’une certaine façon par des récepteurs. Le sujet peut-être pris dans le tissu de la langue, des catégories grammaticales, dans la structure que la langue donne à sa pensée. L’entreprise peut être prise aussi dans le tissu de ses communications antérieures qui tracent des lignes de sens indépendantes de la volonté des rapporteurs. Et enfin et fondamentalement, elle est susceptible d’être « prise au mot », « prise au sérieux » et ainsi tenue d’une fidélité au moins après coup, quand un « public » réclame son dû, c’est-à-dire réclame que s’établisse une correspondance entre discours et réalité ou entre discours et pensée. Ce dernier point est important : même dans la plus cynique des opérations de « com », la possibilité est toujours ouverte d’un retour de la véracité qui exerce a posteriori sa normativité propre. Se dessine ainsi une nouvelle logique de la promesse, qui ne repose pas sur une condition de sincérité, mais qui construit la sincérité dans son processus même, ponctuellement, quand un rapport est « pris au sérieux ».

22Nous pensons ainsi la promesse comme nous penserons l’aveu, c’est-à-dire que nous considérons qu'un sujet promet ou avoue même quand il pense faire autre chose – l'aveu ou la promesse ne sont donc pas uniquement des actes de langage auto-référés : il n'est pas nécessaire de dire « j'avoue que » ou « je promets que » pour avouer ou promettre en effet. On quitte ainsi le droit et l’animus contrendi comme condition d’un engagement valable. C’est qu’il n’y a pas d’instance tierce ni même de moment tiers, après coup, de sortie du processus pour juger si oui ou non il y a bien eu promesse13. L’entreprise est prise dans la définition par le public de la nature de sa communication car précisément, pour garder à sa « communication sur le progrès » son caractère de « communication » et donc lui garder son public, il faut bien admettre que cette communication reçoit en partie sa nature illocutoire de son récepteur. Notons que cette possibilité est ouverte ou renforcée précisément par l’indétermination volontaire et structurelle de ce rapport et par le flou délibérément installé par le GC sur les éléments de contextualisation qui donnent à un énoncé une force illocutoire déterminée. Le rapport peut donc être pris comme un élément dans un discours directif (publicitaire) ou comme un élément dans une suite promissive, dès lors que le public (particulièrement les ONG) prête attention à des éléments contextuels ad hoc lui permettant de mobiliser l’un ou l’autre registre illocutoire, éventuellement de manière tout à fait pragmatique, c’est-à-dire pour produire un engagement réel de l’entreprise ou dénoncer le développement de sa part d’un discours de simple promotion qui n’engage pas assez. La teneur normative de cette suite d’actes de communication dont le rapport est le centre (et donc la teneur normative de celui-ci) dépend fondamentalement du sens qui lui sera conféré par le public qui le reçoit, de la prise en considération que lui réservera le public. Il ne s’agit cependant pas de la sorte de considérer le public comme l’instance souveraine du processus normatif en question, comme si cette instance lui préexistait. Le public est seulement un des multiples éléments qui se constitue au gré du processus – et sans doute devrions-nous ici poursuivre cette analyse en nous aidant de Dewey14, de manière à montrer combien le public se construit lui aussi à même les réponses qu’il réserve au rapport, et en conférant à celui-ci son « statut », en décidant de le prendre au sérieux en tant que réponse à un engagement (ou au contraire en tant qu’acte publicitaire dont il faut se protéger).

C. Le rapport comme mode de subjectivation – lecture foucaldienne du rapport

23Si la communication reçoit sa nature illocutoire a posteriori de son public, l’entreprise reçoit elle aussi une définition a posteriori via la définition de la nature de cette communication : elle est définie à son tour soit comme sujet moral capable de promettre, soit comme acteur purement économique et non susceptible comme tel de comportement moral. On est ici très exactement dans ce que Foucault appelle un processus de subjectivation lié à un régime discursif. Notons avant même de poursuivre qu’il n’y a nulle coquetterie à penser l’entreprise sur cette base, qu’au contraire celle-ci nous pousse même à être rigoureusement foucaldien, dès lors que contre toute impression superficielle l’entreprise apparaît justement comme ce qui n’est pas constitué comme un « sujet », et ce dont il s’agit de questionner directement et de toute urgence la nature – l’identité exacte de l’entreprise, quel que soit le poids des conséquences (sociale, environnementale, en termes de richesse, …) de tout ce qui la croise ou transite par son champ, n’étant absolument pas déterminée, ni sur le plan juridique15, ni sur le plan économique16.

Les mécanismes de subjectivation

24La notion foucaldienne de « mécanisme de subjectivation » s’oppose à la conception traditionnelle (platonicienne, cartésienne, kantienne) d’un sujet « substance », qui serait universel et transcendantal. Pour Foucault, on n’est pas un sujet doté a priori de propriétés universelles, on devient sujet, et un sujet typé, singulier, dans un processus de parole particulier. Il n’y a rien de préconstitué comme un sujet qui pense ou qui veut et qui utiliserait le véhicule du langage pour exprimer ses pensées ou ses désirs. Le sujet se constitue comme tel à travers sa propre parole et plus particulièrement en Occident, à travers l’aveu.

25Or, cette manière particulière d’être en rapport à soi en analysant et avouant ses pensées mauvaises constitue le sujet comme sujet proprement moral. Un processus de subjectivation est aussi un processus de moralisation17. Quitter la promesse dans son sens traditionnel pour la considérer comme un possible mode de subjectivation, c’est alors aussi quitter la notion traditionnelle de responsabilité et la conception du sujet sur laquelle elle repose qui implique un rapport de domination sur soi et une temporalité longue. La promesse est en effet traditionnellement comprise comme une sorte de courage de ne pas (s’)oublier : « de prendre une avance sur le futur, défier l’essence hasardeuse de l’avenir, ses aléas, ses circonstances toujours imprévisibles et dire : moi, qui parle aujourd’hui, dans trois jours, trois mois, trois ans, j’aurai accompli telle action »18. Dans ce paradigme classique, la responsabilité construit alors l’unité d’un sujet qui est pure volonté : « Je tends l’arc de ma volonté vers le futur, et de cette tension résulte le sujet »19. Cette responsabilité est ce que Nietzsche appelle une « mémoire de la volonté » :

« Cet homme affranchi qui ose réellement promettre, ce maître de volonté libre, ce souverain, comment ne saurait-il pas quelle est en cela sa supériorité si tout ce qui n’ose pas promettre, ni se porter garant de lui-même, quelle confiance, quelle crainte, quel respect il inspire – ces trois choses, il les ‘mérite’ »20.

26La pensée de la subjectivation ouvre sur une autre notion de responsabilité qui n’est pas attachée au « maître de volonté libre », au sujet autonome à la source de la décision et de la promesse. La responsabilité contemporaine en jeu dans la dynamique de la RSE est le résultat d’un discours éventuellement sans intention mais ayant été considéré comme une promesse. Elle exige de penser la responsabilité dans un cadre qui a résolument rompu avec le droit et l’hypothèse classique en morale d’un sujet souverain : comme production mécanique du discours, comme résidu du discours.

27Nous pouvons ainsi reprendre un débat entamé plus haut sur le statut du public qui reçoit le discours de l’entreprise. Si c’est le public qui peut constituer en promesse ce rapport, il n’est pourtant pas souverain dans cette dynamique de la RSE : il est lui-même pris dans un processus de subjectivation, qui est lié cette fois à la première promesse, à savoir la seule promesse que l’entreprise a bien eu l’intention de faire (et qui n’est donc pas constituée a posteriori par le public) : la promesse de faire rapport. Revenons un instant à Searle et aux conditions de la promesse – non pour les modifier cette fois, puisque cette première promesse est une promesse au sens classique et respectant les conditions « classiques » de la promesse. Pour qu’un discours soit bien une promesse, il faut, dit Searle, que celui qui promet ne s'engage pas à faire quelque chose à quelqu'un, mais pour quelqu'un. Appliquée au cas de la RSE et du GC, cette condition signifie que l’entreprise promet à un interlocuteur défini (disons les Nations Unies, à l’initiative du GC) de faire rapport et ce faire rapport est bien une promesse parce qu’ « on » le postule à l’avantage de la société. Il n'y a de promesse que dans une situation, un contexte, qui permet de penser que l'acte promis satisfasse celui à qui la promesse est faite. Mais Searle souligne le fait que la demande à laquelle répond la promesse ne doit pas être réelle, elle peut être simplement supputée par celui qui promet. Autrement dit, la promesse instruit ou construit aussi la demande à laquelle elle « répond ». Elle constitue le public à qui elle s'adresse. Par la promesse de parler d’elle-même qu’elle fait en signant le GC, l’entreprise constitue donc en face d’elle un public à qui quelque chose est dû. Le public constitué par la première promesse dégagée dans nos analyses (la promesse de promettre) est donc un public de « confesseurs », qui reçoit et examine le discours que l'entreprise tient sur elle-même. Pour redonner artificiellement un peu de dynamisme à ces découpes entre promesses différentes et publics institué ou instituant, on peut dire que le public qui est bien constitué initialement par l’engagement de l’entreprise dans une logique de reporting ne considère pas que l’entreprise lui promet seulement de parler, il peut considérer que l’entreprise lui promet d’agir et attendre les actes responsables de l’entreprise. Il y a un glissement qui se produit là entre ce qu’a réellement « promis » l’entreprise en contractant, à savoir parler, et ce qui est attendu d’elle par son « public », à savoir être plus soucieux des conditions sociales du travail et des impacts de celui-ci sur l’environnement. Ce glissement est aussi celui entre deux publics : le public de l’aveu constitué par la promesse de parole de l’entreprise et le public qui construit le discours de l’entreprise comme promesse ou publicité et qui détermine ainsi la nature de l’entreprise en déterminant la nature de sa communication de manière dynamique et non définitive.

28La responsabilité ainsi envisagée conduit alors à penser un engagement sans sujet préalable : un engagement par le simple fait d’occuper une scène publique, d’être visible. Il est donc inutile d’attendre de l’entreprise de l’engagement au sens des Lumières et du courage héroïque, inutile de réclamer à la source un grand et bel engagement du sujet moral qui mériterait d’être clamé ou acclamé. En observant la dynamique de la RSE à travers les analyses de Foucault, on se donne au contraire la possibilité de porter attention à ce que produit un dispositif, y compris en termes de moralisation, plutôt que d’alimenter les idéaux anciens (voire obsolètes) d’une culture ou d’un culte du héros21.

La moralisation des sujets par l’aveu

29Comme il complique la notion de sujet par celle de subjectivation, Foucault complique la notion de morale en en considérant trois aspects distincts :

30– la morale des codes de conduites, à la fois des doctrines explicites sur la vertu et des valeurs et règles transmises de manière plus diffuse ;

31– le comportement des individus qu'ils ajustent plus ou moins bien à ces codes ;

32– la « substance éthique », c'est-à-dire la façon dont un individu doit instituer telle ou telle part de lui-même comme matière principale de sa conduite. On ne fait plus ici porter l'essentiel de la moralité sur le respect des interdits, mais sur la vigilance, la constance de la lutte qui impliquent de constamment se regarder, et de surveiller ses pensées et ses désirs. La substance éthique est donc constituée par les mouvements contradictoires de l'âme plutôt que par ses actes.

33Ainsi, « une action pour être dite ‘morale’ ne doit pas se réduire à un acte ou à une série d’actes conformes à une règle, une loi ou une valeur ». En somme, on sort d’une conception « juridique » ou codifiée de la morale, conception selon laquelle il s’agirait seulement de respecter un code pour être moral. Cet élargissement est évidemment parfait pour rendre compte de la RSE. Toute action morale

« …implique un certain rapport à soi ; celui-ci n’est pas simplement ‘conscience de soi’, mais constitution de soi comme ‘sujet moral’, dans laquelle l’individu circonscrit la part de lui-même qui construit l’objet de cette pratique morale, définit sa position par rapport au précepte qu’il suit, se fixe un certain mode d’être qui vaudra comme accomplissement moral de lui-même ; et pour ce faire, il agit sur lui-même, entreprend de se connaître, se contrôle, s’éprouve, se perfectionne, se transforme »22.

34Puisque l’acte de discourir de l’entreprise est moral (simplement parce qu’on le nomme ainsi, parce qu’on parle de Corporate Social Responsibility), il implique pour l’entreprise un certain rapport à elle-même dans laquelle elle se constitue comme sujet, et précisément comme sujet moral. Plus encore, elle se constitue comme sujet moral comme en Occident le sujet s’est constitué comme sujet moral : en parlant de lui-même. Depuis le IV e siècle, la pastorale chrétienne a conduit tous les sujets à faire passer au moulin sans fin de la parole leurs pensées intimes, leurs désirs et leurs fautes, en somme à avouer aux médecins, aux psychologues, aux psychiatres ou à leurs juges, de la même manière qu’il s’agit aujourd’hui dans le monde de l’entreprise et plus largement du travail capitaliste de transcrire tous les gestes, mouvements, mesures et réunions dans des rapports. Avec la communication sur les actes responsables, le rapport n’est plus seulement un processus de subjectivation, mais aussi de moralisation par l’aveu.

35Mais comment fonctionne ce processus de moralisation dans lequel il se pourrait bien que l’entreprise soit prise parce qu’elle a accepté de parler d’elle-même ? Selon Foucault, le processus de subjectivation et de moralisation par l’aveu est une forme d’obéissance, un mode de gouvernement typique de l’Occident : on gouverne en Occident en assignant aux « sujets » le devoir de parler d’eux-mêmes. L'herméneutique chrétienne de soi et l'aveu sont en effet selon lui les indices d'une grande mutation technologique du pouvoir en Occident. Comme pour la « morale », Foucault entend ici compléter ou nuancer l'usage courant du mot « pouvoir », qui repose sur une conception juridique et purement négative du mot. On pense habituellement que ce en quoi consiste le pouvoir, c'est la prohibition, la loi incarnée par l'injonction « tu ne dois pas ». Quand nous essayons de réfléchir sur notre société, nous le faisons aussi à partir de cette conception essentiellement juridique du pouvoir : où est le pouvoir ? Qui détient le pouvoir ? Quelles sont les règles qui régissent le pouvoir ? Quel est le système de loi que le pouvoir établit pour réguler le corps social, etc. ? Or, si c'est bien là une certaine représentation du pouvoir (qui a des motifs historiques), ce n'est pas le fonctionnement réel du pouvoir. C'est cette analyse du pouvoir dans ses mécanismes positifs, ses techniques ou ses technologies qui nous intéresse ici dans la lignée des études de Foucault sur les techniques de soi comme modes de fonctionnement réel du pouvoir. Pour le dire grossièrement, nous partageons avec Foucault l’idée selon laquelle dire la vérité de soi-même est une technique de pouvoir singulière. Ce qui nous achemine vers le concept foucaldien de « pouvoir pastoral », c’est-à-dire d’un pouvoir qui est à l'opposé du pouvoir de l'Etat : un pouvoir continu, atomique, individualisant, là où le pouvoir politique de l'Etat est au contraire global et lacunaire. Le pastorat suggère ainsi une forme d'obéissance (les brebis doivent suivre aveuglément leur berger) et aussi une forme de connaissance (parce que ce berger les connait chacune individuellement). L’aveu est la fine pointe du dispositif, qui assure l'intensification du pouvoir : chaque individu peut être contrôlé en lui-même, dans son corps, dans ses gestes et même dans ses pensées les plus secrètes.

36 Cette obéissance de l’individu qui avoue doit être considérée à la fois comme moment ponctuel (a) et comme dispositif durable de l’aveu qui a des effets de mise en doute ontologique (b).

37(a) Moment ponctuel : le sujet qui avoue répond à une injonction de parole. La question « Qui suis-je ? » n’est en réalité pas première, elle est l’écho d’une injonction première de l’Autre, du maître de conscience qui lui demande « Qui es-tu ? ». Revenons ici à la condition classique que nous avions retenue pour considérer comme une promesse l’engagement de l’entreprise à faire rapport : que la chose promise soit à l’avantage de celui à qui on la promet. L’entreprise promet d’avouer (de faire rapport) et en promettant, elle postule donc que son discours répond à une attente (qu’il constitue pour éviter d’avoir à répondre à une autre attente qui prendrait une forme juridique, et se muerait donc en exigence). Cette attente postulée (et simplement relayée par l’ONU dans le cas du GC) est en quelque sorte la forme non instituée de l’injonction du confesseur, c’est le « qui es-tu ? » qui pèse sur l’entreprise, plus précisément : que la logique du GC fait peser sur l’entreprise. Ne demandant à l’entreprise rien d’autre que de faire rapport, la logique du GC est incontestablement une logique d’aveu.

38Il faut noter cependant que, dans le contexte de la RSE, cette injonction première n’émane plus d’une position instituée et autoritaire comme celle du confesseur, du juge, du médecin, du psychologue ou du psychiatre ; elle émanerait plutôt d’un public en voie de constitution et de reconstitution incessante (et qui existe donc aussi pour compenser ou effacer un autre public qui prendrait la forme de la loi !). Quand on postule que l’entreprise avoue, on pense en effet cet aveu en dehors du confessionnal, sans l’institution et sans même le contexte qui confère une force illocutoire déterminée au discours. Ceci dit, la multiplication des foyers de confessions relevée par Foucault dans la Volonté de savoir pointait déjà vers la disparition de ce cadre institutionnel qui corsetait originellement la confession chrétienne. L’évolution de l’aveu en Occident dessine un processus d’assouplissement depuis un rapport de pouvoir « dur », dépendant de la différence extrêmement sensible entre le « pasteur » et la « brebis », à un dispositif « mou », tellement intériorisé qu’il définit fondamentalement un rapport de soi à soi, où chacun devient pour lui-même son propre confesseur. Une hétéronomie reste cependant exigée pour que fonctionne le dispositif moralisant de la confession, sa dynamique propre d’amélioration ; simplement, on passe de l’œil de Dieu, qui chapeaute l’oreille du pasteur et garantit en quelque sorte la surveillance la plus parfaite des mouvements de l’âme de chaque brebis, à la surveillance diffuse autorisée par la multiplication des moyens de communication et des observateurs de cette communication.

39(b) L’aveu n’est donc pas seulement un acte ponctuel d’obéissance répondant à une injonction, il installe l’avouant dans un dispositif d’obéissance, dans une relation d’assujettissement permanente qui a des effets de mise en doute de son identité qui sont liés à la dynamique propre d’amélioration continue. Celui qui se saisit de la question « qui es-tu ? » laisse naître en lui le soupçon que ce qu’il est en vérité ne lui est pas donné par sa conscience, par sa présence immédiate à lui-même. L’Autre introduit le secret dans celui qui avoue par cette simple question, et il aliène alors à lui celui à qui il adresse cette question parce qu’il lui laisse la charge de se chercher devant lui. L’entreprise « responsable » est elle aussi prise dans un tel processus assujettissant de parole sur elle-même qui ouvre sur un questionnement sans fin sur son identité23.

40Quand bien même l’obligation de discours sur soi aurait-elle été choisie « librement » par l’entreprise, elle n’en contribue pas moins à l’installer de facto dans un processus d’assujettissement à l’égard de tout ceux qui sont susceptibles de recevoir « sa confession ». L’entreprise aurait en réalité opté pour une obligation de discours sur ses pratiques dans laquelle elle est prise comme dans une toile d’araignée parce que précisément ce discours sur soi est sans borne fixe, sans critère pour s’assurer de sa véracité et qu’il peut donc sans cesse être mis en doute dans les « vérités » qu’il croit exprimer. Le refus des critères de mesure du progrès n’a pas seulement ouvert un espace de liberté aux pratiques des entreprises, il a aussi ouvert un espace de contrôle infini pour les observateurs externes et internes de l’entreprise. Une normativité floue s’impose alors, qui est liée à une situation de parole déséquilibrée entre celui qui a à faire la confession (l’entreprise) et celui qui la recueille (tout qui peut émettre un avis critique sur ce rapport – les ONG, les consommateurs : potentiellement tout le monde). Ce déséquilibre joue de façon multiple sur le pouvoir en jeu dans toute prise de parole. Ainsi, la dénonciation du rapport annuel sur les progrès en matière sociale et environnementale comme une opération de marketing peut être considérée comme la réitération de l’attitude du confesseur à l’égard de l’aveu qu’il soupçonne constamment d’être incomplet, infidèle ou travesti par complaisance envers soi-même. On voyait jusqu’ici le marketing comme un « instrument de contrôle social » parce qu’il consistait pour l’entreprise à surveiller le marché et les consommateurs, appâter le client, le conduire dans ses achats, le fidéliser, agir sur ses désirs et ses comportements24. Le Global Compact, qui pouvait bien n’être guère qu’une opération supplémentaire de marketing, a abouti à soumettre l’entreprise à un contrôle constant et donc à généraliser la société du contrôle : l’entreprise, qui surveille le marché, est elle-même surveillée par les actionnaires qui pourtant se contentent d’investir ou par les consommateurs qui se contentent de consommer... De la même manière que les nouvelles technologies de la communication nous libèrent en même temps qu’elles permettent de nous suivre à la trace, la communication sur le progrès permet à l’entreprise d’échapper à la dureté d’une réglementation juridique des pratiques dans le temps même où ce discours sur ses pratiques la soumet aux regards de tous.

41Pour prendre la juste mesure de la dynamique discursive de la RSE, il est utile de considérer les effets de mise en doute de l’identité qui sont corrélatifs de cet assujettissement : tout comme le sujet chrétien s’analyse et se trouve dans une situation de doute ontologique par rapport à lui-même, l’entreprise se questionne ou du moins elle vit son identité comme questionnée. Il n’est en effet aujourd’hui rien de plus délicat que de définir l’identité d’une entreprise (même du point de vue juridique). Sa seule fonction est-elle de gagner de l’argent (comme le dit Milton Friedman), sous peine de créer de la confusion et est-elle alors gouvernée en fonction de ses seuls shareholders, ou doit-elle être gouvernée en fonction de la multiplicité des « parties prenantes », stakeholders (comme répond Edward Freeman) ? Mais fusent alors les questions (ces questions que Friedman se donnait la possibilité d’éviter, avec l’incertitude qu’elles impliquent) : qui sont alors ces stakeholders ? Et selon quelles règles de priorité doit-on prendre en considération ces différents stakeholders ? L’entreprise doit-elle être considérée, juridiquement, comme un nœud ou une somme de contrats, ou est-elle, de manière bien plus substantielle, une institution, un corps, une totalité propre ? Où met-on la frontière qui sépare l’entreprise de ce qui lui serait purement extérieur ; y a-t-il quelque chose d’extérieur ; l’enchaînement complexe des externalités dans le monde contemporain n’implique-t-il pas une dette de l’entreprise par rapport à l’entièreté du social signifiant que celui-ci est dans l’entreprise ? Et encore : l’entreprise peut-elle être un sujet moral ?

42L’auto-obligation de communication de l’entreprise, c’est l’entreprise qui se met en position et est mise en position de vivre ce doute quant à son statut, c’est-à-dire qui accepte que les réponses à ces questions extrêmement normatives ne soient pas connues.

43 Mais on peut dire aussi que toute partie de l’opinion publique intéressée par l’entreprise est, elle aussi, dans une situation de doute ontologique, de négociation avec elle-même quand elle prend en considération la communication générique de l’entreprise : est-elle dans la situation du consommateur subissant la publicité de l’entreprise ? Du consommateur responsable ? Du juge impartial ? Ou encore du militant ? Est-elle un juge ou un militant « pris » dans le marché (en train de se faire « rattraper » par le marché, par le marché de l’information notamment) ? Est-elle dans une situation d’extériorité par rapport au marché ? L’indétermination globale de l’obligation de communiquer est à la mesure du doute ontologique auquel peut se sentir confronté le destinataire de ces communications.

44On peut dire enfin que ce doute porte aussi sur la communication elle-même : s’agit-il de politique, de publicité, de savoir ou de poudre aux yeux ?

45Nous devons donc prendre acte de ce doute radical quant à ce qu’est une entreprise, ce que nous sommes quand elle s’adresse à nous, et quant à ce qu’est cette communication qui nous lie mutuellement. Ce doute apparaît comme le point à mettre en avant, non pas comme un doute de principe, qui précèderait les mécanismes de communication et de divulgation décrits, mais comme un doute qui se construit au sein même de ce mécanisme et qui témoigne de son caractère éthique. Et il s’agit bien d’une éthique, même si cette éthique signifie que les normes elles-mêmes deviennent l’objet du marché qu’elles sont censées structurer. C’est l’indétermination où elles sont laissées au moment de l’engagement qui ouvre ce marché des normes et qui justifie, on l’a vu, qu’on ne puisse plus que faire rapport de ses actes.

D. Conclusion

46Deux remarques, plus générales, sur cette base : d’une part, le rapport apparaît comme le moyen de l’accomplissement du gouvernement néolibéral en ce qu’il permet d’en finir définitivement avec l’idée d’un gouvernement du réel au profit d’un gouvernement à partir du réel25. Tout se passe comme si le réel se gouvernait tout seul, par l’entremise des rapports, de ce qui semble être une copie du réel, et sans avoir donc besoin des lois et des directions prédéfinies qu’elles proposent et des hypothèses sur le réel dont elles supposent la confrontation. Ce gouvernement à partir du réel recueilli dans des rapports passe également pour a- ou pré-moral, c’est-à-dire qu’il paraît ne pas réclamer la mise en place de moyens correspondants à des fins jugées « bonnes » et la confrontation des uns avec les autres. Ainsi, dans le processus de la RSE, le « progrès » est taillé dans la masse, à même l’activité, il est défini non pas par une cohérence projetée (la cohérence d’un dessein articulée éventuellement à un principe de non contradiction), mais par une cohérence organique, fruit des multiples cohérences positives, éventuellement en tension les unes avec les autres, qui sont d’abord discursives et ensuite seulement traduites dans les faits quand ces cohérences sont aperçues et médiatisées. Pour éviter d’ailleurs la confusion avec la conception illuministe du « progrès », on parlerait plus judicieusement dans ce cadre d’« amélioration », renouant avec le processus sans critères nettement dessinés qui définit la dynamique morale de la confession26. Il faut alors souligner l’extrême moralisme de ce processus d’amélioration inscrit dans le réel qui, passant pour pré-moral, renoue en réalité avec les antiques conceptions d’un droit naturel, d’une sorte de principe d’amélioration inscrit dans le monde lui-même. Morale qui ne s’assume pas comme telle, et qui dès lors ne permet plus la délibération qui, depuis Aristote, a toujours été considérée comme étant à son principe même.

47Toutefois, et d’autre part, l’analyse qui précède montre aussi la limite théorique de ce gouvernement néolibéral qui prétend tirer sa puissance de l’idée que c’est le réel lui-même qui se gouverne : l’axiome de base de ce gouvernement ne devrait-il pas résider dans l’idée que la communication et la circulation de l’information sont parfaitement contemporaines du marché libre ? Or, ce qui apparaît dès lors qu’on analyse la normativité propre au rapport et l’usage qui en est fait dans le champ de la RSE, c’est que la communication est précisément ce qui doit être exigé, ce qui est contraint, ce qui réclame d’être gouverné, même de manière minimale, dès lors qu’on veut échapper à la contrainte.

Notes

1 Il s’agit donc de relayer l’idée de Butler selon laquelle « Détacher l’acte de discours du sujet souverain constitue la base d’une conception alternative de la puissance d’agir et, ultimement, de la responsabilité, conception qui reconnaît pleinement la manière dont le sujet est constitué dans le langage, et la façon dont ce qu’il crée est aussi dérivé d’un autre lieu » (Le pouvoir des mots. Politique du performatif, Trad. Ch. Nordmann, Ed. Amsterdam, Paris, 2004, p.41).
2 Cf. http ://www.unglobalcompact.org/Languages/french/cop_guidelines_french.pdf.
3 Voir à ce sujet T. Berns et G. Jeanmart, «La responsabilité qui s’impose. Le cas de la responsabilité sociale des entreprises », Traduire nos responsabilités planétaires. Recomposer nos paysages juridiques, (sous la direction de C. Eberhard), Editions Bruylant, 2008, p. 409-427.
4 Voir T. Berns et L. Blésin, « Le devenir contractuel du Global Compact », in : Repenser le contrat, G. Lewkowicz et M. Xifaras (éd.), Dalloz, Paris, 2009, en particulier p. 250 à 253.
5 Cf. « Guide pratique de la communication sur le progrès », http://www.un.org/french/globalcompact/guide.htm
6 M. H. Robins Promising, Intending, and Moral Autonomy, Cambridge University Press, 1984.
7 Searle, Les actes de langage, Paris, Hermann, 1969, p. 99.
8 Parfois conflictuel, si par exemple un rapport est contredit par un autre, et que cette contradiction donne lieu à une action judiciaire, par exemple pour publicité mensongère ou pour diffusion d’informations trompeuses.
9 Cf. Austin, Quand dire, c'est faire, Paris, Éd. du Seuil, p. 45.
10 On peut sur ce point rapprocher Austin et Foucault au nom de leur méfiance vis-à-vis d’une conception « mentaliste », « psychologique » de l'action, au profit de la considération des types de régimes discursifs qui s'apparentent à des actions (au sens où le langage préexiste à l'homme, qui en est toujours d'une certaine façon, le produit ; il est modifié, voire même produit comme sujet, par le langage à travers lequel il doit passer pour dire ce qu'il pense, ce qu'il veut et ce qui est, pour dire simplement « je »). Cf. J. Butler : « Celui ou celle qui agit (qu’on ne saurait identifier au sujet souverain) agit précisément dans la mesure où il ou elle est institué-e comme acteur ou actrice, opérant dès le départ à l’intérieur d’un champ linguistique de contrainte habilitantes » (Le pouvoir des mots, op.cit., p. 42).
11 B. Ambroise, Qu’est-ce qu’un acte de parole, Paris, Vrin, « Chemins philosophiques », 2008, p. 28.
12 Tel qu’analysé par J. Butler dans Le pouvoir des mots. Politique du performatif, op. cit. Voir le chap. 2 « Performatifs souverains » qui conteste une certaine conception du discours performatif, « celle d’un pouvoir souverain régissant la manière dont l’acte de discours est dit agir : cet acte est ainsi défini comme efficace, unilatéral, transitif et génératif. Enfin, j’analyserai la figure de la souveraineté telle qu’elle émerge au sein du discours contemporain sur le performatif à la lumière de la thèse foucaldienne selon laquelle le pouvoir contemporain n’est plus un pouvoir souverain. La figure du performatif souverain compense-t-elle un sentiment de perte du pouvoir, et, si c’est le cas, comment cette perte pourrait-elle au contraire devenir la condition de l’élaboration d’un sens nouveau du performatif ? » (p. 122-123). Merci à Denis Pieret qui a attiré notre attention sur ces passages.
13 Il nous faut ici éviter la référence, que le terme « échec » semble impliquer, à une finalité qui serait la visée intentionnée de celui qui parle : un échec ne pourrait alors affecter qu'une action accomplie en vue d'une fin. Ce serait quand le terme visé n'est pas atteint qu’on pourrait dire qu’une action échoue. Or, de nouveau, il n’est pas question pour nous de considérer ce que peut bien viser l’entreprise quand elle parle.
14 Réflexion à mener tout particulièrement à partir du livre de J. Dewey, Le Public et ses problèmes, trad. et intro J. Zask, Tours/Pau/Paris, Farrago/Publications de l’Université de Pau/Editions Léo Scheer, 2003.
15 Voir par exemple J.-Ph. Robé, « L’entreprise en droit », in Droit & Société, 1995, n°29, qui rend manifeste l’hésitation juridique quant à la définition de l’entreprise, celle-ci oscillant entre un « nœud de contrats », ou un ordre juridique spécifique. Texte disponible sur : http://www.reds.msh-paris.fr/publications/revue/html/ds029/ds029-09.htm
16 Comme en témoigne exemplairement le fameux article de Ronald Coase, « The nature of the firm », Economica, n°4 (1937), p. 386-405. Consultable en ligne sur : http://www.scribd.com/doc/2530438/COASEThe-Nature-of-the-Firm?autodown=pdf.
17 Un sujet est produit à travers ses propres discours par les jeux de pouvoir qui sont rendus possibles par la considération de la dimension purement descriptive (dit-il vrai ou ment-il ? – optique du droit sur cette communication qu’il juge mensongère) ou au contraire prescriptive de ce qu’il dit (que fait-il quand il parle ?) et par la définition de cette dimension prescriptive comme promissive ou directive par le récepteur de ce discours (il me promet ou tente de me vendre quelque chose).
18 F. Gros, Etats de violence. Essai sur le fin de la guerre, Paris, Gallimard, « NRF », 2006, p. 25.
19 Ibid, p. 26.
20 Nietzsche, Généalogie de la morale, « deuxième traité », Paris, Patrice Laffont, « Bouquin », p. 69-70.
21 Cf. sur ce sujet « La vie des hommes infâmes », in Dits et Ecrits, T. III, Paris, Gallimard, « NRF », 1994, p. 237-252 où Foucault évoque un tournant dans la littérature qui a eu lieu au XVIIe s., avec la naissance de l’archive où ce ne sont plus les héros uniquement qui sont mis en discours, mais où au contraire le rapport de police et l’archive recueillent le murmure douteux qui s’élève autour de tous, et particulièrement des « hommes infâmes », des petites gens, les derniers degrés du réel, les plus ténus.
22 M. Foucault, Histoire de la sexualité, t. II, L’usage des plaisirs, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des histoires », 1984, p. 35-36.
23 Sur la confession comme mode de subjectivation et d’obéissance, cf. G. Jeanmart, « Philosophie et spiritualité aujourd'hui », Cycle de conférence Philocité 07, p. 6-7. Cf. http://www.philosophie.ulg.ac.be /documents/PhiloCite2007/PhiloCite_Jeanmart.pdf
24 G. Deleuze, « Postscriptum sur les sociétés de contrôle », Pourparlers, Paris, Minuit, 1990, p. 245.
25 Voir sur ce point T. Berns, Gouverner sans gouverner. Une archéologie politique de la statistique, PUF, 2009.
26 Ce terme est par ailleurs assumé dans le texte du GC : « L’un des atouts du Pacte mondial est sa nature volontaire et le fait qu’il s’attache au principe l’amélioration continue ». Cf. « Guide pratique de la communication sur le progrès », http://www.un.org/french/globalcompact/guide .htm

Pour citer cet article

Thomas Berns & Gaëlle Jeanmart, «Le rapport comme réponse de l’entreprise responsable : promesse ou aveu (à partir d’Austin et Foucault)», Dissensus [En ligne], Dossier : Droit et philosophie du langage ordinaire, N° 3 (février 2010), URL : https://popups.uliege.be/2031-4981/index.php?id=701.