BASE BASE -  volume 13 (2009)  numéro 1 

Paramètres agronomiques liés à la tolérance au sel chez le haricot (Phaseolus vulgaris L.)

Mainassara Zaman-Allah

Université Abdou Moumouni. Faculté des Sciences. Département de Biologie. 10662 Niamey (Niger). E-mail : mainassara.za@fsb.rnu.tn

Bouaziz Sifi

Institut National de la Recherche Agronomique de Tunisie (INRAT). Laboratoire des Grandes Cultures. Rue Hédi Karray. TN-2080 Ariana (Tunisie).

Boulbaba L'
 Taief

Université de Tunis El Manar. Faculté des Sciences. Département de Biologie. Campus universitaire. 1060 Tunis (Tunisie).

Mohamed Hédi El Aouni

Université 7 Novembre-Carthage. Faculté des Sciences de Bizerte. Département de Biologie. TN-7021 Zarzouna (Tunisie).

Notes de la rédaction :

Reçu le 2 février 2006, accepté le 11 mars 2008

Résumé

L'identification de caractères agronomiques conférant la tolérance à la contrainte saline est importante pour l'évaluation de cultivars de haricot (Phaseolus vulgaris L.) et l'amélioration de leur tolérance au sel. Six cultivars ont été cultivés sur sol, sous serre et soumis à trois niveaux de salinité (témoin, 25 et 50 mM NaCl) pour évaluer leur tolérance au sel au moyen de leur biomasse et de leur indice de sensibilité relative au sel : I.S.R.S. = D.R.B./I.I.S. (D.R.B. : déficit relatif de biomasse et I.I.S. : indice d'intensité de la salinité). Par ailleurs, un essai multilocal de distinction agro-morphologique a été conduit en Tunisie sur quatre sites expérimentaux de l'INRAT (Ariana, Oued Beja, Oued Meliz et Sejnane) au cours de trois campagnes agricoles consécutives et portant sur seize cultivars afin de déterminer la stabilité de leur rendement en graines, le calibre des graines (exprimé par le poids de 100 graines noté P100G) et leur précocité exprimée par la durée du cycle de développement. Les résultats ont montré que les cultivars tolérants sont caractérisés par des rendements moyens et relativement stables, des graines colorées de calibre moyen et sont précoces par rapport aux cultivars sensibles tardifs qui, en revanche, présentent des rendements moins stables et des graines blanches de calibre petit à moyen.

Mots-clés : rendement, salinité, haricot, sélection variétale

Abstract

Agronomical traits associated with salinity-tolerance in common bean (Phaseolus vulgaris L.). Identifying multiple agronomical parameters associated with salinity-tolerance is important for evaluating common bean (Phaseolus vulgaris L.) cultivars and improving their tolerance to salinity. Six cultivars were grown in soil, under glasshouse conditions and exposed to three salinity levels (control, 25 and 50 mM NaCl) to evaluate their tolerance using their biomass and the relative salt-susceptibility index: I.S.R.S. = D.R.B./I.I.S. (D.R.B.: relative biomass deficit and I.I.S.: salinity intensity index). On the other hand, a comparative field trial was conducted at four experimental stations of INRAT (Ariana, Oued Beja, Oued Meliz and Sejnane) during three consecutive years with sixteen cultivars to determine their grain yield stability, grain size and precocity. Results showed that tolerant cultivars are colour-seeded, early and presented yield stability and medium grain size. By contrast the susceptible cultivars are late, white-seeded and characterized by a less stable yield and small to medium grain size.

Keywords : yield, salinity, tolérance, common bean, tolerance, variety screening

1. Introduction

1Le taux élevé de sel dans les sols ou les eaux d'irrigation est une préoccupation environnementale majeure et un problème sérieux pour l'agriculture dans les régions arides et semi-arides, comme le bassin méditerranéen. En effet, l'excès de sel dans le sol affecte la germination, la croissance des plantules et leur vigueur, la phase végétative, la floraison et la fructification à des degrés variables (Delgado et al., 1994 ; Cordovilla et al., 1995a ; 1995b ; 1995c), conduisant à terme à des baisses de rendement et de qualité des productions. D'autre part, dans une étude réalisée sur le genre Phaseolus, il a été démontré que la variabilité de tolérance à la salinité au sein des espèces viendrait largement d'un rapport PR/PA (biomasse racinaire/biomasse aérienne) élevé (Bayuelo-Jiménez et al., 2002). En effet, ces espèces maintiennent une croissance racinaire relativement importante sous forte contrainte saline, l'augmentation du rapport PR/PA qui s'ensuit semble être associée à une augmentation de leur tolérance au sel. Kafkai (1991) suggère que, sous contrainte saline, la plante dépense plus d'énergie photosynthétique pour maintenir un statut hydrique élevé et pour la production de racines en vue de la recherche d'eau et/ou la réduction de la perte d'eau. Les critères d'identification de la tolérance au sel les plus usuels incluent le rendement, la survie, la vigueur, les dommages foliaires et la taille des plantes (Maas et al., 1977 ; Shannon, 1984). D'autres indices de tolérance ont été proposés, qui sont basés sur des caractéristiques physiologiques spécifiques, notamment l'accumulation d'ions ou la production de métabolites spécifiques. Néanmoins, la tolérance au sel est habituellement déterminée en termes de croissance ou de rendement (Maas et al., 1977 ; Shannon, 1984). Sous contrainte saline, des différences de rendement reflètent souvent des différences de vigueur des plantes. Chez le blé, il a été rapporté une corrélation étroite entre les rendements en conditions témoin et sous contrainte saline (Quarrie et al., 1993). La sélection basée sur la vigueur des plantes a, certes, montré un certain succès (Richards, 1992), cependant elle serait plus efficace lorsqu'elle prend en compte d'autres caractères de tolérance comme la précocité (Tester et al., 2003). En effet, sous contrainte saline, un développement tardif favorise l'accumulation d'ions toxiques pouvant entraîner la mort des plantes avant la fin de leur cycle de développement (Munns, 2002). La tolérance au sel peut donc être évaluée à l'aide de paramètres agronomiques (Shannon, 1997), ce qui faciliterait beaucoup l'amélioration génétique des lignées. La présente étude est une contribution à la recherche de caractéristiques agro-morphologiques associées à la tolérance au sel et pouvant servir de critères simples de sélection chez le haricot, particulièrement pour l'évaluation d'un grand nombre de cultivars.

2. Matériel et méthodes

2.1. Test de tolérance à la salinité

2Cet essai a été conduit sous serre, à la station Ariana de l'Institut National de la Recherche Agronomique de Tunisie (INRAT) sur six cultivars de haricot (C61 : Alubiacerrillos, C155 : BAT477, C0 : Coco, C11 : Flamingo, C10 : SVM29-21 et C97 : WAF132) sélectionnés pour leur potentiel agronomique dans le cadre du programme national des légumineuses à graines de Tunisie. La surface des graines a été désinfectée au préalable par trempage durant 5-10 minutes dans une solution d'hypochlorite de calcium (35 g.l-1) puis rincée une dizaine de fois à l'eau distillée stérile. Ensuite, les graines sont mises à pré-germer pendant trois jours dans des boîtes de Petri contenant du papier buvard stérile imbibé d'eau distillée stérile dans une chambre de culture. Les plantules sont transplantées individuellement dans des pots en plastique de 250 cm3 remplis de sable stérile et irriguées avec une solution nutritive dont la composition en macroéléments est celle de la solution de Coïc pour les plantes neutrophiles, très légèrement modifiée. Sa composition en oligo-éléments est de 24 µM H3BO3, 10 µM MnSO4.4 H2O, 3 µM ZnSO4, 0,9 µM CuSO4.7 H2O, 0,04 µM (NH4)6Mo7O24.7 H2O. Les plantes ont été cultivées sous serre vitrée et éclairement naturel dans les conditions de température jour/nuit de 22 ± 5 °C / 15 ± 2 °C et 70 ± 10 % d'humidité relative dans la journée. Une semaine après repiquage, les jeunes plants au stade V2 (épanouissement des deux premières feuilles) de chaque cultivar ont été partagés en trois lots irrigués à la solution nutritive additionnée de 0, 25 et 50 mM NaCl selon le traitement. Pour chaque cultivar et pour chaque lot, il y a 10 plants dont un par pot, soit 10 répétitions par traitement. L'irrigation avec la solution nutritive a été conduite en alternance avec un apport d'eau distillée afin d'éviter d'importantes variations du potentiel osmotique au cours du traitement. Les plantes ont été récoltées au stade de floraison (R6), séparées en organes aériens et racines et séchées pendant 24 heures dans une étuve à 70 °C. La réponse des cultivars à la salinité a été évaluée à l'aide de leur biomasse et de leur indice de sensibilité relative au sel ou I.S.R.S. qui traduit le rapport de la sensibilité d'un cultivar donné (exprimée par le déficit relatif de biomasse dû au sel ou D.R.B.) à la sensibilité moyenne de l'ensemble des cultivars ou indice d'intensité de la salinité (I.I.S.). Il s'écrit :

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3avec BT : biomasse totale moyenne d'un cultivar donné en absence de sel (t) ou sous contrainte saline (s), et

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4avec M : biomasse totale moyenne de tous les cultivars en absence de sel (t) ou sous contrainte saline (s).

2.2. Etude du comportement variétal du haricot en plein champ

5Cultivars testés. Un essai comparatif a été conduit sur un échantillon de 16 cultivars de haricot (Phaseolus vulgaris L.) consommés en vert ou sec, dont dispose le Laboratoire des Grandes Cultures de l'INRAT (Tableau 1). Ces cultivars ont été choisis sur la base de leur potentiel agronomique parmi 172 variétés du programme des légumineuses à graines de l'INRAT.

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6Sites d'étude et dispositif expérimental. L'essai a été réalisé durant trois campagnes agricoles consécutives (2001-2002, 2002-2003, 2003-2004) sur 4 sites expérimentaux de l'INRAT (Ariana, Oued Beja, Oued Meliz et Sejnane). L'expérimentation a été conduite suivant un dispositif en blocs complets randomisés. Dans chaque station expérimentale, le dispositif est constitué de 3 blocs comportant chacun les 16 cultivars, occupant des parcelles élémentaires de 4 m x 2 m = 8 m2, disposées au hasard. Le semis est réalisé suivant un écartement entre les lignes de 0,5 m et sur la ligne de 10-15 cm, avec une densité de 30 plants.m-2.

7Méthode d'évaluation de l'adaptation variétale à un biotope selon la technique de régression. Le rendement moyen d'un cultivar mesuré sur plusieurs sites et/ou sur plusieurs années a été utilisé comme mesure de sa performance et de son adaptation au biotope. Parmi les méthodes utilisées pour évaluer la stabilité d'un cultivar, la technique de régression (Finlay et al., 1963) est intéressante car elle met l'accent sur les réponses variétales, évaluées par le rendement, à une gamme d'environnements naturels. Elle est basée sur deux indices : le rendement variétal moyen (μi) de l'ensemble des sites d'expérimentation et le coefficient de régression (bi) du rendement variétal par site sur un facteur du biotope qui est l'indice environnemental. μi donne une mesure comparative de la performance individuelle des variétés. L'analyse du comportement variétal est réalisée à l'aide d'un diagramme orthogonal ayant ces deux paramètres comme variables (Figure 1).

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8Les paramètres agro-morphologiques d'évaluation de la performance variétale sont le rendement en grains, le calibre des graines (poids de 100 graines) et la précocité.

3. Résultats

3.1. Test de tolérance à la salinité

9Variation de la croissance des cultivars sous contrainte saline. Les données des biomasses aérienne et racinaire des six cultivars soumis aux traitements salins sont consignées au tableau 2. Chez les plants témoins, la biomasse aérienne ne montre pas de différence significative entre les cultivars, même si une tendance à une croissance plus élevée est observée chez Flamingo (C11) et Alubiacerrillos (C61) avec, respectivement, 1,695 et 1,644 g par plante. Concernant la biomasse racinaire, Alubiacerrillos présente une valeur significativement plus élevée ainsi que le plus grand rapport PR/PA. Sous contrainte saline, l'effet du sel est variable selon la dose et le cultivar. Lorsque la contrainte est modérée (25 mM NaCl), BAT477 (C155), Flamingo (C11) et SVM29-21 (C10) présentent un déficit de biomasse aérienne inférieur à 25 % par rapport aux plants témoins, alors que Coco (C0) et Alubiacerrillos (C61) accusent, respectivement, un déficit de 40 et 50 %. Le cultivar WAF132 (C97), quant à lui, subit une baisse de biomasse aérienne d'environ 30 %. Dans le cas de la biomasse racinaire, la plus forte réduction (75 % du témoin) est enregistrée chez Alubiacerrillos. Concernant le rapport PR/PA, Flamingo et BAT477 exhibent une réduction de plus de 50 % par rapport aux témoins alors que chez Coco, ce rapport n'est sensiblement pas affecté par 25 mM NaCl. Sous contrainte saline sévère (50 mM NaCl), WAF132 est le cultivar le plus affecté, sa croissance aérienne et racinaire étant fortement inhibée. Coco et Alubiacerrillos montrent également une importante baisse de biomasse par rapport à celle observée chez Flamingo et BAT477 qui sont les cultivars les moins affectés. En outre, il est à noter que le rapport PR/PA tend à diminuer chez SVM29-21 et Alubiacerrillos avec l'intensification de la contrainte saline. Par contre, les autres cultivars montrent une diminution à 25 mM NaCl et une augmentation à 50 mM NaCl de ce rapport de biomasses. D'une manière globale, la réponse des biomasses aérienne et racinaire à la salinité permet de scinder les six cultivars étudiés en deux groupes : un groupe à croissance très affectée, formé par Coco, Alubiacerrillos et WAF132 et un autre moins affecté, formé par BAT477, Flamingo et SVM29-21. Ce classement peut être appuyé et affiné par l'indice de sensibilité relative au sel (I.S.R.S.).

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10Indice de sensibilité relative au sel (I.S.R.S.). L'indice de sensibilité relative au sel ou I.S.R.S. montre une importante variation entre les cultivars, aussi bien sous contrainte saline modérée (25 mM NaCl) que sévère (50 mM NaCl) (Tableau 2). Lorsque la contrainte est modérée, Alubiacerrillos, Coco et, dans une moindre mesure, WAF132, ont des indices supérieurs à 1, les autres cultivars présentant des indices assez bas. Sous contrainte sévère, BAT477 et Flamingo exhibent des indices inférieurs à 0,8 contre des valeurs supérieures à 1,15 chez Alubiacerrillos, Coco et WAF132. La lignée SVM29-21 présente une valeur intermédiaire.

3.2. Comportement variétal du haricot en plein champ

11Stabilité du rendement. La comparaison des 16 cultivars selon chaque paramètre agro-morphologique est basée sur leurs projections dans un diagramme orthogonal dont l'axe des abscisses est réservé aux valeurs du paramètre en question et l'axe des ordonnées aux valeurs du coefficient de régression de ce paramètre sur l'indice environnemental représenté ici par la pluviométrie annuelle.

12Variation de l'indice environnemental des sites d'expérimentation. La pluviométrie annuelle prise ici comme indice environnemental (Tableau 3) montre une importante variation au sein et entre les sites, au cours des trois années d'expérimentation. Les plus grandes fluctuations sont observées durant la troisième année alors que la deuxième est marquée par une très faible variation entre les sites. A l'échelle des trois années d'expérimentation, Ariana, qui est notre site de référence, se caractérise par une relative stabilité de l'indice environnemental, lequel est sujet à une variation importante au niveau des autres sites.

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13Stabilité du rendement des cultivars étudiés. Les résultats des trois campagnes agricoles au sein des quatre sites (Figure 2) montrent un regroupement de la majorité des cultivars au niveau de la zone de stabilité moyenne avec des rendements assez proches du rendement moyen. Les cultivars C9, C98 et C129 se distinguent par une stabilité supérieure à la moyenne (bi très faible), mais présentent des rendements nettement plus faibles, ce qui traduit une adaptation aux environnements défavorables. En effet, ils ne sont pas capables de produire beaucoup plus lorsque l'environnement devient très favorable du fait de leur adaptation spécifique aux environnements défavorables. Les cultivars Coco (C0) et WAF132 (C97) présentent des rendements inférieurs au rendement variétal moyen et se placent dans la zone de stabilité moyenne. Les cultivars C61 et C89 montrent de très bons rendements mais avec une instabilité caractéristique, le coefficient de régression bi étant élevé, de loin supérieur à celui des autres. D'une manière générale, les cultivars tolérants C10, C11, C12 (Saadallah et al., 2001 ; données INRAT non publiées, 2003 ; Bouhmouch et al., 2005), C13 et C100 (données INRAT non publiées, 2003) présentent des rendements moyens à élevés avec une stabilité moyenne. Par contre, les cultivars sensibles C0, C97, C98 (Saadallah et al., 2001 ; données INRAT non publiées, 2003 ; Bouhmouch et al., 2005), C61 et C89 (données INRAT non publiées, 2003) ont des rendements faibles et stables ou élevés et instables.

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14Calibre des graines (P100G) et durée du cycle de développement. La figure 3 montre la relation entre le calibre des graines exprimé par le poids de 100 graines (P100G) et la précocité exprimée par la durée du cycle de développement. Le calibre est très variable entre les cultivars testés. Les valeurs les plus élevées sont obtenues chez C10, C97, C100, C129, C89 et C81 alors que C88, C38, C16, C9, C98 et C0 présentent des calibres nettement plus petits. Les autres cultivars montrent un calibre moyen. Ces résultats montrent que le calibre des graines n'est pas très discriminant pour la sensibilité au sel puisque les valeurs élevées de ce paramètre caractérisent à la fois des cultivars sensibles et tolérants. Néanmoins, il est à remarquer qu'à l'opposé des cultivars sensibles, dans la zone de faible calibre, aucun cultivar tolérant n'est représenté. La durée du cycle de développement également révèle une importante variabilité entre les cultivars étudiés. Tous les cultivars tolérants sont précoces. En revanche, à l'exception du cultivar C98, tous les cultivars sensibles sont tardifs.

4. Discussion et conclusion

15La sélection des cultivars pour la tolérance à la salinité peut être réalisée de manière directe dans le cas d'un nombre restreint de lignées. Par contre, lorsqu'elle est opérée sur un nombre important de lignées ou sur une population, l'approche la plus convenable reste l'utilisation de caractéristiques agronomiques fiables et faciles à mesurer. Certains auteurs ont rapporté que, sous contrainte saline, les caractères susceptibles d'améliorer la tolérance au sel sont la vigueur et la stabilité du rendement des plantes (Quarrie et al., 1993). En effet, malgré ses limites, la sélection basée sur la vigueur des plantes est une approche agronomique efficace pour l'amélioration du rendement en conditions de stress salin (Conway, 1997). Nos résultats montrent d'une manière générale les cultivars tolérants C10, C11, C12 (Saadallah et al., 2001 ; Bouhmouch et al., 2005 ; données INRAT non publiées, 2003) ; C13 et C100 (données INRAT non publiées, 2003) présentent des rendements moyens à élevés avec une stabilité moyenne. Par contre, les cultivars sensibles C0, C97, C98 (Saadallah et al., 2001 ; données INRAT non publiées, 2003 ; Bouhmouch et al., 2005), C61 et C89 (données INRAT non publiées, 2003) ont des rendements soit faibles et stables, soit élevés et instables (Figure 2). Par ailleurs, pour le calibre des graines, même s'il détermine dans une large mesure la vigueur de la croissance initiale des plantes, importante pour faire face aux contraintes environnementales, son implication dans la tolérance des cultivars de haricot au sel reste encore à établir. Dans notre étude, il ressort que ce paramètre n'est pas très discriminant pour la tolérance à la salinité chez le haricot (Figure 3). Néanmoins, il est à noter qu'aucun cultivar tolérant ne présente de graines de petit calibre. Il s'ensuit que le calibre moyen à élevé des graines est une condition nécessaire mais pas suffisante de tolérance au sel chez le haricot.

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16La précocité est aussi un caractère utile pour les plantes, surtout en conditions défavorables. Sous contrainte saline, les plantes appartenant à des cultivars tardifs meurent souvent avant la fin de leur cycle. En plus, même dans le cas de cultivars tolérants, lorsque ceux-ci sont tardifs, l'accumulation progressive du sel dans les organes se traduit par une altération du temps de floraison et une baisse de la production en grains (Munns, 2002). Chez les cultivars sensibles, la mort des vieilles feuilles qui survient à l'échelle des semaines, suivie de celle des jeunes feuilles à l'échelle des mois, entrainent la mort de la plante entière qui ne dispose plus d'approvisionnement suffisant en assimilats pour survivre (Munns, 2002). Nos résultats révèlent que tous les cultivars tolérants sont précoces. En revanche, à l'exception du cultivar C98, tous les cultivars sensibles sont tardifs (Figure 3).

17L'association de la couleur des graines à la tolérance au sel demeure encore peu explorée. Cependant, au sein de l'échantillon étudié, il se dégage que tous les cultivars tolérants ont des graines colorées (Tableau 1). Par contre, les cultivars sensibles, excepté C89, ont des graines blanches.

18Cette étude, qui mérite d'être approfondie, permet de conclure que les caractères agro-morphologiques utilisés (stabilité de rendement, précocité, calibre et couleur des graines), pris singulièrement, ne peuvent permettre la sélection de cultivars tolérants vis-à-vis de la salinité chez le haricot. Toutefois, leur combinaison peut constituer la base de cette sélection. Ainsi, un cultivar tolérant devrait être précoce et avoir un rendement moyen stable, des graines de calibre moyen et colorées. En revanche, un cultivar tardif, à rendement instable et des graines blanches de faible calibre, serait potentiellement sensible.

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Pour citer cet article

Mainassara Zaman-Allah, Bouaziz Sifi, Boulbaba L', Taief & Mohamed Hédi El Aouni, «Paramètres agronomiques liés à la tolérance au sel chez le haricot (Phaseolus vulgaris L.)», BASE [En ligne], numéro 1, volume 13 (2009), 113-119 URL : https://popups.uliege.be/1780-4507/index.php?id=3622.