BASE

Biotechnologie, Agronomie, Société et Environnement/Biotechnology, Agronomy, Society and Environment

1370-6233 1780-4507

 

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Antoine Some N., Karim Traoré, Ouola Traoré & Moustapha Tassembedo

Potentiel des jachères artificielles à Andropogon spp. dans l’amélioration des propriétés chimiques et biologiques des sols en zone soudanienne (Burkina Faso)

(Volume 11 (2007) — numéro 3)
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Annexes

Notes de la rédaction

Reçu le 10 décembre 2004, accepté le 12 février 2007.

Résumé

Afin de trouver des solutions à la chute des rendements consécutive à la baisse du niveau de fertilité des sols, une expérience a été installée à Sobaka, dans la zone soudanienne du Burkina Faso. Une jachère artificielle à base de Andropogon spp. a été créée et l’activité biologique d’un sol ferrugineux tropical lessivé a été évaluée à l’issue de trois ans de jachère. Les paramètres suivants ont été évalués : les teneurs en carbone et en azote, l’activité respirométrique, le dégagement cumulé de CO2, le dégagement de carbone sous forme de CO2 et la biomasse microbienne du sol. Les résultats préliminaires obtenus au bout de trois ans montrent que les amendements organiques provenant de la litière et des racines des andropogonnées augmentent significativement le stock de matière organique du sol de plus 40 % par rapport à la jachère naturelle ou aux terres cultivées. La minéralisation du carbone et la biomasse microbienne sont plus importantes sous couverture d’Andropogon spp. Les jachères artificielles à Andropogon spp. peuvent être recommandées pour l’amélioration de la fertilité des sols, tout en contribuant à un raccourcissement de la durée des jachères en zone tropicale.

Mots-clés : fertilité des sols, jachère artificielle, Andropogon gayanus, zone soudanienne

Abstract

Potential of the artificial fallows on Andropogon spp. in the improvement of the chemical and biological properties of soil in Sudanian zone (Burkina Faso). In order to find solutions to the decrease in yield consecutive to the decrease of soil fertility in ferruginous soil an experiment was carried out at Sobaka, in the Sudanian zone of Burkina Faso. An artificial fallow containing Andropogon spp. was created and the biological activity of the tropical ferruginous soil was evaluated at the end of three years of fallow. The following parameters were evaluated: total carbon and nitrogen, respirometric activity, CO2, carbon production and microbial biomass. The results after three years show that the organic matter produced by the litter and the roots of andropogonnées increase significantly the organic matter of the soil over 40% compared to the natural fallow or to the cultivated soil. The artificial fallows significantly improve the produced carbon and the microbial biomass. It is thus possible to recommend the artificial fallow with Andropogon spp. to improve the soil fertility and to shorten the duration of the fallow.

Keywords : Andropogon ascinodis, Andropogon ascinodis, soil fertility, artificial fallows, soudanian zone

1. Introduction

1L’un des objectifs pratiques de la mise en jachère est de restaurer la fertilité des sols cultivés. La stratégie de la jachère naturelle de longue durée (20 à 30 ans) a été développée de longue date par les paysans africains pour pallier la baisse du niveau de fertilité des sols cultivés.

2La capacité de la jachère naturelle de longue durée à restaurer la fertilité des sols a été bien établie par de nombreux auteurs (Jean, 1975 ; Sédogo, 1981 ; Pieri, 1991 ; Zoungrana, 1993 ; Hien et al. 1993 ; Somé, 1996). En effet, les différents travaux comparant les systèmes de culture et de jachère ont toujours montré que, dans les sols cultivés, le bilan annuel des éléments nutritifs est négatif et que, à l’inverse, le bilan sous jachère est positif (Moreau, 1983 ; Feller et al., 1993 ; Somé, 1996). En jachère arborée, l’expression de la disponibilité en éléments nutritifs peut être la biomasse plus qu’une analyse de sol. Cependant, suite à la forte pression anthropique qui entraîne une surexploitation des ressources naturelles, cette phase de jachère a tendance à être raccourcie avec des systèmes de mise en repos de courte durée qui ne suffisent plus à reconstituer le potentiel de fertilité des sols.

3Dans les successions post-culturales, les différents flux et stocks de matière organique sont très dépendants de la nature du couvert végétal et de l’importance de celui-ci  (Greenland, 1959 ; Hoefsloot et al., 1993 ; Somé, 1996). En zone soudanienne, dans une précédente étude, nous avions montré que le signal isotopique de la matière organique du sol (les abondances en 13C exprimées en valeur d 13C) est plus proche de celui des herbacées que de celui des ligneux (Somé, 1996).

4En zone soudanienne, Andropogon gayanus Kunth. var. bisquamultus et Andropogon ascinodis CBCl sont des graminées pérennes très présentes dans les jachères naturelles de 6 à 30 ans. Ce sont des espèces indicatrices d’une bonne fertilité du sol (Somé et al., 1999), aux propriétés nettoyantes (elles éliminent les adventices) et aux effets structurants au niveau des sols (Somé, 1996 ; Blic, Somé, 1997 ; Buldgen, Dieng, 1997 ; Djimadoum, 1999 ; Somé et al., 2000).

5Les jachères naturelles de courte durée (1 à 6 ans) à Andropogon pseudapricus ont un effet améliorant fugace, car les matières organiques y sont rapidement minéralisées et ne laissent donc guère de composés stables dans le sol. Au contraire, la matière organique sous les Andropogonées pérennes est stable (Hoesfloot et al., 1993 ; Somé, 1996). Une amélioration sensible du stock de matière organique (en terme de restauration des teneurs d’éléments nutritifs) nécessite donc des longues durées de jachère (30 à 40 ans). Dans les jachères naturelles, la mise en place des peuplements de Andropogon gayanus et Andropogon ascinodis intervient entre 20 et 40 ans.

6Ces différentes observations laissent entrevoir la possibilité de réduire le temps de jachère en améliorant les processus de restauration de la fertilité des sols par l’implantation des andropogonnées en jachères artificielles. Une jachère artificielle à base de Andropogon spp. a été créée et l’effet des différents traitements sur l’évolution de quelques éléments chimiques et sur l’activité biologique du sol a été évalué à l’issue de trois ans de jachère. Nous présentons ici quelques résultats préliminaires obtenus au bout de trois ans.

2. Matériels et méthodes

2.1. Le site de l’étude

7La présente étude a été conduite, à la limite nord d’une zone de climat de type sud-soudanien (pluviosité moyenne annuelle de l’ordre de 900 mm) entre les latitudes 11° 43 et 11° 48 Nord et les longitudes 1° 38 et 1° 43 Ouest. Les sols les plus représentés sont des sols ferrugineux tropicaux lessivés indurés avec des profondeurs variables de l’horizon induré (Zombré et al., 1995). La texture est sableuse à sablo-argileuse en surface et argilo-sableuse en profondeur. La végétation est une savane arbustive à arborée (Fontes, Guinko, 1995). Le site a été installé dans une parcelle qui a été cultivée en sorgho pendant 10 ans, sans interruption.

2.2. Matériel végétal

8Andropogon gayanus Kunth. var. bisquamultus et Andropogon ascinodis CBCl sont des graminées vivaces, de type biologique hémicryptophyte cespiteux. La variété locale du sorgho est utilisée pour la réalisation des cultures.

2.3. Dispositif expérimental

9Le dispositif principal est un bloc complet randomisé à trois répétitions comprenant les traitements suivants :

10– culture de sorgho après une jachère à Andropogon gayanus d’une durée de 3 ans [SJ(Ag)3]

11– culture de sorgho après une jachère à Andropogon ascinodis d’une durée de 3 ans [SJ(Aa)3],

12– culture de sorgho après une jachère naturelle d’une durée de 3 ans [SJ(Jn)3],

13– jachère artificielle à Andropogon gayanus d’une durée de 3 ans [J(Ag)3],

14– jachère artificielle à Andropogon ascinodis d’une durée de 3 ans [J(Aa)3],

15– témoin régulièrement mis en culture depuis 3 ans [T(Cc)],

16– témoin mis en jachère depuis 3 ans [T(Jn)3].

17La surface de chaque bloc est de 150 m2 (15 m x 10 m).

18Le sorgho est semé avec un écartement de 25 cm entre les poquets, soit 16 pieds au m2.

19Les andropogon ont été plantés à partir d’éclats de souche avec un écartement de 50 cm soit 8 pieds au m2. Les plantations ont été réalisées du 15 juin au 7 juillet 1997.

2.4. Méthodes d’analyses des sols

20Prélèvement des échantillons de sol. Les échantillons de sol ont été prélevés au niveau des couches 0–10 cm et 10–20 cm, sous touffe et hors touffe dans les parcelles en jachère, à l’aide d’une tarière. Afin de tenir compte de l’hétérogénéité du milieu, un échantillon composite a été constitué par couche à partir d’un mélange de 5 prises élémentaires équipondérales. Les prélèvements ont été effectués en fin de campagne agricole. Ceci a permis de mesurer les effets résiduels des traitements.

21Analyses chimiques. Les analyses chimiques des échantillons de sol ont été réalisées au laboratoire Eau-Sol-Plantes du département Gestion des Ressources Naturelles et Système de Production (GRN/SP) de l’Institut de l’Environnement et des Recherches agricoles (INERA).

22La méthodologie de l’extraction des éléments étudiés se présente comme suit :

23– le dosage du carbone organique est effectué par la méthode de Walkley et Black ;

24– l’azote organique a été dosé par la méthode Kjeldahl en utilisant un auto-analyseur procédant par colorimétrie.

25Analyses biologiques. Les analyses biologiques ont été réalisées au Laboratoire de microbiologie du Département Productions forestières de l’Institut de l’Environnement et Recherches agricoles (INERA).

26Le carbone organique (la minéralisation potentielle du carbone) a été mesuré selon la méthode proposée par Chaussod et Nicolardot (1982). La biomasse microbienne totale des sols a été mesurée selon la méthode de fumigation – extraction proposée par Jenkinson et Powlson (1976) et adaptée par Chausod et Nicolardot (1982).

27Expression des résultats. La quantité (Q) de CO2 dégagé et partant de carbone minéralisé est donnée par la formule proposée par Dommergues (1968) :

28Q (mg.100 g-1.sol) = (V1-V2) x 2,2

29V1 = volume moyen de HCl N/10 pour le témoin (Blanc)

30V2 = volume moyen de HCl N/10 pour le traitement

31Le coefficient 2,2 a été utilisé car 2,2 g de CO2 correspondent à 1 ml de HCl N/10 (Dommergues, 1968).

32Quant à la détermination de la biomasse, elle est obtenue à partir de la formule proposée par Chaussod et Nicolardot (1982) :

33B = [F(0-7) - F(7-14)].Kc-1

34F(0-7) représente le carbone (mg.kg-1) du CO2 dégagé par l’échantillon fumigé entre 0 et 7 jours d’incubation ;

35F(7-14) représente le carbone (mg.kg-1) du CO2 dégagé par l’échantillon fumigé entre 7 et 14 jours d’incubation ;

36Kc est le coefficient de proportionnalité représentant la fraction de carbone minéralisable du compartiment « biomasse microbienne ». Il dépend du type de sol, mais nous avons considéré sa valeur moyenne égale à 0,41.

37Nous n’avons pas considéré d’échantillon témoin non fumigé pour corriger F(0-7) afin de tenir compte du carbone dégagé d’origine non microbienne, car selon Chaussod et Nicolardot (1982), cette correction est quelque peu arbitraire, dans la mesure où les conditions écologiques régnant dans un sol fumigé sont très différentes de celles d’un sol non traité.

2.5. Traitement des données

38Le traitement des données résultant des analyses chimiques a été réalisé grâce au logiciel Genstat. Les teneurs des différents éléments dosés ont été soumises à une analyse de variance. La comparaison de moyennes a été réalisée au moyen de la plus petite différence significative (test de Scheffe). Le seuil de probabilité de 0,001 en dessous duquel l’hypothèse nulle (égalité entre les moyennes) est rejetée a été retenu.

3. Résultats

3.1. Effet des traitements sur la distribution du carbone et de la matière organique

39Les résultats analytiques des teneurs en carbone sont consignés dans le tableau 1.

40D’une manière générale, sous touffes, les différents types de jachères de courtes durées (artificielles ou naturelles) ont permis de rehausser la teneur en carbone de la couche 0–10 cm et de la couche sous-jacente 10–20 cm. On observe cependant que cette tendance est beaucoup plus marquée pour les jachères à A. gayanus et à A. ascinodis qu’au niveau de la jachère naturelle. Les teneurs en carbone restent relativement élevées pour les traitements comportant des cultures après des jachères à A. gayanus et à A. ascinodis.

41Au niveau des profondeurs étudiées, les échantillons des sols rhizosphériques, comparés aux échantillons des sols hors rhizosphère, présentent des teneurs plus importantes en carbone.

42Pour la couche 0–10 cm, hors touffes, les jachères à Andropogon spp. ont amélioré significativement la teneur en carbone, mais dans une moindre mesure comparé aux effets similaires observés sous touffe.

43Le témoin jachère naturelle présente une forte teneur en carbone quels que soient la couche et le lieu de prélèvement.

Image1

3.2. Effet des traitements sur la distribution de l’azote

44Les résultats analytiques de la distribution de l’azote au niveau des deux couches de sol sont consignés dans le tableau 2.

45Le test de comparaison de moyennes montre que la teneur en azote de la jachère de 3 ans à A. ascinodis [J(Aa)3] est élevée et se différencie significativement de celle du témoin en culture continue [T(Cc)] et de la jachère de 3 ans à A. gayanus [J(Ag)3].

46Au niveau de la couche 10–20 cm sous touffes et des couches 0–10 cm et 10–20 cm hors touffes (Tableau 2), les différents traitements appliqués n’ont pas modifié significativement les teneurs en azote. Le témoin en culture continue [T(Cc)] a les plus faibles teneurs en azote.

47On observe ainsi que la teneur en azote est distribuée de façon homogène en fonction de la profondeur sauf pour la jachère à A. ascinodis [J(Aa)3].

Image2

3.3. Effet des traitements sur l’activité microbienne

48Les résultats des cumuls de dégagement de CO2 sont consignés dans le tableau 3.

49L’analyse de la variance du cumul de CO2 dégagé des sols non fumigés prélevés sous touffes a révélé des différences hautement significatives (P < 0,001) entre les traitements.

50L’activité biologique sous touffe de A. gayanus [J(Ag)3] et de A. ascinodis [J(Aa)3] est plus importante que sous les traitements témoins mis en culture continue (sorgho après jachère de 3 ans à A. ascinodis [SJ(Aa)3], et témoin mis en jachère naturelle de 3 ans [T(Cc)]). Des différences significatives (P < 0,001) entre les traitements sont également notées pour les sols prélevés hors touffes, la teneur la plus élevée étant observée avec la jachère à A. ascinodis [J(Aa)3].

Image3

3.4. Effet des traitements sur la biomasse microbienne du sol

51Les résultats analytiques sont présentés dans le tableau 4.

52Pour les sols prélevés sous touffes, l’analyse de la variance a révélé des différences hautement significatives entre les traitements (P < 0,001).

53La biomasse microbienne observée sous touffes de A. gayanus [J(Ag)3] et de A. ascinodis [J(Aa)3] est significativement plus importante qu’au niveau des traitements suivants : témoin mis en culture continue [T(Cc)], témoin mis en jachère naturelle de 3 ans [T(Jn)3], sorgho après jachère naturelle de 3 ans [SJ(Jn)3] et sorgho après jachère de 3 ans à A. ascinodis [SJ(Aa)3].

Image4

4. Discussion

54De l’analyse des différents résultats, on peut remarquer que dans les jachères à A. gayanus [J(Ag)3] et à A. ascinodis [J(Aa)3] les teneurs en carbone ont respectivement augmenté de 43 % et 55 % par rapport au témoin mis en culture continue [T(Cc)], et de 11 % et 20 % par rapport à la jachère naturelle. Dans le témoin jachère naturelle [T(Jn)3], la teneur en carbone est élevée de plus de 29 % par rapport aux témoins mis en culture continue [T(Cc)]. Les teneurs en carbone dans les parcelles cultivées en sorgho après la jachère de 3 ans à A. gayanus [SJ(Ag)3] et à A. ascinodis [SJ(Aa)3], sont significativement plus élevées par rapport au témoin sorgho mis en culture continue [T(Cc)] mais restent inférieures au témoin jachère naturelle [T(Jn)3]. La jachère naturelle et les jachères à andropogonnées augmentent significativement les teneurs en carbone et en azote. La jachère naturelle présente également des teneurs plus élevées que la jachère de 3 ans à A. gayanus. Les travaux de Bassonon (2000) montrent les mêmes tendances au gain en carbone et en azote dans des jachères améliorées à Andropogon gayanus de 7 ans avec des teneurs de l’ordre de 7,3 mg.g-1 de carbone et 0,4 mg.g-1 d’azote.

55Ces teneurs traduisent aussi une hausse proportionnelle du stock de matière organique du sol. La biomasse épigée des jachères de 3 ans à A. gayanus et à A. ascinodis est fauchée et exportée à la fin de chaque campagne, sa contribution dans les variations observées au niveau des teneurs en éléments chimiques est faible. Ce sont donc essentiellement les parties souterraines des graminées, qui contribuent à l’accroissement des teneurs en carbone des sols étudiés. Ces résultats sont en conformité avec ceux donnés par Abbadie (1995) pour Lamto, par César et Coulibaly (1991), et Somé et al. (2000). En effet, selon Buldgen et Dieng (1997), le renouvellement annuel des racines de A. gayanus avoisine 72 %. Pour ces mêmes auteurs, en année à pluviosité normale et grâce au renouvellement des racines cette graminée enfouirait naturellement dans la couche arable environ 3 tonnes de matière sèche racinaire par ha. Ces apports en matière organique par ha sous une culture de A. gayanus représenteraient l’équivalent de 20 tonnes de poudrette de parc à bovins tous les 2 ans. Par ailleurs, les racines les plus profondes ramèneraient également en surface des éléments minéraux très facilement lessivables (Buldgen, Dieng, 1997).

56L’activité biologique est un bon indicateur de la fertilité d’un sol, puisqu’elle permet de suivre la dynamique des processus de décomposition et de transformation de la matière organique. L’activité microbienne s’est traduite par un dégagement cumulé de CO2 significativement plus important sous touffes à A. gayanus et à A. ascinodis que dans les témoins mis en jachère naturelle de 3 ans et les témoins mis en culture continue. Par ailleurs, la biomasse microbienne est significativement plus importante sous touffes à A. gayanus et à A. ascinodis que dans les témoins mis en jachère de 3 ans et celui mis en culture continue.

57L’accumulation de l’azote observée au niveau de la couche 0–10 cm sous couverture à A. ascinodis par rapport au témoin mis en culture continue révèle une bonne activité microbienne due à l’effet rhizosphérique. Ainsi, on peut penser que la faune du sol s’attaque préférentiellement à la matière organique nouvellement incorporée (Myers et al., 1989). Ceci aboutit à la libéralisation (minéralisation de la matière organique fraîche et des cadavres microbiens) et à la participation de l’azote à la formation des substances humiques (Soltner, 1978) et à son accumulation sur le complexe adsorbant sous forme de cation NH4+. En effet, une étude récente menée par Abbadie et al. (2000) a montré que ces types de graminées bloquent le cycle de l’azote sous forme ammoniacale, empêchant ainsi sa lixiviation.

58L’activité biologique a comme support énergétique la matière organique (Dommergues, 1968 ; Chaussod et al., 1986). Dès lors, les faibles teneurs en matière organique observées sous jachère naturelle de courte durée limitent considérablement le développement des micro-organismes ; ces derniers ne bénéficiant pas de source d’énergie suffisante. Dans les jachères à herbacées pérennes (A. gayanus et A. ascinodis), les transferts d’éléments nutritifs de la partie aérienne vers les parties souterraines, la rhizodéposition et l’adjonction de nouveaux produits métabolisables, stimuleraient l’activité bactérienne ; ce qui augmenterait alors le peuplement microbien avec une action minéralisatrice plus importante. Cet effet est connu sous le terme anglo-saxon de « priming effect » (Abbadie, 1995).

59Des auteurs comme Feller et al. (1993), Hoefsloot et al. (1993) ou Paniagua et al. (1999) ont montré que la jachère améliorée, même de courte durée, améliore dans une certaine mesure les conditions du milieu.

60Sous A. gayanus et A. ascinodis, la fragmentation du sol observée dans l’horizon humifère est manifeste dès l’implantation des premières touffes. C’est donc un effet structurant immédiat qui met bien en évidence l’importance de cette espèce dans l’amélioration physique du sol. Au niveau du sol, la résistance à la pénétration est plus faible, la porosité et l’infiltrabilité plus élevées sous les jachères naturelles à A. gayanus et A. ascinodis (Blic, Somé, 1997).

5. Conclusion

61L’objectif pratique de la mise en jachère est de restaurer la fertilité des sols. Andropogon gayanus et Andropogon ascinodis ont montré des propriétés d’amélioration des paramètres physiques (Blic, Somé, 1997), chimiques et biologiques à partir de leurs racines. Celles-ci contribuent essentiellement à la constitution des stocks de matières organiques, induisent une activité biologique importante et favorisent une biomasse microbienne qui contribue à la minéralisation de la matière organique. L’utilisation des engrais minéraux étant incompatible avec les conditions socio-économiques des populations paysannes, une des solutions susceptibles de reconstituer les potentialités culturales des terres passerait par la valorisation du potentiel d’apport organique que représentent les andropogonnées. Ces jachères artificielles à Andropogon spp. permettraient aussi de raccourcir la durée des jachères.

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Pour citer cet article

Antoine Some N., Karim Traoré, Ouola Traoré & Moustapha Tassembedo, «Potentiel des jachères artificielles à Andropogon spp. dans l’amélioration des propriétés chimiques et biologiques des sols en zone soudanienne (Burkina Faso)», BASE [En ligne], Volume 11 (2007), numéro 3, 245-252 URL : https://popups.uliege.be/1780-4507/index.php?id=892.

A propos de : Antoine Some N.

Université polytechnique de Bobo-Dioulasso. BP 1091 Bobo-Dioulasso (Burkina Faso). E-mail : ansome30@hotmail.com

A propos de : Karim Traoré

Institut de l’Environnenement et de Recherches agricoles. Farakoba, BP Bobo-Dioulasso (Burkina Faso).

A propos de : Ouola Traoré

Institut de l’Environnenement et de Recherches agricoles. Farakoba, BP Bobo-Dioulasso (Burkina Faso).

A propos de : Moustapha Tassembedo

Direction régionale de l’Environnement et du Cadre de vie. Kombissiri (Burkina Faso).