Cahiers de Science politique Cahiers de Science politique -  Cahier n°13 

Marchés publics et paradigme concurrentiel : état du droit

Ann Lawrence Durviaux
Chargé de cours à l’Université de Liège, avocat
Françoise Navez
Chercheur à l’Université de Liège

Introduction1

1Nul ne peut sérieusement contester que la « consommation responsable » puisse relever du développement durable. Or, les pouvoirs publics sont des consommateurs importants (15 % du PIB de l’Union européenne), de plus en plus désireux de traduire cet objectif de développement durable dans leurs actes d’achat. Peuvent-ils dès lors, à l’instar d’un consommateur privé, soutenir des entreprises qui ont des préoccupations sociales reconnues (entreprises d’insertion, entreprises de travail adapté, entreprises labellisées SA 8000) ou des produits reconnus comme étant éthiques (label Max Havelaar, label social belge) ?

2Les pouvoirs adjudicateurs désirant avoir une consommation responsable, favorable au développement durable, hésitent souvent à insérer des considérations « autres que strictement économiques »2 dans leur procédure d’achats et donc à valoriser les spécificités des entreprises d’économie sociale ou socialement reponsables. Mais d’où vient cette hésitation ? L’argument généralement avancé est le fait que l’insertion de considérations autres que strictement économiques va à l’encontre de la logique de marché imposée par la législation nationale, le droit communautaire ou encore l’Accord sur les Marchés Publics. L’exercice leur apparaît dès lors difficile et périlleux.

3Qu’en est-il en réalité de l’état du droit aujourd’hui ? À notre sens, ni le droit européen, ni le droit belge ne font obstacle à la prise en compte de considérations autres que strictement économiques dans le cadre des marchés publics, le nouveau paradigme européen du « développement durable » permettant d’intégrer, à une « logique de marché pure » (d’ailleurs restée imprécise dans la discipline juridique, en particulier dans le thème des marchés publics)3, des nuances introduites de longue date dans la discipline économique.

4L’introduction de considérations autres qu’économiques dans le cadre d’un marché public peut se concevoir à différents niveaux : lors de la définition de l’objet du marché et des spécifications techniques, lors de la sélection de l’entreprise (clause d’exclusion ou critère de sélection), lors du choix de l’offre la plus intéressante (critère d’attribution) ou lors de l’exécution du marché (condition d’exécution). Ces différentes notions sont définies par les législateurs belges et européens.

5Il est dès lors délicat d’envisager in abstracto la légalité d’une clause sociale ou éthique prévue dans un cahier des charges, car cette légalité sera fonction des modalités particulières prévues.

6Une problématique transcende cependant les différents cas de figure : la place des aspects éthiques, entendus au sens large4, dans le processus de marchés publics. En effet, suivant que l’on admet la prise en compte des aspects éthiques de façon subordonnée ou non à la prise en compte d’aspects purement financiers, les possibilités de valoriser les caractéristiques éthiques d’une production sont plus ou moins étendues et efficaces. La première partie de notre contribution analyse l’état des réformes normatives conduites aux échelons européen et belge. Quant à la deuxième partie, elle est consacrée à l’étude des différentes conceptions de la « rationalité économique » dans un processus d’achat (institutions européennes et belges). Une telle étude implique de définir la place de l’éthique, entendue au sens large, et donc de la prise en compte du développement durable, dans les marchés publics.

I.- Les réformes récentes du droit des marchés publics

A.- Généralités

7Un marché public est un contrat soumis à des règles particulières parce que la partie qui désire acquérir un bien, un service ou une fourniture est un pouvoir public qui use de deniers publics et se doit dès lors d’agir dans l’intérêt général. Un marché public est plus qu’un simple acte d’achat d’un consommateur particulier, et cela depuis de nombreuses années, compte tenu de la technique d’interprétation fonctionnelle de l’expression « marché public » par la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE)5.

8Au sein de l’Union européenne, la matière est régie par différents corps de règles. Sous certains seuils6, le droit applicable est le droit national, qui ne doit pas nécessairement respecter les directives européennes, mais bien les principes généraux des Traités, tels les principes de non discrimination, de liberté de circulation, etc.7 En Belgique, il s’agit toujours8 de la loi du 24 décembre 1993 telle que modifiée par le chapitre X de la loi programme du 8 avril 2003 (soulignons que cette loi a été modifiée9).

9Au-dessus de ces seuils, il y aura lieu d’appliquer les directives européennes pour les marchés intra-communautaires ou l’Accord sur les Marchés Publics (AMP), conclu dans le cadre de l’OMC, pour les autres marchés, quand l’entreprise ressort d’un état signataire10.

10Au-delà de certaines différences techniques, toutes ces dispositions ont les mêmes orientations générales : l’ouverture des marchés publics à la concurrence ; l’égalité de traitement dans l’accès aux marchés publics, dont le principe de non discrimination est une application ; la transparence, qui induit la publicité préalable, l’existence de critères de choix posés a priori devant permettre de faire le « meilleur choix économique »…

11Pour l’interprétation de ces notions, les gouvernements nationaux se réfèrent aux lignes directrices de la Commission européenne ou à ses avis et, en Belgique, on s’y réfère habituellement même sous les seuils d’application des directives11. En principe, la Commission européenne n’a qu’un pouvoir de surveillance. C’est la DG Marché intérieur qui contrôle la bonne application des dispositions dans les États membres et qui est chargée de l’évaluation permanente de leur fonctionnement et de leur impact économique, ainsi que de leur adaptation aux évolutions économiques et technologiques. Théoriquement, l’interprétation faite par la Commission n’a pas de force contraignante mais, en pratique, elle est importante. Soulignons que la CJCE est également appelée à interpréter la législation européenne en la matière dès lors qu’elle est saisie d’une affaire. En principe, son interprétation prime sur celle de la Commission.

12Outre le droit dérivé des marchés publics, la CJCE a appliqué d’autres dispositions générales du Traité sur l’Union européenne à des contrats qui soit ne constituaient pas des marchés publics, soit étaient des marchés publics mais non couverts par les directives marchés publics (dont l’application, comme nous l’avons déjà mentionné, n’est prévue qu’au-delà de certains seuils).

13Ainsi, les règles relatives à l’interdiction de toute discrimination en raison de la nationalité12, à la libre circulation des marchandises13, à la liberté d’établissement14, à la libre prestation de services15, les exceptions relatives à ces règles16, la libre circulation des travailleurs17, ainsi que le principe de l’interdiction des aides d’État sont susceptibles de s’appliquer aux marchés publics, soit en tant que complément des règles prévues par les directives réglant spécifiquement la passation des marchés publics, soit en tant que droit substantiel applicable pour les marchés non visés par les directives ou, éventuellement, d’autres formes de situation non couvertes, comme des montages contractuels complexes18.

14La CJCE a, en outre, dégagé des principes généraux qu’elle entend appliquer aux procédures de passation de marchés publics, que ces derniers soient visés par les directives « marchés publics » ou qu’ils sortent du champ d’application de ces directives. Il s’agit des principes d’égalité de traitement (dont l’interdiction de discrimination en raison de la nationalité est tirée), de transparence de la procédure de comparaison des offres et de proportionnalité (qui implique une proportionnalité entre la mesure choisie et l’effet recherché)19.

15L’exemple de la loi italienne sur les coopératives sociales illustre bien cette application. Dans une première mouture, datant de 1991, cette loi prévoyait une réservation de marchés publics en faveur des coopératives sociales. Cette disposition a été critiquée par la Commission comme ne respectant pas le principe d’égalité de traitement ; la loi a alors été révisée, en 1995, afin de prévoir cette réservation sous les seuils européens d’application des directives et, pour respecter le principe général d’égalité de traitement, la réservation a été ouverte aux entreprises de l’UE équivalentes aux coopératives sociales italiennes.

B.- Les « dernières » directives « marchés publics »

16Le droit de la passation des marchés publics a été codifié, au niveau européen, dans deux nouvelles directives : la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services20 et la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux21.

17Ces deux directives sont entrées en vigueur au 30 avril 2004 et devaient être transposées en droit national pour le 1er janvier 2006. Elles avaient pour objet initial de simplifier le cadre juridique dans les secteurs classiques et spéciaux ainsi que de coordonner les trois directives pour les marchés des secteurs traditionnels. Le souci invoqué d’améliorer la lisibilité de la réglementation a toutefois également donné l’occasion de proposer l’introduction de règles nouvelles et a suscité un débat sur la question de la prise en compte de l’objectif de développement durable dans le processus de marchés publics.

18La directive laisse aux États membres une certaine liberté puisqu’elle n’établit pas une réglementation communautaire uniforme et exhaustive22. En effet, les directives européennes doivent être transposées en droit national, et la transposition n’implique pas nécessairement une reprise textuelle des dispositions de la directive. Soulignons néanmoins le caractère précis de nombreuses dispositions en la matière. Par ailleurs se pose également la question du caractère éventuellement directement applicable des directives. Si une directive est directement applicable, les particuliers peuvent invoquer cette application directe devant des juridictions nationales à l’encontre de l’État, soit lorsqu’il s’est abstenu de les transposer, soit lorsqu’il en a fait une transposition incorrecte23. Dans la matière des marchés publics, le caractère directement applicable des directives a été reconnu implicitement dans différents arrêts de la Cour24. Néanmoins, les directives ne sont directement applicables qu’à partir de certains montants de marché.

19Les axes de la dernière réforme du droit dérivé des marchés publics étaient prometteurs : simplification, modernisation et adaptation étaient à l’ordre du jour. La simplification et la clarification des textes sont lisibles dans la simplification des seuils, la référence obligatoire à un vocabulaire commun pour les marchés publics25 et la diminution du nombre des directives26. La modernisation et l’assouplissement sont perceptibles dans les nouvelles27 procédures et pratiques : dialogue compétitif, accords-cadres, centrales d’achats, nouvelles technologies28. D’autres sujets sont abordés de manière plus confuse29 : environnement, social, politique industrielle (notamment la question du soutien aux PME), développement durable – le point II de notre contribution y sera consacré de manière plus spécifique.

20La structure des deux directives révèle une approche plus rationnelle du processus d’achat. La directive générale comporte cinq titres : 1) principes généraux et définition ; 2) règles applicables aux marchés ; 3) règles applicables aux concessions ; 4) règles applicables aux concours dans le domaine des services ; 5) obligations statistiques et des règles de compétences d’exécution et dispositions finales. Ses annexes, au nombre de vingt-et-une, précisent, notamment, le champ d’application personnel, les listes d’activités visées (maintien de l’approche différenciée pour les services), le contenu des différents avis de publicité et certaines modalités des nouvelles procédures de passation électronique. La directive sectorielle comporte quatre titres : 1) dispositions générales applicables aux marchés et aux concours ; 2) règles applicables aux marchés ; 3) règles applicables aux concours dans le domaine de services ; 4) obligations statistiques, compétences d’exécution et dispositions finales. Quant aux annexes, au nombre de vingt-huit, elles sont fondamentales pour comprendre le système d’application de la directive sectorielle. Elles contiennent une source précieuse d’informations sur l’état des libéralisations et la manière dont le mécanisme d’exemption peut être concrètement mis en œuvre30.

21Certaines précisions sont bienvenues : c’est le cas de celles relatives aux spécifications techniques, aux seuils, à la méthode de calcul de la valeur du marché et aux mesures de publicité, que nous détaillons ci-après.

22La question des spécifications techniques est intimement liée à l’ouverture à la concurrence. D’une part, le degré de précision avec lequel ces spécifications techniques sont rédigées réduit d’autant les produits ou prestations qui peuvent potentiellement y satisfaire, et par conséquent le nombre d’entreprises qui peuvent utilement remettre une offre. D’autre part, la référence à des normes, agréments ou autres systèmes normalisés constitue potentiellement une manière de réintroduire des obstacles à la participation à des procédures d’attribution de marchés publics. Les directives de 2004 ont intégré cette dimension du problème31. Premièrement, elles indiquent que la présentation d’offres reflétant la diversité des solutions techniques doit être possible. Deuxièmement, elles autorisent la rédaction des spécifications techniques sous forme de performances ou d’exigences à atteindre. Troisièmement, elles minimisent ce que le Professeur Flamme a appelé la dictature des normes32, la référence à une norme européenne ou nationale ne pouvant empêcher les soumissionnaires de proposer des solutions équivalentes33. Si la charge de la preuve de l’équivalence incombe au soumissionnaire qui s’écarte de la norme imposée par les documents du marché, le pouvoir adjudicateur conserve la lourde tâche de motiver la non équivalence. Sur les aspects environnementaux, les spécifications techniques peuvent être relatives aux méthodes de production déterminées ou aux effets environnementaux spécifiques de groupes de produits ou de services. Les pouvoirs adjudicateurs ont la faculté d’utiliser les éco-labels (européens, plurinationaux ou nationaux) et autres labels écologiques, pour autant que ceux-ci utilisent des exigences adoptées sur base d’une information scientifique au moyen d’un processus de large concertation des milieux concernés et qu’ils soient accessibles et disponibles.

23La simplification des seuils est bienvenue : ils seront désormais libellés uniquement en euros (abandon de la référence aux DST liée à l’Accord sur les Marchés Publics) et limités. La distinction entre les autorités gouvernementales centrales (AGC) de l’annexe IV et les autres pouvoirs adjudicateurs (PA) complique cependant un peu la donne. Pour la directive générale34, un seul seuil est prévu pour les travaux : 6.242.000 € (AGC, PA et marchés privés subventionnés) ; le seuil de 249.000 € vaut pour les fournitures et services des PA, les fournitures défense (annexe V) des PA, les fournitures défense hors annexe V des AGC et PA, les services de la catégorie 8 de l’annexe II.A et certains services de télécommunications de la catégorie 5 et/ou figurant dans l’annexe II.B des AGC et des PA ; un seuil de 162.000 € vaut pour les fournitures et services des AGC, les fournitures défense (annexe V) des AGC et les marchés de services accessoires des marchés de travaux subventionnés. Pour la directive sectorielle35, deux seuils sont prévus : 6.242.000 € pour les travaux et 499.000 € pour les fournitures et services.

24L’ensemble de ces montants a été modifié par un règlement36. Dans la directive 2004/18/CE, le montant de 162.000 € devient 154.000 €, celui de 249.000 € devient 236.000 € et celui de 6.242.000 € devient 5.923.000 €. Dans la directive sectorielle 2004/17/CE, le montant de 499.000 € a été remplacé par celui de 473.000 € et le montant de 6.242.000 € par celui de 5.923.000 €.

25Les méthodes de calcul des marchés sont précisées. Elles doivent tenir compte de toute forme de contrepartie (options, reconductions, primes, paiements)37. Lorsque le marché est divisé en lots, la possibilité de ne pas inclure, dans la valorisation, les lots relatifs à des travaux inférieurs à 1.000.000 € ou relatifs à des services inférieurs à 80.000 € a été étendue aux lots relatifs aux fournitures inférieurs à 80.000 €38.

26La finalité des mesures de publicité, et surtout des informations qui en font l’objet, est d’assurer la transparence du processus de passation39. La Cour de justice a été particulièrement vigilante en cette matière en sanctionnant plusieurs États membres 40,41,42. La Cour de justice avait déjà eu l’occasion de préciser que la publication de l’avis indicatif était obligatoire pour les marchés de fournitures43. Dans l’affaire des travaux de réhabilitation et d’entretien des bâtiments scolaires de la Région Nord-Pas-de-Calais44, la Cour avait estimé, dans le cadre des marchés de travaux, après une analyse systémique de la directive45, que la publication d’un avis de préinformation46 n’est obligatoire que lorsque les pouvoirs adjudicateurs font usage de la faculté qui leur est offerte de réduire les délais de réception des offres47, renforçant son analyse du texte de la directive par le recours aux travaux préparatoires48. Elle a estimé que la procédure de préinformation constitue une mesure de publicité qui vise à promouvoir le développement, sur le plan communautaire, d’une concurrence effective49, « en s’assurant que les soumissionnaires potentiels provenant des autres États membres soient en mesure de répondre aux différentes offres dans des conditions comparables à celles des soumissionnaires nationaux ». Elle déduit de la finalité des règles de publicité – à savoir l’information en temps utile de tous les soumissionnaires potentiels au niveau communautaire sur les points essentiels d’un marché afin de leur permettre de présenter une offre dans les délais – que le caractère obligatoire de l’avis de préinformation doit être déterminé en fonction des règles relatives aux délais de réception des offres présentées par les soumissionnaires. La Cour avait justifié la différence de solution retenue pour la directive travaux par rapport à celle retenue pour la directive fournitures par le fait que l’avis indicatif prévu à l’article 9 de la directive 77/62/CEE, du 21 décembre 1976, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures, n’ouvre, contrairement à l’avis indicatif prévu à l’article 11 de la directive 93/37/CEE, aucune possibilité de réduction des délais de réception des offres, de sorte que le problème d’interprétation ne se posait pas dans les mêmes termes. La directive générale n’opère plus de distinction entre les marchés de fournitures et de travaux, la possibilité de réduction du délai de réception des offres étant généralement ouverte en cas de publication d’un avis de préinformation50.

27La réforme touche à des questions de principe : application du droit communautaire général, concurrence, considérations environnementales, sociales, éthiques (paradigme du développement durable).

28Les préambules des deux directives rappellent que la passation des marchés publics dans les États membres doit respecter les principes du Traité CE. Les principes de libre circulation des marchandises, de liberté d’établissement et de libre prestation de services51, ainsi que les principes qui en découlent, comme l’égalité de traitement, la non-discrimination, la reconnaissance mutuelle, la proportionnalité et la transparence, sont mentionnés expressément52. Ces dispositions particulières et les autres règles du Traité CE doivent influencer l’interprétation des dispositions spécifiques de coordination prévues par les directives53. Leur insertion dans les considérants des deux directives indique clairement que ces dispositions ne pourront plus servir à imposer des obligations autres que celles reprises dans le corps de celles-ci. Le système gagne en sécurité juridique.

29Il est, par ailleurs, regrettable que le droit dérivé des marchés publics soit une occasion de réaffirmer l’empire du droit communautaire général (principes généraux et libertés de circulation) sur des marchés non visés par celui-ci54. L’insertion dans la directive 2004/18/CE d’un article 37 relatif à la publication non obligatoire ne doit pas être minimisée. Cette disposition, qui autorise les pouvoirs adjudicateurs à publier des marchés publics non visés par une publication obligatoire prévue par la directive (sic), peut sembler anodine, sauf à considérer la pression indirecte ainsi faite sur les pouvoirs adjudicateurs (et entités assimilées). En effet, si ce moyen de publicité existe et est utilisable, il devient délicat de ne pas l’utiliser.

30En ce qui concerne les véritables nouveautés, elles sont ailleurs : premièrement, dans la question de la concurrence, notamment entre des entreprises privées et publiques pour l’exécution d’un marché public, et, deuxièmement, dans l’intégration des exigences liées au respect de l’environnement et, de manière plus ambiguë, de certaines exigences sociales55.

31La concurrence est invoquée de plusieurs manières dans le droit dérivé des marchés publics. Une certaine idée de la concurrence gravite autour des procédures de passation des marchés publics. La manière dont les pouvoirs adjudicateurs conçoivent et appliquent les procédures de passation doit intégrer l’exigence d’une certaine concurrence : il s’agit de faire concourir plusieurs opérateurs économiques dans le cadre de la passation des marchés publics56. Dans la discipline économique, la théorie des enchères donne de précieuses indications sur la manière d’organiser cette mise en concurrence le plus efficacement possible, à savoir traiter de manière différenciée les opérateurs économiques présentant des caractéristiques différentes57. Néanmoins, une injonction fondamentale leur est adressée : ils « devraient veiller à ce que la participation d’un organisme de droit public à une procédure de passation de marché public ne cause pas de distorsion de concurrence vis-à-vis de soumissionnaires privés »58. La traduction de l’injonction dans les dispositions des directives est sibylline : « Les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques59 sur un pied d’égalité, de manière non discriminatoire et agissent avec transparence »60. La précision s’inscrit très certainement dans le prolongement de l’arrêt Teckal61. Ouvre-t-elle la boîte de Pandore pour autant ? Pour les partisans de pareille solution, à savoir traiter de manière non différenciée des opérateurs économiques différents, la précision est très certainement insuffisante, tandis que les opposants auront tout le loisir de regretter son insertion. Selon nous, les solutions passent par une intégration, dans les techniques de passation, de règles qui visent à compenser les avantages divers octroyés à certaines structures. En d’autres termes, elles impliquent l’intégration, dans les techniques de passation, d’un nouveau degré de complexité (notamment lié à la notion d’inégalité compensatrice), faute de quoi l’égalité ne sera que formelle, au point d’en devenir destructrice. Le laconisme des directives est cependant regrettable, même s’il est évident qu’il ne pouvait exister sur le sujet de consensus politique62.

32Une autre idée de la concurrence gravite autour de la structure de certains marchés. La situation de concurrence effective sur certains marchés est ainsi prise en considération pour les marchés publics des secteurs spéciaux63. Cet aspect de la concurrence est examiné dans le chapitre 6 de la première partie consacré aux secteurs spéciaux. Il tient notamment au caractère fermé des marchés sur lesquels les entités opèrent dans les secteurs spéciaux – caractère fermé qui résulte des droits exclusifs ou spéciaux64. L’octroi par les États membres de droits spéciaux et exclusifs à certains opérateurs économiques pour l’approvisionnement, la mise à disposition ou l’exploitation de réseaux destinés à fournir un service est explicitement mentionné dans la directive 2004/18/CE65. Certes, cette question est abordée avec beaucoup de souplesse. D’une part, l’ouverture66 des secteurs à la concurrence permet la mise en œuvre du mécanisme d’exemption67 par l’État membre, les entités adjudicatrices et les pouvoirs adjudicateurs. D’autre part, la notion de droits exclusifs ou spéciaux a été précisée : lorsqu’ils sont accordés « à un nombre limité d’entreprises sur la base de critères objectifs, proportionnels et non discriminatoires ouvrant à tout intéressé les remplissant la possibilité d’en bénéficier »68, ils ne sont plus considérés comme des droits exclusifs ou spéciaux69. Pour la première fois, le principe de neutralité est mis en relation de manière explicite avec le droit communautaire des marchés publics70.

33Par ailleurs, l’environnement et le développement durable ont finalement reçu droit de cité dans le droit communautaire des marchés publics71. Le développement durable permet de justifier des mesures spécifiques qui ne sont pas exclusivement prévues par les directives relatives aux marchés publics72. Des considérations liées à l’environnement peuvent donc désormais être intégrées tant au stade de la sélection des entreprises qu’à celui de l’attribution du marché73.

34La prise en considération des exigences liées à la protection de l’environnement, dans la perspective de la promotion d’un développement durable, est cependant limitée dans la politique communautaire des marchés publics74. Les directives entendent préciser la manière dont les pouvoirs adjudicateurs peuvent contribuer à la protection de l’environnement et à la promotion du développement durable « tout en leur garantissant la possibilité d’obtenir pour leurs marchés le meilleur rapport qualité/prix »75.

35Le droit communautaire est plus ambigu sur la question de la prise en compte de considérations sociales dans le cadre de la passation de marchés publics. Cette ambiguïté résulte de l’absence de consensus politique et de la difficulté technique d’insérer simplement des considérations sociales. Les directives expriment parfaitement ces difficultés. Elles affirment être fondées sur la jurisprudence de la Cour de justice, en particulier la jurisprudence relative aux critères d’attribution, qui précise les possibilités, pour les pouvoirs adjudicateurs, de réponse aux besoins de la collectivité publique concernée, y compris dans les domaines environnemental et/ou social, pour autant que ces critères soient liés à l’objet du marché, ne confèrent pas une liberté de choix illimitée au pouvoir adjudicateur, soient expressément mentionnés et respectent les principes fondamentaux visés au considérant 276. Par contre, les propos du 46e considérant de la directive 2004/18/CE sont plus énigmatiques : « un pouvoir adjudicateur peut utiliser des critères [d’attribution]77 visant la satisfaction d’exigences sociales répondant notamment aux besoins – définis dans les spécifications du marchés – propres à des catégories de population particulièrement défavorisées auxquelles appartiennent les bénéficiaires/utilisateurs des travaux, fournitures, services faisant l’objet du marché »78. En outre, le principe a été curieusement traduit dans le texte même des directives. Les dispositions relatives aux critères d’attribution ne contiennent pas de précision relative aux considérations ou critères sociaux79. Par contre, l’article 26 de la directive 2004/18/CE prévoit que les conditions d’exécution du marché peuvent viser « des considérations sociales et environnementales »80. Par ailleurs, la technique de la réservation de la participation ou de l’exécution de certains marchés publics à des entreprises présentant un certain profil sous l’angle social est insérée dans les directives 2004/18/CE81 et 2004/17/CE82.

36Enfin, les directives ne prennent pas position sur des questions liées à cette possibilité de prendre en compte des caractéristiques sociales ou environnementales. En effet, les liens entre les marchés publics et les aides d’État ne sont pas clarifiés. Les P.M.E. n’ont retenu que très marginalement l’attention du législateur européen : des dispositions spécifiques sont prévues dans les dispositions en matière de sous-traitance83. La mesure adoptée est pour le moins minimaliste : dans le cahier spécial des charges, l’entité adjudicatrice peut demander ou être obligée de demander au soumissionnaire d’indiquer, dans son offre, la part du marché qu’il a l’intention de sous-traiter à des tiers ainsi que les sous-traitants proposés, cette communication ne préjugeant en rien de la responsabilité de l’opérateur économique principal84. Cette nouveauté ne lasse pas de surprendre par son laconisme, qui révèle une absence de volonté politique85 ou d’imagination86. Les pouvoirs adjudicateurs demandent cette information pour des raisons diverses depuis longtemps87. Elle n’est pas susceptible de constituer une mesure de soutien aux P.M.E. Il aurait, bien évidemment, fallu préciser de quelle manière le pouvoir adjudicateur pouvait se servir de ces informations en matière d’attribution.

37Reste à préciser l’ampleur de la réforme sur le concept même de marché public et sur les techniques de passation proprement dites.

38L’expression « marché public » utilisée dans le droit dérivé des marchés publics est d’une redoutable complexité, une fois revisitée par l’interprétation fonctionnelle de la Cour de justice88. Le critère organique est complexe puisque l’acheteur et le prestataire peuvent être soit des pouvoirs publics (au sens le plus commun du terme), soit des entités privées89. Le concept est d’autant plus surprenant que la Cour de Justice a estimé devoir appliquer le droit dérivé des marchés publics à des opérations complexes impliquant soit l’adoption d’actes unilatéraux et d’actes contractuels, soit des concepts juridiques éloignés de la notion de marché public reçue dans les droits nationaux90. Les « nouvelles » formes de contrat, par exemple l’accord-cadre, sont introduites pour les secteurs classiques, consacrant des pratiques séculaires dans la plupart des États membres.

39Sur les techniques de passation, la dernière réforme est relativement décevante : certes, les nouvelles technologies sont largement consacrées : dématérialisation des procédures, enchères inversées, procédure d’acquisition dynamique91. Mais la nouveauté tant attendue par les praticiens, à savoir la procédure dite « de dialogue compétitif », suscite plus de questions qu’elle n’en résout. La méfiance ancestrale et irrationnelle vis-à-vis de la procédure négociée a réduit la souplesse d’un dialogue souvent indispensable. Les ambiguïtés des techniques de passation dans leurs différentes formules n’ont pas été clarifiées92.

40Ce sont donc des textes à maints égards problématiques que le législateur belge est amené à transposer.

C.- Le droit belge

41En Belgique, la matière est toujours régie par la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et ses arrêtés d’application. Cette loi a subi, depuis son entrée en vigueur, de multiples modifications ; sur le thème du développement durable, elle a, notamment, été modifiée par le chapitre XI de la loi programme du 08 avril 200393. Cette loi est particulièrement progressiste en matière de développement durable. Elle précise diverses possibilités de prises en compte de caractéristiques éthiques, entendues au sens large, de produits ou d’entreprises, aux différents stades de la procédure.

42Cette loi vient d’être révisée, mais il semble que le texte, quoique moins explicite, reste dans la ligne progressiste de la loi précédente en matière de développement durable.

43À ce stade, le texte s’inscrit dans la plus stricte orthodoxie en matière de transposition94. La structure du texte est uniquement quelque peu simplifiée. Il serait dès lors superflu de reprendre les points déjà mentionnés supra, dont beaucoup ne pourront être concrétisés que dans les arrêtés d’exécution de la future loi. Cependant, certaines options du législateur peuvent utilement être soulignées.

44En ce qui concerne la définition du critère organique, la personne qui passe le marché et la personne qui exécute le marché respectent scrupuleusement le droit dérivé. De manière étonnante, l’application de la réglementation des marchés publics aux établissements privés d’enseignement et aux établissements privés hospitaliers, largement subventionnés par les pouvoirs publics en Belgique, a fait l’objet de débats lors des travaux préparatoires suite au dépôt de deux amendements de Monsieur M. Wathelet.

45Or, la jurisprudence de la Cour de Justice, particulièrement dense au cours de ces dix dernières années, a considérablement étendu le champ d’application du droit dérivé. Ainsi, celui-ci s’applique notamment désormais lorsqu’une entité est créée pour répondre spécifiquement à des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel et commercial, et pour autant que cette entité soit liée aux pouvoirs publics (gestion, propriété ou financement majoritaire). Le résultat de cette jurisprudence, parfois critiquée, mais qui semble avoir été confirmée par les dernières directives, est d’inclure dans le champ d’application du droit dérivé toute structure qui dépend de manière structurelle des pouvoirs publics95. L’exposé des motifs était, sur ce point, d’une clarté sans pareille.

46Signalons au passage que le secteur postal a basculé dans les secteurs spéciaux.

47Suivant en cela certaines des recommandations d’un rapport d’étude96, la disposition de la directive97 permettant l’instauration d’une procédure spéciale en matière de logement social est introduite dans la nouvelle loi belge98. La balle est donc désormais plus clairement dans le camp des Régions pour donner l’impulsion indispensable en matière de logement social99.

48Dans le cadre des procédures de passation, outre l’évolution de terminologie (adjudication ouverte…), la pondération des critères en appel d’offres devient la règle. Cette technique n’est pas la panacée en termes de transparence et elle reste relativement complexe à appliquer. Nul doute dès lors qu’elle sera au cœur d’un contentieux important100. Par ailleurs, l’indemnisation forfaitaire de 10 % en cas d’attribution illégale dans le cadre de l’adjudication est majorée en cas de corruption de fonctionnaire.

49Malheureusement et en dépit de nombreux problèmes d’application, le législateur semble vouloir conserver sa terminologie en matière de procédure négociée ; cette terminologie établit une distinction entre procédure négociée avec publicité et procédure négociée sans publicité, mais « si possible après consultation de plusieurs » prestataires. À vrai dire, il est possible, dans tous les cas énoncés, d’isoler les hypothèses dans lesquelles cette consultation ne peut être organisée et il aurait donc été plus explicite de les reprendre sur un paragraphe spécifique, intitulé « procédure négociée sans mise en concurrence ».

50Le même choix a été opéré en ce qui concerne le texte relatif au conflit d’intérêt ; en dépit des avis divergents sur son interprétation101, le législateur a choisi de rester relativement flou dans la formulation de la nouvelle loi. Il aurait été utile que le législateur précise, sans ambiguïté, si le paragraphe premier doit être interprété comme posant un principe général, ou un simple chapitre d’ouverture qui n’a de sens que sans les précisions apportées dans ses paragraphes 2 et 3.

51Pour le reste, les évolutions réelles du droit belge transposant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE ne pourront être réellement mesurées sans analyser les arrêtés d’exécution qui en découleront.

II.- Marchés publics et développement durable

52Dans ce contexte normatif, quelles sont les possibilités d’intégrer des considérations « autres que strictement économiques » dans les marchés publics, en concrétisant ainsi des objectifs de développement durable dans le cadre d’un achat ? La réponse à cette question conditionne les possibilités de soutien des particularités des entreprises sociales et socialement responsables par les marchés publics.

53Les positions de la Commission et de la CJCE ont été formulées sur base des anciennes directives. Elles ont influencé le contenu des nouvelles dispositions et très certainement l’interprétation qui en sera faite.

54Les grands principes régissant la matière des marchés publics sont bien connus : la mise en concurrence des opérateurs économiques, la transparence des procédures et l’égalité de traitement dans l’accès aux marchés publics (dont le principe de non-discrimination est une application). Ces principes sont traduits dans les dispositions relatives à la sélection des entreprises et au choix des offres de telle sorte que les critères de sélection des entreprises du marché sont uniquement d’ordre économique, technique et/ou de capacité financière et que les critères d’attribution doivent permetre de choisir l’offre économiquement la plus avantageuse, les soumissionnaires ne pouvant être discriminés sur base d’autres critères.

55Il reste à déterminer la portée donnée à des concepts comme « la capacité économique, financière et technique des entreprises » et « l’offre économiquement la plus avantageuse ». La portée de ces expressions ne peut qu’être politique, au sens noble du terme, et non « scientifique », au sens d’une vérité qui s’imposerait aux décideurs politiques. Les « lois du marché » ne peuvent devenir les lois des hommes que par un processus délibératif démocratique.

A.- De la rationalité économique des uns et des autres

56Si la Commission peut attraire un État devant la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE), elle n’a qu’un pouvoir de surveillance de la bonne application des directives ; l’interprétation officielle des directives est donnée par la Cour (signalons que le droit applicable est soumis aux dispositions du Traité et que les directives peuvent être modifiées par le Conseil et le Parlement, dans le cadre de la procédure de co-décision)102. Or, la rationalité économique de la Commission européenne n’est pas celle de la Cour de justice, cette dernière ayant, à notre sens, une interprétation plus conforme aux dispositions du Traité et aux engagements de l’UE en matière de développement durable et de cohésion sociale. Précisons que la Commission emploie le terme « social » au sens large ; sous sa plume, il inclut également l’éthique, mais non les aspects environnementaux, qui font l’objet de prises de position particulières. Il n’existe pourtant, selon nous, aucune raison rationnelle de distinguer les considérations sociales, environnementales et éthiques dans la problématique étudiée.

57Pour la Commission, le pouvoir public fait le meilleur choix en tenant compte de ses coûts et de ses bénéfices individuels et à court terme. Outre le souci implicite et parfois formel de diminuer les dépenses publiques, cette logique se base sur l’hypothèse que la maximisation du profit individuel conduit à la maximisation de l’intérêt général. Une telle approche fait fi des théories qui développent les hypothèses d’insuffisance ou des défaillances des marchés103 ; en effet, de nombreux économistes reconnus par leurs pairs sont beaucoup plus nuancés sur ce sujet. Cependant, la Commission n’interdit pas toute considération éthique, sociale ou environnementale. Sa position semble avoir évolué avec les clarifications apportées par la Cour de justice. Cette évolution est particulièrement perceptible en matière environnementale, mais elle reste plus discrète sur les aspects sociaux et éthiques.

58Dans ses avis récents, dont celui relatif à la loi belge de 2003, la Commission soutient en effet que le critère d’attribution doit concerner la « nature »104 de la prestation faisant l’objet du marché et permettre d’évaluer les qualités intrinsèques d’un produit ou d’un service (la Commission abandonne donc l’argument de la nature non-économique105 des critères sociaux et environnementaux). Cette conception rejette, en filigrane, la prise en compte du processus de production, dès lors qu’il ne se retrouve pas physiquement dans le produit. C’est pourquoi la Commission admet désormais les critères environnementaux mais continue à rejeter les critères sociaux. Elle déclare en effet qu’il est difficile d’imaginer une caractéristique sociale qui se retrouve intrinsèquement dans la nature du produit106.

59Cette position est en fait très largement dépassée. En effet, depuis l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam (1999), l’Union européenne s’est donné comme objectif fondamental le développement durable. L’objectif de développement durable stipule que la croissance actuelle ne doit pas se faire au détriment de celle des générations futures. Cette formule constitue une nouvelle manière de juger de ce qui participe à la rationalité économique. En ce sens, il s’agit d’un nouveau paradigme. Elle ne peut qu’impliquer, dans le cadre des marchés publics, qu’une même attention doit être apportée aux aspects économiques (entendus au sens strict), environnementaux et sociaux, en ce compris dans leurs éventuelles dimensions éthiques.

60Cette nouvelle approche intègre dans le calcul des coûts ou des bénéfices des éléments qui sont parfois externalisés par les acteurs du marché (pollution, cohésion sociale, etc). Ceci permettrait dès lors de tenir compte de ces aspects à différents niveaux dans le processus de marché public (objet du marché, sélection de l’entreprise, attribution et exécution du marché) et ce, en fonction de l’objectif poursuivi et du contenu de la clause.

61Enfin, l’argument de la « subjectivité », et donc de risque de discrimination, en matière de critères sociaux, environnementaux et éthiques (argument avancé de manière récurrente par la Commission), ne résiste pas à l’analyse dès lors que, d’une part, la Commission admet par ailleurs le critère « d’ordre esthétique » et que, d’autre part, les limites posées garantissent que seront éligibles les critères formulés de façon transparente et non-discriminatoire. Les critères sociaux, environnementaux ou éthiques ne sont pas, par nature, plus subjectifs que d’autres.

62Cette approche nouvelle a été reçue par la Cour de Justice dans différents arrêts. En effet, dans une décision constituant, selon certains, un revirement, et selon d’autres, une prolongation de la position adoptée dans l’affaire Beentjes107, la Cour a admis la prise en considération de données sociales dans l’attribution des marchés publics108 à l’occasion de la passation de plusieurs marchés de travaux ayant pour objet la construction et la maintenance de bâtiments scolaires menées par la région Nord-Pas-de-Calais et le département du Nord.

63L’arrêt Concordia du 17 septembre 2002, relatif à l’attribution de l’exploitation d’une ligne d’autobus par la ville d’Helsinki, a permis à la Cour de trancher la question de savoir si un pouvoir adjudicateur pouvait attribuer le marché en tenant compte d’un critère d’attribution relatif à la protection de l’environnement (émission de CO2 et bruit).

64La Cour a en fait admis la prise en compte de critères environnementaux pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse pour le pouvoir adjudicateur, à condition que ces critères soient liés à l’objet du marché et ne confèrent pas au pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée de choix ; les critères doivent être expressément mentionnés dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché et respecter tous les principes fondamentaux du droit communautaire, notamment le principe de non-discrimination. Ici, l’exigence du lien avec l’objet du marché est posée par la Cour. Il s’agissait des émissions de CO2 des bus achetés, qui constituaient donc bien, en l’espèce, une caractéristique intrinsèque à la nature du produit, mais la Cour ne limite pas la notion de lien à cet aspect. Par contre, il est intéressant de relever que la notion « d’offre économiquement la plus avantageuse pour le pouvoir adjudicateur » ne se limite pas au pur intérêt personnel de ce dernier mais inclut également l’intérêt général.

65Enfin, l’arrêt EVN et Wienstrom du 4 décembre 2003109 en matière de fourniture d’électricité admet la prise en compte d’un processus de production écologique (énergie renouvelable) comme critère d’attribution, aux mêmes conditions. Cette décision confirme la possibilité de prendre en compte le processus de production, même s’il ne se retrouve pas physiquement dans le produit. La Cour considère donc bien que le processus de production est lié à l’objet produit. C’est une évidence que certains réfutent. En effet, d’un point de vue économique, la production est fonction des facteurs travail et capital (physique et naturel). Ici, le lien a été fait avec le facteur capital, ce qui sera le plus souvent le cas pour des considérations environnementales. Les considérations sociales pourraient, elles, être liées à la « durabilité » du facteur travail.

66En conclusion, la Cour de justice admet la prise en compte de critères autres que strictement économiques pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse, pour autant que ces critères soient liés à l’objet du marché et ne confèrent pas au pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée de choix. Les critères doivent être expressément mentionnés dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché et respecter tous les principes fondamentaux du droit communautaire, notamment le principe de non-discrimination. L’exigence de lien avec l’objet du marché reste imprécise. Nul doute que les controverses s’y logeront prochainement.

67Au fil des prises de position de la Commission (qui prône une approche très libérale, où seuls la nature intrinsèque du produit et l’intérêt personnel et égoïste du pouvoir adjudicateur devraient entrer en ligne de compte) et des décisions de la Cour de Justice (plus favorable à la prise en compte des processus de production et de l’intérêt général), le débat, qui portait initialement sur la « nature » des critères d’attribution, a été reporté sur l’interprétation du concept de « lien avec l’objet du marché ». Ce lien est fonction de la notion d’objet du marché. Dès lors, les notions d’objet du marché et de spécifications techniques qui le définissent vont donc certainement susciter les mêmes controverses que celles relatives aux critères d’attributions.

68Si les nouvelles directives annoncent dans leur premier considérant qu’elles se fondent sur la position de la Cour de Justice, que prévoient-elles sur cette question de la possibilité d’intégrer des dimensions sociales, environnementales,… dans les marchés publics ?

B.- La rationalité économique dans les dernières directives

69Les dernières directives relatives aux marchés publics constituent-elles un recul, une avancée ou un statu quo, du point de vue de la prise en considération de l’environnement, du social ou des autres aspects autres que strictement économiques110 ?

70À n’en pas douter, la volonté était d’intégrer les avancées jurisprudentielles sur le sujet111. Le progrès par rapport aux anciennes versions est, de ce point de vue, incontestable. Le seul doute concerne la question de savoir si le législateur communautaire est allé au-delà des avancées jurisprudentielles. Des pistes nouvelles ont en effet été introduites, mais elles sont délicates à apprécier dans leurs portées et potentialités.

71Nous l’avons déjà souligné : les directives 2004/17/CE et 2004/18CE consacrent la prise en compte du développement durable dans le droit communautaire des marchés publics. Des considérations liées à l’environnement peuvent être introduites à tous les stades de la procédure, et en particulier lors de la sélection de l’entreprise et lors de l’attribution à l’offre économiquement la plus avantageuse. En ce qui concerne les considérations sociales, les textes sont plus ambigus, résultat d’une part d’un manque d’imagination face à la difficulté d’insérer ce type de considération tout en préservant l’exigence de transparence et d’autre part de l’absence de consensus politique sur la question. En effet, la Commission a tenté de réintroduire sa position tout au long du processus de vote. Il en résulte que la prise en compte de considérations sociales et éthiques n’est pas formellement prévue dans les textes, que ce soit au stade de la sélection ou à celui de l’attribution. Soulignons néanmoins que des considérants envisagent la prise en compte de critères sociaux (entendus au sens large) comme critères d’attribution, mais de façon extrêmement alambiquée, ce qui laisse la porte ouverte aux interprétations. En outre, ils proposent d’introduire les références aux normes de l’OIT au stade de la condition d’exécution, alors que cette technique est peu appropriée. C’est aussi à ce stade que les actions de lutte contre le chômage ou en faveur de l’insertion sont évoquées, alors que la prise en compte à cette étape n’offre que des possibilités limitées. Enfin, une possibilité de réserver des marchés aux entreprises de travail adapté a été prévue, ainsi que la réservation de l’exécution des marchés publics dans le cadre d’emplois protégés. Il s’agit là d’une avancée utile pour la promotion des personnes handicapées. Néanmoins, elle est consacrée sur le mode de l’exception et sa portée reste floue. En effet, que signifie exactement l’expression « emplois protégés » ?

72En synthèse, la consécration du développement durable dans le droit communautaire des marchés publics constitue une avancée importante. Traduite clairement lorsqu’elle touche à l’environnement ou aux personnes handicapées, elle reste malheureusement peu précise lorsqu’elle touche aux aspects sociaux et éthiques : les textes sont flous et leurs potentialités sont délicates à apprécier. Le débat reste donc ouvert et ne manquera pas de susciter des opinions divergentes.

C.- La rationalité économique in concreto

73On peut facilement illustrer, en suivant la séquence logique du processus de passation (définition de l’objet du marché, sélection, attribution, exécution112), quelques possibilités d’intégrer des considérations autres que strictement économiques113 dans les procédures de marchés publics et donc de valoriser les caractéristiques des entreprises sociales ou socialement responsables.

Objet

74Le droit dérivé des marchés publics ne limite pas la liberté des pouvoirs adjudicateurs et entités assimilées pour définir l’objet du contrat. L’objet peut être défini de manière fonctionnelle (conception, réalisation114, financement). Il doit toujours être défini de manière matérielle (travaux, fournitures et services). Un marché public peut avoir plusieurs objets : fournitures, services et travaux, conception, réalisation et financement. Le droit dérivé attache des conséquences à la manière dont l’objet a été défini : soit pour exclure l’application du droit dérivé des marchés publics (par exemple, acquisition ou location de biens immeubles)115, soit pour déterminer le régime de passation qui est applicable en cas d’objets mixtes (comportant des travaux, fournitures ou services)116.

75Point plus fondamental en ce qui concerne la question qui nous occupe, l’objet du marché influence le choix des critères d’attribution117. Les critères d’attribution doivent, en effet, selon le texte des nouvelles directives, être directement liés à l’objet du marché.

76Il n’existe aucun obstacle à définir l’objet d’un marché en y intégrant des considérations sociales. Par exemple, un marché peut avoir pour objet de faire réaliser des travaux et de former un public cible sur chantier, ou d’acheter des fournitures et de faire de l’aide au développement (au sens large). L’objet du marché est par ailleurs précisé par les spécifications techniques et son mode d’exécution est défini par les conditions d’exécution.

77Tout en définissant la notion de spécifications techniques très largement, le droit dérivé des marchés publics intègre à cette notion une préoccupation de type concurrentiel : un équilibre doit être recherché (autre est la question de savoir s’il peut être trouvé) entre des exigences précises (le choix et les préférences du consommateur public) et leur impact sur le marché de produits et des prestations. Il ne faut rien exiger de superflu ou qui ne puisse se justifier sous l’angle technique. Tant les spécifications formulées en termes de performances à atteindre ou d’exigences fonctionnelles que les caractéristiques environnementales sont promues par le droit dérivé, qui se fait par contre hésitant sur les précisions utiles à leur encadrement et silencieux sur les impacts sociaux. Ce silence est ambigu, puisque les considérations sociales particulières d’exécution sont autorisées.

78Il n’existe, selon nous, aucun obstacle méthodologique à insérer les considérations sociales dans la question des prescriptions techniques, même si, à l’instar des considérations environnementales, l’intégration des considérations sociales dans le cadre des marchés publics demande aux pouvoirs adjudicateurs et entités assimilées un plus grand professionnalisme.

79Lorsque des procédures de mise en compétition sont organisées, il s’impose encore d’instaurer des règles de comparaison qui tiennent compte des spécificités des opérateurs économiques. Par exemple, une entreprise qui poursuit clairement des normes exigeantes en matières environnementale et sociale peut avoir des coûts de production plus élevés qu’une entreprise qui ne s’inscrit pas dans cette logique. Si les prescriptions techniques et les règles de comparaison n’intègrent pas ces spécificités, les entreprises qui investissent dans l’environnement et le social seront souvent désavantagées par rapport aux autres.

80Dans la rédaction de leurs prescriptions, les pouvoirs adjudicateurs et entités assimilées ne sont pas plus démunis pour prendre en compte les aspects sociaux que les environnementaux. Par exemple, les nouvelles directives mettent en avant les éco-labels. Si ces derniers sont précieux, il importe de souligner qu’il existe des labels équivalents pour les considérations sociales ou éthiques au sens large. Ainsi, le commerce équitable est aujourd’hui bien plus qu’une simple idée généreuse. À côté des nombreuses organisations actives dans ce domaine118, des initiatives en vue de labelliser concrètement les produits se sont multipliées, avec une recherche poussée de professionnalisme. F.L.O. International119, organisation d’attribution de label du commerce équitable à l’échelle internationale, et Max Havelaar, organisation belge d’attribution de label, ont élaboré un processus objectif d’attribution de label120 qui se fonde sur des considérations liées aux méthodes commerciales (approche par les prix, censés couvrir les coûts de production ; existence d’une marge d’investissement ; examen des relations commerciales), à l’organisation des producteurs (organisation démocratique des producteurs, respect du salaire minimum, liberté syndicale, absence de travail forcé ou de travail des enfants, santé et sécurité des lieux de travail) et des critères liés aux méthodes de production (respect de l’environnement). Ce type de certification entend réaliser une forme de synthèse entre une description des produits (prescriptions techniques classiques) et des caractéristiques éthiques (au sens large – environnement, social et développement)121.

81La normalisation122 vise également des considérations sociales, tant à l’échelle internationale que nationale. En Belgique, le label social vise à certifier les produits ayant un processus de production éthique123. Pour obtenir le label sur leurs produits, les sociétés doivent prouver que toute leur filière de production respecte les critères imposés. Un comité pour la production socialement responsable a été mis en place (institution publique paritaire). Il est chargé d’agréer des organismes indépendants d’audit social qui feront les vérifications et contrôles requis sur place. Le label est valable pendant trois ans, période au terme de laquelle un nouvel audit est organisé.

82Il est dès lors parfaitement possible de progresser dans les spécifications techniques à l’aide d’une normalisation et d’une certification qui visent des considérations sociales et éthiques. À notre sens, il est même indispensable d’intégrer ces considérations afin d’assurer une mise en compétition des opérateurs économiques sans distorsion de concurrence, car ceux qui poursuivent des objectifs secondaires (par ailleurs poursuivis par de multiples réglementations et programmes politiques plus ou moins efficaces), créateurs d’externalités positives, doivent en effet assumer des charges complémentaires. Ils financent ainsi directement ce que l’État ou la collectivité devraient, à défaut, financer.

83En ce qui concerne les conditions d’exécution, le droit dérivé autorise les pouvoirs adjudicateurs et entités assimilées à prévoir des « conditions particulières d’exécution du marché » (sic). Cette précision est un non sens : comment imaginer qu’il en soit autrement ? Elle ne présente d’utilité que par les limites diffuses que le droit dérivé pose à ces conditions particulières d’exécution : ces dernières doivent être compatibles avec le droit communautaire et faire l’objet d’une communication (re-sic)124 dans l’avis ou dans le cahier spécial des charges. Elles peuvent notamment être relatives à des considérations sociales et environnementales125. La limite posée – à savoir la conformité au droit communautaire – est trop vague pour être utile et laisse entièrement ouverte la question des considérations sociales ou considérations secondaires.

84En matière de prise en compte du développement durable, l’obstination de la Commission européenne à opérer une distinction dans le traitement des considérations environnementales et des considérations sociales126 est étonnante. Le résultat de ces approches est de ne valider de manière explicite les considérations sociales qu’au stade des conditions d’exécution parce qu’il serait, soi-disant, impossible de le faire au stade de l’attribution du marché ou de la sélection des entreprises. En réalité, cet argument tient difficilement la route : à partir du moment où des prescriptions techniques peuvent être formulées en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles et inclure des caractéristiques environnementales et que les éco-labels peuvent être utilisés, il est délicat de trouver une raison objective de traiter de manière différente les caractéristiques sociales ou éthiques d’une prestation. Des considérations d’ordre éthique sont d’ailleurs mentionnées dans la dernière version du droit dérivé puisque, par exemple, les spécifications techniques doivent être établies, dans la mesure du possible, de manière à prendre en considération les critères d’accessibilité pour les personnes handicapées selon l’article 23, §1 de la directive 2004/18CE.

85La limitation des considérations sociales à des conditions d’exécution particulières et, dès lors, la distinction de traitement opérée entre considérations sociales et considérations environnementales sont donc plus le fruit d’un débat idéologique, qui a été et reste mal posé en droit communautaire. En effet, si les considérations sociales (dans une perspective de redistribution ou de soutien) crispent, en tant que telles, certains observateurs attentifs du droit des marchés publics, ces derniers oublient qu’elles peuvent également tendre à assurer une égalité dans la concurrence, plus proche de leurs préoccupations sous l’angle idéologique.

86Par exemple, il peut s’agir d’accentuer la précision des caractéristiques des prestations exigées en tenant compte d’un facteur de production parmi d’autres, l’humain. Dans cette perspective, ces considérations sociales, insérées au stade des prescriptions techniques ou des caractéristiques de la prestation demandée et associées à un contrôle rigoureux (et obligatoire) des prix remis pour l’exécution des prestations au stade de la comparaison des offres (et dès lors de l’attribution du marché) impliquent, de la part des pouvoirs adjudicateurs et entités assimilées (et de leurs conseillers), comme nous l’avons déjà souligné, un plus grand professionnalisme et un sens plus fin de l’éthique.

87Les étapes ultérieures sont celles du choix, par les pouvoirs adjudicateurs, d’une entreprise (phase de sélection qualitative) et d’une offre de prestation (procédure d’attribution proprement dite). Les procédures de passation se distinguent essentiellement en fonction de deux paramètres : le degré plus ou moins large de l’appel à la concurrence (procédure ouverte ou restreinte) et les critères de choix des offres (critère unique du prix ou critères multiples).

Sélection

88Les règles relatives au choix des entreprises varient selon la directive applicable. Dans les secteurs spéciaux (eau, énergies, transport, communications), la sélection peut en effet être informelle. Par contre, dans les secteurs « classiques », la sélection des entreprises est plus formelle.

89Seules les entreprises qui ne se trouvent pas dans des hypothèses d’exclusion (facultative ou obligatoire), et dont les aptitudes économiques, financières, techniques et professionnelles ont été appréciées peuvent espérer obtenir le marché. Les cas d’exclusion sont énoncés et ne surprennent guère : ainsi, il serait relativement incongru d’imaginer que le marché puisse être attribué, en toute connaissance de cause, à une entreprise qui est en faillite. L’utilité du texte réside principalement dans la précision des documents qui peuvent être exigés, doivent être considérés comme probants ou peuvent, au contraire, être proposés par les opérateurs économiques dans le cadre de l’évaluation de leurs capacités économiques et financières.

90À ce stade de la procédure également, l’environnement garde la cote, puisque les systèmes de gestion environnementale peuvent être utilisés dans ce cadre. Remarquons que les normes de garantie de la qualité peuvent également être intégrées à la phase de sélection qualitative.

91Les directives prohibent certaines distorsions de concurrence, mais l’ouverture des marchés publics à la concurrence entre entreprises, quelle que soit leur nationalité, n’implique cependant pas que toutes les entreprises doivent être considérées de la même manière dans le cadre d’une procédure de sélection ; la théorie économique nous enseigne ainsi que le traitement optimal d’agents économiques différents est toujours discriminatoire. Les méthodes permettant de réaliser ce traitement optimal impliquent notamment une pondération des offres par des éléments appréciés lors de la sélection des entreprises. Dans cette optique et contrairement à l’opinion généralement répandue, les étapes de sélection des entreprises et d’attribution du marché ne peuvent donc être considérées de manière isolée l’une de l’autre. Ces liens entre la sélection et l’attribution sont d’ailleurs envisagés par les directives qui énoncent des documents probants relatifs à l’exécution du marché proprement dit, à côté de ceux qui sont relatifs à l’entreprise (le prestataire) en général.

92Dans son dernier état, la jurisprudence communautaire n’affirme pas que les phases de sélection qualitative et les phases d’attribution doivent rester autonomes. Il importe, selon nous, de préserver le continuum entre les différentes étapes des procédures de passation pour préserver leur cohérence. Par exemple, il convient d’intégrer dans l’évaluation les spécificités de certains opérateurs économiques – soit parce qu’ils sont particulièrement actifs sur les plans social et environnemental, soit parce qu’ils bénéficient d’un soutien (fonds publics, protection d’une partie de leur activité, ou tout autre avantage) des pouvoirs publics pour l’exercice de leur activité économique, soutien susceptible d’influencer soit le prix de leur prestation, soit le contenu de leur offre. Comment le faire concrètement sans, d’une manière ou d’une autre, pondérer les prix remis pour l’exécution des prestations par des éléments liés aux caractéristiques des agents économiques ? Cette interprétation nous semble s’inscrire dans la logique du considérant qui impose aux États membres de ne pas permettre de distorsion de concurrence entre les opérateurs publics et les opérateurs privés lorsqu’ils participent à une procédure de passation de marché public.

93Certes, il convient que les liens tissés entre la vérification des aptitudes et l’attribution des marchés le soient de manière transparente, sur base d’éléments objectifs et vérifiables. Il est possible d’imaginer des modalités diverses pour ce faire ; l’exercice ne semble pas présenter de difficulté particulière. Par exemple, une première vérification des aptitudes générales des entreprises pourrait être suivie par une comparaison des offres et une vérification des capacités plus spécifiques des entreprises en lien avec l’offre déposée. Un système d’attribution de points lors de toutes les phases de la procédure de passation (vérification des capacités et aptitudes et comparaison des offres proprement dite) nous semble une technique plus respectueuse de la diversité des entreprises que celle habituellement utilisée. En outre, dans la perspective de la stratégie dite de Lisbonne, cette approche présente le grand avantage de ne pas pénaliser les entreprises novatrices et créatrices, soucieuses de leur responsabilité sociétale, qui peuvent ne pas avoir la même structure de coûts que les autres.

94Le législateur italien a mis en application une variante de ce raisonnement. Il a en effet prévu, dans le cadre des marchés publics, un système de préférence, à conditions égales, des sociétés certifiées SA 8000127. Cette dernière initiative se distingue par le fait qu’elle ne constitue en rien un système de préférence nationale ou régionale. Au contraire, elle s’inscrit parfaitement dans une logique de libre échange qui intègre des valeurs comme la promotion au sens large de pratiques commerciales respectables sur un plan sociétal. Son impact sur la concurrence est évident, mais l’effet de cette règle de préférence n’est-il pas d’assurer précisément une concurrence plus « juste », ne pénalisant pas les entreprises responsables sous l’angle social par rapport aux autres ?

Attribution

95Les questions relatives au choix et à la pondération des critères d’attribution, des variantes et des offres anormalement basses sont intimement liées dans toute procédure de passation de marché public. Le droit dérivé des marchés publics ne réalise que de manière très imparfaite cette intégration indispensable.

96Si la fonction d’un critère d’attribution est de permettre d’apprécier la valeur intrinsèque d’une offre et si tout critère doit, très logiquement, être lié à l’objet du marché, la formalisation et l’utilisation concrète d’un critère d’attribution dans le cadre d’une procédure de passation sont deux exercices délicats. La transparence du processus de passation et d’analyse des offres exige, avant tout, que les règles du jeu soient clairement posées et cohérentes tout au long du processus. Les conditions précises dans lesquelles la comparaison des offres doit s’opérer sont elles aussi fondamentales.

97D’une part, l’attribution d’un marché sur base du critère unique du prix le plus bas suppose que les documents du marché aient précisé la prestation sous les angles techniques et juridiques. Des variantes sont théoriquement possibles mais elles devront toujours être encadrées par le pouvoir adjudicateur, qui doit dès lors maîtriser parfaitement les éléments pour lesquels les variantes sont possibles. Il ne s’agit pas, pour le pouvoir adjudicateur, de poser des exigences minimales, mais de préciser sur quels aspects des exigences contenues dans le cahier spécial des charges les variantes peuvent porter, sachant que la règle de préférence est le prix le plus bas. Le droit dérivé n’autorise pas formellement les variantes dans le cadre d’une attribution du marché à l’auteur de l’offre la plus basse. Il pourrait évoluer sur ce point afin de respecter les traditions des États membres.

98D’autre part, l’attribution d’un marché sur base de critères multiples suppose que les documents du marché permettent une différenciation des offres sur base de critères autres que le prix. Ces critères doivent dès lors être, dans une certaine mesure, plus ouverts par rapport aux exigences formulées (sous les angles techniques et juridiques). Dans cette hypothèse, la fonction de préférence du pouvoir adjudicateur doit être clairement annoncée. À un haut degré de généralité, il s’agit, la plupart du temps, de mettre en relation le prix proposé, le niveau de qualité et le délai d’exécution. Les variantes dans ce cadre sont particulièrement indispensables. À nouveau, il ne s’agit pas, pour le pouvoir adjudicateur, de poser des exigences minimales, mais bien d’annoncer aux opérateurs économiques les aspects sur lesquels les variantes peuvent porter (techniques – variantes de matériaux, de fournitures, de procédés – ou juridiques – il importe alors de préciser les clauses qui peuvent en faire l’objet, en limitant les scénarii contractuels afin de préserver la comparabilité des offres de base et des variantes).

99Les objectifs d’efficacité du processus d’achat et de transparence du processus d’attribution ne peuvent être atteints que si la formulation des critères d’attribution s’accompagne d’une pondération. Sans doute est-il délicat d’aller au-delà de l’exigence d’une pondération. En effet, préciser le système d’appréciation des offres par rapport aux critères d’attribution n’est pas toujours possible lorsque le pouvoir adjudicateur ne maîtrise pas le secteur économique dans lequel le marché est passé. Les opérateurs économiques participent parfois de manière substantielle à la détermination précise du contenu du marché. Sans ces informations cruciales, distillées après la remise des offres, il semble délicat de formaliser, a priori, un système d’appréciation précis des offres.

100À notre sens, il n’existe aucune impossibilité pratique à intégrer des considérations environnementales, sociales ou éthiques à un processus de comparaison des offres, même si la volonté politique à l’échelle européenne s’est souvent montrée ambivalente. D’un certain point de vue, la rigueur d’une comparaison des offres doit même intégrer ce type de considération, si l’on veut assurer une égalité dans la concurrence entre des opérateurs économiques qui peuvent avoir des structures de coûts très différentes en fonction de leur implication plus ou moins grande sous les angles sociaux et environnementaux ou du point de vue des contraintes avec lesquelles ils composent. Le degré de complexité est peut-être nouveau et de nature à décourager les pouvoirs publics, mais il est indispensable, compte tenu de l’évolution de nos sociétés et de nos systèmes juridiques. La Cour de Justice semble s’être engagée sur cette voie dans ses arrêts Beentjes, EVN et Wienstrom et Nord-Pas-De-Calais.

101Enfin, soulignons que l’approche lacunaire des prix anormaux maintenue dans la dernière version du droit dérivé ne laisse pas d’étonner, notamment concernant les relations entre prix anormaux et aides d’État. La construction d’une économie de marché ouverte suppose plus de rigueur dans l’évaluation de la manière dont les aides publiques se répercutent dans les prix des opérateurs économiques, notamment lorsqu’ils participent à des procédures de passation de marchés publics. Sans mesure complémentaire, le droit dérivé pénalise, dans son dernier état, tous les opérateurs économiques privés qui ne sont pas subsidiés, d’une manière ou d’une autre, par les pouvoirs publics.

D.- La rationnalité économique en droit belge

102Sur base des anciennes directives, muettes sur le sujet, la question de l’introduction de dimensions éthiques au sein du processus de marchés publics a suscité des prises de position différentes au sein des institutions européennes. Ces divergences et la difficulté d’appréhender les effets du nouveau paradigme européen ont également divisé le Conseil et le Parlement lors du processus de vote des nouvelles dispositions. Les États membres ont eux aussi défendu des positions différentes sur la question.

103La Belgique, partisane d’une prise en compte intégrée du développement durable, a décidé, en 2003, d’anticiper le vote des directives pour affirmer sa position, et elle a donc modifié sa loi nationale en ce sens. Le contenu de cette loi particulièrement progressiste sera rappelé avant d’examiner la situation actuelle dans le contexte des différentes réformes.

104La Belgique est favorable à une approche qui permettrait une meilleure prise en compte des aspects environnementaux, sociaux et éthiques. Différentes initiatives en témoignent, comme la résolution de la Chambre des représentants du 5 décembre 2002128, les amendements proposés au Conseil et au Parlement européens dans le cadre du processus de révision des directives européennes et, enfin, les modifications introduites en droit national, qui ont anticipé le vote des nouvelles directives « marchés publics » en matière de prise en compte de l’objectif européen de développement durable129. Nous développerons ce dernier point, car il s’agit d’une avancée importante pour la question qui nous occupe.

105Le chapitre XI de la loi programme du 8 avril 2003130 introduit des précisions dans la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics, traduisant les dernières évolutions du droit communautaire en matière de prise en compte du développement durable dans le cadre des marchés publics. En outre, une possibilité de préférence en faveur des entreprises de travail adapté et des entreprises d’économie sociale d’insertion permet un soutien à ce type d’initiatives (type de mesure qui a déjà fait ses preuves en Italie).

Conclusion

106Pour conclure cette analyse sur la place de l’éthique dans les marchés publics, on peut souligner le fait que l’utilisation de l’instrument « marché public » en faveur du développement durable a suscité des positions divergentes tant au sein des institutions européennes qu’au niveau national. Le débat s’est principalement focalisé sur la notion de critère d’attribution, car c’est sur ce point que la position de la Commission européenne avait été mise en cause par les décisions de la Cour de Justice.

107D’aucuns soutiennent que les directives européennes du 31 mars 2004 limiteraient les possibilités de soutien aux produits éthiques, aux entreprises sociales ou socialement responsables et obligeraient les législateurs nationaux à adapter leurs textes en ce sens. Nous soutenons au contraire que ces directives consacrent une avancée en matière de prise en compte du développement durable dans le processus des marchés publics. En ce qui concerne les dimensions environnementales, les avancées sont en effet indéniables. En matière sociale, les textes, traduisant une solution de compromis, restent flous et laissent la place à l’interprétation. En matière éthique, rien n’est dit, mais il serait hâtif d’en conclure que toute dimension éthique est pour cela écartée.

108Par ailleurs, les législateurs nationaux, pour autant qu’ils respectent les principes généraux des traités, restent libres de prévoir des systèmes particuliers sous les seuils d’application des directives, ce qui, en pratique, représente des marchés susceptibles d’intéresser les entreprises d’économie sociale.

109Les législations nationales devaient être revues pour le 1er janvier 2006, afin de transposer les nouvelles directives européennes. Ce débat est actuel dans tous les pays de l’UE ; reste à voir le choix qui sera fait par les différents législateurs nationaux. La Belgique, qui avait adopté en 2003 une loi particulièrement progressiste et favorable, révise sa copie. La loi semble bien conserver les acquis antérieurs, même si la référence explicite aux critères d’attribution éthiques a disparu. Néanmoins, pour aboutir à ce résultat, il aura fallu une attention particulière à ce processus et un soutien des partisans du développement durable, en particulier de la Secrétaire d’état au développement durable et à l’économie sociale, en faveur d’une position progressiste.

110Enfin, les problèmes méthodologiques (comment faire concrètement) parfois mis en avant pour condamner une approche économique plus complexe ne peuvent empêcher une évolution inéluctable du droit de la passation des marchés. Le nouveau paradigme européen de développement durable a permis de décloisonner les aspects économiques, sociaux et environnementaux. En outre, la théorie économique des enchères a ouvert des pistes intéressantes pour intégrer, dans les techniques de choix multicritères, des aspects touchant aux dimensions sociales, environnementales et éthiques des décisions. La Banque Européenne d’Investissement a d’ailleurs lancé des programmes de recherches pour affiner les méthodes en vue de la diffusion des bonnes pratiques en la matière.

111Il n’est dès lors plus temps de se poser la question de savoir si cette voie est la bonne, mais plutôt de savoir comment désormais baliser le chemin…

112Août 2006

Notes

1 Article rédigé pour la revue Non-Marchand.
2 L’expression peut recouvrir des considérations environnementales, sociales et éthiques.
3 Pour de plus longs développements, voir A.L. Durviaux, Logique de marché et marchés publics en droit communautaire, analyse critique d’un système, Bruxelles, Larcier 2006, spéc. Titre II.
4 La question est la même pour les aspects sociaux, environnementaux et éthiques dans le principe : seules les solutions pratiques varient en fonction du contenu exact de l’aspect éthique introduit.
5 A.L. Durviaux, op. cit., spéc. Titre I.
6 Seuils pour les marchés publics des secteurs classiques.
7 Voir cependant, à ce sujet, la communication interprétative de la Commission européenne du 23 juin 2006 relative au droit communautaire applicable aux passations de marchés non soumises ou partiellement soumises aux directives « marchés publics », disponible en ligne sur le site europa.eu.int. Comme la Commission européenne l’indique, elle y développe « son interprétation » de la jurisprudence de la CJCE et suggère un certain nombre de « bonnes pratiques ». Le texte comprend, outre les habituelles formules creuses, une série d’avertissements (modalités de publicité, etc.) sur la manière dont la Commission exercera sa fonction de gardienne des traités.
8 À la date du 24 août 2006, à laquelle nous écrivons ces lignes.
9 Loi du 15 juin 2006 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services et loi du 16 juin 2006 relative à l’attribution, à l’information aux candidats et soumissionnaires et au délai d’attente concernant les marchés publics et certains marchés de travaux, de fournitures et de services .
10 Le présent texte ne traite pas de l’AMP ; d’une part, les grandes lignes de la réglementation communautaire sont reprises par l’Accord sur les Marchés Publics (AMP) conclu au sein de l’OMC et, d’autre part, le champ d’application de ce dernier est peu susceptible de concerner un acheteur européen.
11 Sauf – et l’exception est de taille – dans les modifications apportées à la loi belge en 2003, modifications qui se basent sur la position progressiste de la Cour de Justice.
12 Article 12, § 1.
13 Article 28 ; C-21/88, 20 mars 1990, Du Pont de Nemours Italia Spa c/ Unità Sanitaria Locale n° 2 di Carrara (USL), Rec., p. I-889, dans lequel la Cour répond que l’article 30 du TCEE s’oppose à une réglementation nationale qui réserve aux entreprises implantées dans certaines régions du territoire national un pourcentage des marchés publics de fournitures et que la qualification éventuelle d’une réglementation nationale comme aide au sens de l’article 92 du TCEE ne saurait faire échapper cette réglementation à l’interdiction de l’article 30 du Traité.
14 Article 43.
15 Article 49 ; CJCE, C-76/81, 10 février 1982, S.A. Transporoute et travaux c/ Ministère des travaux publics, Rec., p. 417, dans lequel la cour interprète la directive Travaux 71/305 comme s’opposant à ce qu’un État membre exige d’un soumissionnaire établi dans un autre État membre qu’il fasse la preuve de ce qu’il remplit des critères énoncés aux articles 23 et 26 de cette directive et relatifs à son honorabilité professionnelle par d’autres moyens, telle une autorisation d’établissement, que ceux énoncés par ces dispositions.
16 Articles 30, 45 et 46, invoqués par exemple dans l’arrêt Systèmes informatiques par l’État italien au motif que les activités inhérentes au fonctionnement des systèmes informatiques en cause participaient, de par leur caractère confidentiel, à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 55 du TCEE et rejetée par la Cour en raison du caractère technique des prestations visées, et « partant étrangères à l’exercice de l’autorité publique ».
17 Article 39 ; CJCE, C-243/89, 22 juin 1993, Commission européenne c/ Danemark (Pont danois), Rec., p. I-3353.
18 VANDERSANDEN G., Examen de jurisprudence (deuxième partie), Communautés européennes ; RCJB, 2000, 3e trimestre, pp. 559 et s., spécialement n° 176, p. 630.
19 Pour des développements concrets sur les virtualités inexplorées de ces principes, voir A.L . Durviaux, op. cit., spéc. Titre II, chap. 3.
20 J.O.U.E., L 134 du 30 avril 2004
21 Ibid.
22 CJCE, C-27 à C-29/86, 9 juillet 1987, S.A. constructions et entreprises industrielles « CEI » c/ Société coopérative « Association intercommunale pour les autoroutes des Ardennes » (Fonds des routes), et SpA de droit italien Ing. A.Bellini et C° c/ Régie des bâtiments, et SpA de droit italien Ing. A. Bellini et C° c/ Belgique, Rec., p. 3347.
23 CJCE, C-8/81, 19 janvier, Becker, rec. 53-71; C.J.C.E., C-152/84, 26 février 1986, Marshall, rec. 737-748 ; en matière de marchés publics, cf. également CJCE, C-31/87, 20 septembre 1988, Gebroeders Beentjes BV c/ Pays-Bas, Rec., p. 4635.
24Cf. BRECHON-MOULENES, Caractéristiques générales de la réglementation communautaire des marchés publics, Juris Classeur, Europe, p. 6.
25 Abandon des nomenclatures C.P.A., C.P.C., NACE, etc.
26 Ph. Flamme, M.-A. Flamme et C. Dardenne, Les marchés publics européens et belges, l’irrésistible européanisation du droit de la commande publique, Larcier, Bruxelles, 2005, spéc. p. 13.
27 Pour le droit dérivé, qui s’aligne partiellement sur des pratiques plus ou moins anciennes des États membres.
28 Ph. Flamme, M.-A. Flamme et C. Dardenne, op. cit., spéc. p. 13.
29 Contra : Ph. Flamme, M.-A. Flamme et C. Dardenne, op. cit., spéc. p. 12.
30 Voir A.L. Durviaux, op. cit, titre I, chap. 6.
31 29e consid. et art. 23 de la Dir. 2004/18/CE ; 42e consid. et art. 34 de la Dir. 2004/17/CE.
32 Ph. Flamme, M.-A. Flamme et C. Dardenne, op. cit., spéc. p. 13.
33 En droit belge notamment, la traduction de ces principes ne sera pas simple, compte tenu de la jurisprudence relative aux conditions de régularité des offres, le non-respect des spécifications techniques (souvent précisées par référence à des normes) étant susceptible d’être qualifié d’irrégularité substantielle. Or, les directives n’ont pas réservé l’application des principes en matière de normes à certaines procédures (appel d’offres, procédure négociée ou dialogue compétitif). La jurisprudence du Conseil d’État de Belgique devra, selon nous, intégrer ces nouvelles dispositions en limitant l’irrégularité substantielle à la présentation de solutions alternatives non équivalentes.
34 Art. 7 et 8 de la Dir. 2004/18/CE.
35 Art. 16 de la Dir. 2004/17/CE.
36 Règl. (CE) n° 1874/2004 de la Commission, du 28 octobre 2004, modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne leurs seuils d’application en matière de procédures de passation des marchés (J.O.U.E., L 326 du 29 octobre 2004, p. 17 et s.).
37 Art. 9, § 1, de la Dir. 2004/18/CE et art. 17, § 1, de la Dir. 2004/17/CE.
38 Art. 9, § 5, de la Dir. 2004/18/CE et art. 1er, § 6, de la Dir. 2004/17/CE.
39 Des modèles standards sont prévus dans le Règl. (CE) n° 1564/2005 de la Commission du 7 septembre 2005 (J.O.U.E., L 257 du 1er octobre 2005, p. 1 et s.).
40 Les Pays-Bas ont été condamnés pour avoir manqué aux obligations qui leur incombaient en vertu de la directive 77/62/CEE du Conseil, du 21 décembre 1976, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures, d’une part, en omettant de préciser dans un avis de marché les personnes admises à assister à l’ouverture des offres, ainsi que le jour, l’heure et le lieu de cette ouverture, alors qu’il s’agissait de mentions obligatoires et inconditionnelles imposées par la directive pour permettre aux fournisseurs potentiels de connaître l’identité de leurs concurrents et de vérifier s’ils répondaient aux critères de sélection qualitative prévus, et, d’autre part, en omettant d’ajouter, dans un tel avis, la mention « ou équivalent » après une spécification technique définie par référence à un produit d’une marque déterminée, alors que la directive exigeait une telle mention et qu’une telle omission pouvait entraver les courants d’importation dans le commerce intracommunautaire, en violation de l’article 30 (actuel art. 28) du Traité CE, C.J.C.E., 24 janvier 1995, Commission européenne c/ Pays-Bas, aff. C-359/93, Rec., 1995, p. I-157, avec concl. av. gén. G. Tesauro.
41 Dans l’affaire des travaux d’électrification et d’éclairage public, la République française s’est vue reprocher, outre le fait de ne pas avoir respecté l’antériorité de la publicité européenne, le fait de ne pas avoir publié un avis pour l’ensemble des marchés, de ne pas avoir respecté, pour les six avis publiés, le modèle repris à l’annexe XII de la directive, conformément à l’article 21, § 1, de cette dernière (les informations étaient incomplètes et n’avaient pas permis de remplir toutes les rubriques prévues), et de ne pas avoir publié l’avis de marché passé en violation de l’article 24, § 1, de la directive 93/38/CEE ; C.J.C.E., 5 octobre 2000, aff. C-16/98.
42 Dans l’affaire dite des marchés de construction et de maintenance de bâtiments scolaires passés par la Région Nord-Pas-de-Calais et le Département du Nord, la Cour de justice a condamné la République française pour n’avoir pas procédé aux mesures de post-information et à la communication des procès-verbaux (en violation des art. 8, § 3, et 11, § 5, de la Dir. 98/37CEE et 12, § 5, de la Dir. 71/305/CEE.) ; C.J.C.E., 26 septembre 2000, Commission des Communautés européennes c/ République française, aff. C-225/98, Rec., 2000, p. I-7445.
43 C.J.C.E., 26 avril 1994, Commission des Communautés européennes c/ République italienne, aff. C-272/91, Rec., 1994, p. I-1409.
44 C.J.C.E., 26 septembre 2000, Commission des Communautés européennes c/ République française, aff. C-225/98, op. cit.
45 La Cour de justice, qui avait admis que le caractère obligatoire ou facultatif de l’avis de préinformation ne résulte pas explicitement du libellé des dispositions des art. 11 et 12 de la directive, s’était engagée dans une interprétation systémique de la directive, à la recherche d’une application cohérente des textes.
46 Art. 11, §§ 1, 7 et 11, de la Dir. 93/37/CEE.
47 En application des art. 12, § 2, et 13, § 4, de la Dir. 93/37/CEE.
48 De la Dir. 89/440/CEE, qui a introduit la technique de préinformation en proposant, dans un premier temps, de lui donner un caractère obligatoire, proposition de la Commission qui fut rejetée par le Conseil.
49 Ce qu’exprime clairement le 10e consid. de la Dir. 93/37/CEE.
50 Art. 35, § 1, et 38, § 4, de la Dir. 2004/18/CE.
51 2e consid. de la Dir. 2004/18/CE et 9e consid. de la Dir. 2004/17/CE.
52 Ibid.
53 Les traditions nationales sont ainsi respectées, « dans toute la mesure du possible » (voir le 3e consid. de la Dir. 2004/18/CE). L’affirmation que la Dir. 2004/18/CE ne peut interdire d’imposer ou d’appliquer des mesures nécessaires à la protection de l’ordre, de la moralité et de la sécurité publics, de la santé, de la vie humaine et animale ou à la préservation des végétaux, en particulier dans l’optique du développement durable, à condition que ces mesures soient conformes au Traité CE, semble plaider dans ce sens également (voir le 6e consid. de la Dir. 2004/18/CE).
54 2e consid. de la Dir. 2004/18/CE et 9e consid. de la Dir. 2004/17/CE.
55 L’affirmation dans le 1er consid. des Dir. 2004/18/CE et 2004/17/CE est fortement nuancée par le contenu, très peu explicite, des dispositions relatives à cet aspect de la question dans le texte des directives (partiellement dans le même sens, Ph. Flamme, M.-A. Flamme et C. Dardenne, op. cit., spéc. pp. 111-124).
56 Par exemple, lorsque les pouvoirs adjudicateurs établissent des spécifications techniques (voir le 29e consid. de la Dir. 2004/18/CE), lorsqu’ils choisissent la procédure dite du dialogue compétitif (voir le 8e consid. de la Dir. 2004/18/CE) ou la procédure négociée avec publicité (voir le 41e consid. de la Dir. 2004/18/CE), lorsqu’ils acceptent ou refusent des modifications aux offres dans le cadre du dialogue compétitif (voir le 31e consid. de la Dir. 2004/18/CE), lorsqu’ils rédigent leurs avis de marché (voir le 36e consid. de la Dir. 2004/18/CE) ou lorsqu’ils choisissent les critères d’attribution du marché (voir le 46e consid. de la Dir. 2004/18/CE).
57 Voir A.L. Durviaux, op. cit., spéc. Titre II, chap. 1.
58 4e consid. de la Dir. 2004/18/CE et 11e consid. de la Dir. 2004/17/CE.
59 La notion d’opérateur économique couvre à la fois les notions d’entrepreneur, de fournisseur et de prestataire de services, ce dernier pouvant être une entité privée ou publique (voir art. 1er, § 8, de la Dir. 2004/18/CE et art. 1er, § 7, de la Dir. 2004/17/CE).
60 Art. 2 de la Dir. 2004/18/CE et art. 10 de la Dir. 2004/17/CE.
61 C.J.C.E., 18 novembre 1999, Teckal Srl c/ Commune di Viano et Azienda Gas-Acqua Consorziale (AGAC) di Reggio Emilia, aff. C-107/98, Rec., 1999, p. I-8121, avec concl. av. gén. G. Cosmas présentées le 1er juillet 1999 ; sur cet arrêt, voir obs. A. Brown, P.P.L.R., 2000, CS 41-44.
62 Le procédé est devenu courant et bien connu : à défaut de consensus politique, des formules ambiguës sont introduites. Les parlementaires manquent de vigilance ou de clairvoyance quant aux virtualités d’application de certaines formules. L’œuvre créatrice de la jurisprudence se réalise au gré des conflits, souvent pour aboutir à des solutions qui, lors de l’élaboration de la norme, ont été refusées mais sans grande fermeté dans l’expression.
63 21e consid. de la Dir. 2004/18/CE, relatif au secteur des télécommunications.
64 3e consid. de la Dir. 2004/17/CE.
65 3e consid.
66 Le texte ne pose aucune exigence particulière par rapport au type d’ouverture. Or, une certaine ouverture peut maintenir des droits exclusifs ou spéciaux ; la volonté de souplesse s’exprime parfaitement dans le 41e consid. de la Dir. 2004/17/CE.
67 Prévu à l’art. 30 de la Dir. 2004/17/CE, dont les modalités ont été précisées par la Commission européenne dans une déc. du 7 janvier 2005 (déc. n° 2005/15/CE, J.O.U.E., L 7 du 11 janvier 2005, p. 7).
68 Il est douteux, dans ces circonstances, que ces droits accordent une exclusivité
69 25e consid. de la Dir. 2004/17/CE.
70 10e consid. de la Dir. 2004/17/CE.
71 Après avoir été vivement combattus par la Commission européenne dans le cadre de sa fonction de gardienne des traités ; la Cour de justice a été particulièrement active dans cette reconnaissance de principe, notamment avec son arrêt du 4 décembre 2003 (Concordia Bus, aff. C-513/99, Rec., 2002, p. I-7213, avec concl. av. gén. Mischo). La Commission européenne a précisé sa position notamment dans une communication interprétative du 4 juillet 2001 relative à l’intégration des exigences environnementales dans le droit des marchés publics et dans un document intitulé « Buying green ». P. Brumtercoret et N. Pourbaix, R.D.U.E., 2001/3, pp. 731-766 ; P. Thiel, « Les clauses environnementales dans les marchés publics », Amén., 2003/1, pp. 63-69 ; id., Mémento des marchés publics 2004, 4e éd., Bruxelles, Kluwer, 2004, pp. 329-346.
72 6e consid. de la Dir. 2004/18/CE et 13e consid. de la Dir. 2004/17/CE.
73 12e consid. de la Dir. 2004/17/CE.
74 L’analyse est complétée infra, chap. 4.
75 5e consid. de la Dir. 2004/18/CE et 12e consid. de la Dir. 2004/17/CE ; voir les développements, infra, chap. 4 à 5.
76 Soit les considérants qui évoquent les principes généraux et le droit communautaire qui s’appliquent dans le cadre de la passation des marchés publics.
77 Nous le supposons, compte tenu du sujet du 46e consid.
78 Peut-être s’agit-il de certains programmes sociaux qui supposent la mise au travail de la population dans le cadre d’opérations urbaines poursuivant des objectifs d’intérêt général multiples (urbanistique, social, formation professionnelle, etc.) ? La jurisprudence, à défaut d’un manuel d’application, permettra peut-être de mesurer la portée exacte de cette précision.
79 Art. 56 de la Dir. 2004/17/CE et art. 53 de la Dir. 2004/18/CE.
80 33e consid. de la Dir. 2004/18/CE ; pour plus de précisions sur les clauses appliquées en Belgique, voir A.L. Durviaux et F. Navez, « Marchés publics et économie sociale : union impossible ? », Act. dr., 2000, pp. 651-674, et 2001, p. 257.
81 28e consid. de la Dir. 2004/18/CE.
82 39e consid. de la Dir. 2004/17/CE.
83 32e consid. de la Dir. 2004/18/CE et 43e consid. de la Dir. 2004/17/CE.
84 Art. 37 de la Dir. 2004/17/CE.
85 Il eût été alors plus simple de ne rien faire et de ne rien annoncer.
86 Plus inquiétante…
87 Notamment des raisons de sécurité, de contrôles en matière de législation sociale et fiscale, etc.
88 Pour des développements plus longs, voir A.L. Durviaux, op.cit., spéc. Titre I.
89 Ibid, Titre I, chap. 6.
90 L’exemple le plus caricatural et critiquable reste, sans doute, l’arrêt C.J.C.E., 12 juillet 2001, Ordine degli Architetti delle Province di Milano e Lodi, Pierro De Amicis, Consiglio Nazionale degli Architetti Leopoldo Freyrie et Comune du Milano, aff. C-399/98 (dite « La Scala »), Rec., 2001, p. I-5409, concl. Ph. Léger ; sur cet arrêt, voir L. Richer, « Une définition communautaire du marché de travaux : un arrêt récent de la Cour de Justice relatif à un projet d’urbanisme à Milan précise la notion de marchés de travaux », A.C.C.P., n° 4, octobre 2001, pp. 61-63 ; J.-M. Belorgey, S. Gervasoni et C. Lambert, « Chronique de droit communautaire », A.J.D.A., 2001, p. 948 et s. : les auteurs font un rapprochement avec la solution retenue par le C.E. fr., 30 mai 1975, Société d’équipement de la région montpelliéraine, Rec., p. 326 ; A.J.D.A., 1975, p. 345 et s., obs. M. De Franc et M. Boyon.
91 A.L. Durviaux, op.cit, spéc., Titre II, chap. 6.
92 Ibid, Titre II, chap. 3 à 7.
93 MB. du 17 avril 2003.
94 La stricte orthodoxie laisse parfois en suspens certains problèmes d’interprétation et d’application de la loi. Ainsi, en « recopiant » les définitions contenues dans le texte du droit dérivé, certains malentendus sont véhiculés. Par exemple, dans son avis déjà cité, le Conseil d’État évoque, sous l’art. 44 du projet, que le « contrat d’entreprise » se forme par la notification de l’offre. Or, la section d’administration a une vision plus large du concept, qui peut être autre chose qu’un simple contrat d’entreprise ; voir par exemple C.E., Intradel, 30 mai 2006, n° 145.163.
95 Voir A.L. Durviaux, op. cit., spéc., Titre I, chap. 6.
96 A.L. Durviaux, Ph. Flamme, étude commune à la CCW, la RW et la SWL, en matière de P.P.P. dans le logement social.
97 Art. 34 de la directive 2004/18/CE, déjà citée.
98 Art. 31 du projet.
99 En ce sens, voir l’avis du Conseil d’État, Doc. 38.703/1/V, spéc. p. 6.
100 Voir A.L. Durviaux, op. cit., spéc., Titre II, chap. 4 à 6.
101 Art. 8 du projet, anc. Art. 10 de la loi du 24 décembre 1993 déjà citée.
102 Ce qui a été le cas en mars 2004. Pour les marchés publics des secteurs classiques, directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 et pour les marchés publics des secteurs spéciaux, directive 2004/17/CE du 31 mars 2004.
103 Or, le droit dérivé des marchés publics s’applique sans nuance. Il ne prend pas en considération la spécificité de certains marchés, par exemple leur structure et le degré plus ou moins élevé de concurrence existant sur ceux-ci.
104 Attestant, si besoin en était, de la position idéologique.
105 Ce qui ne veut rien dire dès lors que l’économique n’est pas défini.
106 On peut se demander d’où vient cet acharnement à distinguer le produit de la manière dont il a été produit. Cette distinction – artificielle – pourrait trouver sa source dans la position de l’OMC ; la raison en serait la volonté d’éviter des mesures à effet extra-territorial. En effet, une fois le produit sur le territoire, il est possible d’adopter des mesures le concernant, mais si c’est le mode de production qui est réglementé, la mesure peut potentiellement avoir des effets hors du territoire. Cette raison est néanmoins contredite, tout d’abord par le fait qu’il est admis de poser des normes de produit qui auront des effets sur le mode de production et, surtout, par le fait qu’il a été admis en droit de l’OMC, dans l’affaire 58 du 6 novembre 1998, que des biens produits dans certaines conditions (des crevettes pêchées avec des filets qui menacent les tortues marines) puissent se voir interdire l’accès au marché d’un État. A. Gosseries, papier présenté dans le cadre de la Chaire Hoover à l’UCL en novembre 2001.
107 CJCE, C-31/87, 20 septembre 1988, Gebroeders Beentjes BV c/ Pays-Bas, Rec., p. 4635.
108 CJCE, C-225/98, 26 octobre 2000, Commission c/ République française, conclusions de l’avocat général Alber, AJDA 2001, pp. 1055-1059, note Ch. Lambert.
109CJCE, C-448/01, 4 décembre 2003, concl. MISHO, J., AJDA, 2004, p.634 et s.
110 Pour reprendre l’expression, dénuée de sens par son imprécision, privilégiée par la Commission européenne dans ses communications interprétatives (sur le social et l’environnement).
111 C.J.C.E, C-513/99 du 17 septembre 2002 (Concordia Bus Finland) et C.J.C.E., C-225/98 du 26 septembre 2000 (Commission / France).
112 En ce qui concerne les conditions d’exécution, vu leur lien avec l’objet du marché, elles sont traitées à ce niveau.
113 Pour une approche détaillée des distinctions retenues dans la présente, voir : A.L. Durviaux, op. cit., titre II, chapitres 3 à 7.
114 16e considérant de la directive 2004/17/CE et 9e considérant de la directive 2004/18/CE.
115 33e considérant de la directive 2004/17/CE et 24e considérant de la directive 2004/18/CE.
116 Article 33 de la directive 2004/17/CE et article 22 de la directive 2004/18/CE. Dès lors, le droit dérivé est loin d’exclure de son champ d’application de nombreuses opérations immobilières qui se concrétisent par des conventions comportant, certes, parfois, l’achat ou la location d’immeubles, mais également des travaux et prestations importantes de services accessoires.
117 55e considérant in fine de la directive 2004/17/CE et 46e considérant de la directive 2004/18/CE.
118 Organisations financières (promotion des investissements éthiques), O.N.G. (actions d’information, de sensibilisation), organisations d’importation (achats des produits à un prix équitable), organisations de producteurs (en vue de la production et de l’exportation), organisations de distribution, organisations combinant l’achat et la distribution (Magasins du Monde Oxfam, Oxfam Wereldwinkels) ; pour plus de détails, voir « A fair and Sustainable Trade : Between market and solidarity », Belgian Science Policy, Janvier 2005 (Recherche menée, entre autres, par le Centre d’Economie Sociale de l’Université de Liège).
119 Fairtrade Labelling Organisation International regroupe 17 organisations nationales d’attribution de label.
120 Bien sûr, comme toute attribution de label, il implique une certaine subjectivité qui est inhérente à la technique.
121 Etude du Centre d’Economie Sociale « Economie sociale, inclusion sociale et intérêt général », Académia, 2005.
122 Pour mémoire, en droit dérivé des marchés publics, la question des normes est intégrée à celle des prescriptions techniques.
123 La loi du 27 février 2002 vise les huit conventions de base de l’O.I.T.
124 Les cahiers des charges et documents du marché n’ont évidemment pas vocation à rester secrets...
125 Article 38 de la directive 2004/17/CE et article 26 de la directive 2004/18/CE.
126 En évacuant l’éthique à l’échelon communautaire !
127La comptabilité de cette législation avec le droit communautaire est examinée par les instances communautaires.
128 Cf. Doc. Parl. Chambre, DOC 50 1798/006.
129 Ces modifications ont été conçues sur base d’une étude réalisée par le Centre d’économie sociale de l’Université de Liège pour le cabinet du Ministre Vande Lanotte, étude relative au soutien du secteur de l’économie sociale en général par le biais d’une politique d’attribution des marchés publics plus proactive. Cette étude a mis en évidence le fait que ce soutien ne nécessitait pas de bouleversements trop importants de la législation d’alors.
130 M.B. du 17 avril 2003.

Pour citer cet article

Ann Lawrence Durviaux & Françoise Navez, «Marchés publics et paradigme concurrentiel : état du droit», Cahiers de Science politique [En ligne], Cahier n°13, URL : https://popups.uliege.be/1784-6390/index.php?id=287.