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Perrine DETHIER & Jean-Marie HALLEUX

Habitat groupé et autopromotion collective : quel accompagnement pour favoriser l’auto-organisation ?

(73 (2019/2) - Varia)
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Résumé

L’habitat groupé est une formule qui permet de produire des logements en évitant certains coûts. Ces coûts sont évités grâce à une logique d’autopromotion collective, où des particuliers agissent en réseau afin de produire une opération immobilière. À travers trois études de cas en Wallonie et à Bruxelles, nous étudions les facteurs institutionnels qui expliquent pourquoi cette formule de production du logement demeure peu fréquente en dépit de ses nombreux atouts. L’analyse, basée sur les principes mis en exergue par Elinor Ostrom pour la bonne auto-organisation de la gestion des ressources communes, met en exergue la nécessité de mettre en place une ingénierie institutionnelle et organisationnelle afin d’encadrer les potentiels copropriétaires.

Index de mots-clés : habitat groupé, Wallonie, Bruxelles, auto-organisation, autopromotion collective

Abstract

Co-housing is a formula which allows to produce housing avoiding certain costs. These costs are avoided thanks to a logic of collective self-provision where individuals act in network in order to develop a real-estate project. Through three case studies in Wallonia and in Brussels, we study the institutional factors that explain why this housing development formula remains uncommon despite its many advantages. The analysis, based on the principles highlighted by Elinor Ostrom for the appropriate self-organization of the management of common pool resources, highlights the need to put in place institutional and organizational engineering in order to support potential co-owners.

Index by keyword : co-housing, Wallonia, Brussels, self-organisation, collective self-provided housing

Introduction

A. Habitat groupé et autopromotion collective

1Il existe deux voies classiques pour produire du logement : la promotion privée d’une part et la promotion publique d’autre part (Carriou et al., 2012). La promotion privée peut être mise en place par des promoteurs professionnels, dont l’objectif est la commercialisation (par la vente ou par la location). La promotion privée peut aussi être mise en place par des particuliers, dont l’objectif est ici d’être les premiers occupants du bien. Dans ce dernier cas de figure, l’on parle généralement de la filière de l’autopromotion. En Belgique, l’autopromotion est très fréquente et elle est généralement le fait de ménages qui souhaitent « faire construire » leur maison unifamiliale (Halleux, 2005).

2Dans le cadre de cet article, nous nous intéressons à la filière de l’autopromotion collective, lorsque plusieurs familles ou ménages s’organisent afin de mettre en place une opération commune qui intègre plusieurs logements. La logique de l’autopromotion collective est étroitement liée à la notion d’habitat groupé1, que l’association américaine de l’habitat groupé (The Cohousing Association of the United States) définit de la manière suivante : « l’habitat groupé est un type de logement collectif où les habitants participent activement dans la conception et l’organisation de leur environnement. Les habitants d’habitat groupé sont volontairement engagés à vivre comme une communauté. La conception des logements encourage les contacts sociaux tout en garantissant des espaces privés » [traduction libre]2 (The Cohousing Association of the United States, n.d.).

3Selon cette définition, la notion d’habitat groupé se réfère à deux caractéristiques à la fois étroitement entremêlées et distinctes : d’une part, l’action collective dans la production des logements et, d’autre part, le partage de certains espaces et équipements (Vestbro, 2000). Avec cette publication, nous nous intéressons plus spécifiquement à la problématique de la production et à l’action collective qui lui est associée.

4L’habitat groupé est un modèle né durant les années septante dans les pays scandinaves. En Belgique, il a fait son apparition quelques années plus tard. Le mouvement a décliné pendant les années nonante mais, depuis les années 2000, il a retrouvé un regain d’intérêt (Carriou et D’Orazio, 2015 ; Lietaert, 2010 ; Tummers, 2016). Son retour est observé dans de nombreux pays européens car ce mode de production offre certaines réponses aux problématiques actuelles de la production du logement. En effet, face aux besoins en logements, l’habitat groupé et l’autopromotion collective représentent une alternative intéressante en vue de produire des logements bons marchés dans un contexte de crises (Lietaert, 2010 ; Tummers, 2016).

5En comparaison des approches pionnières du siècle dernier, les pratiques contemporaines se veulent plus pragmatiques. Les motivations à la base des réalisations d’habitats groupés sont souvent variées et multiples : éviter certains coûts, rechercher des performances environnementales, résider dans une localisation urbaine avec une mixité de population, partager des équipements… De plus, les habitats groupés connaissent une grande diversité de formes légales, de taille et de type de résidents. En raison de ces diversités et du flou qui entoure la définition, il existe un grand manque de données quantitatives. Pour autant, l’on peut considérer que ce mode de production du logement reste marginal. En dehors du Danemark, l’habitat groupé dépasse rarement 5 % ou même 1 % de l’ensemble du parc immobilier (Tummers, 2015). Selon Habitat et Participation3, il y aurait environ 300 habitats groupés en Wallonie et à Bruxelles. La plupart sont localisés à Bruxelles et au sein de la ville nouvelle de Louvain-la-Neuve.

B. Les cadres théoriques de la nouvelle économie institutionnelle et de l’auto-organisation

6Le développement d’un projet d’habitat groupé implique que de nombreux agents se coordonnent. C’est dans cette perspective que nous avons choisi de mobiliser le cadre théorique de l’analyse néoinstitutionnelle car cette approche offre une perspective adaptée à l’étude des modes de coordination entre agents économiques (Llorente et Vilmin, 2010).

7La nouvelle économie institutionnelle est appliquée dans de nombreux domaines, dont l’aménagement du territoire (Halleux et al., 2012). À la suite des travaux de Williamson (1975), ces travaux reposent sur un modèle de base qui différencie trois modes de coordination (Thompson et al., 1991 ; Buitelaar, 2003) : le marché, la hiérarchie et le réseau. Avec le marché, la coordination entre les agents est sensée se faire sur la base des prix. Dans un régime de marché, l’on postule une indépendance totale entre les agents économiques, à l’image du modèle de la concurrence pure et parfaite que développe les premières pages des manuels d’économie. Avec la hiérarchie, la coordination s’opère grâce aux règles imposées par l’autorité. L’on considère alors que les acteurs sont strictement dépendants. Enfin, dans un réseau, la coordination se développe grâce à des mécanismes de confiance et de coopération. Avec la perspective du réseau et de la coopération, c’est l’interdépendance entre agents qui est mise en avant.

8L’approche de la nouvelle économie institutionnelle repose sur un élément unificateur important qui est celui des coûts de transaction. Ces coûts de transaction peuvent être définis comme l’ensemble des coûts qui résultent de la gestion et de la coordination du système économique dans son ensemble. Dans le cadre d’une opération immobilière, les coûts de transaction s’ajoutent aux coûts de production matériels. Ils se composent des coûts d’information (recherches sur les prix, études techniques sur les coûts de production, analyses sur les caractéristiques de la demande potentielle, …), des coûts liés au suivi des démarches administratives et également des coûts liés aux consultations et aux négociations entre acteurs et partenaires (Lejeune et al., 2010).

9Notre démarche est basée sur l’hypothèse que le faible développement de l’autopromotion collective s’explique par les importants coûts de transaction que nécessite la gestion des logiques coopératives. À cette fin, nous avons mobilisé les développements d’Elinor Ostrom sur la gestion des ressources en auto-organisation.

10L’auto-organisation est un concept initialement développé en physique, où il vise à décrire l’émergence d’une nouvelle structure dans le chaos. En la matière, les anglo-saxons parlent de « order out of chaos » (Prigogine et Strengers, 1984). Très utilisé en sciences exactes, le concept d’auto-organisation a aussi influencé les domaines des sciences sociales et de la gouvernance (Wagenaar, 2007 ; Teisman et al, 2009 ; De Roo et Silva, 2010). En aménagement du territoire, le concept d’auto-organisation est utile pour étudier les processus de changement. En effet, il permet de se concentrer sur les dynamiques des systèmes, comme l’illustrent les travaux de Van Meerkerk et al. (2013) sur la régénération urbaine. Concernant les problématiques territoriales, le concept d’auto-organisation fait généralement référence à l’impact d’initiatives émanant d’acteurs locaux qui agissent en réseaux (citoyens, associations, acteurs privés…), à l’image de la réalisation de projets d’habitat groupé. Dans cette perspective, nous pouvons définir l’auto-organisation comme « l’émergence et le développement d’initiatives naissant d’un réseau construit en dehors des institutions gouvernementales et qui peut se rattacher ultérieurement à ces institutions » [traduction libre]4 (Huygen et al., 2012, p. 12).

11E. Ostrom, prix Nobel d’économie en 2009, a longuement travaillé sur la gestion des biens communs. Les biens communs (ou « common goods ») sont des biens rivaux (les quantités disponibles sont limitées) mais non exclusifs (on ne peut exclure personne de son usage). Les exemples généralement cités sont les sites de pêche ou les prairies de pâturage. La consommation de ces biens doit être organisée de manière à les maintenir à l’équilibre. En effet, sans une gestion appropriée, ils sont voués à la surexploitation car les individus ont intérêt à accroitre l’utilisation de cette ressource même si cela entraîne leur surexploitation. En d’autres termes, l’utilité qu’un individu retire de l’exploitation du bien lui est propre alors que le coût de son exploitation est collectif. C’est ce que Hardin (1968) présente comme la « tragédie des biens communs ». Pour éviter la surexploitation des ressources communes, deux grandes voies de gestion sont généralement envisagées : la gestion par une autorité publique d’une part ou la privatisation de cette ressource d’autre part. Cependant, parallèlement à ces deux grands types de solution, une troisième alternative mise en exergue par les travaux d’Ostrom (1990) mérite d’être prise en considération. Il s’agit de la coordination en auto-organisation par le réseau.

12Parmi les apports de E. Ostrom, nous trouvons notamment la formulation de huit principes de bonne gouvernance qui sont généralement observés dans les situations de succès et qu’il est donc recommandé de suivre afin de bien gérer des biens communs en auto-organisation (Vallat, 2015, p. 8). Ces huit principes sont les suivants :

  1. les limites du bien commun doivent être nettement définies, y compris les limites des utilisateurs ;

  2. les règles d’utilisation du bien commun doivent être adaptées aux besoins et conditions locales (par exemple en fonction de la disponibilité du bien) ;

  3. il faut un système permettant aux individus de participer régulièrement à la définition et à la modification de ces règles ;

  4. il faut mettre en place un système d’auto-contrôle du comportement des membres de la communauté ;

  5. il faut prévoir un système gradué de sanctions pour ceux qui violent les règles de la communauté ;

  6. un système peu coûteux de résolution des conflits doit être accessible aux membres de la communauté ;

  7. le droit pour les membres de la communauté de définir ses propres règles de fonctionnement doit être reconnu par les autorités extérieures à la communauté ;

  8. s'il y a lieu (un bien commun entre plusieurs frontières ou un bien commun décliné à plusieurs échelles territoriales), il faut prévoir une organisation de la prise de décision qui puisse se faire à plusieurs niveaux en respectant les règles précédentes.

13Bien que la logique de l’autopromotion collective ne respecte pas parfaitement les grandes caractéristiques des biens communs, nous avons choisi de faire référence aux principes de bonne gouvernance d’Ostrom afin d’évaluer les contextes institutionnels dans le cadre desquels les trois projets que nous avons étudiés se sont développés. Comme nous le détaillons ci-dessous, le non-respect de ces principes génère une hausse des coûts de transaction pour la coordination des réseaux en auto-organisation associés à la gestion d’un terrain et d’un projet de développement immobilier.

I. Méthodologie

14La recherche synthétisée dans cet article se base sur trois études de cas consacrées aux modalités de production de trois habitats groupés. Il s’agit du développement « Les Zurbains » à Liège et des développements « Brutopia » et « L’Échappée » à Bruxelles. Nous avons sélectionné ces études de cas pour quatre raisons principales. Premièrement, ce sont des habitats groupés situés dans des contextes urbains. Deuxièmement, ce sont les habitants qui en ont été les uniques maîtres d’ouvrage. En cela, ils s’opposent à d’autres exemples d’habitats groupés où l’essentiel du développement a été assuré par un promoteur professionnel et où le rôle des futurs habitants s’est limité à la définition des grandes directives (à l’image de l’habitat groupé Casa Nova à Schaerbeek, Bruxelles). Troisièmement, nous avons sélectionné des habitats groupés où le nombre d’habitants est relativement important. Parmi les habitats groupés répertoriés par Habitat et Participation, la plupart des projets sont peuplés d’une petite dizaine de ménages. Comme nous nous concentrons sur les modes de coordination et sur les coûts de transaction, il nous est apparu opportun de sélectionner des cas où le nombre d’agents est plus important. Enfin, vu que nous avons basé nos analyses sur des entretiens, il nous apparaissait préférable de considérer des habitats groupés ayant été finalisés récemment, pour qu’un maximum d’information demeure disponible. Les trois développements étudiés ne sont donc pas nécessairement représentatifs de l’habitat groupé en Belgique mais, par leur taille relativement importante, ils permettent de mettre en exergue des problématiques liées aux cadres institutionnels et aux modes de coordination.

15Nous avons travaillé sur la base de sept entretiens semi-directifs réalisés durant l’été 2016 et 2017. Parmi ces sept entretiens, six ont été réalisés auprès des copropriétaires des habitats groupés. Nous nous sommes aussi entretenus avec un coordinateur de l’association Habitat et Participation. Cet entretien nous a permis une mise en perspective des trois études de cas.

16La suite de l’article développe l’analyse des trois études de cas sur la base d’un canevas inspiré des huit principes mis en exergue par Ostrom sur la bonne gouvernance des biens communs. Vis-à-vis de ces huit principes, nous avons retenu six points principaux. En effet, nous avons décidé, d’une part, de fusionner les deux principes relatifs au système de sanctions et au système de résolution des conflits et, d’autre part, nous n’avons pas jugé opportun de traiter du dernier principe relatif à la mise en place d’une gouvernance multi-niveau. Avant de nous lancer dans cette analyse des principes de bonne gouvernance, nous présentons tout d’abord les principales caractéristiques des trois réalisations sélectionnées.

II. Les principales caractéristiques des trois cas analysés

A. Les principales caractéristiques des projets

1. Les Zurbains

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Figure 1. Les Zurbains depuis l’arrière. Source : cliché par les auteurs, 11 juin 2017

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Figure 2. Les Zurbains depuis la place Vivegnis. Source : cliché par les auteurs, 11 juin 2017

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Figure 3. Les Zurbains depuis la rue Vivegnis. Source : cliché par les auteurs, 11 juin 2017

17En 2005, un vaste terrain vague est mis en vente dans le quartier Saint-Léonard à Liège. Deux groupes d’habitants étaient intéressés par l’achat de ce terrain d’environ 8 500 m². L’agence immobilière qui était en charge de la vente du terrain décida de mettre en contact les deux groupes afin qu’ils s’associent pour acquérir le bien. Une décennie plus tard, on y trouve un habitat groupé autour d’un grand jardin commun. Cet habitat groupé est appelé « Les Zurbains ».

18Les Zurbains comptent 28 logements (entre 60 et 225 m²), constitué de 4 maisons, 24 appartements et 3 pièces collectives. Chaque logement bénéficie d’un espace extérieur privé (terrasse ou jardin). L’ensemble des logements partage aussi un jardin de 4 500 m².

19Nous détaillerons ci-dessous les nombreuses difficultés rencontrées lors du développement du projet des Zurbains. Ce cas illustre le fait que la réduction des coûts de transaction liés à l’autopromotion collective nécessite de professionnaliser la consultance en habitat groupé.

2. Brutopia

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Figure 4. Brutopia depuis l’avenue Van Volxem. Source** **: cliché par les auteurs, 12 juin 2017

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Figure 5. Brutopia depuis l’avenue Van Volxem. Source** **: cliché par les auteurs, 12 juin 2017

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Figure 6. Brutopia depuis la rue de Mérode. Source** **: cliché par les auteurs, 12 juin 2017

20Brutopia est l’un des plus grands habitats groupés de Belgique. Il est situé à Bruxelles, dans la commune de Forest, non loin de la Gare du Midi. Brutopia est composé de 29 appartements (entre 73 et 154 m²) situés dans deux bâtiments différents. Le terrain se trouve entre deux rues et chaque bâtiment se situe le long d’une des deux rues avec, au centre, un jardin commun. Le jardin occupe 700 m². Les habitants de Brutopia partagent aussi une terrasse en toiture ainsi que certaines pièces (laverie-buanderie, salle commune, garage à vélos). Ces salles sont situées au rez-de-chaussée. À ce niveau, il a aussi été décidé d’installer des commerces et des services locaux afin d’ouvrir le projet sur le quartier.

21Le développement de cet habitat groupé a été un réel succès. Il n’a fallu que cinq années pour que les habitants puissent emménager (contre dix années pour les Zurbains). Les coûts furent maitrisés et aucun désaccord n’a perduré. Brutopia a fait l’objet de nombreux articles et il a reçu deux prix : le prix 2009 du bâtiment exemplaire attribué par la Région de Bruxelles-Capitale ainsi que le prix Blue house 2013 délivré par la fondation pour les générations futures. Par ailleurs, comme nous allons le détailler, certains acteurs du projet ont profité de leur participation à Brutopia pour engranger de l’expertise. Il s’agit, en l’occurrence, du consultant Mark Van den Dries et du bureau d’architecture « stekke + fraas ».

3. L’Échappée

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Figure 7. L’Échappée depuis la rue Drootbeek. Source** **: cliché par les auteurs, 12 juin 2017

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Figure 8. L’Échappée depuis la rue Drootbeek. Source** **: cliché par les auteurs, 12 juin 2017

22L’Échappée est un habitat groupé situé à Bruxelles. Le projet est constitué de 18 appartements dont les surfaces habitables sont comprises entre 50 et 150 m². Le projet occupe deux bâtiments distincts : un bâtiment situé à rue et l’autre en intérieur d’îlot. Entre les deux bâtiments se trouve un jardin commun d’une superficie de 400 m². En plus de partager ce jardin, les habitants partagent une laverie, une chaufferie, un garage à vélos et une salle commune.

23Une des particularités du projet a été la mise en place d’un financement solidaire. Lors de l’acquisition du terrain, les emprunts auprès des banques n’avaient pas encore été contractés et certains ménages ne disposaient pas des fonds nécessaires pour acheter leur part de terrain. Il y a donc eu une aide des autres ménages de l’habitat groupé pour avancer la somme nécessaire à l’acquisition.

24Le développement de l’Échappée fut un succès. En cinq ans, l’habitat groupé a vu le jour tout en respectant les objectifs budgétaires. Un des facteurs principaux de cette réussite est la présence d’un consultant qui a encadré le projet de son lancement à sa finalisation.

B. Les principales caractéristiques des sites

1. Les Zurbains

25Le site des Zurbains se trouve dans le quartier liégeois de Saint-Léonard. C’est un quartier populaire situé à proximité du centre historique de Liège (à moins d’un kilomètre) qui correspond à un ancien quartier industriel. Aujourd’hui, il présente un taux important de personnes isolées (63 % de personnes isolées), d’étrangers (29 %) et de personnes sans emploi (31 % de chômeurs) (Ruelle, 2011). Le terrain des Zurbains est un site charbonnier qui est resté en friche depuis la fin de l’exploitation de la mine de charbon dans les années soixante (De Bruyn, 1988). Aucun bâtiment ne se trouvait sur le terrain et il est bordé par le chemin de fer. Le terrain a été acheté en 2006 pour 260 000 euros par les futurs copropriétaires. En 2005, le prix d’un terrain urbanisable à Liège était, en moyenne, de 35,75 €/m² (pour une surface moyenne de 900 m²) (Statbel, 2017). Pour le terrain des Zurbains, en plein centre urbain, le prix au mètre carré était de 32,5 €/m².

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Figure 9. Localisation des Zurbains (nationale, communale, locale)

2. Brutopia

26Le terrain où se situe Brutopia représente environ 5 000 m². Il a été acheté en 2008 pour 1 520 000 euros. Il était alors inoccupé depuis 15 ans. Sur ce site était situé un hangar vide et deux maisons abandonnées. Le quartier environnant Brutopia est socialement et économiquement sensible. Il est aussi l’un des plus denses de la capitale (16 000 hab./km² en 2008). Selon les données de 2008, sa population était composée majoritairement de jeunes (1 habitant sur 4 avait moins de 18 ans) et de personnes sans emploi (45 % de la population en âge de travailler était occupée en 2008 contre 51,5 % pour la Région) (Statbel, 2017).

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Figure 10. Localisation de Brutopia (nationale, régionale, locale)

3. L’Échappée

27Le terrain sur lequel a été construit l’Échappée a été acheté en 2013. Il est situé sur le territoire de la Ville de Bruxelles, dans le quartier du Vieux Laeken Est. Ce quartier est plutôt populaire. Comparé à la moyenne de la Région de Bruxelles-Capitale, l’âge moyen de la population est plus jeune (30,5 % de la population avait entre 0 et 17 ans en 2013 contre 22,5 % pour la Région). Il y a aussi un grand nombre de personnes sans emploi (42,2 % de la population en âge de travailler est occupée en 2012 contre 49,2 % pour la Région) (Statbel, 2017). De plus, la densité est très importante. Même en intérieur d’îlot, il reste peu d’espace non bâti (A.M. Artgineering - Urban Platform scrl, 2013).

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Figure 11. Localisation de l’Échappée (nationale, régionale, locale)

III. Analyse des principes de bonne gouvernance

A. Les limites du bien commun et des utilisateurs

28Dans les trois études de cas, la limite territoriale du bien commun est clairement établie. Le terrain a fait l’objet d’une acquisition et les actes d’achat ont été soumis à la procédure de l’enregistrement. En ce qui concerne les acteurs, le groupe jouissant du terrain est aussi clairement identifié. Les trois projets ont fait l’objet de plusieurs structures légales dont la principale est la copropriété. Dans les trois cas analysés, ce sont les copropriétaires qui ont participé aux développements des habitats groupés. Globalement, les trois habitats groupés ont donc des limites clairement définies, tant en terme de propriétés que d’acteur développant le projet.

29La question des limites du bien commun et des utilisateurs renvoie à la question de l’acquisition du terrain car le groupe se stabilise généralement suite à l’investissement dans l’achat du foncier. Nos analyses montrent que l’acquisition foncière est une étape ardue car les autopromotions collectives sont en concurrence avec les promotions classiques. L’acquisition implique une prospection foncière. Par exemple, pour l’Échappée, 15 terrains potentiels avaient été identifiés dans Bruxelles. Le choix final s’est porté sur celui de la rue Drootbeek, mais l’ensemble des potentiels habitants n’y était pas favorable car sa localisation ne convenait pas vis-à-vis de leurs lieux de vie. En conséquence, ils ont préféré quitter le projet et la composition du groupe s’en est trouvée modifiée.

30La constitution d’un groupe est un enjeu important dans le développement d’un habitat groupé. Pour Habitat et Participation, il est préférable de trouver une certaine diversité au sein des propriétaires. En outre, compter des personnes qui disposent d’une expertise technique ou juridique en matière de construction apparaît souvent comme une réelle plus-value.

31Pour les Zurbains, la plupart des copropriétaires vivaient déjà à Liège avant le projet. Au départ du projet, le groupe ne comptait aucun professionnel de l’immobilier ou de la construction. On y trouve notamment des femmes isolées avec ou sans enfant (8 femmes isolées parmi les 28 copropriétaires). Il y a cependant une grande diversité au sein des copropriétaires, avec la présence de 5 familles et de personnes dont l’âge varie entre 1 an et 80 ans. En relation avec le nom du projet, les copropriétaires sont appelés les « zurbains ».

32En ce qui concerne Brutopia, le projet a été initié par un petit groupe qui désirait continuer à vivre à Bruxelles pour un coût raisonnable. Réunis autour d’une personne, Mark Van den Dries, ils ont organisé une réunion afin d’informer les personnes intéressées par la formule de l’habitat groupé. Mark Van den Dries a suivi en détail le développement de Brutopia. Précédemment à ce projet, il avait participé à l’élaboration d’un habitat groupé dans un autre quartier de Bruxelles. Il s’agit du projet Tréfilerie, situé à Laeken et qui représente une cinquantaine de logements installé dans une ancienne usine de matelas vendue à bas prix par la Région de Bruxelles-Capitale. À la suite du projet Brutopia, Mark Van den Dries est ensuite devenu un professionnel du suivi d’habitat groupé. Il a depuis lors conseillé plusieurs projets à Bruxelles et en Flandres, dont le projet de l’Échappée. Dans le groupe de copropriétaires de Brutopia, nous trouvons aussi trois architectes et un juriste. Ce groupe disposait donc d’une réelle expertise, tant sur le plan juridique qu’en matière de construction.

33La copropriété de l’Echappée est constituée de 18 ménages de tailles très différentes. En 2016, ces 18 ménages comprenaient 28 adultes (entre 29 et 62 ans) et 15 enfants. Le groupe s’est constitué autour d’une personne ayant étudié le concept d’habitat groupé dans différents pays européens. La composition du groupe a évolué durant le développement du projet. En effet, la définition des objectifs et la sélection du terrain ont amené à des visions irréconciliables. Certaines personnes ont donc décidé de quitter le groupe avant tout engagement. Pour recruter de nouveaux habitants, l’un des principaux canaux utilisés a été de placer une annonce sur un forum d’habitat groupé5. Au sein du groupe, certaines personnes avaient des connaissances susceptibles d’aider dans le développement du projet de construction. En effet, il y avait une juriste qui a pu apporter des conseils sur les structures légales et une personne formée dans la gestion de groupe. Celle-ci a pu fournir des conseils sur les solutions existantes pour organiser des réunions en grand groupe.

34Un point commun entre les Zurbains et Brutopia est la présence d’architectes parmi les copropriétaires. Pour les Zurbains, l’architecte a été choisi au commencement du projet. Peu après sa sélection, il devient aussi un copropriétaire de l’habitat groupé. Comme nous le verrons ci-dessous (voir le point E.), cette situation a engendré certains problèmes. Les deux architectes présents à Brutopia, pour leur part, n’ont pas choisi de suivre l’ensemble des opérations. Ils ont dessiné le projet et suivi la demande de permis auprès de la commune. Ensuite, afin d’éviter un double rôle de maître d’œuvre et maître d’ouvrage, un second bureau, plus expérimenté, a été choisi pour s’occuper de la préparation du cahier des charges et de la supervision de la construction.

35Les copropriétaires de l’Échappée, malgré l’expertise présente au sein du groupe, ont décidé, aux prémices du projet, de s’entourer d’un consultant en habitat groupé, en la personne de Mark Van den Dries. Rappelons que cette personne est l’un des copropriétaires de Brutopia et qu’il avait précédemment participé au développement de l’habitat groupé Tréfilerie. Son expérience dans les précédents projets lui a permis d’acquérir une expertise importante.

B. Les règles d’utilisation du bien commun

36La gestion du développement de l’habitat groupé est fortement dépendante des structures légales à laquelle elle est associée. En Belgique, plusieurs solutions légales existent en la matière et elles présentent chacune des avantages et des inconvénients. Le choix en termes de structure dépend donc des caractéristiques du projet. Chaque structure juridique est coûteuse et elle n’est donc à mettre en place que si elle est utile. La structure la plus commune est la copropriété (cela représente environ 80 % des habitats groupés en Wallonie selon les experts de la structure Habitat et Participation), mais il y a aussi la coopérative, l’ASBL (l’acronyme d’association sans but lucratif) et la fondation (nouvelle structure utilisée dans le cadre des habitats groupés).

37Pour les trois études de cas, la structure légale principale est celle de la copropriété. La copropriété organise la gestion du groupe et la prise de décision. Avec une copropriété, chaque propriétaire dispose de la pleine propriété de son logement. Néanmoins, la copropriété présente plusieurs désavantages. D’une part, elle n’induit pas de solidarité entre les propriétaires et, d’autre part, elle ne pousse pas à la recherche du consensus puisque la majorité absolue est suffisante pour la plupart des décisions. La structure de la copropriété n’est pas non plus optimale concernant la pérennité du projet. En effet, si un copropriétaire décide de vendre son logement, il n’est pas certain que l’acquéreur adhère à la philosophie de l’habitat groupé. Le choix de la structure légale peut amener des divergences au sein du groupe. Pour l’Échappée, cela a conduit à des conflits et il en a résulté certains départs.

38En complément de la copropriété, d’autres structures légales ont été établies. Dans les trois cas, une ASBL a été constituée, mais pour des buts divers. Pour les Zurbains, peu de temps après l’acquisition du terrain, en octobre 2007, le groupe a constitué une ASBL. L’association en question a pour objectif « l’organisation, la diffusion et la promotion de l’habitat groupé urbain à forte valeur ajoutée énergétique, intergénérationnel dans une perspective éthique, solidaire, de participation et de développement durable »6. À Brutopia, le groupe a créé une ASBL en novembre 2008. Cette ASBL a pour but de créer une entité légale unique pour représenter l’ensemble des copropriétaires. Il en est de même pour l’Échappée, où les copropriétaires ont créé une ASBL en avril 2012 afin d’acquérir le terrain.

39Pour Brutopia et pour l’Échappée, il a également été décidé de fonder une société civile de droit commun. « Anciennement dénommée “société civile”, la société de droit commun a pour caractéristique de ne pas avoir de personnalité juridique. N’étant pas investie de la personnalité juridique, la société de droit commun n’a pas de patrimoine propre, ne peut agir en justice indépendamment de ses associés et, conséquence logique, n’est pas un contribuable passible de l’impôt des sociétés » (Bours, 2008). Ces sociétés représentent l’ensemble des copropriétaires, chacun d’entre eux possédant des parts de la société. Au quotidien, elle est contrôlée par un comité de gestion constitué de membres de la copropriété. La société a permis de gérer les prêts de chaque copropriétaire et d’assurer le bon payement des factures. À cette fin, un contrat a été conclu entre la société civile, la banque et chaque copropriétaire pour autoriser cette délégation de gestion.

40Les différents habitats groupés ont aussi formalisés des chartes. Ces chartes fixent les droits et obligations des copropriétaires dans un certain nombre de cas de figure, notamment lors des situations conflictuelles. Ces chartes présentent aussi les fondamentaux du projet commun et les lignes de conduite pour le maintien de la cohésion du groupe. Elles présentent des objectifs qui seront à suivre sur l’ensemble de la vie de l’habitat groupé et pas uniquement dans le cadre du développement du projet.

41Dans le cas de Brutopia et de l’Échappée, les chartes ont été conçues après la réalisation d’une enquête auprès des futurs acquéreurs. Ces enquêtes ont été réalisées par les copropriétaires et leur but était d’identifier les objectifs de chacun. Pour ce faire, les futurs habitants devaient, entre autres, identifier les installations essentielles ou indésirables. La charte établie par l’Échappée met aussi en avant l’utilisation de la « communication non violente » et de l’organisation en « sociocratie ». La communication non violente est un langage développé par le psychologue Marshall Rosenberg. « Il consiste dans l’utilisation d’un langage direct et dénué de jugement, afin d’exprimer ses sentiments et besoins en vue de formuler des sollicitations plutôt que des exigences ou des demandes » [traduction libre]7 (Rose, 2006, p. 35). La sociocratie est « un processus décisionnel et une méthode de gouvernance qui permet à l’organisation de s’autogérer comme un tout organique » [traduction libre]8 (Buck et Endenburg, 2012, p. 2).

42À Brutopia, l’enquête a permis de conclure sur le fait que le groupe souhaitait, d’une part, développer des logements abordables dans Bruxelles et, d’autre part, inscrire le projet dans les grands principes de la durabilité urbaine (conjuguer simultanément les dimensions sociales, écologiques, économiques et de participation). Pour que le prix soit accessible, il a été décidé par le groupe de moduler les prix au mètre carré en fonction de la situation des appartements. Les prix au mètre carré ont été établis entre 1 338 €/m² et 2 692 €/m² (Leonardi, 2013). Cette échelle de prix a été décidée en assemblée générale, par consensus, avant que la répartition des logements ne se fasse. Les prix sont principalement progressifs en fonction des étages. Cette variation de prix avait pour but de faciliter l’accès au logement à des ménages peu favorisés.

43Pour les Zurbains, les objectifs de l’habitat groupé étaient clairement de :

  • vivre à proximité du centre-ville et ancré dans le tissu social de la ville ;

  • développer un projet multigénérationnel ;

  • développer un projet dans une optique de développement durable ;

  • développer un projet à un prix abordable grâce au partage des coûts et des équipements ;

  • développer la participation de chacun à travers les groupes de travail.

44Ces exemples, notamment ceux de Brutopia et de l’Échappée, mettent en avant la complexité des structures légales nécessaires et l’absence d’une structure unique pour le développement d’un habitat groupé. En effet, une copropriété ne peut pas être l’unique structure à mettre en place pour que le cadre juridique soit en adéquation avec le cadre philosophique du projet.

45Il ressort des entretiens qu’outre le risque lié aux comportements des membres, un des risques les plus importants correspond aux risques techniques que l’on rencontre classiquement dans les opérations de construction. Les règles d’utilisation doivent donc prendre en compte ce sujet. Dans le projet des Zurbains, par exemple, des restes de constructions ont été trouvés dans le sol. Cette découverte a entrainé des coûts supplémentaires pour les travaux de fondations. Ces surcoûts ont été partagés par les copropriétaires en fonction de leur quotité dans le projet. Ces quotités étaient définies dans l’acte notarié de la copropriété et elles sont principalement fonction de la superficie des logements. Le problème de ces surcoûts techniques est que certains ménages éprouvent des difficultés à supporter un écart aussi important par rapport au budget initialement prévu. Au début des projets de Brutopia et de l’Échappée, le budget a été défini de la manière la plus claire possible. Une attention particulière a été portée sur l’expertise des bureaux d’architectes pour s’assurer que le budget soit calibré au mieux. De plus, les copropriétaires ont décidé d’anticiper sur un éventuel dépassement de budget de 10 %. En l’occurrence, pour l’Echappée, cette réserve a été bien utile afin d’assumer un surcoût de 300 000 euros liés à un problème relatif à la stabilité du sol. En comparaison de la situation du développement des Zurbains, la précaution d’anticiper une augmentation des coûts a permis d’éviter que certains ménages ne doivent faire face à des difficultés financières.

C. La participation des copropriétaires et la mise en place d’un système à plusieurs niveaux pour la modification des règles

46Chaque habitat groupé a longuement discuté de la charte et de la structure légale qu’ils allaient adopter. Des enquêtes ont été réalisées dans deux des trois habitats groupés. En ce qui concerne les Zurbains, aucune enquête n’a été réalisée mais plusieurs réunions (ainsi qu’un week-end au vert) ont été organisées pour échanger sur les attentes de chacun. Cela a d’ailleurs conduit certaines personnes à quitter le projet car leurs attentes étaient trop divergentes vis-à-vis des attentes du reste du groupe (ils souhaitaient notamment une localisation plus périphérique). Une partie des Zurbains est ainsi arrivée en cours de projet. Les objectifs étaient alors déjà clairement définis et ils connaissaient les attentes.

47Pour la gestion au court du projet, la structure décisionnelle est fortement liée à la structure légale. De plus, dans un habitat groupé, l’envie des copropriétaires est généralement de parvenir à un consensus sur l’ensemble des décisions (depuis la sélection du terrain jusqu’au choix de la couleur des briques). La structure légale choisie, la copropriété, n’oblige toutefois pas à travailler par consensus car la majorité absolue (un nombre de voix supérieur à la moitié des suffrages exprimés) est suffisante pour adopter une décision. Il y a donc une divergence entre les modalités juridiques et la philosophie des projets. Dans le cas des Zurbains, certaines décisions ont été prises alors qu’il n’y avait pas de consensus. Ce mode de fonctionnement a engendré des frustrations et la coopération en a été compromise. Pour les deux autres habitats groupés, aucun désaccord n’a perduré et les décisions ont toujours pu être prises à l’unanimité. Cette divergence résulte certainement du manque d’expertise dans la gestion de groupe pour les Zurbains. En effet, avec un groupe de personnes correspondant à 28 logements, les coûts de transaction peuvent rapidement devenir importants et des méthodes spécifiques sont nécessaires pour permettre à chacun de s’exprimer tout en maintenant une certaine efficacité.

48Dans les trois développements, l’essentiel des décisions étaient adoptées lors des assemblées générales de la copropriété. Durant ces assemblées générales, les propositions pour le projet collectif étaient discutées. Les propositions étaient élaborées par des groupes de travail variés (animation, banque, négociation, ville, énergie, charte, jardin, primes, finances, assurances…). Des groupes de travail ont donc été mis en place dans les trois cas. Ces groupes de travail sont supposés prospecter différentes possibilités dans leur domaine afin de les présenter lors des assemblées générales. Ils sont basés sur les compétences de chacun et ils évoluent aussi en fonction de la situation du projet. Chaque membre pouvait assister à ces réunions pour être informé de l’évolution des réflexions. Cependant, dans le cas des Zurbains, en cours de développement, certains groupes de travail ont été abandonnés. En effet, leurs conclusions étaient fréquemment remises en cause lors des assemblées générales et leur utilité est, au final, apparue assez limitée.

49Il n’en reste pas moins que, dans les trois projets, la participation des copropriétaires a été indispensable puisqu’ils sont à la manœuvre dans l’ensemble des démarches. L’autopromotion collective nécessite de la part des copropriétaires un investissement important, tant en termes financier que temporel. Les coûts de transaction apparaissent ici supérieurs à une coordination par le marché ou par la hiérarchie. Cet investissement a été particulièrement important pour les Zurbains. Pour ce projet, il a fallu dix années pour le finaliser. Durant ces dix années, en plus des réunions de leurs groupes de travail, les copropriétaires se réunissaient en assemblée générale deux fois par mois. Les coûts de transactions sont difficilement quantifiables mais, au vu de la durée du projet et de l’implication des copropriétaires, ils sont manifestement très élevés. Pour les deux autres projets, cinq années ont été nécessaires pour réaliser le projet. Durant ces cinq années, plusieurs réunions mensuelles ont été tenues et les « budgets-temps » consacrés aux projets très conséquents.

D. Un système d’auto-contrôle du comportement des membres

50Le contrôle des membres et de leur comportement est un élément important pour la bonne gouvernance d’une autopromotion collective. Le fait de travailler en groupe, d’une taille relativement importante, conduit notamment à une dilution des responsabilités. Par exemple, dans le projet des Zurbains, le suivi de chantier n’a pas été correctement réalisé. La responsabilité de cette tâche n’avait pas été clairement attribuée et certains espéraient que l’architecte assume ce rôle. En la matière, le manque de suivi a entraîné certaines erreurs de constructions et, en conséquence, des surcoûts et des délais.

51Pour Brutopia et pour l’Échappée, un arsenal juridique a été développé pour éviter une série de risques courants dans l’autopromotion collective. C’est notamment l’expertise au sein du groupe et la présence d’un consultant qu’ils leur ont permis de mettre en place ces outils dès le début du projet. Voici les principales mesures adoptées :

  • Pour éviter les défauts de paiement et devoir ainsi suspendre les travaux, un accord entre la banque, la société civile et chaque copropriétaire a été signé. Ce type de contrat permet à la société civile de gérer les emprunts des copropriétaires pour éviter qu’un copropriétaire ne soit en défaut de paiement et que l’ensemble du projet ne soit à l’arrêt. Ce contrat est très peu fréquent mais il limite fortement le risque de trouver des resquilleurs.

  • Un groupe « confession » a été créé au début du projet afin de vérifier la fiabilité des futurs acquéreurs. Ce groupe était constitué d’un banquier et d’un psychologue extérieurs à l’habitat groupé. Après un entretien, ces professionnels donnaient leur aval sur les aspects financiers et de motivations personnelles. Il en est ressorti que l’ensemble des acquéreurs potentiels était adapté à participer au projet.

  • Enfin, l’obligation de participer aux groupes de travail. Chaque copropriétaire devait participer à ces groupes de travail pour, au minimum, 100 heures par an. S’il n’en avait pas les disponibilités, il pouvait malgré tout intégrer le projet mais il devait alors assumer une contrepartie financière en échange du travail réalisé par le groupe. L’argent ainsi récolté a été utilisé pour l’aménagement des espaces communs. Cette mesure est compréhensible au vu des coûts de transaction temporels nécessaires au développement d’un habitat groupé.

E. Les systèmes de sanctions et de résolution des conflits

52Dans les trois habitats groupés, peu d’outils de sanctions ou de résolutions de conflits ont été mobilisés, cela grâce au système mis en place pour prévenir les comportements violant les règles.

53Le système mis en place dans les autopromotions bruxelloises a été assez efficace puisqu’aucun conflit majeur ne nous a été rapporté. Lors de désaccords sur des points de décision durant les assemblées générales de la copropriété, le point était reporté à une assemblée postérieure. Il en a résulté que toutes les décisions ont pu être prises à l’unanimité. La gestion de groupe a permis d’éviter des conflits au sein des copropriétaires.

54Par contre, au sein des Zurbains, la déficience en termes d’outils de contrôle a conduit à des conflits, d’une part, entre les copropriétaires au sein de la copropriété et, d’autre part, entre la copropriété et l’architecte. À propos de ces conflits, il apparaît qu’aucun outil spécifique de résolution n’a été mis en place.

55Pour le cas liégeois, clairement, l’obstacle principal a été le manque d’expertise au sein du groupe. Comme mentionné ci-dessus, les expertises en matière de construction étaient limitées. Sur le plan juridique et organisationnel, la charte n’a pas joué son rôle de prévention et de gestion des conflits. Le fait de construire en copropriété entraîne un risque lié à l’interdépendance entre acquéreurs. Même s’ils sont propriétaires uniques de leur logement, les copropriétaires ont dû coopérer pour la construction du gros œuvre et pour les parties communes. Dans cette configuration, chacun dépend de la capacité des autres copropriétaires à honorer leurs factures et à participer à la gestion du projet. Or, il est arrivé que certains copropriétaires ne soient plus en mesure d’assurer les paiements dus et il en a résulté un arrêt du chantier et des retards dans la finalisation du projet.

56De plus, le fait que l’architecte soit à la fois maître d’œuvre et maître d’ouvrage a entraîné des conflits. Il exerçait une double fonction et il en a résulté des conflits avec certains entrepreneurs. Ces conflits ont impacté le bon déroulement de l’ensemble du projet. Au final, l’architecte est demeuré copropriétaire mais il a renoncé à intervenir dans les processus de prises de décision.

57Cependant, malgré ces conflits, le projet des Zurbains a pu être mené à son terme. Les raisons principales de ce succès sont certainement la clarté des objectifs et l’implication financière et personnelle des copropriétaires. L’engagement de certains copropriétaires a été croissant au fur et à mesure de l’avancement du projet. Des prêts ayant été contractés et une partie de leur épargne ayant été dépensée, il était difficile de s’en retirer même si la revente du logement restait possible.

F. Reconnaissance par les autorités extérieures à la communauté

58Dans le développement d’un habitat groupé, les copropriétaires doivent intervenir avec une série d’acteurs extérieurs à la communauté.

59Premièrement, l’autopromotion nécessite la collaboration de l’administration de la commune (dans ces cas-ci la Ville de Liège, Forest et la Ville de Bruxelles). Les communes ont à délivrer les permis d’urbanisme. Certaines communes peuvent être réticentes à l’arrivée d’habitats groupés sur leur territoire. Dans le cas de Brutopia, la commune était plutôt réticente sur le projet architectural. Grâce à différentes consultations, des solutions ont pu être apportées, notamment sur la densité et la hauteur du bâtiment, ainsi que sur les caractéristiques de la couverture métallique en façade.

60En plus de l’intervention de la commune pour le permis, une collaboration peut être nécessaire pour développer un projet autour de l’habitat groupé. Cela a été le cas pour les Zurbains, où la Ville a reçu une subvention de la Région wallonne pour aménager l’espace public autour du projet privé à travers l’outil de la revitalisation urbaine9.

61Outre l’acteur de l’autorité locale, les habitants doivent aussi interagir avec les architectes, les entrepreneurs et les banques. Pour ces acteurs, intervenir dans ce type de projet apparaît comme une opération plus risquée qu’une promotion ou autopromotion classique. Construire en groupe engendre des risques pour les partenaires, notamment pour les banques puisque le risque de défaut de paiement est proportionnel au nombre de copropriétaires impliqués. Il en résulte que, parmi les banques actives en Belgique, certaines ne sont pas disposées à s’impliquer dans des projets d’habitat groupé. Dans le cadre de l’Échappée, pour la première fois, le Fonds du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale a accepté d’octroyer des prêts (à trois ménages). Ces prêts sont accordés à des ménages qui entrent dans certaines conditions, dont un revenu limité. Pour pallier au risque de défaut de paiement, Brutopia et l’Échappée ont mis en place une convention entre la banque, la société civile et les propriétaires pour assurer une gestion collective des prêts et éviter qu’il y ait des impayés. De plus, c’est l’ASBL qui commanditait les travaux, ce qui permettait aux entrepreneurs d’interagir avec un client unique plutôt qu’avec une multitude de clients.

Conclusion

62Dans cet article, nous avons présenté trois études de cas dédiées à des habitats groupés, plus précisément des habitats groupés qui ont été développés collectivement par leurs acquéreurs.

63Le cadre théorique choisi nous a permis de mettre en exergue un ensemble de coûts de transaction qui entrave l’émergence d’habitat groupé. L’analyse des études de cas, par le biais de la nouvelle économie institutionnel, a illustré la complexité de la mise en place de tels projets. Nos analyses mettent en avant l’ingénierie nécessaire pour leur encadrement et l’expertise nécessaire pour se familiariser avec les outils ad-hoc. Il y a, à ce propos, une grande différence entre les Zurbains et les deux habitats groupés bruxellois. La connaissance des structures légales est particulièrement utile pour limiter les risques. Développer un habitat groupé est donc un projet complexe. Cette complexité est due, entre autres, à la manière d’élaborer le projet. Pour concevoir un habitat groupé, il faut travailler simultanément sur trois sujets : les aspects financiers, la vision du projet et les formes légales. Ces sujets sont imbriqués et s’influencent les uns les autres. Cette complexité est accrue par l’absence de structure légale parfaitement adaptée à l’habitat groupé. Cette absence permet aux habitats groupés de ne pas être cadenassés par une législation mais, au contraire, de choisir les formes légales qui conviennent le mieux au projet créé. La tâche est toutefois complexe sur le plan du droit.

64Au travers de nos trois études de cas, nous avons pu mettre en avant l’ingénierie qu’il faut mettre en place pour éviter les conflits entre les différents acteurs, un élément essentiel dans les principes mis en avant par E. Ostrom. Les décisions relatives aux structures légales, au contrat avec les banques ou à l’achat du terrain sont complexes et potentiellement conflictuelles. De plus, le développement d’une autopromotion collective engendre des coûts de coordination importants, notamment temporels. Se faire aider par un consultant permet d’accroître les chances de succès car des connaissances sont nécessaires sur les plans du droit, de la construction et de la gestion des rapports humains. Malgré l’importance de l’accompagnement par un consultant, cette pratique semble peu courante en Wallonie. Le rejet des accompagnateurs de groupes est une caractéristique commune des habitats groupés, même si sa nécessité semble toutefois de mieux en mieux acceptée. Selon Camille Devaux (2015), les groupes craignent une perte de contrôle et d’autonomie et les potentiels copropriétaires considèrent souvent qu’ils peuvent s’en passer compte tenu des compétences dont ils disposent en interne.

65La complexité entraîne aussi de consacrer du temps au développement et les délais de réalisation sont plus importants que pour un logement classique. Cette temporalité n’est pas facilement ajustable aux contraintes économiques et de la vie quotidienne (Bresson et Tummers, 2014). Le cas des Zurbains est illustratif de la difficulté à s’adapter à cette temporalité. En effet, durant les 10 années nécessaires à la réalisation du projet, plusieurs ménages ont quitté le projet et d’autres ont présenté des difficultés financières pour rembourser leurs emprunts. Les travaux ayant pris du retard, certains ménages avaient vendu leur précédent logement bien avant de pouvoir vivre aux Zurbains.

66Ces différents aspects nécessitent une ingénierie pour réussir le développement d’un habitat groupé dans des délais respectables. À travers les cas d’étude, nous avons l’impression que cette ingénierie se développe en Belgique, mais des investigations plus approfondies devraient être réalisées sur ce sujet. En plus d’un développement de l’expertise, une participation des autorités publiques pourrait aussi contribuer au développement de l’autopromotion collective. Contrairement aux pays voisins, la participation d’acteurs publics est très limitée. Par exemple, à Fribourg, à Almere et à Strasbourg (Bresson et Tummers, 2014), il y a une réelle volonté des autorités pour promouvoir l’habitat groupé. Il y existe diverses aides qui portent généralement sur l’acquisition du terrain ou sur la consultance. En Wallonie et à Bruxelles, ces pistes devraient être envisagées si l’on tient réellement à soutenir ce modèle alternatif de coordination dans la production de logements.

Notes

671Il existe une grande variabilité des vocables utilisés en Europe pour qualifier ce que nous désignons ici comme « habitat groupé » : cohousing, collaborative ou self-help housing en anglais, baugruppen ou genossenschaft en allemand, woongroepen ou samenhuizen en néerlandais, habitat participatif, autopromotion ou coopératives d’habitants en français.

682Texte original : « Co-housing is a type of collaborative housing in which residents actively participate in the design and operation of their own neighbourhoods. Co-housing residents are consciously committed to living as a community. The physical design encourages both social contact and individual space » (The Cohousing Association of the United States, n.d.).

693L’ASBL Habitat et Participation est active en Belgique francophone. Son objectif est de promouvoir les processus décisionnels participatifs. Elle agit principalement dans le domaine de l’habitat, de la gestion des territoires et du développement urbain et rural.

704Texte original : « Het opkomen en ontstaan van initiatieven die hun oorsprong vinden in verbindingen binnen de maatschappij, die los staan van overheid en andere reguliere instanties en daar pas in een later stadium eventueel verbindingen mee aan gaan » (Huygen et al., 2012, p. 12).

715https://www.habitat-groupe.be/odhg/category/bruxelles/

726Constitution des Zurbains, association sans but lucratif ou ASBL du 28 novembre 2007, Moniteur belge, 7 décembre 2007.

737Texte original : « It consists of using direct and nonjudgmental language, expressing feelings and needs, and finally making a request as opposed to a demand » (Rose, 2006, p. 35).

748Texte original : « decision-making and governance method that allows an organization to manage itself as an organic whole » (Buck et Endenburg, 2012, p. 2)

759La revitalisation urbaine est un instrument de planification qui aide les partenariats publics-privés. Dans un périmètre déterminé où un acteur privé investit dans une opération de revitalisation urbaine, la Région wallonne octroie une subvention à la commune pour l’aménagement des espaces publics. Pour chaque euro pris en charge par la Région wallonne, le partenaire privé doit investir deux euros dont au moins un euro dans le logement. Le plafond de l’aide accordée par la Région à la commune est de 1,25 million d’euros. Cet instrument existe depuis 1990. Dans ce cadre, une convention entre la commune et l’investisseur privé est signée.

Bibliographie

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77Bours, J.-P. (2008, 23 septembre). Grandeurs et misères des sociétés de droit commun. Echo.

78Bresson, S., & Tummers, L. (2014). L’habitat participatif en Europe : Vers des politiques alternatives de développement urbain ? Métropoles, 15.

79Buck, J. A., & Endenburg, G. (2010). The Creative Forces of Self-Organization. Rotterdam: Sociocratic Center.

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81Carriou, C., & D’Orazio, A. (2015). L’habitat participatif, quand les institutions militent. Socio-anthropologie, 32, 139-154.

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86Halleux, J.-M. (2005). Le rôle des promotions foncières et immobilières dans la production des périphéries: application à la Belgique et à ses nouveaux espaces résidentiels. Revue géographique de l'Est, 45(3-4), 161-173.

87Halleux, J.-M., Marcinczak, S., & van der Krabben, E. (2012). The adaptive efficiency of land use planning measured by the control of urban sprawl. The cases of the Netherlands, Belgium and Poland. Land Use Policy, 29(4), 887-898.

88Huygen, A., van Marissing, E., Boutellier, J. C. J., & Nederland, G. J. J. (2012). Condities voor zelforganisatie. Utrecht: Verwey-Jonker Instituut.

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92Llorente, M. & Vilmin, T. (2010). Analyse économique de l’aménagement urbain. Une lecture néo- institutionnelle. Programme Villes & Territoires Durables, CSTB.

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99Teisman, G., van Buuren, A., & Gerrits, L. M. (Eds.). (2009). Managing complex governance systems. New-York: Routledge.

100The Cohousing Association of the United States (N.d.). What Is Cohousing? Repéré le 17 août 2014 à The Cohousing Association: http://www.cohousing.org/what_is_cohousing.

101Thompson, G., Frances J., Levačić, R. & Mitchell, J. (eds) (1991), Markets, Hierarchies and Networks: The Coordination of Social Life, London, Sage.

102Tummers, L. (2015). Understanding Co-Housing from a Planning Perspective: Why and How? Urban Research & Practice, 8(1), 64-78.

103Tummers, L. (2016). The Re-Emergence of Self-Managed Co-Housing in Europe: A Critical Review of Co-Housing Research. Urban Studies, 53(10), 2023-2040.

104Vallat, D. (2015, mai). Commons et innovation social. Papier présenté au XV^e^ Rencontres du Réseau Inter-Universitaire de l’Economie Sociale et Solidaire, Reims.

105Van Meerkerk, I., Boonstra, B., & Edelenbos, J. (2013). Self-organization in urban regeneration: A two-case comparative research. European Planning Studies, 21(10), 1630-1652.

106Vestbro, D. U. (2000). From collective housing to cohousing - A summary of research. Journal of Architectural and Planning Research, 17(2), 164-178.

107Wagenaar, H. (2007). Governance, complexity, and democratic participation: How citizens and public officials harness the complexities of neighbourhood decline. The American Review of Public Administration, 37(1), 17-50.

108Williamson, O. E. (1975). Markets and Hierarchies: Analysis and Antitrust Implications. New York: The Free Press.

Pour citer cet article

Perrine DETHIER & Jean-Marie HALLEUX, «Habitat groupé et autopromotion collective : quel accompagnement pour favoriser l’auto-organisation ? », Bulletin de la Société Géographique de Liège [En ligne], 73 (2019/2) - Varia, 65-83 URL : https://popups.uliege.be/0770-7576/index.php?id=5911.

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