Phantasia https://popups.uliege.be/0774-7136 fr Du Google Art au roman contemporain.Écriture, cartographie et géolocalisation https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1641 Ouverts au grand public en 2006 et 2007, les logiciels Google Earth et Google Street View exercent, depuis, une influence notoire sur certaines formes de l’art contemporain et de la littérature, qu’il s’agisse du GPS Art, du travail des « Google artistes » ou des récits de voyage. Au-delà d’une nouvelle vision du monde qu’offre cette imagerie satellitaire inédite, les applications de géolocalisation, elles, modifient notre rapport au temps et au mouvement si bien qu’elles sont devenues aujourd’hui des outils de création à part entière. En prenant appui sur quelques exemples puisés dans le champ de la cartographie alternative et à partir de la lecture de deux romans parus en 2022, Antipolis de Nina Leger et GPS de Lucie Rico, cet article tente de mettre en lumière ce que la géolocalisation fait à certaines formes de création contemporaine. Opened to the general public in 2006 and 2007, Google Earth and Google Street View have since exerted a notorious influence on certain forms of contemporary art and literature, from GPS Art to the work of "Google artists" and travel writing. As well as offering a new vision of the world through unprecedented satellite imagery, geolocation applications are changing our relationship with time and movement to such an extent that they have become creative tools in their own right. Drawing on a few examples from the field of alternative cartography, and based on a reading of two novels published in 2022, Antipolis by Nina Leger and GPS by Lucie Rico, this article attempts to shed light on what geolocation does to certain forms of contemporary creation. Wed, 06 Dec 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1641 Introduction https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1536 Si la carte constitue un système de signes complexe méritant un décodage patient, il arrive qu’elle s’impose à l’observateur dans un régime d’immédiateté esthétique, au-delà de la saisie unitaire et raisonnée du réel qu’elle propose. Par la richesse de ses lignes, de ses formes, de ses couleurs, de ses noms, l’image cartographique semble moins s’offrir comme un instrument de connaissance que comme la source d’un émerveillement spontané, emblématique de l’étendue et de la diversité du monde. Ces quelques souvenirs tirés des Mémoires d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir (1958) en fournissent une illustration exemplaire : Je m’enchantais aussi des planches de mon atlas. Je m’émouvais de la solitude des îles, de la hardiesse des caps, de la fragilité de cette langue de terre qui rattache les presqu’îles au continent ; j’ai connu à nouveau cette extase géographique quand, adulte, j’ai vu d’avion la Corse et la Sardaigne s’inscrire dans le bleu de la mer, quand j’ai retrouvé à Chalcis, éclairé d’un vrai soleil, l’idée parfaite d’un isthme étranglé entre deux mers1. La corrélation que dresse la philosophe entre l’atlas de son enfance et son voyage ultérieur en avion ne vise pas à démontrer l’idée classique selon laquelle la carte confère à qui l’observe l’illusion d’une maîtrise de l’espace. Elle est surtout présentée comme un objet auratique donnant du monde une image stylisée et suscitant, en conséquence, l’envie de le parcourir : « Pour l’enfant, amoureux de cartes et Thu, 30 Nov 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1536 Littérature et cartographie. Histoire de trompe-l’œil https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1619 Une carte peut être considérée comme une forme de trompe-l’œil : selon la Logique de Port-Royal et l’interprétation qu’en donne Louis Marin, elle constitue le paradigme même du signe, l’essence de la représentation, au point que l’on va dire devant une carte de l’Italie que « c’est l’Italie ». Toutefois elle n’est telle que parce qu’elle constitue un dispositif sémiotique construit et complexe mobilisant la faculté d’imagination et élaborée par des gestes que l’on peut qualifier de poétiques. Toutes caractéristiques qui la rapprochent de la fiction, laquelle, comme on le sait, peut produire des effets de réel puissants, analogues à ceux que génère la représentation cartographique. Dans cet article, il s’agira de déplier quelques-uns des enjeux de l’opération de représentation sur laquelle se fonde la cartographie ainsi que de montrer comment la fiction littéraire peut s’emparer de ces enjeux. Deux romans contemporains seront envisagés : Une ville de papier d’Olivier Hodasava d’une part – un récit d’enquête qui explore les pouvoirs performatifs d’un nom sur une carte – et d’autre part le roman Un monde à portée de main de Maylis de Kerangal – où il est question de peinture en trompe-l’œil qui, elle aussi, produit des effets d’optique. A map can be seen as a form of trompe l'oeil: according to The Port Royal Logic and the philosopher Louis Marin’s interpretation of it, it constitutes the very paradigm of the sign, the essence of representation, so that one can say of a map of Italy that "this is Italy". However, taking a closer look, it constitutes a constructed and complex semiotic device mobilizing the faculty of imagination and elaborated by poetic gestures. These are all characteristics that bring it closer to fiction, which can produce powerful effects of reality, similar to those generated by cartographic representation. The aim of this article is to explore some of the issues at stake in the operation of representation on which cartography is based and to show how literary fiction can take up these issues. Two French contemporary novels will be considered: first, Olivier Hodasava’s Une ville de papier, an investigative narrative that explores the performative powers of a name on a map; secondly, Un monde à portée de main by Maylis de Kerangal, a novel about trompe l’oeil painting and optical effects. Tue, 28 Nov 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1619 Jeux d’échelles : aux limites de la littérature et de la cartographie https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1629 Les géographes ont fait de l’échelle un des outils spécifiques de leur pratique et de leur représentation de l’espace. Tout usage et toute manipulation de l’échelle en littérature convoque alors un intertexte cartographique qui dessine, en creux, une forme d’ekphrasis géographique. Il s’agira dans cette étude de comprendre comment la critique et la théorie littéraires peuvent s’emparer de cet outil et le mettre au service du texte, mais également combien l’échelle devient, en contexte littéraire, un puissant facteur de fictionnalisation. Geographers have made of scale one of their favourite tools. Therefore, books that evoke scale also draw an implicit geographical ekphrasis. Is it possible to theorize such an approach of scale in literature? And what is the influence of scale over description and fiction? Tue, 28 Nov 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1629 Dreamlands Virtual Tour, le projet carto-photographique d’Olivier Hodasava : filiation perecquienne et enjeux de la cartographie numérique https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1640 En 2010, Olivier Hodasava se lance dans la création d’un blog, Dreamlands Virtual Tour, qu’il présente comme un carnet de voyage virtuel. À l’aide de Google Street View, il entreprend en effet de faire le tour du monde. Quotidiennement, il partage les images réalisées au cours de ses pérégrinations : ce sont des captures d’écran, généralement accompagnées d’un commentaire descriptif. De toute évidence, Hodasava est séduit par l’idée de produire une « cartographie photographique » de la terre entière. Dans cet article, nous proposons d’examiner les fondements de son projet carto-photographique en étudiant les différents procédés d’écriture mobilisés : nous verrons qu’Hodasava s’inscrit dans le sillage de Perec en s’appropriant le procédé de l’inventaire descriptif, mais aussi le motif de la miniature, associé à l’écriture de fiction. Since 2010, Olivier Hodasava has maintained a blog, Dreamlands Virtual Tour, which he presents as a virtual travel diary. Using Google Street View, he travels around the world. Every day, he shares photographs taken during his explorations: these are screen captures, usually published with a descriptive commentary. Hodasava clearly likes the idea of producing a "photographic map" of the whole world. In this article, we propose to determine the foundations of his carto-photographic project by examining the different writing techniques he uses: we will see that Hodasava follows in Perec's footsteps by appropriating the technique of the descriptive inventory, but also the motif of the miniature, associated with the writing of fiction. Tue, 28 Nov 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1640 Rebattre les cartes, l’ekphrasis paradoxale de Philippe Vasset https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1637 Alors que l’ekphrasis suppose une ambition d’exhaustivité et peut constituer au terme du processus une forme d’épuisement de la description permettant de rendre visible l’objet décrit, cet article se propose d’aborder l’ekphrasis cartographique comme la description d’une absence voire comme l’expression d’une disparition. À cette fin nous prendrons appui sur le travail de Philippe Vasset qui mène une réflexion sur les « zones vierges », sur ces « trous bien nets » qui marquent les cartes (Un livre blanc, 2007, Fayard). L’ekphrasis semble dès lors se décentrer quand l’intérêt de celui qui lit et décrit la carte se porte, se déporte, sur ces zones blanches qui sont précisément à la marge. Vasset interroge ce blanc, ce silence de la carte qui deviennent la matière même de son livre. On peut d’ailleurs ajouter que sa démarche même participe d’un défi rhétorique ; comment faire parler ce qui se caractériserait par une forme de mutisme ? Comment décrire, ou plutôt écrire, avec cette défaillance, ce refus de la carte à nommer, indiquer ces espaces ? While ekphrasis implies the aim of exhaustiveness and can comprise, when reaching the end of a process, an exhaustion of the description allowing the visualisation of the object, this article proposes to tackle cartographical ekphrasis as the depiction of an absence, nay the expression of a disappearance. To this end we will lean on Philippe Vasset’s work, which reflects upon “blank zones” and those “really neat holes” that mark maps (Un livre blanc, 2007, Fayard). At this point, the ekphrasis appears to move away from the centre when the interest of the person reading and describing the map swerves towards those blank spaces, which are precisely at the margins. Vasset questions this blank, this silence of the map which becomes the very material of his book. We can for that matter add that his approach constitutes a rhetorical challenge: how to get something that could be characterised as a type of muteness to speak? How to describe, or rather to write, along with this failure, the map's refusal to name and indicate these spaces? Tue, 28 Nov 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1637 Les cartes utopiques de Louis Marin https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1638 Dans son livre Utopiques : jeux d’espaces (1973), le philosophe Louis Marin (1931-1992) a traité de la topographie et de la cartographie en les mettant en rapport avec l’Utopie de Thomas More et avec la représentation de la ville entre les xvie et xviie siècles. Selon Marin, l’expansion du capitalisme, au début du xvie siècle, accompagne une séparation entre la représentation (cartographique, littéraire ou artistique) de la réalité et son investissement symbolique. Cette séparation rendrait possible l’utopie comme réflexion critique, au niveau imaginaire, sur la société capitaliste. La topographie utopienne est pour Marin le lieu privilégié de cette ambiguïté de l’utopie entre représentation idéologique et imagination critique. En passant de la topographie utopienne à la topographie de la ville réelle, Marin montre comment, entre 1500 et 1652, la représentation des villes reflète elle aussi ces transformations historiques : la représentation moderne de l’espace urbain présente un espace désymbolisé (le monde exploré, dominé, mesuré et rationnellement représenté du capitalisme mondialisé), mais, dans certaines de ses expressions, finit par proposer une resymbolisation imaginaire (altérité utopique) de ce même espace. In his book Utopiques: jeux d'espaces (1973), the philosopher Louis Marin (1931-1992) discusses topography and cartography in relation to Thomas More’s Utopia and the representation of the city in the 16th and 17th centuries. According to Marin, the expansion of capitalism at the beginning of the 16th century went along with a separation between the representation (cartographic, literary or artistic) of reality and its symbolic interpretation. This separation made utopia possible as a critical reflection, at the imaginary level, on capitalist society. For Marin, utopian topography is the privileged locus of this ambiguity of utopia between ideological representation and critical imagination. Moving from utopian topography to the topography of the real city, Marin shows how, between 1500 and 1652, the representation of cities also reflects these historical transformations: the modern representation of urban space presents a desymbolised space (the explored, dominated, measured and rationally represented world of globalised capitalism), but, in some of its expressions, proposes also an imaginary resymbolisation (utopian alterity) of this same space. Tue, 28 Nov 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1638 Du lac de Grand-Lieu à une carte des grands lieux : résidence d’écriture et pratiques cartographiques https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1639 Cet article se propose d’analyser les rapports entre les pratiques cartographiques et la résidence d’écriture organisée au lac de Grand-Lieu, près de Nantes. Nous comparerons plusieurs projets littéraires (François Bon, Hélène Gaudy, Virginie Gautier, Anne Savelli) et montrerons que, pour ces écritures, les limites à la perception posées par un lac aux contours indécidables malmènent et entretiennent tout à la fois un mode de représentation cartographique. Nous approfondirons cette hypothèse en étudiant la carte géologique, vivante et repeuplée écrite par Hélène Gaudy dans Grands Lieux (2017). We propose to study the relationship between cartographic practices and the writing residency organised at the Lac de Grand-Lieu, near Nantes. We will compare several literary projects (François Bon, Hélène Gaudy, Virginie Gautier, Anne Savelli). We will show that, for these aesthetics, the limits to perception imposed by a lake with undecidable contours both impede and sustain a cartographic representation. We will explore this hypothesis in greater depth by analysing the living, repopulated and geological map written by Hélène Gaudy in Grands Lieux (2017). Tue, 28 Nov 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1639 Abstractions cartographiques : trois volumes du collectif Stevenson. Stevenson, Mappa Insulae, mappa Urbis et mappa Naturae, Marseille, Éditions Parenthèses, 2019, 2021 et 2023 https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1605 Depuis que les terres virtuelles, la cartographie en ligne, et les assistants de navigation ont supplanté les atlas et les cartes papier, peut-être n’y a-t-il jamais autant eu de parutions d’ouvrages consacrés aux cartes. Dans cette abondante production d’études savantes, de travaux de vulgarisation, et de beaux livres, les trois volumes publiés aux Éditions Parenthèse occupent une place singulière. Mappa Insulae (2019), Mappa Urbis (2021), et Mappa Naturae (2023) sont signés du collectif Stevenson, ainsi nommé en hommage à l’auteur de L’Ile au trésor, bien connu pour sa passion pour les cartes, et surtout pour sa contribution majeure à l’imaginaire qui leur est associé (aussi incroyable que cela puisse paraître, il n’y a pratiquement pas de carte au trésor documentée, dans la réalité ou dans la fiction, avant celle qui occupe une place centrale dans le roman de 1883). La citation de Stevenson, célèbre au moins auprès des amateurs de cartes : « On me dit que certains ne s’intéressent pas aux cartes ; j’ai peine à le croire », est reproduite en quatrième de couverture de chaque volume. Les auteurs s’en excusent presque dans la préface, tant c’est devenu un lieu commun de toutes les publications sur la cartographie. Le collectif Stevenson est composé de cinq à six membres. Seuls Jean-Marc Besse, géographe spécialiste notamment du paysage, et Guillaume Monsaigeon, philosophe cofondateur de l’Ouvroir de cartographie potentielle, ont participé aux trois ouvrages. Jean-Luc Arnaud, Mon, 27 Nov 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1605 Émilie Ieven, Les territoires politiques de la littérature contemporaine française. Espace, ligne, mouvement, Paris, Presses universitaires de Vincennes, 2023 https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1607 Le travail d’Émilie Ieven s’inscrit dans la lignée des interrogations actuelles sur les modes de présence du politique dans la littérature française, questionnant également le rôle aujourd’hui dévolu à la littérature dans la société. Citant Bruno Blanckeman, Dominique Viart et Jean-François Hamel, la chercheuse creuse un sillon critique ouvert il y a maintenant plus de dix ans en cherchant à son tour « la dimension éthique ou sociopolitique des textes littéraires […] [non] à travers la présentation d’une thèse à défendre, mais bien au sein du langage même » (p. 11). C’est par le biais des configurations spatiales que l’autrice aborde cette fonction socio-politique de la littérature contemporaine. Convaincue que le spatial turn des sciences humaines a aussi marqué la production littéraire d’aujourd’hui, Émilie Ieven lit l’espace comme un enjeu fondamental dans des textes qui procèdent à une mise en forme critique du réel. Ainsi, la description des lieux, les usages de l’espace mis en récit, mais aussi la pratique cartographique et ses avatars dans le récit littéraire sont les éléments-clés sur lesquels cette étude se focalise, afin de faire émerger le regard critique porté sur le réel par la littérature. Dans ce cadre général nouant espace et dimension socio-politique de la littérature, l’hypothèse de départ de l’autrice est particulièrement stimulante, et constitue la vraie réussite de son livre : proposer un travail conceptuel d’analyse littéraire autour de la ligne c Mon, 27 Nov 2023 00:00:00 +0100 https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1607